Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

APPEL CIVIL

Com., 23 octobre 2019, n° 18-21.125, (P)

Irrecevabilité

Intérêt – Entreprise en difficulté – Jugement arrêtant le plan de cession – Débiteur – Nécessité de justifier d'un intérêt personnel

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Vu les articles L. 661-6, III, du code de commerce, 31 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers textes susvisés que si le débiteur a qualité à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, il doit en outre justifier d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours ; qu'il résulte du dernier texte que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts statuant sur le plan de cession de l'entreprise ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544) que, les 14 avril 2015 et 23 février 2016, la société Aux Délices de la tour (la société ADT), exploitant un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MJ Synergie étant désignée liquidateur ; que, par un jugement du 14 décembre 2015, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société ADT au profit de la société Boulangerie pâtisserie Febre ; que la société ADT a relevé appel de ce jugement ;

Attendu que la société ADT fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel formé par la société ADT, qu'elle devait justifier d'un intérêt à agir, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et a violé l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise ; que ce droit existe indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués par le débiteur pour obtenir la réformation de ce jugement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel de la société ADT, qu'elle n'était pas fondée à faire état d'offres présentées par le repreneur évincé, et qu'elle ne démontrait pas l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le tribunal en arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs et violé par refus d'application l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si cette chambre a jugé, le 12 juillet 2017, que le débiteur était, en raison de sa seule qualité, recevable à former appel du jugement qui arrête le plan de cession de son entreprise, sans qu'il y ait lieu de vérifier, en outre, l'existence de son intérêt propre, cette jurisprudence, non suivie par l'arrêt attaqué, a en outre soulevé des controverses doctrinales, justifiant sa réévaluation ; qu'en effet, si l'article L. 661-6, III, du code de commerce accorde au débiteur le droit de former appel, en vue de sa réformation, du jugement qui arrête ou rejette le plan de cession de son entreprise, mettant ainsi fin à toute difficulté quant à la qualité du débiteur à agir, ce texte n'exclut pas pour autant que, conformément à la règle de droit commun énoncée par l'article 546, alinéa 1, du code de procédure civile, le débiteur doive justifier de son intérêt à interjeter appel ; qu'ayant retenu que la société ADT n'avait proposé aucun plan de redressement, ne s'était pas, non plus, opposée à la cession de l'entreprise et que les seuls intérêts soutenus à l'appui de l'appel étaient ceux de son dirigeant, en raison des cautionnements qu'il avait souscrits, et d'un candidat repreneur évincé, tous deux étant irrecevables à former un tel recours, la cour d'appel n'a pas, en déclarant l'appel de la société ADT irrecevable faute d'intérêt, commis d'excès de pouvoir, de sorte que le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article L. 661-6, III, du code de commerce ; articles 31 et 546 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544, Bull. 2017, IV, n° 106 (cassation partielle).

Com., 23 octobre 2019, n° 18-17.926, (P)

Rejet

Procédure à jour fixe – Domaine d'application – Décision rejetant un plan de redressement et arrêtant un plan de cession

Donne acte à la société Eugenia gestion du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Bastia ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 4 avril 2018), que la société Eugenia gestion a été mise en redressement judiciaire le 5 avril 2016 ; que son projet de plan de redressement a été rejeté par le tribunal, lequel, dans la même décision, a arrêté un plan de cession au profit de la société Clinéo ; que la société Eugenia gestion a formé appel de cette décision ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu qu'il est soutenu que le pourvoi n'est pas recevable en application de l'article L. 661-6, III du code de commerce qui réserve au ministère public le pourvoi en cassation contre les décisions arrêtant un plan de cession, sauf excès de pouvoir ;

Mais attendu que l'article L. 661-1, 6° du code de commerce ouvre au débiteur tant l'appel que le pourvoi en cassation contre les décisions qui statuent sur l'arrêté d'un plan de redressement ; que la société Eugenia gestion est dès lors recevable à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt ayant déclaré irrecevable son appel contre le jugement qui a, à la fois, rejeté son plan de redressement et arrêté un plan de cession ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Eugenia gestion fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque, par une même décision, le tribunal rejette le plan de redressement présenté par le débiteur et adopte un plan de cession, son jugement est susceptible d'appel, sans être soumis à la procédure à jour fixe ; qu'après avoir constaté que, par jugement du 9 mai 2017, le tribunal de commerce de Bastia avait rejeté le plan de redressement présenté par la société Eugenia gestion et prononcé la cession totale de l'entreprise au profit de la société Clinéo, la cour d'appel ne pouvait retenir que l'appel formé contre cette décision devait être introduit selon les modalités de la procédure à jour fixe, sans violer l'article R. 661-6 du code de commerce ;

2°/ que s'il résulte de l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce, il est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, en cas d'excès de pouvoir ; que l'emploi par le débiteur de la procédure ordinaire aux lieu et place de la procédure à jour fixe à laquelle est soumis l'appel des jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession n'affecte pas le lien d'instance régulièrement formé par la déclaration d'appel ; que commet un excès de pouvoir la cour d'appel qui déclare l'appel irrecevable, en dépit du lien d'instance ainsi créé ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société Eugenia gestion pour n'avoir pas recouru aux modalités prévues pour la procédure à jour fixe, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article R. 661-6 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 661-6, 2° et 3° du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 24 décembre 2012, que lorsque dans un même jugement, le tribunal rejette un plan de redressement et arrête un plan de cession, l'appel de cette décision, ouvert au débiteur tant en application de l'article L. 661-1, 6° du code de commerce, que de l'article L. 661-6, III du même code, doit néanmoins être formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe ; qu'ayant constaté que le jugement qui avait rejeté le plan de redressement proposé par la société Eugenia gestion avait également arrêté un plan de cession de ses actifs au profit de la société Clinéo, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel de ce jugement était soumis à la procédure à jour fixe ;

Et attendu, d'autre part, qu'est irrecevable l'appel formé selon une modalité différente de celle prévue par la loi ; qu'ayant relevé que la société Eugenia gestion n'avait pas recouru aux formes prévues aux articles 917 à 925 du code de procédure civile, comme l'article R. 661-6, 3° du code de commerce lui en faisait l'obligation, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel n'était pas recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Marlange et de La Burgade ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 661-1, 6°, du code de commerce ; articles L. 661-1, 6°, L. 661-6, III, et R. 661-6, 2° et 3°, du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 24 décembre 2012 ; articles 917 et 925 du code de procédure civile.

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