Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE

Soc., 3 octobre 2018, n° 17-20.301, (P)

Rejet

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Consultation – Consultation pour avis – Saisine par le comité d'établissement dans le cadre d'une procédure d'information consultation – Demande de communication par l'employeur d'éléments d'information supplémentaires – Saisine du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés – Possibilité

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui dans le cadre d'une procédure d'information consultation doit rendre son avis au comité d'établissement, a qualité pour agir devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de communication par l'employeur d'éléments d'information supplémentaires.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2017), que la direction des services partagés (DSP) de la société Electricité de France (EDF), envisageant une nouvelle cartographie de ses sites d'implantation, a les 24 et 26 mai 2016 engagé une procédure d'information consultation des deux comités d'établissement ainsi que des vingt-six comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) implantés en son sein relative à un « projet de schéma directeur des implantations des entités de la DSP » ; que le 24 juin 2016, estimant ne pas disposer des informations suffisantes pour rendre un avis motivé, les deux comités d'établissement et dix-sept CHSCT ont saisi le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ; que huit autres CHSCT sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que la société EDF fait grief à l'arrêt de déclarer les CHSCT recevables en leur intervention volontaire et en leur action jointe à celle des comités d'établissement de la DSP et de lui ordonner de remettre aux CHSCT un certain nombre de documents, alors, selon le moyen, que l'article L. 2323-4 du code du travail dispose, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, applicable en la cause, que les membres élus du comité d'entreprise peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que lors même que consulté parallèlement au comité d'entreprise, son avis devrait être préalablement communiqué à celui-ci, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne tient d'aucune disposition la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés aux mêmes fins, ni d'intervenir, dans son intérêt propre, dans l'instance ouverte par la demande du comité d'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors juger recevable l'action ou l'intervention des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tendant à voir enjoindre la société EDF de leur transmettre tels éléments, sans violer l'article L. 2323-4 du code du travail ;

Mais attendu que le CHSCT, qui dans le cadre d'une procédure d'information consultation doit rendre son avis au comité d'établissement, a qualité pour agir devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de communication par l'employeur d'éléments d'information supplémentaires ;

Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que les deux comités d'établissement avaient sollicité le concours des CHSCT sur le volet conditions de travail et impact sur la santé du schéma directeur d'implantation des deux entités de la DSP, et demandé la transmission de leur avis, en a exactement déduit que l'action et l'intervention volontaire des différents CHSCT étaient recevables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Basset - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2323-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; article L. 2323-46 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Soc., 17 octobre 2018, n° 17-17.985, (P)

Cassation partielle

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de résultat – Manquement – Cas

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er juillet 2001 par la société d'expertise comptable Palmese et associés en qualité d'assistant confirmé, M. X... a exercé les fonctions de conseiller du salarié à compter de mars 2012 et s'est présenté comme candidat aux élections des délégués du personnel en avril 2015 ; que suivant autorisation de l'inspecteur du travail en date du 10 octobre 2015 confirmée le 27 mai 2016 par le ministre du travail, il a été licencié le 12 octobre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le 17 avril 2014, il avait saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquement de l'employeur à diverses obligations, dont l'obligation de sécurité ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :

Sur le moyen unique :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors, selon le moyen, que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'à la suite de l'altercation verbale entre M. X... et M. Z..., le 29 juillet 2013, la société Palmese avait organisé une réunion en présence des deux protagonistes et de Mme A... pour résoudre leur différend lié à des difficultés de communication, que M. Z... s'est excusé au cours de cette réunion et que la société Palmese a ensuite organisé des réunions périodiques afin de faciliter l'échange d'informations entre services, et entre ces deux salariés notamment ; qu'en affirmant néanmoins que la société Palmese n'a pas mis en place les mesures nécessaires pour prévenir le risque de renouvellement de cet incident, sans expliquer quelle autre mesure concrète la société Palmese aurait dû prendre pour prévenir la réalisation de ce risque, indépendamment des responsabilités de chacun dans l'incident et alors que les salariés avaient jusqu'alors travaillé pendant 10 ans sans incident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que bien qu'ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l'un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d'un nouvel incident, la société n'avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l'altercation et des réunions périodiques de travail concernant l'ensemble des salariés, qu'elle n'avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et a légalement justifié sa décision ;

Sur le pourvoi du salarié :

Sur le premier moyen en ce qu'il vise la demande de résiliation judiciaire :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur sa demande de résiliation judiciaire, alors, selon le moyen :

1°/ que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que cette inaptitude est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en déclarant irrecevable la demande de résiliation judiciaire et de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail présentée par M. X..., au motif inopérant que son licenciement pour inaptitude avait été autorisé par l'inspecteur du travail, quand le salarié soutenait que le manquement de la société Palmese à son obligation de sécurité, cause de cette inaptitude, était suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2421-3 et L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ qu'en outre, en se déclarant incompétente pour statuer sur une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail fondée sur un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à l'origine de l'inaptitude physique de M. X... à son emploi que l'autorité administrative n'avait pas elle-même le pouvoir de trancher, privant ainsi le salarié de toute possibilité de voir un juge se prononcer sur cette demande et ses conséquences, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; que toutefois, le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen en ce qu'il vise les dommages-intérêts au titre d'un licenciement abusif et l'indemnité compensatrice de préavis :

Vu la loi des 16-24 août 1790 ensemble le principe de séparation des pouvoirs, l'article L. 2421-3, alors applicable, et l'article L. 4121-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et la demande d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt énonce qu'au vu de la loi des 16-24 août 1790 et de l'article L. 2411-1 du code du travail, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de séparation des pouvoirs se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur et, par voie de conséquence, sur les demandes afférentes à un licenciement abusif, même si, comme en l'espèce, la saisine du conseil des prud'hommes est antérieure à la rupture ;

Attendu, cependant, que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'à cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans examiner la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive fondée sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude et d'indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi du salarié :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et déboute M. X... de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 14 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; articles L. 2421-3 alors applicable et L. 4121-1 du code du travail ; loi des 16-24 août 1790 ; principe de séparation des pouvoirs.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de sécurité de résultat à la charge de l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, à rapprocher : Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, Bull. 2015, V, n° 234 (cassation), et les arrêts cités. Sur la possibilité offerte à un salarié protégé, licencié pour inaptitude après une autorisation accordée par l'autorité administrative, de faire valoir devant les juridictions judiciaires les droits résultant de l'origine de l'inaptitude, à rapprocher : Soc., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-20.301, Bull. 2013, V, n° 286 (rejet) ; Soc., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-15.775, Bull. 2017, V, n° 108 (rejet).

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