Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 10 octobre 2018, n° 17-10.248, (P)

Cassation partielle

Réglementation – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Code de l'action sociale et des familles – Permanents des lieux de vie – Forfait annuel en jour – Modalités fixées par décret – Publication – Moment – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze a engagé Mme X... à compter du 4 mars 2013 en qualité d'accueillante permanente responsable d'un lieu de vie d'enfants en difficulté ou handicapés, moyennant une rémunération forfaitaire sur la base de deux cent cinquante-huit jours travaillés par année ; qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 23 mai 2014, la salariée, contestant les conditions de son contrat et imputant la dégradation de son état de santé à une charge de travail excessive, a saisi la juridiction prud'homale le 23 décembre 2014 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 août 2015 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'ayant constaté que l'employeur s'était abstenu, en toute connaissance de cause, d'assurer un suivi de la charge de travail de la salariée, soumise à une durée du travail déraisonnable, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'employeur avait ainsi manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :

Vu les articles 1er, alinéa 1er du code civil et L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;

Attendu que selon le premier de ces textes, les lois et, lorsqu'ils sont publiés au journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication ; que toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ;

Attendu que pour appliquer le forfait annuel de deux cent cinquante-huit jours prévu par l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles pour les permanents responsables et les assistants permanents exerçant au sein des lieux de vie et d'accueil autorisés en application de l'article L. 313-1 du même code, l'arrêt retient que l'absence de décret d'application concernant les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés n'a pas pour conséquence de priver d'effets les autres dispositions de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et qu'elle constatait que le décret d'application auquel renvoie l'article L. 433-1 susvisé, pour la détermination des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, nécessaire à la garantie du droit à la santé et au repos par une amplitude et une charge de travail raisonnables assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, n'était pas intervenu à la date d'exécution de la prestation de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de compensation pour les heures hors contingent, l'arrêt rendu le 7 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 1er, alinéa 1, du code civil ; article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles ; alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.

Soc., 10 octobre 2018, n° 17-17.890, (P)

Cassation

Repos et congés – Congés payés – Durée – Fractionnement des congés – Fractionnement à l'initiative du salarié – Effets – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3141-19 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 23 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, et sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ;

Attendu, selon le second de ces textes, que lorsque l'employeur exige qu'une partie des congés à l'exclusion de la cinquième semaine soit prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, il sera attribué deux jours ouvrés de congés supplémentaires lorsque le nombre de jours ouvrés pris en dehors de cette période est au moins égal à cinq, un jour ouvré de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours ouvrés de congé pris en dehors de cette période est égal à trois ou quatre ;

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, que M. X..., engagé le 21 juin 2004, par la société Alten en qualité de consultant technicien a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour le débouter de ses demandes au titre du fractionnement du congé principal, le jugement retient que le salarié n'étant pas en mission a toute possibilité de poser ses congés sur la période légale, qu'il a choisi unilatéralement de poser ses congés en dehors de la période légale et qu'il ne démontre pas que c'était exclusivement à la demande de son employeur ;

Attendu, cependant, qu'en l'absence de dérogation conventionnelle à l'article L. 3141-18 du code du travail, le droit à des jours de congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement, que ce soit l'employeur ou le salarié qui en a pris l'initiative ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les dispositions de l'article 23 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, et sociétés de conseils, ne dérogent pas à l'article L. 3141-19 du code du travail en ce qui concerne les droits des salariés à des jours de congés supplémentaires en cas de fractionnement, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 février 2017, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Nanterre.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Aubert-Monpeyssen - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 3141-19 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 23 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de l'article 23 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils du 15 décembre 1987, à rapprocher : Soc., 19 juin 2002, pourvoi n° 99-45.837, Bull. 2002, V, n° 207 (rejet).

Soc., 10 octobre 2018, n° 16-17.794, n° 16-17.993, (P)

Cassation partielle

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif

La compensation forfaitaire destinée à rémunérer les 4 heures 30 de pause des agents des formations locales de sécurité du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui travaillent selon un rythme « 24x48 », ne peut se cumuler avec le paiement de ces mêmes temps de pause requalifiés en temps de travail effectif.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-17.794 et n° 16-17.993 ;

Donne acte à Mme X..., de ce que, en tant qu'héritière de Jean-Yves X..., décédé le [...], elle reprend l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 20 février 2013, n° 11-26.402), que M. X... a été engagé en qualité d'agent de sécurité par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), affecté dans « les formations locales de sécurité » selon un rythme de travail « 24X48 », alternant une amplitude de travail de vingt-quatre heures trente minutes, comprenant quatre heure trente minutes de « pause », et une période de quarante-huit heures de repos ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant, notamment, à obtenir la prise en compte comme temps de travail effectif des quatre heures trente de « pause » ; que par suite du décès de Jean-Yves X... survenu le [...], l'instance a été reprise par Mme Audrey X... en qualité d'héritière ;

Sur le moyen unique du pourvoi du salarié, pris en ses deux premières branches : Publication sans intérêt

Sur le moyen unique du pourvoi du salarié, pris en ses cinquième à huitième branches, après avis donné aux parties : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen unique du pourvoi du salarié, pris en ses troisième et quatrième branches : Publication sans intérêt

Et sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :

Vu les articles L. 1221-1 et L. 3121-1 du code du travail, ensemble les dispositions du titre 8 du code de gestion du personnel du CEA dans leur rédaction applicable ;

Attendu que pour condamner l'employeur à une certaine somme, l'arrêt retient que la compensation forfaitaire accordée pour les 4 heures 30 de pause, qui ne distingue pas si dans le temps, elles se situent la nuit, les dimanches ou les jours fériés, et qui entre dans l'ensemble des avantages destinés à dédommager le salarié des inconvénients liés à son service, ne sera pas déduite des sommes qui lui sont allouées au titre de la rémunération des heures de travail effectif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la compensation forfaitaire destinée à rémunérer les 4 heures 30 de pause ne peut se cumuler avec le paiement de ces mêmes temps de pause requalifiés en temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il invite les parties à soumettre à la cour le calcul des rappels de salaires dus à Jean-Yves X... pour la totalité de la période en excluant les primes d'ancienneté du salaire de référence, l'arrêt rendu le 30 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble, et en ce qu'il dit que la rémunération du salarié au titre des 4 heures 30 de pause s'élève à 60 368,35 euros et, après déduction de la somme de 47 159,30 euros déjà versée au salarié, condamne le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à payer à Jean-Yves X... la somme de 13 227,05 euros à titre de rappel de salaire, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1221-1 et L. 3121-1 du code du travail ; titre 8 du code de gestion du personnel du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dans sa rédaction applicable.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.