Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

SUCCESSION

1re Civ., 17 octobre 2018, n° 17-26.945, (P)

Cassation

Partage – Nullité – Action en nullité pour cause d'erreur – Conditions – Détermination

Le partage ne peut être annulé pour erreur que si celle-ci a porté sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 887, alinéas 2 et 3, du code civil ;

Attendu que le partage ne peut être annulé pour erreur que si celle-ci a porté sur l'existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et Mme Y..., après avoir vécu en concubinage, ont conclu par acte sous seing privé le partage de leurs biens indivis, prévoyant que ceux-ci, qui avaient été entièrement financés par M. X..., étaient attribués à celui-ci, et le versement à Mme Y... d'une somme de 6 000 euros ; que cette dernière l'a assigné en nullité de ce partage amiable et en partage judiciaire ;

Attendu que, pour accueillir ces demandes, après avoir relevé que les immeubles faisant l'objet du partage étaient évalués entre 214 000 et 227 000 euros, le premier arrêt, rectifié par le second, retient que l'amplitude entre la somme revenant à Mme Y... et la valeur de ces biens montre que l'erreur commise par celle-ci porte sur l'existence de ses droits et non seulement sur la valeur, que cette somme, consentie après trente ans de vie commune, est une négation de ses droits alors qu'elle était cosignataire de tous les actes d'achat et des emprunts destinés à leur financement et qu'elle est si dérisoire et insignifiante au regard de ses droits qu'elle ne peut être constitutive d'une erreur sur la valeur ou d'une lésion ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'erreur commise sur l'existence ou la quotité des droits d'un copartageant, de nature à justifier l'annulation d'une convention de partage, ne peut être déduite du seul constat d'une différence entre la valeur du lot attribué à celui-ci et celle des biens partagés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 22 mai et 10 août 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Article 887, alinéas 2 et 3, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des conditions de l'action en nullité du partage pour cause d'erreur, à rapprocher : 1re Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 17-12.480, Bull. 2018, I, n° 24 (cassation partielle).

1re Civ., 17 octobre 2018, n° 17-26.725, (P)

Rejet

Salaire différé – Demande en paiement – Parents exploitants successifs – Effets – Existence d'un unique contrat de travail – Conditions – Exécution du contrat au cours de chaque période d'exploitation

Au cas où chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, leur descendant ne peut se prévaloir d'un unique contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions qu'à la condition que ce contrat ait reçu exécution au cours de l'une et de l'autre des deux périodes.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 août 2017), que Gérard X... et son épouse Gilberte I... sont respectivement décédés les 21 juillet 1976 et 17 juillet 2012, laissant pour leur succéder leurs enfants Gilbert, Géraldine, Chantal, Geneviève, Marie-Josée, Christine et Bruno ainsi que, par représentation de leur fille Martine, prédécédée, leurs petits-enfants Marie-Pierre, Dominique et Anne J... ; que, les 3, 7 et 12 février 2014, M. Gilbert X... et Mme Géraldine X... ont assigné leurs cohéritiers en partage et chacun revendiqué une créance de salaire différé ; que Chantal X... est décédée en cours d'instance, son mari, M. Z... venant à ses droits ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Gilbert X... fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen, que lorsque deux époux ont la qualité d'exploitants successifs, le créancier de salaire différé est réputé titulaire d'un seul contrat pour sa participation à l'exploitation de sorte qu'il peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription de la créance de salaire différé se situe à l'ouverture de la succession de l'exploitant survivant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les ascendants de M. Gilbert X... étaient exploitants successifs, l'exploitation agricole ayant d'abord été dirigée par son père, Gérard X..., décédé le 21 juillet 1976, puis par sa mère, Gilberte X..., décédée le 17 juillet 2012 ; que, pour juger prescrite la demande de créance de salaire différé revendiquée par M. Gilbert X..., la cour d'appel a retenu que M. Gilbert X... avait travaillé sur l'exploitation dirigée par son père du 18 février 1956 au 28 février 1958 et du 15 juillet 1960 au 31 décembre 1962, et que plus de trente ans s'étaient écoulé entre la disparition de son père le 21 juillet 1976 et la mise en oeuvre de l'action ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en paiement d'une créance de salaire différé présentée par M. Gilbert X..., au motif que plus de trente ans s'étaient écoulés depuis l'ouverture de la succession de Gérard X..., quand l'action pouvait également être exercée à l'encontre de la succession de Gilberte X..., ouverte le 17 juillet 2012, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'au cas où chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, leur descendant ne peut se prévaloir d'un unique contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions qu'à la condition que ce contrat ait reçu exécution au cours de l'une et de l'autre des deux périodes ; qu'ayant constaté que M. Gilbert X... soutenait avoir travaillé sans rémunération du 18 février 1956 au 28 février 1958 puis du 15 juillet 1960 au 31 décembre 1962, et souverainement estimé que sa mère n'avait acquis la qualité d'exploitante agricole qu'après le décès de son père, le 21 juillet 1976, la cour d'appel en a exactement déduit que son action en reconnaissance d'une créance de salaire différé était prescrite, plus de trente ans s'étant écoulés depuis cette date ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Reynis - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Rapprochement(s) :

Sur l'exercice d'un droit de créance de salaire différé en cas de parents exploitants successifs, à rapprocher : 1re Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 11-28.359, Bull. 2013, I, n° 29 (rejet), et l'arrêt cité.

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