Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS

Soc., 10 octobre 2018, n° 17-13.418, (P)

Cassation partielle

Gérant – Gérant non salarié – Succursale de maison d'alimentation de détail – Rémunération – Rémunération conventionnelle minimum garantie – Montant – Détermination – Cas – Cogérance – Fondement – Accord collectif national concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963 – Portée

Selon les articles 4, 5, 7 de l'accord collectif national concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963, en cas de gérance normale, le montant de la rémunération garantie s'entend de la rémunération garantie non à chacun des cogérants mais à l'ensemble des cogérants.

Encourt la cassation, l'arrêt qui, en cas de cogérance, alloue à chacun des gérants la rémunération conventionnelle garantie prévue pour l'ensemble de la cogérance.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 24 mai 2004, M. et Mme X... (ci-après les époux X...) ont signé avec la société Distribution Casino France (ci-après la société Casino), un contrat de gérants mandataires non salariés ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier et quatrième moyens du pourvoi principal de la société Casino et les cinq moyens du pourvoi incident des époux X... : Publication sans intérêt

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Casino : Publication sans intérêt

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal de la société Casino : Publication sans intérêt

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Casino :

Vu les articles 4, 5 et 7 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963, étendu par arrêté du 25 avril 1985 ;

Attendu selon le premier article de ces textes que les gérances sont réparties en deux catégories, les gérances d'appoint et les gérances normales, que la seconde est assurée par deux gérants mandataires non salariés au minimum et fait l'objet d'un contrat de cogérance, que selon le deuxième article les sociétés garantissent à leurs gérants mandataires non salariés une commission mensuelle minimum, tant pour la gérance d'appoint que pour la gérance normale, qu'à compter du 1er janvier 2015, les minima garantis sont les suivants gérance 1re catégorie : 1 635 euros par mois, gérance 2e catégorie : 2 380 euros par mois ;

Attendu que pour condamner la société Casino à verser à Mme X... une certaine somme à titre de rappels de commissions supplémentaires mensuelles pour la période de janvier 2008 à février 2016 outre congés payés afférents, et à M. X... un rappel de congés payés à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que chacun des gérants réclamait l'allocation de la somme minimale garantie par l'accord collectif pour une gérance unique, retient que les dispositions du code du travail applicables aux salariés doivent trouver application en ce qui concerne la rémunération revenant individuellement à chacun des cogérants de sorte qu'il convient de dire que la rémunération devant être garantie à chacun est la rémunération conventionnelle, que toutefois, cette rémunération conventionnelle ayant été perçue par les cogérants depuis 2008, il ne peut être fait droit à la demande formée devant la cour revenant à servir cette rémunération conventionnelle à nouveau à chacun des cogérants, de sorte qu'il convient de la fixer à la somme de 102 767 euros outre congés payés afférents, de dire qu'elle devra être payée à Mme X... à titre de rappels de commissions, tout en allouant à M. X... au nom duquel les bulletins de commissions versées étaient émis, la somme de 10 263 euros au titre des congés payés sur les commissions perçues sur la base du minimum conventionnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de gérance normale, le montant de la rémunération garantie s'entend de la rémunération garantie non à chacun des cogérants mais à l'ensemble des cogérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Distribution Casino France à verser à Mme Y... épouse X... la somme de 102 767 euros bruts au titre des rappels de commissions sur la base du minimum conventionnel pour la période de janvier 2008 à février 2016 outre 10 277 euros bruts au titre des congés payés afférents et à M. X... la somme de 10 263 euros au titre des congés payés afférents aux commissions perçues, l'arrêt rendu le 16 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 4, 5 et 7 de l'accord collectif national concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires » du 18 juillet 1963, mis à jour par accord du 24 septembre 1984 et étendu par arrêté du 25 avril 1985.

Soc., 10 octobre 2018, n° 16-26.497, (P)

Cassation

Gérant – Statut du salarié – Bénéfice – Conditions – Appréciation – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... se sont vu confier par la société Casino distribution France la gérance de magasins dans le cadre d'un contrat de cogérance à titre précaire à compter du 7 janvier 2002 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification, dès l'origine, de leur contrat de gérants mandataires non salariés en un contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, le paiement d'heures supplémentaires et la résiliation du contrat aux torts de l'employeur avec toutes les conséquences indemnitaires en découlant ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail ;

Attendu que pour requalifier la relation contractuelle en un contrat de travail, l'arrêt retient qu'en l'espèce, la brièveté et la multiplicité des remplacements confiés aux époux X..., tels qu'ils ressortent des listes annuelles des intérims produits aux débats, leur interdisaient dans les faits d'envisager leur propre remplacement et l'engagement de salariés et les contraignaient à exploiter « à titre tout-à-fait précaire », comme le spécifie le contrat signé par eux avec la société Casino, les magasins confiés dans le strict respect de l'organisation mise en place par le ou les gérants mandataires remplacés, eux-mêmes astreints à de multiples règles et procédure, ce qui démontre leur absence totale de liberté dans la gestion, qu'à cet égard, des attestations concordantes des gérants « intérimaires » placés dans une situation identique à celle qui leur a été imposée par la société Casino, des salariés de cette société chargés de contrôler l'activité des gérants et des gérants remplacés, de M. X, gérant mandataire et délégué syndical, mais aussi le document intitulé « dossier intérimaires 2004 » établissent l'interdiction de modifier les horaires et jours d'ouverture et de fermeture des magasins sous peine de sanctions officielles ou financières déguisées, la prohibition de modification d'implantation des marchandises, la fixation des jours d'inventaire sans possibilité de changement, l'établissement d'un compte-rendu d'intérim à remettre au seul service commercial de la direction régionale à la fin de chaque période d'intérim, la réception à la fin de chaque année pour les couples de gérants dits intérimaires de la part de la direction de Casino d'un planning des remplacements à effectuer, et que les époux X... ont été plus particulièrement destinataires le 30 octobre 2009 d'une lettre de la société les menaçant, à la suite d'un changement mineur des horaires d'ouverture du magasin le jeudi 8 octobre précédent de mettre fin aux relations contractuelles, ce qui doit être considéré comme l'exercice à leur encontre par la société de son pouvoir disciplinaire ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs, tirés de la brièveté et de la multiplicité des remplacements ainsi que de contraintes inhérentes aux conditions d'exploitation des magasins concernés, ne permettant pas à eux seuls de caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen du chef de requalification du contrat de M. et Mme X... en contrat salarié de droit commun, entraîne, par voie de conséquence, la cassation sur les deuxième, troisième et quatrième moyens des chefs de condamnation en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires, au titre des périodes interstitielles et du prononcé de la résiliation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Goasguen - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

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