Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 11 octobre 2018, n° 17-17.288, (P)

Rejet

Cotisations – Paiement – Charge – Détermination – Cas – Expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce

Selon les articles L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, et 1er, 2°, du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000, modifié par le décret n° 2008-267 du 18 mars 2008, les experts désignés par le juge en application de l'article 264 du code de procédure civile figurent au nombre des personnes qui exerçant à titre occasionnel pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics administratifs, d'une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public à caractère administratif, une activité dont la rémunération est fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice doivent être obligatoirement affiliées au régime général.

En ce qu'ils apportent leur concours au service public de la justice, les experts judiciaires désignés par les juges du tribunal de commerce ont la qualité de collaborateurs occasionnels de la juridiction et non du greffe de celle-ci, de sorte qu'une cour d'appel en déduit exactement que la société, greffier titulaire de charge auprès de ce tribunal n'est pas redevable des cotisations et contributions sociales afférentes aux honoraires versés aux experts.

Donne acte à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côtes d'Azur du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 2017) que l'URSSAF du Var, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), lui ayant notifié une lettre d'observations suivie, le 6 avril 2012, d'une mise en demeure portant notamment sur un redressement du chef de l'assujettissement des honoraires versés aux experts judiciaires en leur qualité de collaborateurs occasionnels du service public, la société X... (la société), titulaire d'une charge de greffier auprès du tribunal de commerce de Toulon, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement litigieux, alors, selon le moyen :

1°/ que les experts désignés par le juge en application de l'article 264 du code de procédure civile, qui collaborent occasionnellement au service public, sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général ; que les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics administratifs en dépendant et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public administratif - tels que le greffe du tribunal de commerce - qui font appel à ces experts judiciaires sont redevables des cotisations de sécurité sociale, de la CSG et de la CRDS sur les rémunérations versées à ces experts ; qu'en jugeant que le greffe du tribunal de commerce n'est jamais redevable des cotisations sociales, CSG, CRDS sur ces sommes au prétexte inopérant qu'il ne nomme pas l'expert judiciaire, ni ne fixe le montant de ses honoraires mais qu'il n'a qu'une mission de séquestre, la cour d'appel a violé les articles L. 311-2 et L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1er du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000 modifié par décret n° 2008-267 du 18 mars 2008 ainsi que la lettre-circulaire Acoss n° 2008-065 ;

2°/ que les experts désignés par le juge en application de l'article 264 du code de procédure civile, qui collaborent occasionnellement au service public, sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général ; que les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics administratifs en dépendant et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public administratif - tels que le greffe du tribunal de commerce - qui font appel à ces experts judiciaires sont redevables des cotisations de sécurité sociale, de la CSG et de la CRDS sur les rémunérations versées à ces experts ; qu'en décidant du contraire au prétexte inopérant que l'article R. 741-2 du code de commerce définissant les missions du greffe du tribunal de commerce ne comportent pas l'obligation, en sa qualité de séquestre des provisions réglées par les justiciables, d'appliquer des prélèvements sociaux sur ces fonds ou de procéder à la modification des titre exécutoires, la cour d'appel a violé les articles L. 311-2 et L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1er du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000 modifié par décret n° 2008-267 du 18 mars 2008 ainsi que la lettre-circulaire Acoss n° 2008-065 ;

Mais attendu que, selon les articles L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, et 1er, 2°, du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000, modifié par le décret n° 2008-267 du 18 mars 2008, applicables à la date d'exigibilité des cotisations et contributions litigieuses, les experts désignés par le juge en application de l'article 264 du code de procédure civile figurent au nombre des personnes qui, exerçant à titre occasionnel pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics administratifs, d'une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public à caractère administratif, une activité dont la rémunération est fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice doivent être obligatoirement affiliées au régime général ;

Et attendu qu'ayant fait ressortir que les experts judiciaires désignés par les juges du tribunal de commerce apportaient leur concours au service public de la justice, ce dont il résultait qu'ils avaient la qualité de collaborateurs occasionnels de la juridiction et non du greffe de celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que la société, titulaire de la charge de greffier auprès de ce tribunal, n'était pas redevable des cotisations et contributions sociales afférentes aux honoraires versés aux experts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ; article 1er, 2°, du décret 2000-35 du 17 janvier 2000, modifié par le décret 2008-267 du 18 mars 2008.

2e Civ., 11 octobre 2018, n° 17-25.956, (P)

Cassation

Vieillesse – Pension – Information des assurés – Relevé de situation individuelle – Contenu – Action en contestation – Recevabilité

Selon les dispositions combinées des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension.

Il en résulte que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction du contentieux général le report des durées d'affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 161-17, L. 381-15, L. 382-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 142-1 du même code ;

Attendu, selon le deuxième de ces textes, que les ministres du culte et les membres des congrégations et collectivités religieuses qui ne relèvent pas, à titre obligatoire, d'un autre régime de base de sécurité sociale, relèvent du régime général et sont affiliés auprès de la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (la CAVIMAC) instituée par le troisième ; que, selon les dispositions combinées du premier, du quatrième et du cinquième, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension ; qu'il en résulte que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction du contentieux général le report des durées d'affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant reçu de la CAVIMAC un relevé de situation individuelle, M. X... a demandé à celle-ci la prise en compte, pour la détermination de ses droits à pension, de sept trimestres correspondant à sa période de noviciat ; que la commission de recours amiable de la CAVIMAC ayant déclaré son recours irrecevable, l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire M. X... irrecevable en sa demande, l'arrêt énonce qu'il dispose d'un intérêt à agir, mais que l'étendue des droits de l'assuré social s'apprécie uniquement au moment de la liquidation de ses droits à pension ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... demandait la prise en compte de périodes d'affiliation et de cotisations susceptibles de lui ouvrir des droits à pension, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cadiot - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle, à rapprocher : 2e Civ., 16 février 2012, pourvoi n° 11-10.646, Bull. 2012, II, n° 31 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 11 octobre 2018, n° 17-20.932, (P)

Cassation partielle

Vieillesse – Pension – Liquidation – Caractère définitif – Conditions – Détermination

Selon l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, rendu applicable au régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles par l'article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime, la pension de retraite ne revêt un caractère définitif que lorsque son attribution a fait l'objet d'une décision de l'organisme dûment notifiée à l'assuré et non contestée en temps utile par ce dernier.

Viole ce texte la cour d'appel qui rejette le recours d'un assuré aux motifs qu'il ne peut être procédé à la révision d'une retraite liquidée du fait de la survenance d'événements apparus postérieurement à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à assurance vieillesse, que ce n'est qu'à la suite de la notification de ses droits à retraite que l'intéressé a saisi la commission de recours amiable pour demander un complément de retraite au titre de l'inaptitude et que ce recours ne portait pas sur la décision d'attribution, mais était destiné à revoir le montant de la retraite allouée, alors qu'il résultait de ses constatations que l'assuré avait formé sa demande de prise en compte de son inaptitude au travail dans le délai de recours contentieux, de sorte que la décision de la caisse liquidant ses droits à pension n'était pas devenue définitive.

Vieillesse – Pension – Liquidation – Caractère définitif – Exclusion – Cas – Demande de prise en compte de l'inaptitude au travail de l'assuré formulée dans le délai de recours contentieux

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, rendu applicable au régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles par l'article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que la pension de retraite ne revêt un caractère définitif que lorsque son attribution a fait l'objet d'une décision de l'organisme dûment notifiée à l'assuré et non contestée en temps utile par ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... (l'assuré) a sollicité de la caisse de mutualité sociale agricole des Alpes du Nord (la caisse), la liquidation de ses droits à l'assurance vieillesse ; que la caisse ayant fait droit, le 8 septembre 2010, à sa demande, il a contesté cette décision, le 28 septembre suivant, devant la commission de recours amiable, en se prévalant de son inaptitude au travail ; qu'après le rejet de sa contestation, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter le recours de l'assuré, l'arrêt retient que M. Z... n'a, d'une part, jamais fait état de ses différents problèmes de santé avant son recours, mais surtout et en application de l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, qu'il ne peut être procédé à la révision d'une retraite liquidée du fait de la survenance d'événements apparus postérieurement à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à assurance vieillesse ; qu'en effet, ce n'est que suite à la notification de ses droits à retraite intervenue le 8 septembre 2010 que M. Z... a saisi, le 28 septembre 2010, la commission de recours amiable pour demander un complément de retraite au titre de l'inaptitude ; que ce recours ne portant pas sur la décision d'attribution, mais étant destiné à revoir le montant de la retraite allouée, M. Z... est dès lors infondé à former un tel recours s'analysant en réalité en une demande de révision de sa pension ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'assuré avait formé sa demande de prise en compte de son inaptitude au travail dans le délai de recours contentieux, de sorte que la décision de la caisse liquidant ses droits à pension n'était pas devenue définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de revalorisation de sa pension de retraite pour cause d'inaptitude formée par M. Z..., l'arrêt rendu le 14 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article R. 351-10 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur le principe de l'intangibilité des pensions de retraite liquidées, à rapprocher : 2e Civ., 25 janvier 2018, pourvoi n° 16-27.854, Bull. 2018, II, n° 11 (cassation partielle), et les arrêts cités.

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