Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 18 octobre 2018, n° 17-21.293, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Commandement – Péremption – Constatation – Demande – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Les dispositions de l'article R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient que la constatation de la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière peut être demandée jusqu'à la publication du titre de vente, dérogent à celles de l'article R. 311-5 du même code.

C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel a constaté, sur la demande des débiteurs présentée pour la première fois devant la cour d'appel, la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, peu important que celle-ci ait été acquise avant l'audience d'orientation.

Commandement – Péremption – Constatation – Demande – Demande présentée pour la première fois en appel – Recevabilité

Commandement – Péremption – Constatation – Demande – Demande présentée pour la première fois en appel – Péremption acquise avant l'audience d'orientation – Absence d'influence

Donne acte à la société Banque populaire Méditerranée du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SCP Carol R..., François Régis Y..., Denis Z..., Corinne A..., Franco B..., Xavier C..., Vincent M..., la SCP Catherine R... Anne D..., Hugo E..., Laurent F... et Caroline G... notaires associés et la société BTSG2 PACA ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Com., 5 avril 2016, pourvois n° 14-20.467, 14-20.468, 14-20.470, 14-20.471, 14-20.472), que la Banque populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle est venue la Banque populaire Méditerranée, (la banque) a fait délivrer à M. et Mme X... un commandement valant saisie d'un bien immobilier leur appartenant, constitué par un lot d'un ensemble immobilier, propriété de la société Kaprim, en liquidation judiciaire, et les a fait assigner à comparaître à l'audience d'orientation d'un juge de l'exécution ; que par jugement du 23 août 2013, le juge de l'exécution a annulé la procédure de saisie immobilière ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de statuer sur le moyen tiré de la péremption invoqué pour la première fois devant la cour d'appel, de constater la péremption du commandement de payer valant saisie signifié à M. et Mme X... le 8 avril 2011, de déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière engagée au visa de ce commandement de payer et la banque irrecevable en ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que suivant l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ; qu'ainsi, dès lors que le délai de validité du commandement de payer valant saisie a expiré avant l'audience d'orientation et que le débiteur saisi s'est abstenu de demander, au plus tard le jour de l'audience d'orientation, la constatation de la péremption du commandement, il est irrecevable à la demander après cette audience ; qu'en l'espèce, la banque faisait valoir qu'à suivre le raisonnement des débiteurs saisis, le délai de validité du commandement avait expiré le 6 juin 2013, soit avant l'audience d'orientation qui s'était tenue le 20 juin 2013, de sorte que la demande en constatation de la péremption du commandement, formée pour la première fois après cette audience, était irrecevable en application de l'article R. 311-5 précité ; qu'en la déclarant néanmoins recevable, aux motifs erronés que cette demande ne constituait pas une contestation ou une demande incidente au sens de l'article R. 311-5 précité et que la banque aurait été recevable à solliciter devant elle la prorogation des effets du commandement mais ne l'avait pas sollicitée, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application et les articles R. 321-20 et R. 321-21 du même code par fausse application ;

2°/ que la péremption du commandement n'intervient pas de plein droit et ne peut être relevée d'office par le juge ; que la constatation de la péremption du commandement doit être demandée au juge et ce, au plus tard à la date de l'audience d'orientation si la péremption est acquise avant cette date ; qu'ainsi, en l'espèce, dès lors que les débiteurs saisis étaient irrecevables à demander la constatation de la péremption du commandement après la date de l'audience d'orientation compte tenu de l'acquisition de la péremption avant cette date, la cour d'appel ne pouvait constater la péremption du commandement au motif erroné que le constat de la péremption s'imposait à elle, sans violer les articles R. 311-5, R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que les dispositions de l'article R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient que la constatation de la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière peut être demandée jusqu'à la publication du titre de vente, dérogent à celles de l'article R. 311-5 du même code ;

Que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a constaté, sur la demande des débiteurs, la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, peu important que la péremption ait été acquise avant l'audience d'orientation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu que c'est sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu qu'après avoir constaté la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière signifié à M. et Mme X... le 8 avril 2011, la cour d'appel a déclaré nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le commandement valant saisie immobilière cesse de plein droit de produire effet en cas de constat de la péremption, mettant ainsi fin à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la procédure de saisie immobilière nulle et de nul effet, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Martinel - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles R. 311-5 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Sur la demande de prorogation du commandement non soumise aux conditions de recevabilité de l'article 6 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, à rapprocher : 2e Civ., 9 juin 2011, pourvoi n° 10-30.310, Bull. 2011, II, n° 131 (2) (rejet).

2e Civ., 18 octobre 2018, n° 17-24.199, (P)

Cassation partielle

Commandement – Prorogation – Demande – Compétence – Détermination – Portée

En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution, qui connaît des demandes nées de la procédure de saisie immobilière ou s'y rapportant directement, est dès lors compétent pour statuer sur une demande de prorogation des effets d'un commandement valant saisie immobilière, y compris dans le cas où cette saisie a cessé de produire ses effets.

Par conséquent, c'est sans excéder ses pouvoirs qu'une cour d'appel, saisie de l'appel du jugement d'un juge de l'exécution s'étant prononcé sur une demande de prorogation des effets d'un tel commandement, a statué, avec les pouvoirs de ce juge, sur cette demande.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant d'une hypothèque consentie par M. et Mme X... en garantie d'un acte notarié de prêt accordé à la société Paris Ouest santé, devenue Centre chirurgical de Chatou, par la société Caixabank CGIB, aux droits de laquelle vient la société Boursorama, cette dernière a fait délivrer à M. X... un commandement de payer valant saisie de biens immobiliers lui appartenant sur le fondement de la sûreté qu'il avait consentie dans l'acte de prêt, puis l'a assigné à l'audience d'orientation du juge de l'exécution ; que par un jugement d'orientation du 28 février 2013, ce juge a annulé le commandement valant saisie immobilière et ordonné sa mainlevée ; que le sursis à exécution de ce jugement a été ordonné le 28 avril 2015 par le premier président de la cour d'appel ; que l'arrêt, statuant sur renvoi de cassation, ayant confirmé le jugement d'orientation a été cassé en ce qu'il avait confirmé les chefs du jugement annulant le commandement et ordonnant sa mainlevée (3e Civ., 5 janvier 2017, pourvoi n° 15-22.465) ; que les effets du commandement valant saisie immobilière ayant été une première fois prorogés par un jugement publié le 25 octobre 2013, la société Boursorama a fait assigner, le 19 mai 2015, M. X... devant le juge de l'exécution à fin d'obtenir une nouvelle prorogation, puis a relevé appel du jugement ayant déclaré irrecevable cette demande ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence matérielle du juge de l'exécution saisi, de confirmer le jugement entrepris sauf en sa disposition déclarant irrecevable la demande de prorogation des effets du commandement du 19 octobre 2011, chef de décision annulé en conséquence de l'arrêt de cassation intervenu le 5 janvier 2017, vu l'effet dévolutif de l'appel et l'évolution du litige de déclarer recevable la demande de prorogation des effets du commandement, d'ordonner la prorogation pour une nouvelle période de deux ans des effets de la publication du commandement afin de saisie immobilière régularisée le 19 octobre 2011 par elle à M. X..., qui vise leslots n° 23, 11, 1, 24, 16, 9, 18, 17, 8 et 2 du règlement de copropriété de l'immeuble situé [...] cadastre section [...], publié le 28 octobre 2011 au 1er bureau du service de la publicité foncière de Vanves volume 2011 S n° 26, déjà prorogé par jugement du 10 octobre 2013 mentionné le 25 octobre 2013, l'arrêt, en ce qu'il ordonne la prorogation, se substituant de plein droit au jugement du 1er octobre 2015, d'ordonner la mention de l'arrêt au 1er bureau du service de la publicité foncière de Vanves en marge de la formalité publiée le 28 octobre 2011, volume 2011 S n° 26, y ajoutant, de déclarer irrecevable la demande d'amende civile et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, en ce comprise celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner à payer à la société Boursorama la somme de 2 000 euros sur le fondement de cet article, alors, selon le moyen, qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut être formée dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière après l'audience d'orientation à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ; qu'en cas d'appel du jugement d'orientation, seule la cour d'appel saisie est compétente pour se prononcer sur une demande de prorogation du délai de validité du commandement valant saisie formée après l'audience d'orientation, ce qui exclut toute compétence d'un autre juge de l'exécution ; qu'après avoir constaté que la société Boursorama n'avait pas saisi la cour d'appel de Versailles, juge d'appel dans le cadre de l'instance d'orientation, mais le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, de sa demande incidente de prorogation des effets du commandement, la cour d'appel, qui a admis que ce dernier était compétent, a violé les articles R. 321-21 et R. 321-22 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article R. 311-5 du même code et, en statuant sur la demande de prorogation des effets du commandement, alors qu'elle n'en était pas régulièrement saisie, a entaché son arrêt d'un excès de pouvoir ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution, qui connaît des demandes nées de la procédure de saisie immobilière ou s'y rapportant directement, est dès lors compétent pour statuer sur une demande de prorogation des effets d'un commandement valant saisie immobilière, y compris dans le cas où cette saisie a cessé de produire ses effets ; que c'est par conséquent sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel, saisie de l'appel du jugement du juge de l'exécution se prononçant sur une demande de prorogation des effets du commandement, a statué, avec les pouvoirs de ce juge, sur cette demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et le troisième moyen annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Vu les articles R. 321-20 et R. 321-22 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que le juge ne peut ordonner la prorogation des effets d'un commandement de payer valant saisie immobilière que si, au jour où il statue, le délai prévu au premier de ces textes, le cas échéant prolongé conformément au second, n'a pas expiré ;

Attendu que pour ordonner la prorogation pour une nouvelle période de deux ans des effets de la publication du commandement valant saisie immobilière, l'arrêt retient qu'il se substitue de plein droit au jugement rendu le 1er octobre 2015 et annulé du fait de la cassation mais uniquement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de prorogation dudit commandement et qu'il s'en déduit que la prorogation des effets du commandement intervient rétroactivement à la date du jugement rendu le 1er octobre 2015 ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres au regard des exigences découlant des textes susvisés, la cour d'appel, violant ces textes, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles mais seulement en ce qu'il a :

- ordonné la prorogation pour une nouvelle période de deux ans des effets de la publication du commandement afin de saisie immobilière régularisé le 19 octobre 2011 par elle à M. X..., qui vise les lots n° 23, 11, 1, 24, 16, 9, 18, 17, 8 et 2 du règlement de copropriété de l'immeuble [...] cadastré section [...] (pour 4a 41 ca), publié le 28 octobre 2011 au 1er bureau du service de la publicité foncière de Vanves volume 2011 S n° 26, déjà prorogé par jugement du 10 octobre 2013 mentionné le 25 octobre 2013, l'arrêt attaqué, en ce qu'il ordonne la prorogation, se substituant de plein droit au jugement rendu le 1er octobre 2015 ;

- ordonné la mention de l'arrêt au 1er bureau du service de la publicité foncière de Vanves en marge de la formalité publiée le 28 octobre 2011, volume 2011 S n° 26 ;

- débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, en ce comprise celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. X... à payer à la SA Boursorama la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

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