Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 17 octobre 2018, n° 17-13.256, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Membres – Fonctions – Frais de déplacement et d'hébergement – Charge – Employeur – Conditions – Détermination

L'employeur n'est pas tenu de prendre en charge les frais de déplacement et d'hébergement exposés pour se rendre aux réunions des commissions internes au comité d'entreprise, dès lors que les réunions de ces commissions ne sont pas légalement obligatoires ou ne sont pas organisées à l'initiative de l'employeur.

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 22 décembre 2016), que le 29 septembre 2015, a été adopté un règlement intérieur du comité d'entreprise de la société Start people, prévoyant notamment en son article 5 que « les frais de déplacement et d'hébergement liés aux commissions obligatoires du comité d'entreprise sont pris en charge par le comité d'entreprise après présentation des justificatifs » ; qu'estimant cette clause illicite, M. X..., Mme Y..., M. Z..., Mme A..., Mme C..., M. D... et l'Union syndicale de l'intérim CGT ont assigné en référé le comité d'entreprise et l'employeur pour obtenir la suspension de la clause et le remboursement par l'employeur au comité d'entreprise des sommes éventuellement engagées en application de celle-ci ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter les salariés de leurs demandes à l'encontre du comité d'entreprise, alors, selon le moyen, que lorsque le comité d'entreprise est tenu de créer en son sein des commissions, les frais de déplacement et d'hébergement des membres du comité d'entreprise pour se rendre aux réunions de ces commissions obligatoires sont pris en charge par l'employeur ; que dès lors ce dernier est tenu de rémunérer le temps passé auxdites réunions comme temps de travail ; que pour rejeter la demande de suspension de l'article 5 du règlement intérieur du comité d'entreprise, la cour d'appel a retenu que l'employeur ne doit supporter les frais de déplacements et d'hébergement des élus que pour les réunions légales obligatoires du comité d'entreprise prévues par l'article L. 2325-11 du code du travail et les réunions organisées à son initiative, à l'exclusion des réunions des commissions internes du comité d'entreprise qu'elles soient obligatoires ou facultatives, en sorte qu'en l'absence d'un usage préexistant ou d'un accord de l'employeur, la société Start people n'est pas tenue de prendre en charge les frais des participants à ces commissions étant observé que des salariés sans mandat peuvent également participer à ces commissions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 808 et 809 du code de procédure civile et les articles L. 2325-2, L. 2325-8, L. 2325-22 à L. 2325-34 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé exactement qu'en l'absence de disposition le prévoyant, l'employeur n'est pas tenu de prendre en charge les frais de déplacement et d'hébergement exposés pour se rendre aux réunions des commissions internes au comité d'entreprise, dès lors que les réunions de ces commissions ne sont pas légalement obligatoires ou ne sont pas organisées à l'initiative de l'employeur ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 2325-2, L. 2325-8 et L. 2325-22 à L. 2325-34 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la prise en charge des frais de déplacement des membres du comité d'entreprise, à rapprocher : Soc., 22 mai 2002, pourvoi n° 99-43.990, Bull. 2002, V, n° 174 (rejet).

Soc., 3 octobre 2018, n° 17-14.570, (P)

Cassation

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Délégation du personnel – Désignation – Scrutin – Mode de scrutin – Panachage – Possibilité (non)

Lors du scrutin pour les élections des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le panachage n'est pas admis.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4613-1 du code du travail alors applicable ;

Attendu qu'à défaut d'accord unanime entre les membres du collège mentionné à l'article susvisé, la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est élue au scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et à un seul tour ; que toute candidature individuelle constitue une liste et que le panachage des listes n'est pas admis ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 26 octobre 2016, la direction de la société Magasins Galeries Lafayette a convoqué les membres du comité d'établissement et les délégués du personnel à une réunion préparatoire à l'élection des membres du CHSCT, qui s'est tenue le 2 novembre 2016, l'élection étant prévue pour le 8 novembre suivant ; que le 23 novembre 2016, le syndicat CGT du Bas-Rhin, le syndicat CFDT des services et commerces du Bas-Rhin (le syndicat), Mme I..., MM. Y..., Z... et A... ont saisi le tribunal d'instance pour faire annuler ces élections ;

Attendu que pour débouter le syndicat, Mme I..., MM. Y..., Z... et A..., le tribunal a constaté que treize votants ont participé à la désignation et que vingt et un votes ont été comptabilisés, mais a retenu que le recours au panachage avait été autorisé par un accord unanime implicite et que le choix des modalités de scrutin pouvait résulter d'un accord unanime quand bien même ledit accord n'aurait pas été exprès ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le recours au panachage des listes n'est pas admis, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Strasbourg ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saverne.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 4613-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le panachage n'est pas admis lors du scrutin pour les élections des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à rapprocher : Soc., 13 juillet 1993, pourvoi n° 92-60.344, Bull. 1993, V, n° 208 (cassation).

Soc., 17 octobre 2018, n° 17-14.392, (P)

Cassation partielle

Institution représentative du personnel – Mise en place – Obligation – Carence – Procès-verbal de carence – Défaut – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 13 juillet 2009 en qualité de responsable commercial par la société Tap production, aux droits de laquelle est venue la société Tap France, a été licencié pour motif économique le 17 juin 2011 dans le cadre d'un licenciement économique collectif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, notamment d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, sur le fondement de l'article L. 1235-15 du code du travail ;

Sur les moyens du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Vu l'article L. 1235-15 du code du travail, ensemble l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 382, devenu 1240, du code civil et l'article 8, § 1, de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ;

Attendu qu'il résulte de l'application combinée de ces textes que l'employeur qui met en oeuvre une procédure de licenciement économique, alors qu'il n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel et sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement pour motif économique, l'arrêt retient que la société reconnaît ne pas avoir rempli ses obligations au titre de l'article L. 1235-15 du code du travail mais que le salarié ne démontre pas la réalité d'un préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement pour motif économique, l'arrêt rendu le 11 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article L. 1235-15 du code du travail ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres cas d'indemnisation d'un préjudice nécessairement causé au salarié par l'inobservation d'obligations légales ou procédurales, à rapprocher : Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.578, Bull. 2017, V, n° 136 (2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 3 octobre 2018, n° 16-19.836, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Résiliation judiciaire – Résiliation prononcée aux torts de l'employeur – Effets – Effets d'un licenciement nul – Limites – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 mai 2016), que M. Y... a été engagé le 4 septembre 2001 par la société Diffusion internationale d'articles manufacturés France en qualité de responsable administratif montage décor ; qu'il a été élu délégué du personnel le 8 mars 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 7 février 2011, afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de la violation de son statut protecteur et le paiement de diverses sommes ; qu'il a été licencié pour faute grave le 24 novembre 2011 ; que l'Union locale CGT de Chatou (le syndicat) est intervenue volontairement à la procédure ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que le syndicat et le salarié font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de réintégration et des demandes subséquentes alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; qu'il en résulte que le salarié protégé, qui sollicite la résiliation de son contrat de travail unilatéralement modifié par son employeur, est en droit de réclamer sa réintégration dans son emploi initial, c'est-à-dire le rétablissement du lien contractuel aux conditions antérieures ; qu'en rejetant néanmoins la demande de réintégration formée à titre principal par M. Y... au motif qu'elle serait contradictoire et incompatible avec la demande de résiliation du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5, L. 2411-7 du code du travail et 1184 du code civil ;

2°/ que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, la rupture du lien contractuel intervient à l'initiative de l'employeur ; que dans cette hypothèse, la demande de résiliation judiciaire maintenue par le salarié n'a pas pour objet d'obtenir la rupture du contrat de travail déjà consommée mais de faire supporter les conséquences de cette rupture à l'employeur en raison des manquements à ses obligations contractuelles ; qu'il n'y a donc, dans cette hypothèse, aucune incompatibilité entre le maintien d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail pour faire sanctionner les manquements de l'employeur et la demande réintégration dès lors que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5, L. 2411-7 du code du travail et 1184 du code civil ;

Mais attendu que le salarié ayant maintenu à titre principal sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en raison de la violation de son statut protecteur, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a accueilli cette demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, a rejeté la demande de réintégration présentée par le salarié et fait droit à ses demandes subsidiaires d'indemnisation ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 2411-5 et L. 2411-7 du code du travail ; article 1184 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité pour le salarié protégé de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail, à rapprocher : Soc., 15 février 2006, pourvoi n° 03-42.510, Bull. 2006, V, n° 74 (1) (cassation), et l'arrêt cité.

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