Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 17 octobre 2018, n° 17-21.857, (P)

Cassation partielle

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Endettement global – Etendue

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un acte du 8 juin 2007, M. X... s'est rendu caution envers la société BNP Paribas d'un prêt consenti par cette dernière à la société Autoconsult ; que celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire, la société BNP Paribas a assigné en paiement M. X..., lequel lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société BNP Paribas la somme de 231 157,50 euros, outre intérêts capitalisés, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que « l'acte de prêt prévoit expressément que la BNP Paribas ne peut poursuivre le remboursement de sa créance sur la résidence principale de M. et Mme X.... Il s'agit d'une contrepartie à la garantie Oséo dont la BNP Paribas a bénéficié dans l'acte de prêt » ; qu'en incluant la résidence principale de M. X... dans le périmètre de l'actif de celui-ci permettant de faire face à son engagement de caution lorsque celle-ci a été appelée, sans répondre aux écritures faisant valoir que ce bien immobilier ne pouvait être appréhendé par la banque pour le remboursement de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la consistance du patrimoine de la caution à prendre en considération pour l'appréciation de sa capacité à faire face à son engagement au moment où elle est appelée n'est pas modifiée par les stipulations de la garantie de la société Oséo, qui interdisent au créancier le recours à certaines procédures d'exécution forcée ; que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions, inopérantes, invoquées par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à la société BNP Paribas la somme de 231 157,50 euros, outre intérêts au taux de 4,90 % majoré de trois points à compter du 17 juillet 2013, l'arrêt, après avoir jugé que le cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, retient que le patrimoine immobilier de M. X... lui permettait, au jour où il a été appelé, de faire face à son engagement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s'apprécie en considération de son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions de M. X... qui faisait valoir qu'un autre de ses créanciers, la société Banque Palatine, lui réclamait, en sa qualité de caution de la société Autoconsult, le paiement d'une somme de 124 905 euros, outre 12 200,18 euros au titre des intérêts de retard, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit mais rejette la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts de M. X..., l'arrêt rendu le 4 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : Me Bertrand ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 29 septembre 2015, pourvoi n° 13-24.568, Bull. 2015, IV, n° 134 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 10 octobre 2018, n° 17-20.441, (P)

Cassation

Clauses abusives – Caractère abusif – Office du juge – Etendue – Détermination – Portée

Il incombe au juge de rechercher d'office le caractère abusif de la clause qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, en ce qu'elle est de nature à laisser croire que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude de cette déclaration et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme.

Clauses abusives – Domaine d'application – Prêt d'argent – Déclaration inexacte de la part de l'emprunteur – Clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par offre de prêt acceptée le 20 mai 2011, la société Banque de Tahiti (la banque) a consenti à Mme X... (l'emprunteur) un prêt immobilier d'un montant de 30 000 000 francs CFP, remboursable en deux-cent-quarante mensualités, garanti par le cautionnement de la société Compagnie européenne de garanties et de caution (la caution), pour financer la construction d'une maison d'habitation à usage de résidence principale ; qu'en application de l'article 9 des conditions générales, qui prévoit le cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, la banque a notifié à ce dernier l'exigibilité anticipée de toutes les sommes dues au titre du prêt ; que la caution, subrogée dans les droits de la banque, a assigné l'emprunteur en paiement ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que le moyen est donc recevable ;

Et sur le moyen :

Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

Attendu que, pour condamner l'emprunteur à payer à la caution une certaine somme, l'arrêt relève, d'abord, que le contrat de prêt stipule que les fonds seront débloqués en plusieurs fois, sur présentation de factures validées par l'emprunteur, indiquant la ou les prestations faites, au fur et à mesure de l'état d'avancement des travaux, et retient, ensuite, que l'insincérité des factures présentées par l'emprunteur, de nature à constituer une déclaration inexacte, justifie l'exigibilité anticipée des sommes prêtées ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher d'office le caractère abusif de la clause qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, en ce qu'elle est de nature à laisser croire que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude de cette déclaration et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour le juge de rechercher d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle, à rapprocher : 1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-11.337, Bull. 2018, I, n° 87 (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 18 octobre 2018, n° 17-19.831, (P)

Rejet

Surendettement – Commission de surendettement – Pouvoirs – Saisine du juge d'instance – Suspension d'une mesure d'expulsion – Durée – Modulation – Possibilité (non)

Lorsqu'il prononce la suspension provisoire des mesures d'expulsion en application de l'article L. 722-8 du code de la consommation, le juge n'a pas le pouvoir de moduler la durée de la suspension prévue à l'article L. 722-9 du code de la consommation.

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 avril 2017), qu'après avoir déclaré recevable la demande de M. X... tendant au traitement de sa situation financière, une commission de surendettement a saisi le juge d'un tribunal d'instance d'une demande de suspension des mesures d'expulsion le concernant ; que le juge a accepté la demande et dit que la suspension était acquise pour une année à compter de la signification de la décision ;

Attendu que la commune de Saint-Magne fait grief à l'arrêt de prononcer la suspension provisoire de la mesure d'expulsion diligentée par la commune de Saint-Magne à l'encontre de M. X..., de dire que cette suspension est acquise pour une période maximale de deux ans et selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 jusqu'à la décision imposant les mesures prévues par l'article L. 733-1 jusqu'à l'homologation par le juge des mesures recommandées en application des articles L. 733-7 et L. 733-8 et L. 741-1 jusqu'au jugement prononçant un redressement personnel sans liquidation judiciaire ou jusqu'au jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que le prononcé de la suspension provisoire des mesures d'expulsion du débiteur de son logement suppose, en vertu des dispositions de l'article L. 722-8 du code de la consommation, que la situation de ce débiteur l'exige ; que ne justifie pas d'une telle exigence l'arrêt qui se borne à relever qu'il est « peu probable » que M. X... dont la situation est pourtant favorable puisse trouver une location moins onéreuse ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pu justifier en fait que la situation de M. X... exigeait le prononcé d'une suspension provisoire de la mesure d'expulsion le visant, suspension qui n'est pas de plein droit, privant ainsi sa décision de toute base légale eu égard aux dispositions de l'article L. 722-8 du code de la consommation ;

2°/ qu'en statuant par ces motifs hypothétiques la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'article L. 722-9 du code de la consommation qui prévoit que la suspension est acquise pour une période « maximale » de deux ans prenant nécessairement fin lors de certains événements qu'il énumère, n'interdit absolument pas au juge de moduler la durée de la suspension en la limitant à une année ; qu'en considérant qu'elle n'avait pas le droit de modeler ce délai, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu d'abord qu'ayant retenu que M. X... pourrait, au vu de sa situation financière assez favorable, retrouver un logement sans trop de difficultés, qu'il restait que le marché locatif était assez tendu, peu de logements étant disponibles à l'année dans cette zone, et qu'il était peu probable que M. X... puisse trouver une location moins onéreuse, ce qui ne permettrait donc pas d'augmenter sa capacité de remboursement, c'est sans encourir les griefs formulés par les deux premières branches du moyen que la cour d'appel, qui pouvait prendre en considération, pour apprécier si la situation de M. X... exigeait de prononcer la suspension provisoire des mesures d'expulsion, les chances qu'avait ce dernier de trouver un logement moins onéreux, a statué comme elle l'a fait ;

Et attendu ensuite que l'arrêt retient exactement que le juge n'a pas le pouvoir de moduler la durée de la suspension prévue à l'article L. 722-9 du code de la consommation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 722-8 et L. 722-9 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur le prononcé de la suspension d'une mesure d'expulsion, à rapprocher : 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-12.885, Bull. 2017, II, n° 203 (rejet).

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