Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

PRESCRIPTION CIVILE

2e Civ., 4 octobre 2018, n° 17-20.508, (P)

Rejet

Prescription biennale – Domaine d'application – Avocat – Action en fixation des honoraires – Délai – Point de départ – Détermination

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 25 avril 2017), que M. et Mme X... ont confié à la société Alerion (l'avocat) la défense de leurs intérêts dans quatre affaires ; qu'à la suite d'un différend sur le paiement de ses honoraires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ceux-ci ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance de les débouter de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en négligeant de répondre au moyen péremptoire tiré de ce que si la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, c'est à la condition que la facture litigieuse n'ait pas été émise avant le dessaisissement, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture se situe au jour de son établissement ; qu'en considérant que la demande en paiement de factures émises avant le 18 juillet 2012 n'aurait pas été prescrite le 18 juillet 2014, date à laquelle l'avocat a saisi le bâtonnier, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation et 2224 du code civil ;

Mais attendu que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en fixation des honoraires d'avocat se situe au jour de la fin du mandat et non à celui, indifférent, de l'établissement de la facture ;

Qu'ayant retenu, d'une part, que le mandat de l'avocat s'était poursuivi au moins jusqu'en décembre 2013 dans l'affaire pénale et qu'il avait pris fin en mars 2014 dans les trois autres affaires, d'autre part, que l'avocat avait saisi par lettre du 18 juillet 2014 le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ses honoraires, le premier président, qui n'avait pas à répondre au moyen visé à la première branche que ses constatations rendaient inopérant, en a exactement déduit que la demande de l'avocat n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi principal, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 octobre 2017, pourvoi n° 16-23.599, Bull. 2017, II, n° 206 (cassation).

Com., 3 octobre 2018, n° 16-26.985, (P)

Cassation

Prescription décennale – Article L. 110-4 du code de commerce – Obligations nées entre commerçants – Redressement ou liquidation judiciaire – Admission de la créance – Effets – Substitution de la prescription trentenaire à la prescription originaire – Opposabilité à la caution – Action en paiement contre la caution solidaire – Délai – Détermination

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que l'opposabilité, à la caution solidaire, de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale ayant pu se produire, en l'état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal, n'a pas pour effet de soumettre les poursuites du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai pour agir du créancier contre cette caution, sur le fondement d'un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte authentique du 29 février 1992, la société Soderag, aux droits de laquelle est venue la société Sofiag, a prêté à la société Clinique Saint-Joseph-Marie (la clinique) la somme de 577 372,47 euros ; que le 30 juillet 2012, la société Sofiag, se prévalant d'un cautionnement solidaire de la clinique par M. X..., a fait pratiquer, en vertu de la copie exécutoire de l'acte de prêt, une saisie-attribution des comptes bancaires détenus par ce dernier ; que cette saisie-attribution a été dénoncée à M. X... par un acte du 1er août 2012 ; que M. X... a fait citer la société Sofiag devant le juge de l'exécution en mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance de la société Sofiag soulevée par M. X... et rejeter sa demande de mainlevée de la saisie-exécution, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucun paiement n'était intervenu en remboursement du prêt depuis le 13 décembre 1996, et justement énoncé qu'en application de l'article 189 bis du code de commerce alors applicable, la prescription de l'obligation de paiement qui avait commencé à courir à cette date était décennale et expirait par conséquent le 13 décembre 2006, retient que la déclaration de créance effectuée par la société Soderag au passif de la clinique, le 28 février 1997, a interrompu la prescription jusqu'au 25 septembre 2000, date à laquelle le juge-commissaire a admis la créance, que, la créance ayant été admise définitivement et portée sur l'état des créances sans que M. X... justifie avoir formé de réclamation contre celui-ci en sa qualité de caution, la décision d'admission lui est dès lors opposable, y compris en ce qu'il en résulte la substitution à la prescription décennale de la prescription trentenaire découlant de toute décision de justice, et qu'à l'obligation contractuelle, soumise à la prescription décennale édictée par l'ancien article 189 bis du code de commerce, s'est substituée, en application de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, celle, trentenaire, propre aux décisions de justice découlant de l'ordonnance d'admission, faisant ainsi repartir un nouveau délai de prescription jusqu'au 25 septembre 2030 ; qu'il retient encore que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a créé un article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, aux termes duquel l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long, et que, dès lors, en application de l'article 26, II, de ladite loi, la réduction de la durée de prescription applicable à l'exécution d'une décision judiciaire s'applique aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en déduit que la prescription de l'action de la société Sofiag était acquise au 19 juin 2018, soit une durée totale de dix-huit ans à compter de l'ordonnance d'admission de créance du 25 septembre 2000, qui n'excède pas la durée de prescription de trente ans applicable antérieurement, et que le procès-verbal de saisie-attribution ayant été signifié le 30 juillet 2012, la fin de non-recevoir tenant à la prescription de la créance ne peut qu'être rejetée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'admission de la créance de la société Sofiag au passif de la clinique n'avait pas eu pour effet de soumettre à la prescription trentenaire l'action dirigée contre M. X..., qui demeurait soumise à celle de l'article L. 110-4 du code de commerce, laquelle avait été interrompue jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire de la clinique, et non au délai d'exécution prévu par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que la société Sofiag n'agissait pas en recouvrement d'un des titres exécutoires mentionnés à l'article L. 111-3, 1° à 3°, du même code, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce ; article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 16-20.205, Bull. 2018, IV, n° 79 (cassation sans renvoi).

3e Civ., 4 octobre 2018, n° 16-22.095, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Prescription quinquennale – Article 1304, alinéa 1, du code civil – Domaine d'application – Action en nullité d'une vente d'immeuble cédé en l'état futur d'achèvement fondée sur le non-respect des mentions légales impératives

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 juin 2016), que, par actes des 9 mars et 19 août 2000, la société Cabinet de conseil et de gestion (la société CCG) a vendu des lots d'un immeuble en l'état à M. Y... et à la société civile immobilière La Poulnais plage (la SCI Poulnais) ; que, par acte du 1er décembre 2000, elle a vendu un lot en état futur d'achèvement dans le même immeuble à M. X... ; que les trois acquéreurs ont souscrit un emprunt pour financer leurs acquisitions et les travaux auprès de la Banque financière régionale de crédit immobilier de Bretagne, devenue le Crédit immobilier de France Bretagne (le CIFB) ; qu'ils ont confié la réalisation des travaux à la société CCG qui, mise en liquidation judiciaire le 12 juin 2001, ne les a pas achevés ; que, le 1er octobre 2010, MM. Y... et X... et la SCI Poulnais ont assigné le liquidateur de la société CCG et le CIFB en nullité des actes de vente et des contrats de prêts ; que, le 7 février 2011, le CIFB a appelé le notaire en garantie ; que, le 18 février 2012, les acquéreurs ont recherché sa responsabilité ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que MM. Y... et X... et la SCI Poulnais font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action en responsabilité à l'encontre du notaire alors, selon le moyen, que l'effet interruptif attaché à l'assignation délivrée par une partie s'étend à l'ensemble des autres parties dès lors que les demandes ont le même objet ; que l'appel en garantie de M. Z... par la banque a interrompu la prescription y compris à l'égard des appelants puisque ceux-ci, qui mettent en cause sa responsabilité exactement comme la banque le fait, formulent à son encontre des demandes qui ont le même objet que celles formulées par la banque ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé l'ancien article 2270-1 du code civil, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu qu'en application de l'article 2243 du code civil l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'ayant retenu, par motifs non critiqués, que le notaire n'avait pas commis de faute à l'occasion des actes qu'il avait établis, la cour d'appel a rejeté l'action en garantie formée par le CIFB à son encontre ; qu'il en résulte que l'effet interruptif attaché à cette action est non avenu ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour déclarer non prescrite l'action en nullité des ventes et accueillir la demande en nullité de l'ensemble des actes, l'arrêt retient que la nullité encourue est une nullité absolue se prescrivant par trente ans à compter du jour où l'acte irrégulier a été passé et que, malgré l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, la prescription, bien qu'étant devenue quinquennale, n'était pas encourue, le point de départ du délai étant le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et que cette date limite fixée au 18 juin 2013 n'était pas atteinte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité d'ordre public encourue pour le non-respect des règles impératives régissant la vente d'immeuble à construire est relative, l'objet étant d'assurer la seule protection de l'acquéreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :

Met hors de cause M. Z... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare non prescrites les actions en nullité des contrats de vente et de prêts, prononce la nullité de ces contrats et condamne les parties à des restitutions réciproques avec compensation, l'arrêt rendu le 9 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes de MM. Y... et X... et la SCI La Poulnais plage.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ; article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère relatif de la nullité encourue en cas d'inobservation des règles impératives de forme régissant le contrat de vente en l'état futur d'achèvement d'un immeuble à usage d'habitation, à rapprocher : 3e Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-16.425, Bull. 2012, III, n° 131 (cassation partielle sans renvoi).

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