Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

MINEUR

1re Civ., 3 octobre 2018, n° 17-27.510, (P)

Cassation partielle

Administration légale – Procédure – Intervention du juge des tutelles – Désignation d'un administrateur ad'hoc – Notification des décisions du juge des tutelles – Destinataires – Détermination

Aux termes de l'article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur, toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, aux parents et, le cas échéant, à l'administrateur ad hoc.

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016, ensemble les articles 1180-18, 1239 et 1241-1 du même code ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur, toute décision du juge des tutelles est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, aux parents et, le cas échéant, à l'administrateur ad hoc ; qu'aux termes du deuxième, sauf disposition contraire, les décisions du juge sont susceptibles d'appel et l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles édictées aux articles 1239 à 1247 ; qu'il résulte des deux derniers que le délai de quinze jours pour former appel court, à l'égard des personnes à qui l'ordonnance doit être notifiée, à compter de cette notification, et à l'égard des autres personnes, à compter de l'ordonnance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michel Z... est décédé le [...], sans héritier réservataire ; que, par testament reçu le 28 septembre 2006, il avait institué légataire universelle sa nièce, Mme Z..., à charge pour celle-ci de délivrer à son neveu, Jacques-Alexandre Z..., né le [...], un « legs équivalent au tiers de l'actif net » de sa succession ; que Mme Z... a délivré le legs au mineur en lui attribuant deux appartements ; que, saisi par le père de ce dernier, le juge des tutelles a, par ordonnance du 4 juin 2009, désigné l'Union départementale des associations familiales de la Vendée en qualité d'administrateur ad hoc, avec pour mission de déterminer si le legs était conforme à l'intérêt du mineur et, dans l'affirmative, de l'accepter, de prendre toutes dispositions pour régler les droits de succession et de gérer les fonds versés au mineur ; que, par ordonnance du 16 septembre 2016, le juge des tutelles a autorisé l'administrateur ad hoc à accepter le legs délivré par Mme Z... ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé le 11 octobre 2016 par la mère du mineur contre cette décision, qui ne lui a pas été notifiée, l'arrêt retient que les parents, administrateurs légaux des biens de leur fils, ont, du fait de la désignation d'un administrateur ad hoc, perdu tout droit d'agir pour le compte de leur enfant s'agissant de la délivrance du legs litigieux, de sorte que l'ordonnance du juge des tutelles n'avait pas à leur être notifiée et qu'ils ne pouvaient interjeter appel que dans le délai de quinze jours de la décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du 16 septembre 2016 devait être notifiée aux parents, nonobstant l'existence d'un administrateur ad hoc, et qu'en l'absence de notification, le délai pour interjeter appel n'avait pas commencé à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de Mme Z..., l'arrêt rendu le 13 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP L. Poulet-Odent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1180-16 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-185 du 23 février 2016 ; articles 1180-18, 1239 et 1241-1 du code de procédure civile.

1re Civ., 3 octobre 2018, n° 18-19.442, (P)

Rejet

Assistance éducative – Intervention du juge des enfants – Mesures d'assistance – Placement – Aide sociale à l'enfance – Conditions – Minorité – Evaluation – Examens radiologiques osseux – Portée des conclusions – Détermination

Il résulte de l'article 388 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur et le doute lui profite.

C'est sans statuer au vu des seules conclusions de l'expertise ni méconnaître le principe selon lequel le doute, après l'examen radiologique, profite à l'intéressé qu'une cour d'appel, après avoir constaté que les documents d'identité produits n'étaient pas probants, au sens de l'article 47 du code civil, et que l'âge allégué n'était pas vraisemblable, puis relevé que l'expert avait conclu qu'il était possible d'affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme ayant sollicité son placement à l'aide sociale à l'enfance avait plus de 18 ans au moment de l'examen, en conclut qu'elle n'est pas mineure et ne relève donc pas de la protection de l'enfance en danger.

Minorité – Evaluation – Examens radiologiques osseux – Conditions – Détermination – Portée des conclusions

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 avril 2018), que A... X... a saisi le juge des enfants le 19 janvier 2017 afin d'être confiée à l'aide sociale à l'enfance, se déclarant mineure pour être née le [...] à Kinshasa (République démocratique du Congo) et isolée sur le territoire français ;

Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de constater qu'elle n'est pas mineure et, en conséquence, d'ordonner la mainlevée de son placement à l'aide sociale à l'enfance et la clôture de la procédure d'assistance éducative alors, selon le moyen :

1°/ que A... X... contestait à l'appui de ses écritures, délaissées de ce chef, la régularité de l'expertise au regard du principe du contradictoire, et des articles 16 et 237 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faisant valoir qu'elle n'avait jamais été mise en mesure de faire valoir ses observations, ni avant le dépôt du rapport d'expertise, ni d'ailleurs postérieurement, les examens auxquels l'expert avait procédés, n'étant pas joint à son rapport, qui seuls auraient permis d'en discuter utilement les conclusions ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce moyen, a, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les conclusions des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si la personne concernée est mineure et le doute profite à l'intéressée ; qu'ayant constaté un doute sérieux sur le caractère vraisemblable de l'identité alléguée au regard des documents d'identité, pour ensuite retenir que la jeune fille était mineure sur la seule constatation que les conclusions de l'expert permettaient d'affirmer, au delà de tout doute raisonnable, qu'elle avait au moment de l'examen plus de 18 ans, la cour d'appel s'est déterminée en fonction des seules conclusions des examens radiologiques osseux pratiqués afin de déterminer l'âge de la requérante, et a méconnu l'article 388 du code civil ;

3°/ que dans la détermination de l'âge de celui qui se dit mineur, le doute doit profiter à l'intéressé ; que la cour d'appel qui constate que deux des examens pratiqués par l'expert n'excluent pas que l'intéressée ait moins de 18 ans, ne pouvait en conclure que A... X... n'était pas mineure, sans méconnaître l'article 388 du code civil ;

4°/ qu'à supposer que la cour d'appel ne se soit pas prononcée exclusivement au regard des conclusions du rapport d'expertise dans la mesure où elle aurait également fait état d'un doute sérieux au regard des documents d'identité présentés, la cour d'appel a retenu ce doute en défaveur de la personne concernée et a méconnu l'article 388 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 388 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé ; que les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur et que le doute lui profite ;

Attendu que la cour d'appel a relevé, en premier lieu, que les divers documents d'identité figurant au dossier contenaient, outre des erreurs, de nombreuses contradictions, certains des actes produits correspondant à l'identité d'une jeune majeure, née le [...] à Kinshasa et ayant sollicité un visa d'entrée en France en 2016 pour y poursuivre des études supérieures, les autres correspondant à l'identité d'une mineure ; qu'elle a ajouté que l'identité alléguée paraissait peu vraisemblable puisqu'il en résultait que la mère de A... X... serait née le [...] et lui aurait donc donné naissance à l'âge de 52 ans ; que de ces constatations et énonciations, elle a souverainement déduit que les documents produits n'étaient pas probants au sens de l'article 47 du code civil et que l'âge allégué n'était pas vraisemblable ;

Qu'elle a retenu, en deuxième lieu, que l'expertise était régulière dès lors que les conditions prévues à l'article 388 du code civil avaient été respectées, que A... X... disposait des conseils de son avocat, que l'expert précisait qu'elle parlait et comprenait parfaitement le français et qu'il avait donc été possible de lui expliquer la mission et de recueillir son consentement, dans le respect des règles de déontologie qui régissent l'exercice de sa profession, la loi n'imposant pas que le consentement prenne une forme écrite ;

Qu'elle a constaté, en troisième lieu, que l'expert désigné avait conclu qu'il était possible d'affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l'examen, en novembre 2017, et que l'âge allégué, de 17 ans, n'était pas compatible avec les conclusions médico-légales ;

Que dès lors, c'est sans statuer au vu des seules conclusions de l'expertise ni méconnaître le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l'examen radiologique, profite à l'intéressé, que la cour d'appel a, par une décision motivée, constaté que la jeune femme n'était pas mineure ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article 388 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation souveraine de la minorité par les juges du fond, à rapprocher : 1re Civ., 4 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.468, Bull. 2017, I, n° 8 (rejet), et l'arrêt cité.

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