Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

MAJEUR PROTEGE

1re Civ., 17 octobre 2018, n° 16-24.331, (P)

Cassation partielle

Mesures de protection judiciaire – Curatelle et tutelle – Organes de protection – Curateur et tuteur – Incapacité de recevoir à titre gratuit – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Membre de la famille du majeur exerçant les fonctions de tuteur ou de curateur

Sauvegarde de justice – Mandataire spécial – Incapacité de recevoir à titre gratuit – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Membre de la famille du majeur exerçant les fonctions de mandataire spécial

Mandat de protection future – Mandataire – Incapacité de recevoir à titre gratuit – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Membre de la famille du majeur exerçant les fonctions de mandataire

Habilitation familiale – Personne habilitée – Incapacité de recevoir à titre gratuit – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Membre de la famille du majeur habilité

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'D... C... et Jean-Baptiste Z..., qui bénéficiaient d'une mesure de curatelle ordonnée par jugement du 19 décembre 2008 désignant Mme X..., leur nièce, en qualité de curatrice, sont décédés respectivement les [...] et [...], laissant pour leur succéder leur fils unique, Guy ; que, se prévalant notamment du caractère manifestement exagéré des primes versées par les défunts sur les contrats d'assurance sur la vie, dont M. et Mme X... étaient les bénéficiaires, et de l'incapacité de recevoir édictée à l'article 909 du code civil privant la curatrice et son époux du bénéfice des dispositions du testament olographe du 23 février 2011, par lequel Jean-Baptiste Z... leur avait légué la quotité disponible de ses biens, par parts égales, M. Guy Z... les a assignés en paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire qu'ils n'ont aucun droit dans la succession de Jean-Baptiste Z... et de les condamner à la restitution d'une certaine somme, alors, selon le moyen, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en vertu des dispositions de l'article 909 du code civil, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci, non plus que les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions, qui ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité ; que cette liste est limitative ; que Mme X..., en tant que curatrice non professionnelle, nièce des époux Z..., ne relevait pas de l'incapacité de recevoir du texte précité, frappant les « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » qui sont des professionnels désignés par le juge de tutelle, à défaut de curateur pris dans la famille ; que seul était applicable, en l'espèce, l'article 470 du code civil, qui pose seulement une présomption de conflit d'intérêts, impliquant la nomination d'un mandataire ad hoc pour assister le curatélaire qui veut gratifier son curateur ; qu'en faisant dès lors application à Mme X... de l'article 909 du code civil, règle de droit qui ne lui était pas applicable, au motif inopérant que conformément à ce texte elle avait reconnu ne pouvoir bénéficier des dispositions testamentaires en sa faveur émanant de Jean-Baptiste Z..., la cour a violé les articles 909 et 470 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans leurs conclusions, M. et Mme X... faisaient valoir qu'en application des articles 909 et 470 du code civil, celle-ci, en sa qualité de curatrice de Jean-Baptiste Z..., ne pouvait bénéficier de la disposition testamentaire à son profit ; qu'ils ne peuvent dès lors soutenir devant la Cour de cassation un moyen, fût-il de pur droit et d'ordre public, incompatible avec la position qu'ils avaient prise devant la cour d'appel ; que le moyen est irrecevable ;

Mais sur la seconde branche du même moyen :

Vu l'article 909 du code civil ;

Attendu que l'incapacité de recevoir à titre gratuit prévue à ce texte ne concerne que les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ; que les membres de la famille du défunt, lorsqu'ils exercent les fonctions de tuteur, curateur, mandataire spécial désigné lors d'une mesure de sauvegarde de justice, personne habilitée ou mandataire exécutant un mandat de protection future, n'entrent pas dans son champ d'application ;

Attendu que, pour dire que M. X... n'a aucun droit dans la succession de Jean-Baptiste Z... et le condamner à payer à M. Z... une certaine somme, l'arrêt retient que l'incapacité de recevoir à titre gratuit concerne Mme X..., qui a été curatrice du défunt, que son époux est présumé personne interposée et que, faute de rapporter la preuve de la réalité de l'intention libérale à son égard, il ne peut se prévaloir des dispositions testamentaires à son profit ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X..., nièce du défunt, n'avait pas la qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, bien qu'elle ait exercé les fonctions de curateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. X... n'a aucun droit dans cette succession, en conséquence, le condamne à payer, pour moitié, à M. Z... la somme de 67 046,90 euros, l'arrêt rendu le 14 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Reynis - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 909 du code civil.

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