Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

FONDS DE COMMERCE

3e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-16.828, (P)

Cassation partielle

Nantissement – Bail – Résiliation – Clause résolutoire – Notification de la demande – Défaut – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 février 2017), qu'une ordonnance de référé du 6 décembre 2005 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de bail commercial conclu entre M. et Mme Y... et la société Lunamod ; que, l'assignation délivrée par M. et Mme Y... ne lui ayant pas été dénoncée, la société Gelied, créancière de la locataire et titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce, a assigné en réparation de son préjudice les bailleurs, qui ont appelé en garantie M. A..., huissier de justice, et M. B..., avocat ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 143-2 du code de commerce, ensemble les articles 4 et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation de la société Gelied, l'arrêt retient que le préjudice de cette société, qui consiste en une perte de chance de se faire payer sa créance sur le prix de vente du fonds de commerce, n'existe que si le fonds avait une valeur patrimoniale et que celle-ci ne justifie pas d'une valeur du fonds au 4 novembre 2005, date de l'assignation en résiliation du bail ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que, si l'assignation en résiliation du bail lui avait été dénoncée, la société Gelied aurait pu payer l'arriéré de loyers à la date du commandement de payer et aurait ainsi pu préserver le droit au bail et, par voie de conséquence, le fonds de commerce de la société Lunamod, lequel constituait son gage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que l'avocat, investi d'un devoir de compétence, est tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client ;

Attendu que, pour rejeter la demande en garantie formée par les bailleurs à l'encontre de l'avocat, l'arrêt retient que la mission confiée à celui-ci ne consistait qu'à rédiger l'assignation en vue de la résiliation du bail et que l'huissier de justice, à qui incombait de signifier l'assignation aux créanciers inscrits, doit être tenu pour responsable de l'erreur ayant consisté à requérir un état des inscriptions sur le fonds de la société Lunamod auprès du tribunal de grande instance du lieu du siège de la société et non auprès de celui du lieu d'exploitation du fonds de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'avocat, qui représente les bailleurs lors de l'instance en résiliation du bail dont il a rédigé l'acte introductif, de veiller à ce que l'état des inscriptions sur le fonds de commerce émane du greffe du tribunal du lieu d'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Gelied, en réparation du préjudice causé par la perte de chance de réaliser son gage, à l'encontre de M. et Mme Y... et en ce qu'il rejette la demande de garantie formée par M. et Mme Y... à l'encontre de M. B..., l'arrêt rendu le 24 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP L. Poulet-Odent ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 143-2 du code de commerce ; articles 4 et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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