Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

1re Civ., 24 octobre 2018, n° 16-16.743, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Définition – Exclusion – Cas

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2016), que la société Epargne sans frontières, immatriculée au registre unique des intermédiaires d'assurance et inscrite dans la catégorie « courtier d'assurance » (le courtier), a distribué, jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 6 novembre 2008, des contrats d'assurance proposés par la société Generali vie (l'entreprise d'assurance) ; qu'elle a été radiée de ce registre pour cessation d'activité, par l'Organisme pour le registre des intermédiaires d'assurances (l'ORIAS), le 6 mars 2009 ; que, soutenant que les dispositions combinées des articles L. 512-2, alinéa 1, R. 511-2-I, 1°, et R. 511-3, II, du code des assurances lui interdisaient, sous peine de sanctions pénales et disciplinaires, de rémunérer un intermédiaire non immatriculé, l'entreprise d'assurance a suspendu l'activité des deux comptes apporteurs du courtier et interrompu le paiement des commissions dues sur les contrats d'assurance en cours ; que le liquidateur judiciaire de ce dernier, devenu la société de mandataires judiciaires MDP (le liquidateur), l'a assignée en paiement des commissions devenues exigibles à compter de la date de la radiation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article R. 511-3, II du code des assurances, la rémunération allouée au titre de l'activité d'intermédiation en assurance ne peut être rétrocédée qu'à l'un des intermédiaires mentionnés au I de l'article R. 511-2 ; que, selon l'article R. 511-2, I, 1°, du code des assurances, l'activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance ne peut être exercée contre rémunération que par les catégories de personnes suivantes : 1° les courtiers d'assurance ou de réassurance, personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce pour l'activité de courtage d'assurance ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes que la condition requise pour percevoir des commissions est l'inscription de l'intermédiaire en assurance au Registre du commerce et des sociétés pour l'activité de courtage d'assurance ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande du liquidateur judiciaire en paiement des commissions dues par l'entreprise d'assurance au courtier, au titre des contrats souscrits par son intermédiaire avant l'ouverture de la procédure collective dont il fait l'objet et sa radiation subséquente du registre de l'ORIAS, la cour d'appel a retenu que l'intermédiaire d'assurance était soumis, non seulement à l'obligation d'inscription au registre du commerce, mais devait également être immatriculé au registre de l'ORIAS pour percevoir une rémunération due au titre de son activité d'intermédiation, y compris, comme en l'espèce, lorsque celle-ci est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation dudit registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l'apport des contrats ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

Mais attendu que les articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1, du code des assurances, dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006, applicable en la cause, dont le second renvoie au premier la désignation des intermédiaires autorisés à recevoir une rémunération au titre de l'activité d'intermédiation en assurance, ont été pris en application du IV) de l'article L. 511-1 du même code qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, a confié à un décret en Conseil d'Etat la détermination des catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer une telle activité ;

Que le I) de l'article L. 511-1 assure la transposition, en droit interne, notamment, des points 5 et 6, de l'article 2 de la directive n° 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance, qui définissent l'intermédiaire d'assurance et l'intermédiaire de réassurance ; que ces définitions sont énoncées aux fins d'application du dispositif d'immatriculation obligatoire des intermédiaires institué par l'article 3, point 1, de la directive, immatriculation que le point 3 du même article subordonne au respect des exigences professionnelles posées par l'article 4, paragraphe 1 ; que ces exigences recouvrent l'obligation, pour l'intermédiaire, de posséder les connaissances et aptitudes appropriées, de répondre à certaines conditions d'honorabilité, d'être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle et d'offrir des garanties de représentation des fonds qu'il reçoit des assurés ou pour le compte de ceux-ci ;

Que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la directive, prise dans son ensemble, poursuit, ainsi qu'énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, soit, en premier lieu, l'achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l'assurance, par l'élimination des entraves à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, en second lieu, l'amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine (arrêt du 17 octobre 2013, EEAE, C-555/11, point 27) ; qu'une interprétation de ses dispositions qui permettrait à une certaine catégorie de personnes d'offrir des services d'intermédiation en assurance sans remplir les exigences professionnelles prévues à l'article 4, § 1, porterait atteinte à cette double finalité, d'une part, en créant des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l'assurance, contrevenant ainsi à l'objectif, fixé au considérant 9 de la directive, de respect de l'égalité de traitement entre toutes les catégories d'intermédiaires, d'autre part, en ne permettant pas d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur ce marché, preneurs d'assurance, qui garantisse que les intermédiaires possèdent les connaissances et les aptitudes appropriées, nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l'intermédiation d'assurance, et qu'ils puissent ainsi garantir la qualité d'une telle intermédiation (même arrêt, points 28 à 30) ;

Qu'il en résulte que l'immatriculation est l'instrument d'une vérification des exigences professionnelles que la directive requiert de tout intermédiaire d'assurance, pour garantir un service d'intermédiation de qualité, dans des conditions financières sécurisées, tout en assurant l'égalité de traitement entre les différents opérateurs aptes à accéder à cette activité et à l'exercer ; qu'il s'ensuit que les dispositions combinées des articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1, du code des assurances, qui ont pour seul objet de déterminer les catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer l'intermédiation en assurance, ne sauraient, sans contrevenir aux objectifs de la directive qu'ils transposent, avoir pour effet de permettre à un courtier d'assurance de percevoir une rémunération après sa radiation du registre unique des intermédiaires, au seul motif qu'il demeure inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l'activité de courtage, cette formalité, outre qu'elle ne vise qu'à conférer le droit d'exercer le commerce, ne pouvant bénéficier aux autres catégories d'intermédiaires d'assurance, qui n'y sont pas assujetties ;

Et attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'aux termes de l'article L. 511-1, I, alinéa 2, du code des assurances, la rémunération constitue un critère de définition de l'intermédiaire d'assurance, c'est à bon droit que la cour d'appel a déduit du rapprochement de ce texte, des dispositions réglementaires prises pour son application et des prescriptions de l'article L. 512-I, que la rémunération de l'activité d'intermédiation du courtier d'assurance était cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l'ORIAS, y compris lorsque, comme en l'espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l'apport des contrats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, après avis de la chambre commerciale, financière et économique, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Attendu que le liquidateur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, un contrat ne peut être résilié ou résolu du seul fait de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'il en résulte que le cocontractant du débiteur soumis à la procédure collective est tenu de continuer à exécuter ses obligations contractuelles, le sort du contrat en cours relevant des seules prérogatives du liquidateur judiciaire ; que, dès lors, en l'espèce, Mme Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire du courtier, était fondée à soutenir que l'entreprise d'assurance ne pouvait invoquer les dispositions du code des assurances pour cesser d'exécuter son obligation à paiement des commissions dues au courtier en contrepartie des contrats d'assurance souscrits par son intermédiaire, avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant, cependant, que le mandataire judiciaire n'est pas fondé à opposer à l'entreprise d'assurance les dispositions des articles L. 641-10 ancien et L. 622-13 du code de commerce dès lors qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de la résiliation d'un contrat mais de la suspension du paiement des commissions que l'assureur indique vouloir reprendre dès que les droits auront pu être cédés au profit d'un intermédiaire immatriculé au registre de l'ORIAS, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;

Mais attendu que ne relève pas de l'exécution d'un contrat en cours au sens des articles L. 622-13 et L. 641-10 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, l'obligation à paiement de commissions de courtage nées de l'apport de contrats d'assurance par un courtier d'assurance avant sa mise en liquidation judiciaire et portant sur des commissions dues postérieurement à celle-ci ; qu'il en résulte que les textes invoqués ne sont pas applicables ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kamara - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles L. 622-13 et L. 641-10 du code de commerce ; articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, du code des assurances dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006.

Com., 3 octobre 2018, n° 17-14.579, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Report de la date de cessation des paiements – Action – Recevabilité – Conditions – Vérification préalable des créances (non)

La recevabilité de l'action en report de la date de cessation des paiements n'est pas subordonnée à la vérification préalable des créances.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 décembre 2016), que la société CMP contractant général (la société CMP), dirigée par la société SCB investissement (la société SCB), a été mise en liquidation judiciaire simplifiée le 9 avril 2014, la date de cessation des paiements étant fixée au 3 avril précédent, et la SELAS MJ X..., en la personne de M. Y..., désignée en qualité de liquidateur ; que la SELAS MJ X... a demandé le report de la date de cessation des paiements au 1er septembre 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SCB fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par elle alors, selon le moyen, que le débiteur soumis à une procédure collective dispose d'un droit propre à se défendre à l'action tendant au report de la date de cessation de ses paiements dont la nature est contentieuse et qu'à cette fin, à défaut de la remise au greffe d'une requête conjointe ou de la présentation volontaire des parties constatés par la signature d'un procès-verbal, une assignation doit lui être délivrée ; qu'en retenant que « la débitrice [la société CMP] étant représentée par une personne morale [la société SCB investissements], c'est à bon droit que celle-ci a été assignée en report de la date de cessation des paiements », sans rechercher si la société SCB n'avait pas été assignée en son nom propre et non en qualité de représentante légale de la société CMP, de sorte que celle-ci n'avait pas été valablement assignée à l'action tendant au report de la date de cessation de ses paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-8, alinéa 3, du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que c'était en qualité de président de la société débitrice que la société SCB avait été assignée par le liquidateur de la société CMP, en vue du report de la date de cessation des paiements, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société SCB fait grief à l'arrêt de reporter la date de cessation des paiements de la société CMP au 1er septembre 2013 alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en statuant sur le report de la date de cessation des paiements, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société SCB faisait valoir que le liquidateur n'avait pas procédé à la vérification des créances,- laquelle, bien que limitée, dans le cadre de la procédure de liquidation simplifiée, aux seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions et aux créances résultant d'un contrat de travail, n'en demeure pas moins obligatoire - la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que « si, sur sa déclaration de cessation des paiements, la société CMP a indiqué disposer d'autorisations de découvert du Crédit agricole et de la Banque populaire, elle a indiqué que ces derniers étaient de 10 000 euros et non de 50 000 euros », alors qu'il ressortait de cette déclaration de cessation des paiements que la société CMP a fait état d'un découvert autorisé de 50 000 euros au Crédit agricole et de 10 000 euros à la Banque populaire, la cour d'appel a dénaturé cette pièce, en violation du principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ;

Mais attendu, d'une part, que, la recevabilité de l'action en report de la date de cessation des paiements n'étant pas subordonnée à la vérification préalable des créances, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la première branche ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt ayant relevé que la société SCB ne produit aucune pièce démontrant la réalité des crédits qu'elle prétend avoir obtenus de deux établissements bancaires, le grief de dénaturation de la déclaration de cessation des paiements mentionnant ces crédits est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Lévis -

Com., 17 octobre 2018, n° 17-17.672, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Jugement – Créanciers postérieurs – Régime de faveur – Réunion des conditions du paiement à l'échéance de la créance – Précision – Nécessité – Office du juge

Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard des articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce, la cour d'appel qui, pour fixer à une certaine somme la créance de dommages-intérêts résultant du vol de marchandises confiées à une société d'entreposage alors en redressement judiciaire, retient que, la créance étant née du sinistre survenu au cours de la période d'observation, elle n'est pas une créance antérieure au sens de l'article L. 622-24 du code de commerce et n'avait pas à être déclarée, sans préciser si cette créance postérieure réunissait ou non les conditions de son paiement à l'échéance, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation de la société d'entreposage à la régler et dans le second cas, de prononcer l'irrecevabilité de la demande formée contre cette dernière.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, que sur le pourvoi incident relevé par la société Entreposage havrais et M. C..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société ;

Donne acte à MM. Dominique et Frédéric Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel Dumas Chavane, du désistement de leur pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les sociétés France intervention et Groupe scutum ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Entreposage havrais, qui était en redressement judiciaire depuis le 28 janvier 2011, s'est vue confier les 8 et 15 avril suivants par la société Transport P. Fatton (la société Fatton) les opérations d'entreposage et de dépotage de cinq conteneurs de téléviseurs importés en France par la société Adméa, assurée par la société Allianz ; que des téléviseurs ayant été volés dans les entrepôts de la société Entreposage havrais, la société Adméa et son assureur ont assigné en responsabilité la société Fatton et la société Entreposage havrais, ainsi que son assureur, la société Groupama transport, aux droits de laquelle est venue la société Gan eurocourtage, devenue la société Helvetia (la société Helvetia), mettant ultérieurement en cause la société Catherine J..., mandataire judiciaire, et M. C..., l'administrateur judiciaire, devenu commissaire à l'exécution du plan ; que MM. D. et F. Y..., B..., Z... et A..., courtiers de la société Adméa (les courtiers) ont désintéressé cette dernière et son assureur et ont été subrogés dans leurs droits ; qu'ils ont à leur tour assigné la société Entreposage havrais et les organes de sa procédure collective ; que la société Entreposage havrais a mis en cause la société Helvetia ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code ;

Attendu que pour fixer la créance des courtiers à la somme de 91 319,21 euros, l'arrêt retient que, la créance étant née du sinistre survenu au cours de la période d'observation, elle n'est pas une créance antérieure au sens de l'article L. 622-24 du code de commerce et n'avait pas à être déclarée ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si cette créance postérieure réunissait ou non les conditions de son paiement à l'échéance, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation de la société Entreposage havrais à la régler et, dans le second cas, le prononcé de l'irrecevabilité de la demande formée contre cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance chirographaire de MM. Y..., Z..., A... et B..., exerçant sous l'enseigne Chomel, Dumas, Chavane, sur la procédure collective de la société Entreposage havrais à la somme de 91 319,21 euros, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Le Prado ; Me Balat ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce.

Com., 3 octobre 2018, n° 17-10.557, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Procédure – Copie de la lettre contenant la demande de revendication adressée à l'administrateur – Envoi au mandataire judiciaire – Obligation – Inobservation – Sanction – Absence

Si l'article R. 624-13 du code de commerce impose au revendiquant d'adresser au mandataire judiciaire une copie de la lettre recommandée contenant la demande de revendication qu'il doit envoyer à l'administrateur dans le délai prescrit à l'article L. 624-9 du même code, aucun texte ne sanctionne la méconnaissance de cette formalité, édictée pour l'information du mandataire, lequel, selon l'article L. 624-17, n'a pas à prendre position sur la revendication dans l'hypothèse d'une procédure de redressement judiciaire comportant la désignation d'un administrateur.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 novembre 2016), rendu en matière de référé, que la société Saga Aquitaine (la société Saga) a été mise en redressement judiciaire le 22 octobre 2014, la Selarl Y... étant désignée administrateur et la Selarl X... mandataire judiciaire ; que la société Européenne de location automobile Z... (la société Elat), qui avait donné plusieurs véhicules en location à la société Saga, a, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 octobre 2014, mis en demeure l'administrateur de se prononcer sur la poursuite des contrats de location, lui précisant qu'à défaut, elle se réservait le droit de récupérer les véhicules en sa qualité de propriétaire ; que le 4 novembre 2014, l'administrateur judiciaire a répondu qu'il entendait poursuivre l'exécution des contrats en cours en ajoutant reconnaître la propriété de la société Elat sur les véhicules loués ; que le redressement de la société Saga a été converti en liquidation judiciaire le 21 janvier 2015, la Selarl X... devenant liquidateur ; que la société Elat ayant repris possession des véhicules précédemment loués, le liquidateur l'a assignée pour en obtenir la restitution et voir déclarer inopposable à la procédure collective le droit de propriété de la société Elat sur un véhicule immatriculé [...], détenu par un commissaire-priseur ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de la société Elat à lui restituer sous astreinte les véhicules Iveco immatriculé [...], Iveco immatriculé [...], Iveco immatriculé [...], Peugeot 208 immatriculé [...], Peugeot 308 immatriculé [...], Peugeot 308 immatriculé [...], et Peugeot Partner immatriculé [...], et de le condamner, ès qualités, à restituer à la société Elat le véhicule Peugeot 208 immatriculé [...] alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à celui qui se prétend propriétaire d'un bien détenu par un débiteur placé en procédure collective de le revendiquer en adressant à l'administrateur judiciaire, à défaut au débiteur, une demande de reconnaissance de son droit de propriété préalablement à toute saisine du juge-commissaire d'une requête en revendication ; que la circonstance que le bien revendiqué fasse l'objet d'un contrat en cours ne dispense pas son propriétaire de formuler cette demande dans le délai légal ; que la lettre tendant à la continuation d'un contrat en cours portant sur un tel bien ne vaut pas en elle-même demande en revendication de ce bien, sauf si cette lettre invite expressément son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété de son auteur ; qu'en l'espèce, la société Elat a, par une lettre du 27 octobre 2014, mis en demeure la société Vincent Y..., administrateur judiciaire de la société Saga Aquitaine, de poursuivre les contrats de location longue durée portant sur 11 véhicules, se bornant à préciser « qu'à défaut, nous nous réservons le droit de récupérer lesdits véhicules » ; que la cour d'appel a jugé que, par ce courrier, la société Elat avait entendu revendiquer les véhicules litigieux en cas de non-poursuite des contrats de location par l'administrateur judiciaire et qu'elle avait dès lors bien saisi ce dernier d'une demande de revendication ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la lettre du 27 octobre 2014 formulait, indépendamment de la mise en demeure de continuer les contrats en cours, une demande tendant à l'acquiescement de l'administrateur judiciaire à son droit de propriété sur les véhicules litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9, L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer qu'il soit jugé que la cour d'appel a considéré que la lettre du 27 octobre 2014 comportait une demande en revendication distincte de la mise en demeure de poursuivre les contrats en cours qu'elle formulait, elle aurait alors dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, qui ne contient aucune demande tendant à la reconnaissance du droit de propriété de la société Elat sur les véhicules litigieux, violant ainsi le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que la reconnaissance par l'administrateur judiciaire du droit de propriété d'un tiers à la procédure collective n'est régulière qu'à la condition que ce dernier lui ait préalablement adressé une demande en ce sens ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Vincent Y..., en réponse à la lettre de mise en demeure de la société Elat datée du 27 octobre 2014, avait indiqué : « Par ailleurs, si vous m'avez interrogé sur la poursuite ci-dessus et si votre interrogation comportait une demande en acquiescement de propriété, je vous confirme au vu du contrat ci-dessus évoqué reconnaître votre propriété sur le matériel concerné » ; qu'ayant constaté que la lettre du 27 octobre 2014 avait pour objet la mise en demeure de l'administrateur judiciaire de poursuivre les contrats de location en cours, et avait réservé une demande en restitution des véhicules loués en l'absence de poursuite de ces contrats, de sorte qu'elle ne formait pas de demande de la société Elat tendant à la reconnaissance de son droit de propriété, et à supposer qu'elle ait jugé que la reconnaissance par l'administrateur judiciaire du droit de propriété de cette dernière suffisait à justifier la possibilité pour la société Elat de reprendre possession des véhicules litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9 et L. 624-17 du code de commerce ;

4°/ que dans les trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective, celui qui prétend revendiquer un bien meuble entre les mains du débiteur doit adresser une demande en ce sens à l'administrateur judiciaire, ou à défaut au débiteur, par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'il doit en adresser copie au mandataire judiciaire ; que le non-respect de ces formalités prive le demandeur de son droit à revendication ; qu'en l'espèce, la société Christophe X... faisait valoir que la lettre adressée par la société Elat à l'administrateur judiciaire le 27 octobre 2014, à supposer qu'elle ait contenu une demande en revendication des véhicules litigieux, ne lui avait pas été adressée en copie, ce qui la privait de toute portée ; que la cour d'appel, pour considérer que la société Elat avait valablement saisi l'administrateur judiciaire d'une demande en revendication dans le délai légal, s'est bornée à relever que la lettre du 22 octobre 2014 avait été adressée à l'administrateur, qu'elle comportait une demande en revendication, et que l'administrateur avait acquiescé à cette demande ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel la demande en revendication de la société Elat n'était pas régulière puisqu'elle n'avait pas été adressée en copie à la société Christophe X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'en réponse à la lettre de la société Elat du 27 octobre 2014, l'administrateur avait, le 4 novembre suivant, opté pour la poursuite des contrats de location et ajouté que « si votre interrogation comportait une demande en acquiescement de propriété, je vous confirme [...] reconnaître votre propriété sur le matériel concerné », c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes des lettres échangées les 27 octobre et 4 novembre 2014, que leur ambiguïté rendait nécessaire, et sans encourir les griefs des première et troisième branches, que la cour d'appel a analysé la lettre de la société Elat en une demande de revendication et fait ressortir que l'administrateur, s'estimant saisi d'une telle demande, y avait acquiescé en reconnaissant expressément la propriété de la société Elat sur les véhicules objets des contrats de location ;

Et attendu, en second lieu, que si l'article R. 624-13 du code de commerce impose au revendiquant d'adresser au mandataire judiciaire une copie de la lettre recommandée contenant la demande de revendication qu'il doit envoyer à l'administrateur dans le délai prescrit à l'article L. 624-9 du même code, aucun texte ne sanctionne la méconnaissance de cette formalité, édictée pour l'information du mandataire, lequel, selon l'article L. 624-17, n'a pas à prendre position sur la revendication dans l'hypothèse d'une procédure de redressement judiciaire comportant la désignation d'un administrateur ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la quatrième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Articles L. 624-9, L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce.

Com., 10 octobre 2018, n° 17-18.547, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Redressement judiciaire – Période d'observation – Contrats en cours – Interdiction de leur résiliation ou résolution du seul fait de l'ouverture du redressement – Domaine d'application – Exclusion – Marché de travaux – Sursis à exécution – Garantie financière – Défaut

Un entrepreneur ayant, avant l'ouverture du redressement judiciaire du maître de l'ouvrage, vainement mis en demeure ce dernier de payer les travaux exécutés et de fournir la garantie prévue par l'article 1799-1 du code civil, puis régulièrement sursis à l'exécution de ses prestations, et dès lors que l'ouverture d'une procédure collective ne peut avoir pour effet de contraindre un entrepreneur à reprendre ses travaux, sans obtenir la garantie financière édictée par le texte précité, une cour d'appel fait l'exacte application des articles L. 622-13, I, L. 631-14 du code de commerce et 1799-1 du code civil en retenant que si le maître de l'ouvrage débiteur ne pouvait payer les créances de l'entrepreneur, antérieures au jugement d'ouverture, aucune disposition du livre VI du code de commerce ne lui interdisait d'effectuer les diligences nécessaires à l'obtention de la garantie financière manquante, qui demeurait exigible, pour en déduire que la suspension des travaux, régulièrement acquise avant l'ouverture du redressement judiciaire, demeurait licite et exempte de tout abus de la part de l'entrepreneur.

Redressement judiciaire – Ouverture – Procédure – Jugement – Effets – Interdiction de payer toute créance née antérieurement – Domaine d'application – Exclusion – Fourniture d'une garantie financière – Marché de travaux

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Centre médico-chirurgical des jockeys de Chantilly (le CMCJ), assistée par la société Crédit agricole immobilier entreprise (CAIE), devenue le Crédit agricole immobilier promotion, en qualité d'assistant à la maîtrise d'ouvrage, et par la société L'Atelier d'architecture hospitalière Alain Z... (AAHAJ), maître d'oeuvre, a, par un marché du 19 avril 2010, confié des travaux de restructuration de deux cliniques et d'un centre médico-chirurgical à un groupement d'entreprises dont la société Sogea Picardie (la Sogea) était la mandataire, la société Axima concept se voyant confier les lots désenfumage et plomberie ; que faisant valoir des situations de travaux impayées depuis mars 2011 et l'absence de garantie conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil, la Sogea a mis en demeure le CMCJ le 19 août 2011 de fournir la garantie et de régler les situations, sous peine de suspension des travaux à compter du 9 septembre 2011 puis, constatant la défaillance du maître de l'ouvrage, a suspendu les travaux à la date notifiée, la société Axima concept faisant de même après une mise en demeure du 26 août 2011 également restée infructueuse ; que le 24 novembre 2011, la Sogea a assigné le CMCJ en paiement des travaux et a demandé la résolution du contrat ; que le CMCJ ayant été mis en redressement judiciaire le 22 décembre 2011, la Sogea a déclaré une créance de 742 921 euros ; que les organes de la procédure collective du CMCJ sont intervenus volontairement à l'instance engagée par la Sogea et y ont appelé en intervention forcée l'architecte et l'assistant à la maîtrise d'ouvrage ; que le plan de redressement du CMCJ a été arrêté par un jugement du 12 juillet 2013 ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que le CMCJ et M. Y..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de ce dernier, font grief à l'arrêt, confirmatif sur ces points, de résilier le contrat de louage d'ouvrage conclu entre la Sogea et le CMCJ aux torts exclusifs de celui-ci, de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la Sogea et celles formées contre la société Axima concept alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que l'arrêt attaqué reconnaît à l'article 1799-1 du code civil un caractère d'ordre public, sans distinguer s'il est de protection ou de direction, et affirme que l'application du troisième alinéa de cette disposition, permettant la suspension d'exécution de ses obligations par le cocontractant, n'est incompatible avec aucune disposition propre aux procédures collectives ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du CMCJ et de M. Y..., ès qualités qui soutenaient que l'ordre public de direction de l'article L. 622-13, I du code de commerce est prioritaire sur l'ordre public de protection de l'article 1799-1 du code civil, ce qui était de nature à conforter la demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la Sogea et de condamnation de celle-ci à indemniser le CMCJ et M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'aux termes des dispositions d'ordre public de l'article L. 622-13, I du code de commerce, auquel l'article L. 631-14 du même code soumet la procédure de redressement judiciaire, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle contraire ; qu'en affirmant, au cas d'espèce, qu'il n'est aucune disposition propre aux procédures collectives qui soit incompatible avec le maintien, par la société Sogea, de la suspension d'exécution de ses obligations en vertu de l'article 1799-1 du code civil, du fait de l'inexécution par le CMCJ placé en redressement judiciaire de son obligation de fournir une garantie à son cocontractant, la cour d'appel, qui a ainsi méconnu la prééminence de la règle propre aux procédures collectives, a violé, par refus d'application, les articles L. 622-13, I et L. 631-14 du code de commerce ;

3°/ que, pour que le créancier entrepreneur puisse surseoir à l'exécution de ses travaux, l'article 1799-1 exige la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, qu'aucune garantie n'ait été fournie et, deuxièmement, que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés ; qu'au cas présent, en affirmant que la suspension de l'exécution du marché restait licite en tant qu'elle était fondée sur le non-respect de l'obligation de faire découlant de l'article 1799-1 du code civil, après avoir pourtant admis que la suspension des travaux par Sogea en tant qu'elle était fondée sur le non-paiement de ses factures devenait illégitime, sa cause étant désormais illicite, et obligeait l'entreprise à reprendre le chantier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 622-13, I et L. 631-14 du code de commerce, ensemble l'article 1799-1 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la Sogea, en l'absence de fourniture par le maître de l'ouvrage de la garantie prévue par l'article 1799-1 du code civil et de paiement par ce dernier de ses factures, a mis en demeure le CMCJ, par une lettre recommandée du 9 août 2011, de se conformer aux exigences du texte précité, l'arrêt retient, à bon droit, par motifs propres et adoptés, que devant la carence persistante du maître de l'ouvrage, la Sogea a régulièrement sursis à l'exécution de ses prestations, le 9 septembre 2011, avant l'ouverture du redressement judiciaire du CMCJ le 22 décembre suivant ; que, répondant aux conclusions prétendument délaissées invoquées par la première branche, l'arrêt retient encore exactement que si l'ouverture de la procédure collective interdisait au débiteur de payer les créances antérieures de la Sogea, aucune disposition propre aux procédures collectives n'empêchait l'administrateur et le débiteur, s'ils voulaient que les travaux reprennent, d'effectuer les diligences nécessaires à l'obtention de la garantie financière manquante qui demeurait, quant à elle, exigible et en déduit que la suspension des travaux, régulièrement acquise avant l'ouverture du redressement judiciaire, demeurait licite et exempte de tout abus de la part de l'entreprise ; que la cour d'appel, qui a, en conséquence, exclu toute faute de la Sogea pour avoir maintenu la suspension des travaux après le jugement d'ouverture a fait l'exacte application des textes d'ordre public invoqués par le moyen, dès lors que l'ouverture d'une procédure collective ne peut avoir pour effet de contraindre un entrepreneur ayant, avant cette ouverture, régulièrement notifié le sursis à l'exécution de ses travaux, à les reprendre sans obtenir la garantie financière édictée par l'article 1799-1 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en sa septième branche :

Attendu que le CMCJ et M. Y..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de ce dernier, font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes contre la société Axima concept alors, selon le moyen, que la cassation, qui interviendra sur les six premières branches du moyen, qui critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il estime dépourvue de caractère abusif la suspension des travaux par Sogea à partir du 9 septembre 2011 et exclusif de toute faute son maintien nonobstant l'ouverture de la procédure collective, entraînera, par voie de conséquence et par application des dispositions des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté le CMCJ et M. Y..., ès qualités de leurs demandes à l'égard de la société Axima concept, dès lors que la cour d'appel constate que les griefs formulés à l'encontre de cette entreprise, en tant qu'ils sont identiques à ceux reprochés à Sogea, appellent les mêmes observations ;

Mais attendu que le rejet des six premières branches du premier moyen rend le moyen sans portée ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, ce dernier pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-7 et L. 622-22 du code de commerce ;

Attendu que l'arrêt, après avoir relevé que l'architecte demandait la rémunération prévue au marché initial et avait déclaré au passif du redressement judiciaire une créance de 468 284,06 euros, retient qu'à défaut de justifier de l'accomplissement de l'intégralité de sa mission, il y a lieu d'accueillir sa demande à concurrence de 350 000 euros et de condamner le CMCJ à lui payer cette somme ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la créance de l'architecte, née antérieurement au jugement d'ouverture, faisait l'objet d'une instance en cours au jour de l'ouverture du redressement judiciaire, de sorte que la cour d'appel, qui devait, une fois cette créance déclarée au passif de la société débitrice et les formalités de reprise d'instance accomplies, en fixer le montant au passif du redressement judiciaire pour la somme qu'elle retenait, sans pouvoir prononcer une condamnation en paiement contre l'association débitrice, a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles 627 du code de procédure civile et L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Centre médico-chirurgical des jockeys de Chantilly à verser à la société L'Atelier d'architecture hospitalière Alain Z... une somme de 350 000 euros TTC, l'arrêt rendu le 28 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Fixe la créance de la société L'Atelier d'architecture hospitalière Alain Z... au passif de l'association Centre médico-chirurgical des jockeys de Chantilly à la somme de 350 000 euros TTC.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Boulloche ; SARL Cabinet Briard ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 1799-1 du code civil ; articles L. 622-13, I et L. 631-14 du code de commerce.

Com., 17 octobre 2018, n° 17-17.635, (P)

Rejet

Sauvegarde – Ouverture – Procédure – Jugement – Rétractation – Effets – Cours des intérêts – Reprise rétroactive – Portée

La rétractation, par une cour d'appel, d'un jugement ouvrant une procédure de sauvegarde à l'égard d'un débiteur met fin rétroactivement à l'arrêt du cours des intérêts résultant de plein droit du jugement d'ouverture, en application de l'article L. 622-28 du code de commerce.

Dès lors, une cour d'appel en déduit exactement que, si ce débiteur est ultérieurement mis en redressement judiciaire, un créancier déclarant peut bénéficier des intérêts contractuels courus, sur sa créance, sur la période comprise entre le jugement ouvrant la sauvegarde et l'arrêt rétractant ce dernier.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 mars 2017), qu'un arrêt, devenu irrévocable, du 30 juin 2011 a condamné la société Optique Herpin (la société Herpin) à payer à la société Guilde des lunetiers (la Guilde des lunetiers) une certaine somme assortie d'intérêts contractuels ; que la société Herpin a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 18 juillet 2011 contre lequel la Guilde des lunetiers a formé une tierce opposition qui a été rejetée par un jugement du 7 novembre 2011 ; qu'appel ayant été relevé de ce dernier, un arrêt du 24 janvier 2013, devenu irrévocable, a rétracté les dispositions du jugement du 18 juillet 2011 ; que la société Herpin a été mise en redressement judiciaire le 22 octobre 2013 ; que la Guilde des lunetiers a déclaré sa créance qui a été contestée par la société débitrice, au motif qu'elle incluait les intérêts échus entre le jugement de sauvegarde du 18 juillet 2011 et la signification de l'arrêt du 24 janvier 2013 rétractant ce jugement ; que le 24 avril 2015, la société Herpin a bénéficié d'un plan de redressement, la société Z... étant nommée commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que la société Herpin fait grief à l'arrêt de dire que la Guilde des lunetiers peut prétendre aux intérêts sur sa créance au titre de la période couverte par la procédure de sauvegarde et d'admettre en conséquence sa créance à concurrence de 532 218,64 euros à titre privilégié et 49 326,88 euros à titre chirographaire alors, selon le moyen, que dans l'hypothèse où la décision frappée de recours est exécutoire par l'effet de la loi, nonobstant l'exercice du recours, sans que le bénéficiaire de la décision ait à prendre une quelconque initiative, et ce à raison de considérations touchant à l'intérêt général et donc à l'ordre public, il est exclu que la somme détenue par la partie qui bénéficie de la décision puisse être redevable d'intérêts tant qu'il n'a pas été statué sur le recours, peu important que la décision faisant l'objet du recours soit ultérieurement anéantie ; que tel est le cas dans l'hypothèse où un jugement de sauvegarde, suspendant le cours des intérêts, est ultérieurement infirmé ; qu'en décidant le contraire, pour majorer la créance de la société Guilde des lunetiers d'intérêts, les juges du fond ont violé l'article L. 622-28 et R. 661-1 du code de commerce, ensemble l'article 579 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la rétractation d'un jugement prive rétroactivement ce dernier de tous ses effets ; qu'ayant relevé que l'arrêt du 24 janvier 2013 avait rétracté le jugement du 18 juillet 2011 ouvrant la procédure de sauvegarde de la société Herpin, la cour d'appel en a exactement déduit que cette rétractation avait mis fin à l'arrêt du cours des intérêts résultant de plein droit du jugement d'ouverture, en application l'article L. 622-28 du code de commerce, de sorte que la société Herpin ne pouvait bénéficier de l'arrêt du cours des intérêts contractuels à compter du jugement du 18 juillet 2011 ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Nicolaÿ de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 622-28 du code de commerce.

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