Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 3 octobre 2018, n° 17-21.836, (P)

Cassation partielle

Comité central d'entreprise – Délégué au comité central – Organisation de l'élection – Protocole d'accord préélectoral – Contenu – Modification – Conditions – Détermination

Si des modifications négociées entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées peuvent être apportées à un protocole préélectoral, ces modifications ne peuvent résulter que d'un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même.

Il en résulte que lorsqu'un accord préélectoral signé au niveau central prévoit que le titulaire d'un mandat au comité central d'entreprise sera remplacé par son suppléant, en cas de cessation de ses fonctions en cours de mandat, il ne peut être procédé lors de la démission du titulaire à l'élection d'un remplaçant par le comité d'établissement en l'absence d'un nouvel accord modifiant les conditions de remplacement du titulaire signé entre les représentants de l'entreprise et les organisations syndicales centrales intéressées, aux conditions de double majorité exigées par l'article L. 2324-4-1 du code du travail.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2324-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que si des modifications négociées entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées peuvent être apportées à un protocole préélectoral, ces modifications ne peuvent résulter que d'un avenant soumis aux mêmes conditions de validité que le protocole lui-même ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par accord collectif du 24 juin 2010, une unité économique et sociale a été créée entre quinze sociétés du groupe J..., prévoyant la création de deux comités centraux d'entreprise ; que le 21 avril 2011, un protocole d'accord préélectoral a été signé entre les représentants de l'UES et les organisations syndicales centrales pour la mise en place du comité central d'entreprise de la branche dermo-cosmétique (le CCE) ; que ce protocole prévoyait notamment que dans le cas où un membre titulaire du CCE cesserait son mandat en cours d'exercice, il serait remplacé par un suppléant ; que M. G..., membre du CCE en qualité de représentant du comité d'établissement de [...] ayant démissionné en février 2015, il a été procédé à l'élection de son remplaçant par le comité d'établissement de [...] en mars 2015 ; que les représentants de la direction centrale de l'UES ont contesté cette élection en juillet 2015 ;

Attendu que pour débouter les représentants de l'UES de leur demande, la cour d'appel retient, d'une part que le choix du chef d'entreprise de procéder au remplacement d'un titulaire au comité central d'entreprise par voie d'élection, en l'absence d'opposition des représentants élus ou des organisations syndicales, ne peut être en soi sanctionné alors qu'il est plus favorable à l'expression de la démocratie dans l'entreprise ; d'autre part que dès lors qu'ils avaient reçu sans réagir les procès verbaux de réunion du comité d'établissement du [...] en mars 2015, les membres de la direction centrale, qui n'ont réagi qu'en juillet 2015, lors de la préparation de la réunion du CCE, ont de fait renoncé à agir ; enfin, que la désignation du remplaçant n'a été effective que pour la durée du mandat en cours qui s'est achevé en octobre 2016 ;

Qu'en statuant ainsi alors, d'une part que l'intérêt à agir doit être apprécié lors de l'engagement de l'action, et d'autre part qu'il n'était ni invoqué ni justifié d'un accord entre les représentants de l'UES et les organisations syndicales centrales intéressées, aux conditions de double majorité exigées par l'article L. 2324-4-1 du code du travail, pour modifier les conditions de remplacement d'un membre titulaire du CCE par son suppléant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la contestation introduite par les sociétés composant l'UES J... et le président du comité d'établissement J..., l'arrêt rendu le 19 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 2324-4-1 du code du travail dans sa rédaction applicable.

Soc., 3 octobre 2018, n° 17-29.022, (P)

Cassation

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Vote par voie électronique – Exercice personnel du droit de vote – Portée

Le recours au vote électronique pour les élections professionnelles, subordonné à la conclusion d'un accord collectif garantissant le secret du vote, ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral. L'exercice personnel du droit de vote constitue un principe général du droit électoral auquel seul le législateur peut déroger.

Principes généraux – Principes généraux du droit électoral – Respect – Nécessité – Applications diverses – Vote par voie électronique

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2314-21 et L. 2324-19 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Attendu que le recours au vote électronique pour les élections professionnelles, subordonné à la conclusion d'un accord collectif garantissant le secret du vote, ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral ; que l'exercice personnel du droit de vote constitue un principe général du droit électoral auquel seul le législateur peut déroger ;

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en application d'un protocole préélectoral signé au sein de l'établissement de Villabe de la société Flunch, les élections de la délégation du personnel et des membres du comité d'entreprise ont été organisées le 3 octobre 2017, avec recours au vote électronique ; qu'invoquant le fait qu'une salariée, candidate aux élections professionnelles, ait voté en lieu et place de deux autres salariées qui lui avaient confié leur code confidentiel, l'employeur a sollicité l'annulation des élections ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à annulation des élections, le tribunal retient que bien que dûment informées du caractère personnel, confidentiel du vote, ne pouvant être confié à un tiers, deux salariées ont en toute connaissance de cause confié leur clé de vote à une troisième pour qu'elle vote pour elles, que la fraude n'est donc pas établie, et qu'en toute hypothèse, l'irrégularité relevée n'est pas de nature à fausser les résultats ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé les textes et principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Evry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Longjumeau.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 2314-21 et L. 2324-19 du code du travail dans leur rédaction applicable.

Soc., 3 octobre 2018, n° 17-14.570, (P)

Cassation

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Délégation du personnel – Désignation – Scrutin – Organisation du scrutin – Modalités – Panachage (non)

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4613-1 du code du travail alors applicable ;

Attendu qu'à défaut d'accord unanime entre les membres du collège mentionné à l'article susvisé, la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est élue au scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et à un seul tour ; que toute candidature individuelle constitue une liste et que le panachage des listes n'est pas admis ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 26 octobre 2016, la direction de la société Magasins Galeries Lafayette a convoqué les membres du comité d'établissement et les délégués du personnel à une réunion préparatoire à l'élection des membres du CHSCT, qui s'est tenue le 2 novembre 2016, l'élection étant prévue pour le 8 novembre suivant ; que le 23 novembre 2016, le syndicat CGT du Bas-Rhin, le syndicat CFDT des services et commerces du Bas-Rhin (le syndicat), Mme I..., MM. Y..., Z... et A... ont saisi le tribunal d'instance pour faire annuler ces élections ;

Attendu que pour débouter le syndicat, Mme I..., MM. Y..., Z... et A..., le tribunal a constaté que treize votants ont participé à la désignation et que vingt et un votes ont été comptabilisés, mais a retenu que le recours au panachage avait été autorisé par un accord unanime implicite et que le choix des modalités de scrutin pouvait résulter d'un accord unanime quand bien même ledit accord n'aurait pas été exprès ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le recours au panachage des listes n'est pas admis, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Strasbourg ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saverne.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 4613-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le panachage n'est pas admis lors du scrutin pour les élections des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à rapprocher : Soc., 13 juillet 1993, pourvoi n° 92-60.344, Bull. 1993, V, n° 208 (cassation).

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