Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-26.126, (P)

Rejet

Domaine d'application – Bail d'une durée égale ou inférieure à deux ans – Preneur laissé en possession – Nouveau bail – Conditions – Inscription au registre du commerce et des sociétés (non)

Lorsque le preneur est laissé en possession à l'expiration d'un bail dérogatoire, l'inscription au registre du commerce et des sociétés n'est pas nécessaire pour que s'opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux.

Sur les premier et second moyens :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 mai 2017), que, le 15 février 2004, Mme X... a donné à bail dérogatoire à M. Y... et M. Z... un local commercial pour une durée de vingt-trois mois à compter du 15 février 2004, les preneurs s'engageant, à peine de caducité du contrat, à fournir une attestation de leur inscription au registre du commerce et des sociétés dans un délai de deux mois suivant la prise d'effet du bail ; que trois autres baux dérogatoires de même durée ont été conclus successivement à compter du 1er février 2006, du 1er février 2008 et du 1er février 2010 ; que, le 6 août 2013, M. Y..., laissé en possession des lieux loués, a assigné la bailleresse aux fins de voir constater qu'il était titulaire d'un bail commercial d'une durée de neuf années ayant commencé le 1er février 2006 ; qu'invoquant l'absence d'immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés à la date de l'assignation, Mme X... a conclu au rejet de la demande et, à titre reconventionnel, à l'acquisition de la clause résolutoire du dernier bail dérogatoire ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. Y... ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le preneur avait été laissé en possession à l'expiration du premier bail dérogatoire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a retenu à bon droit, sans contradiction, que l'inscription au registre du commerce et des sociétés n'est pas nécessaire pour que s'opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux et en a exactement déduit que M. Y... était devenu titulaire d'un bail statutaire de neuf ans à la date du 1er février 2006 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Lesourd -

Textes visés :

Article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : 3e Civ., 30 avril 1997, pourvoi n° 94-16.158, Bull. 1997, III, n° 92 (cassation).

3e Civ., 11 octobre 2018, n° 17-23.211, (P)

Rejet

Preneur – Obligations – Clause du bail – Obligation d'adhésion à une association de commerçants – Nullité – Effets – Cotisations – Exemption – Cas – Exercice du droit de retrait

Le preneur d'un local commercial qui se retire d'une association de commerçants, à laquelle il était tenu d'adhérer en vertu d'une stipulation du bail entachée de nullité absolue, n'a plus à en payer les cotisations.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 juin 2017), que la société Flunch, locataire de locaux à usage commercial appartenant à la société Carrefour et dépendant d'un centre commercial, a cessé, à compter de janvier 2014, de régler ses cotisations à l'association des commerçants du Grand Vitrolles (l'association) à laquelle elle avait adhéré en exécution d'une stipulation du bail lui en faisant obligation ; que l'association a assigné la société Flunch en paiement des cotisations ; que la locataire lui a opposé la nullité de la clause d'adhésion ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que la clause 12 du bail stipulait, en ses alinéas 1 et 2, que la société Flunch ne s'était pas engagée à participer aux frais de promotion et d'animation du centre commercial, mais à adhérer à l'association des commerçants et, en son alinéa 3, qu'en cas de retrait, le preneur restait tenu de régler à l'association sa participation financière aux dépenses engagées pour l'animation du centre commercial, de sorte que cette clause, qui entravait la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s'en retirer en tout temps, était entachée de nullité absolue, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif inopérant tiré d'une stipulation pour autrui, que la société Flunch ne s'était pas directement engagée à participer aux frais de fonctionnement de l'association et que la demande en paiement des cotisations à compter du 1er janvier 2014 devait être rejetée ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu que le paiement des cotisations résultait de l'adhésion à l'association, que, dès lors que la société Flunch avait renoncé à son adhésion, l'association n'avait plus à la faire participer aux opérations d'animation du centre commercial et la société Flunch n'avait plus à payer les cotisations, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche sur le profit tiré par l'association que ses constatations rendaient inopérante ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, invoquée par l'association sans même rechercher la responsabilité civile de la société Flunch, étaient étrangères aux rapports entretenus par l'association et un commerçant ancien adhérent ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : Me Rémy-Corlay ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 442-6, I, du code de commerce.

3e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-22.129, (P)

Rejet

Prix – Révision – Fixation du prix du loyer révisé – Modification des facteurs locaux de commercialité – Défaut – Cas – Modification des conventions de bail d'entreprises concurrentes

Ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, au sens de l'article L. 145-38 du code de commerce, la modification en faveur d'entreprises concurrentes de conventions auxquelles le bailleur et le locataire sont tiers.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mai 2017), que l'ensemble des acquéreurs des lots de copropriété de la résidence [...], édifiée dans une station de tourisme, a consenti, au titre d'un programme de défiscalisation, un bail commercial à la société Remy Loisirs ; que la locataire a notifié un mémoire en révision des loyers à chacun des propriétaires des lots ; qu'invoquant une modification matérielle de la commercialité, elle a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur locative de la totalité de la résidence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Remy Loisirs fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à reproduire les conclusions des bailleurs, a motivé sa décision en y ajoutant des appréciations qui lui étaient propres ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que la société Remy Loisirs fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer que « la présence » de sociétés concurrentes ne peut être considérée comme la démonstration à elle seule d'une modification matérielle des facteurs de commercialité et que le fait que les quatre autres résidences de tourisme de station aient renégocié les loyers versés aux propriétaires investisseurs est une décision de gestion propre aux résidences concernées et n'est pas opposable aux preneurs pour apprécier la commercialité de la résidence, sans rechercher si la faillite des quatre établissements concurrents de la station, la reprise de leurs fonds de commerce par de nouveaux exploitants pour une valeur nulle à la suite de leur déconfiture et la nouvelle politique tarifaire de ces repreneurs qui n'étant plus tenus par les mêmes charges, sont en mesure de proposer des prix très inférieurs et de multiplier les tarifs promotionnels, obligeant la société Remy Loisirs à s'aligner sur les tarifs pratiqués sur la station et la contraignant à subir un effet de ciseaux entre les loyers indexés qu'elle doit servir à ses bailleurs et ces tarifs, ne constituait pas pour la société Remy Loisirs une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-38 du code de commerce ;

Mais attendu que ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, au sens de l'article L. 145-38 du code de commerce, la modification en faveur d'entreprises concurrentes, intervenue entre la date de la fixation du loyer et celle de la demande de révision, de conventions auxquelles le bailleur et le locataire sont tiers ; qu'ayant retenu que le fait que quatre autres résidences de tourisme de la station aient renégocié les loyers versés aux propriétaires investisseurs était une décision de gestion, propre aux résidences concernées qui n'était pas opposable aux preneurs pour apprécier la commercialité de la résidence, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que la société Rémy Loisirs ne rapportait pas la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 145-38 du code de commerce.

3e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-16.828, (P)

Cassation partielle

Résiliation – Clause résolutoire – Créancier nanti – Notification de la demande – Défaut – Préjudice – Perte de chance de réaliser le gage – Indemnisation – Nécessité

Ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations, une cour d'appel qui refuse d'indemniser un créancier, titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce, à qui n'avait pas été dénoncé l'assignation en résiliation du bail commercial, après avoir retenu que, si cette assignation lui avait été dénoncée, il aurait pu payer l'arriéré de loyers à la date du commandement de payer et ainsi pu préserver le droit au bail et, par voie de conséquence, le fonds de commerce.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 février 2017), qu'une ordonnance de référé du 6 décembre 2005 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de bail commercial conclu entre M. et Mme Y... et la société Lunamod ; que, l'assignation délivrée par M. et Mme Y... ne lui ayant pas été dénoncée, la société Gelied, créancière de la locataire et titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce, a assigné en réparation de son préjudice les bailleurs, qui ont appelé en garantie M. A..., huissier de justice, et M. B..., avocat ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 143-2 du code de commerce, ensemble les articles 4 et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation de la société Gelied, l'arrêt retient que le préjudice de cette société, qui consiste en une perte de chance de se faire payer sa créance sur le prix de vente du fonds de commerce, n'existe que si le fonds avait une valeur patrimoniale et que celle-ci ne justifie pas d'une valeur du fonds au 4 novembre 2005, date de l'assignation en résiliation du bail ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que, si l'assignation en résiliation du bail lui avait été dénoncée, la société Gelied aurait pu payer l'arriéré de loyers à la date du commandement de payer et aurait ainsi pu préserver le droit au bail et, par voie de conséquence, le fonds de commerce de la société Lunamod, lequel constituait son gage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que l'avocat, investi d'un devoir de compétence, est tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client ;

Attendu que, pour rejeter la demande en garantie formée par les bailleurs à l'encontre de l'avocat, l'arrêt retient que la mission confiée à celui-ci ne consistait qu'à rédiger l'assignation en vue de la résiliation du bail et que l'huissier de justice, à qui incombait de signifier l'assignation aux créanciers inscrits, doit être tenu pour responsable de l'erreur ayant consisté à requérir un état des inscriptions sur le fonds de la société Lunamod auprès du tribunal de grande instance du lieu du siège de la société et non auprès de celui du lieu d'exploitation du fonds de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'avocat, qui représente les bailleurs lors de l'instance en résiliation du bail dont il a rédigé l'acte introductif, de veiller à ce que l'état des inscriptions sur le fonds de commerce émane du greffe du tribunal du lieu d'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Gelied, en réparation du préjudice causé par la perte de chance de réaliser son gage, à l'encontre de M. et Mme Y... et en ce qu'il rejette la demande de garantie formée par M. et Mme Y... à l'encontre de M. B..., l'arrêt rendu le 24 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP L. Poulet-Odent ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 143-2 du code de commerce ; articles 4 et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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