Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 25 octobre 2018, n° 16-23.103, (P)

Rejet

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Faute dolosive – Cas – Choix délibéré d'un assuré d'attendre l'effondrement de la couverture de son immeible faute d'entretien

Une cour d'appel peut décider que constitue une faute dolosive, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, le choix délibéré d'un assuré d'attendre l'effondrement de la couverture de son immeuble faute d'entretien, qui avait pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 23 juin 2016), que Mmes A..., B... C... et Marie-Claire C... (les consorts C... A...), d'une part, et M. X..., d'autre part, sont, chacun, propriétaires d'une partie d'une grange qui s'est effondrée le 27 mai 2010 ; que lui en imputant la responsabilité, les consorts C... A... ont assigné en indemnisation M. X... qui a appelé en garantie la société Groupama d'Oc (l'assureur) ; que M. X..., jugé entièrement responsable de l'effondrement de la grange, a été condamné à indemniser les consorts C... A... ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de dire que l'assureur ne doit pas sa garantie à son assuré, M. X..., au titre de l'effondrement de la toiture de sa grange, alors, selon le moyen, que si l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, la faute dolosive, pour être retenue, suppose que soit constatée la volonté de l'assuré de créer le dommage tel qu'il s'était produit ; qu'en imputant au cas présent à M. X... une faute dolosive sans avoir constaté qu'il aurait voulu le dommage tel qu'il s'était produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les expertises diligentées avant et après l'effondrement survenu le 27 mai 2010 avaient constaté la gravité des désordres affectant la grange en sa partie appartenant à M. X... et qu'en dépit de cette gravité apparente et de trois lettres de mise en garde que les consorts C... A... lui avaient adressées les 2 avril 2007, 24 mars et 22 octobre 2009 pour attirer son attention sur l'urgence de faire procéder à des réparations, celui-ci, qui ne pouvait ignorer qu'en l'absence de travaux de consolidation, la couverture de sa partie de grange était vouée à un effondrement certain à brève échéance, était demeuré sans réaction, la cour d'appel, qui, dans l'exercice de son pouvoir souverain, a retenu que la persistance de M. X... dans sa décision de ne pas entretenir la couverture de son immeuble manifestait son choix délibéré d'attendre l'effondrement de celle-ci, a pu en déduire qu'un tel choix, qui avait pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, constituait une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur et a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur la distinction entre la faute intentionnelle et la faute dolosive au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances, à rapprocher : 2e Civ., 12 septembre 2013, pourvoi n° 12-24.650, Bull. 2013, II, n° 168 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 24 octobre 2018, n° 16-16.743, (P)

Rejet

Personnel – Courtier – Commission – Conditions – Inscription au registre du commerce et des sociétés et immatriculation au registre tenu par l'ORIAS

La rémunération de l'activité d'intermédiation du courtier d'assurance est cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l'ORIAS.

Ne relève pas de l'exécution d'un contrat en cours au sens des articles L. 622-13 et L. 641-10 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, l'obligation à paiement de commissions de courtage nées de l'apport de contrats d'assurance par un courtier d'assurance avant sa mise en liquidation judiciaire et portant sur des commissions dues postérieurement à celle-ci.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2016), que la société Epargne sans frontières, immatriculée au registre unique des intermédiaires d'assurance et inscrite dans la catégorie « courtier d'assurance » (le courtier), a distribué, jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 6 novembre 2008, des contrats d'assurance proposés par la société Generali vie (l'entreprise d'assurance) ; qu'elle a été radiée de ce registre pour cessation d'activité, par l'Organisme pour le registre des intermédiaires d'assurances (l'ORIAS), le 6 mars 2009 ; que, soutenant que les dispositions combinées des articles L. 512-2, alinéa 1, R. 511-2-I, 1°, et R. 511-3, II, du code des assurances lui interdisaient, sous peine de sanctions pénales et disciplinaires, de rémunérer un intermédiaire non immatriculé, l'entreprise d'assurance a suspendu l'activité des deux comptes apporteurs du courtier et interrompu le paiement des commissions dues sur les contrats d'assurance en cours ; que le liquidateur judiciaire de ce dernier, devenu la société de mandataires judiciaires MDP (le liquidateur), l'a assignée en paiement des commissions devenues exigibles à compter de la date de la radiation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article R. 511-3, II du code des assurances, la rémunération allouée au titre de l'activité d'intermédiation en assurance ne peut être rétrocédée qu'à l'un des intermédiaires mentionnés au I de l'article R. 511-2 ; que, selon l'article R. 511-2, I, 1°, du code des assurances, l'activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance ne peut être exercée contre rémunération que par les catégories de personnes suivantes : 1° les courtiers d'assurance ou de réassurance, personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce pour l'activité de courtage d'assurance ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes que la condition requise pour percevoir des commissions est l'inscription de l'intermédiaire en assurance au Registre du commerce et des sociétés pour l'activité de courtage d'assurance ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande du liquidateur judiciaire en paiement des commissions dues par l'entreprise d'assurance au courtier, au titre des contrats souscrits par son intermédiaire avant l'ouverture de la procédure collective dont il fait l'objet et sa radiation subséquente du registre de l'ORIAS, la cour d'appel a retenu que l'intermédiaire d'assurance était soumis, non seulement à l'obligation d'inscription au registre du commerce, mais devait également être immatriculé au registre de l'ORIAS pour percevoir une rémunération due au titre de son activité d'intermédiation, y compris, comme en l'espèce, lorsque celle-ci est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation dudit registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l'apport des contrats ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

Mais attendu que les articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1, du code des assurances, dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006, applicable en la cause, dont le second renvoie au premier la désignation des intermédiaires autorisés à recevoir une rémunération au titre de l'activité d'intermédiation en assurance, ont été pris en application du IV) de l'article L. 511-1 du même code qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, a confié à un décret en Conseil d'Etat la détermination des catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer une telle activité ;

Que le I) de l'article L. 511-1 assure la transposition, en droit interne, notamment, des points 5 et 6, de l'article 2 de la directive n° 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance, qui définissent l'intermédiaire d'assurance et l'intermédiaire de réassurance ; que ces définitions sont énoncées aux fins d'application du dispositif d'immatriculation obligatoire des intermédiaires institué par l'article 3, point 1, de la directive, immatriculation que le point 3 du même article subordonne au respect des exigences professionnelles posées par l'article 4, paragraphe 1 ; que ces exigences recouvrent l'obligation, pour l'intermédiaire, de posséder les connaissances et aptitudes appropriées, de répondre à certaines conditions d'honorabilité, d'être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle et d'offrir des garanties de représentation des fonds qu'il reçoit des assurés ou pour le compte de ceux-ci ;

Que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la directive, prise dans son ensemble, poursuit, ainsi qu'énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, soit, en premier lieu, l'achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l'assurance, par l'élimination des entraves à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, en second lieu, l'amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine (arrêt du 17 octobre 2013, EEAE, C-555/11, point 27) ; qu'une interprétation de ses dispositions qui permettrait à une certaine catégorie de personnes d'offrir des services d'intermédiation en assurance sans remplir les exigences professionnelles prévues à l'article 4, § 1, porterait atteinte à cette double finalité, d'une part, en créant des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l'assurance, contrevenant ainsi à l'objectif, fixé au considérant 9 de la directive, de respect de l'égalité de traitement entre toutes les catégories d'intermédiaires, d'autre part, en ne permettant pas d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur ce marché, preneurs d'assurance, qui garantisse que les intermédiaires possèdent les connaissances et les aptitudes appropriées, nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l'intermédiation d'assurance, et qu'ils puissent ainsi garantir la qualité d'une telle intermédiation (même arrêt, points 28 à 30) ;

Qu'il en résulte que l'immatriculation est l'instrument d'une vérification des exigences professionnelles que la directive requiert de tout intermédiaire d'assurance, pour garantir un service d'intermédiation de qualité, dans des conditions financières sécurisées, tout en assurant l'égalité de traitement entre les différents opérateurs aptes à accéder à cette activité et à l'exercer ; qu'il s'ensuit que les dispositions combinées des articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1, du code des assurances, qui ont pour seul objet de déterminer les catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer l'intermédiation en assurance, ne sauraient, sans contrevenir aux objectifs de la directive qu'ils transposent, avoir pour effet de permettre à un courtier d'assurance de percevoir une rémunération après sa radiation du registre unique des intermédiaires, au seul motif qu'il demeure inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l'activité de courtage, cette formalité, outre qu'elle ne vise qu'à conférer le droit d'exercer le commerce, ne pouvant bénéficier aux autres catégories d'intermédiaires d'assurance, qui n'y sont pas assujetties ;

Et attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'aux termes de l'article L. 511-1, I, alinéa 2, du code des assurances, la rémunération constitue un critère de définition de l'intermédiaire d'assurance, c'est à bon droit que la cour d'appel a déduit du rapprochement de ce texte, des dispositions réglementaires prises pour son application et des prescriptions de l'article L. 512-I, que la rémunération de l'activité d'intermédiation du courtier d'assurance était cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l'ORIAS, y compris lorsque, comme en l'espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l'apport des contrats ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, après avis de la chambre commerciale, financière et économique, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Attendu que le liquidateur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, un contrat ne peut être résilié ou résolu du seul fait de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'il en résulte que le cocontractant du débiteur soumis à la procédure collective est tenu de continuer à exécuter ses obligations contractuelles, le sort du contrat en cours relevant des seules prérogatives du liquidateur judiciaire ; que, dès lors, en l'espèce, Mme Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire du courtier, était fondée à soutenir que l'entreprise d'assurance ne pouvait invoquer les dispositions du code des assurances pour cesser d'exécuter son obligation à paiement des commissions dues au courtier en contrepartie des contrats d'assurance souscrits par son intermédiaire, avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant, cependant, que le mandataire judiciaire n'est pas fondé à opposer à l'entreprise d'assurance les dispositions des articles L. 641-10 ancien et L. 622-13 du code de commerce dès lors qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de la résiliation d'un contrat mais de la suspension du paiement des commissions que l'assureur indique vouloir reprendre dès que les droits auront pu être cédés au profit d'un intermédiaire immatriculé au registre de l'ORIAS, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;

Mais attendu que ne relève pas de l'exécution d'un contrat en cours au sens des articles L. 622-13 et L. 641-10 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, l'obligation à paiement de commissions de courtage nées de l'apport de contrats d'assurance par un courtier d'assurance avant sa mise en liquidation judiciaire et portant sur des commissions dues postérieurement à celle-ci ; qu'il en résulte que les textes invoqués ne sont pas applicables ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kamara - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles L. 622-13 et L. 641-10 du code de commerce ; articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, du code des assurances dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006.

2e Civ., 4 octobre 2018, n° 17-20.624, (P)

Cassation partielle

Police – Conditions particulières – Prééminence de celles-ci sur les conditions générales – Conditions – Incompatibilité

Les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI MFCC 01 (la SCI), propriétaire d'un immeuble composé de dix appartements, l'a assuré en souscrivant auprès de la société GAN assurances (l'assureur) un contrat multirisque habitation « propriétaire non occupant » ; que l'immeuble étant devenu inoccupé à la suite d'un incendie survenu le 14 décembre 2012, des vols et détériorations y ont été commis en janvier 2013, juin et juillet 2013, et mars 2014 ; que les parties étant en désaccord sur l'indemnisation des préjudices consécutifs aux vols, la SCI a assigné l'assureur ;

Attendu que pour limiter à certaines sommes le montant de l'indemnisation de la SCI au titre des sinistres dont celle-ci a été victime et la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt énonce qu'au titre de la garantie vol, seul celui effectué dans les locaux techniques ou d'entretien est garanti ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, selon ses conditions particulières, le contrat d'assurance souscrit par la SCI garantissait notamment le vol dans les parties communes de l'immeuble, celles-ci devant s'entendre comme celles utilisées par l'ensemble des locataires, la cour d'appel, qui a fait prévaloir les conditions générales de la police d'assurance limitant, en leur article 12, la garantie vol à celui commis dans les locaux techniques et d'entretien, bien que ces dernières soient inconciliables avec les premières, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la SCI MFCC 01 de sa « demande complémentaire au titre de la perte des loyers », l'arrêt rendu le 29 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Soc., 13 mai 1970, pourvoi n° 69-11.856, Bull. 1970, V, n° 333 (rejet).

2e Civ., 4 octobre 2018, n° 17-25.967, (P)

Cassation

Risque – Déclaration – Réticence ou fausse déclaration – Fausse déclaration intentionnelle – Existence – Appréciation – Eléments à prendre en compte – Réponse personnelle de l'assuré à une question précise de l'assureur lors de la conclusion du contrat

Prive sa décision de base légale au regard des articles L. 113-2, L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du code des assurances, une cour d'appel qui pour retenir l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle se fonde sur une mention de la proposition de contrat d'assurance automobile signée par l'assuré selon laquelle il « déclare que les conducteurs n'ont pas fait l'objet d'une suspension de permis de conduire ou d'une annulation de permis de conduire prononcée ou notifiée au cours des trente-six derniers mois » sans relever que l'inexactitude de la déclaration consignée dans cette proposition d'assurance procédait d'une réponse personnellement donnée par l'assuré à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge.

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 113-2, L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du code des assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a souscrit avec effet au 24 août 2010 un contrat d'assurance automobile auprès de la société Avanssur (l'assureur) ; que le 14 décembre 2010, alors qu'elle conduisait son véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, elle a percuté le scooter conduit par M. X..., qui a été blessé dans l'accident ; que l'assureur a invoqué la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle en reprochant à Mme Y... d'avoir sciemment dissimulé qu'elle était, au moment de la souscription, sous le coup d'une suspension du permis de conduire ; que l'assureur a assigné Mme Y..., M. X..., la caisse primaire d'assurance maladie du Var et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) afin de voir prononcer la nullité du contrat d'assurance et d'obtenir la condamnation de Mme Y... à lui rembourser les indemnités provisionnelles versées à la victime ;

Attendu que pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, l'arrêt retient que Mme Y... a signé, le 12 septembre 2010, une proposition de contrat d'assurance automobile, avec date d'effet au 24 août 2010, indiquant l'identité du conducteur principal, du conducteur secondaire, la date des précédents sinistres déclarés et portant la mention : « je déclare que les conducteurs n'ont pas fait l'objet d'une suspension de permis de conduire ou d'une annulation de permis de conduire prononcée ou notifiée au cours des 36 derniers mois » ; qu'elle a, en apposant sa signature sur ce document, expressément attesté la véracité de la mention apportée à la question des antécédents concernant le permis de conduire ; que lors de son audition par les services de police, le 3 mai 2011, Mme Y... a déclaré : « au moment de l'accident je n'étais pas en possession de mon permis de conduire car celui-ci m'avait été retiré pour deux mois en juillet 2010, suite à un refus de se soumettre aux vérifications, et je ne l'avais pas récupéré. A ce jour, je ne sais pas où se trouve mon permis » ; que cette déclaration effectuée par l'assurée est précise quant à la date, la durée et le motif de la suspension du permis de conduire intervenue préalablement à la souscription du contrat d'assurance ; qu'en attestant lors de sa signature le 12 septembre 2010, ne pas avoir fait l'objet d'une suspension de permis de conduire prononcée ou notifiée au cours des trente-six derniers mois, Mme Y... a effectué une fausse déclaration intentionnelle qui a changé l'objet du risque ou en a diminué l'opinion pour l'assureur ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans relever que l'inexactitude de la déclaration consignée dans la proposition d'assurance procédait d'une réponse personnellement donnée par l'assurée à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à l'annulation du contrat d'assurance entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné l'assurée à rembourser à l'assureur les indemnités provisionnelles versées à la victime qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles L. 113-2, L. 112-3, alinéa 4 et L. 113-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juin 2015, pourvoi n° 14-17.971, Bull. 2015, II, n° 148 (rejet), et les arrêts cités.

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