Numéro 10 - Octobre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2018

ARCHITECTE ENTREPRENEUR

3e Civ., 18 octobre 2018, n° 17-23.741, (P)

Rejet

Assurance – Assurance responsabilité – Caractère obligatoire – Domaine d'application – Secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 avril 2017), que M. X... et la société Euroconstruction ont conclu un contrat de construction de maison individuelle ; que, le constructeur ayant abandonné le chantier courant décembre 2003, M. X... l'a assigné en réparation des désordres et inexécutions ; qu'un précédent jugement a fixé la réception judiciaire de l'ouvrage au 14 juin 2005 et a reconnu l'entière responsabilité de la société Euroconstruction dans les désordres affectant l'immeuble ; que, se plaignant de nouveaux désordres, M. X... a, après expertise, assigné la société MMA, assureur de la société Euroconstruction, en paiement de sommes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances ; que si la garantie convenue ne peut s'appliquer qu'à l'activité déclarée par l'assuré, celle-ci doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l'ouvrage ; qu'en écartant la garantie de la compagnie MMA au motif inopérant que l'activité de construction de maison individuelle n'avait pas été déclarée par la société Euroconstruction, quand il importait seulement de rechercher si les désordres invoqués se rapportaient à l'une des activités de construction déclarées par cette société dans le contrat d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 241-1 du code des assurances ;

2°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si, nonobstant l'absence de mention « construction de maisons individuelles » dans la police litigieuse, l'ensemble des activités déclarées par la société Euroconstruction ne correspondait pas manifestement à une telle activité, et ce d'autant plus que la nomenclature commune aux assureurs des activités de BTP pour les attestations d'assurance des constructeurs, établie par la Fédération française des sociétés d'assurances, ne référençait pas l'activité de construction de maisons individuelles, mais seulement les activités par lots techniques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard articles L. 241-1 du code des assurances et 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°/ que l'obligation d'assurance dépend de l'analyse de la police souscrite et non pas de la comparaison de celle-ci avec d'autres polices proposées par l'assureur ; qu'en retenant que M. X... n'avait pas souscrit le contrat particulier proposé par l'assureur en matière de construction de maisons individuelles, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à écarter l'obligation d'assurance de la société MMA au regard des obligations résultant du contrat d'assurance souscrit par la société Euroconstruction, et a violé l'article L. 241-1 du code des assurances ;

4°/ qu'en laissant sans aucune réponse les conclusions d'appel de M. X... soutenant que la société MMA avait, en cours d'instance, admis que le contrat d'assurance s'appliquait aux travaux de construction de la maison de M. X... puisque, aux termes d'un courrier du 26 mars 2015 et d'un quitus du 4 avril 2015, elle l'avait indemnisé dans le cadre d'un recours amiable pour des désordres dont elle avait reconnu la nature décennale sur le mur de clôture, lequel faisait partie des travaux effectués par l'entreprise Euroconstruction au titre de l'exécution du contrat de construction litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Euroconstruction avait souscrit un contrat d'assurance garantissant uniquement les travaux de techniques courantes correspondant aux activités déclarées de gros oeuvre, plâtrerie - cloisons sèches, charpentes et ossature bois, couverture- zinguerie, plomberie - installation sanitaire, menuiserie - PVC et que M. X... avait conclu avec la société Euroconstruction un contrat de construction de maison individuelle, garage, piscine, mur de clôture et restauration d'un cabanon en pierre, la cour d'appel en a déduit à bon droit que, l'activité construction de maison individuelle n'ayant pas été déclarée, les demandes en garantie formées par M. X... devaient être rejetées, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 241-1 du code des assurances ; article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la limitation de la garantie obligatoire aux travaux relevant de l'activité déclarée à l'assureur, à rapprocher : 3e Civ., 28 septembre 2005, pourvoi n° 04-14.472, Bull. 2005, III, n° 174 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.268, Bull. 2015, III, n° 5 (cassation partielle).

3e Civ., 4 octobre 2018, n° 17-23.190, (P)

Cassation partielle

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Garantie décennale – Domaine d'application – Désordres évolutifs – Condition

Ayant relevé que l'expert avait répondu aux maîtres de l'ouvrage, qui tentaient de rattacher une quatrième et nouvelle microfissure à celles constatées précédemment, que, techniquement, si ces fissures avaient toutes eu la même origine, la nouvelle aurait modifié les existantes, ce qui n'était pas le cas, une cour d'appel peut en déduire que la quatrième microfissure, qui procède d'une causalité différente de celle des trois autres fissures et qui a été constatée plus de dix ans après la réception de l'ouvrage, ne peut s'analyser en un désordre évolutif.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2017), que M. et Mme Z... ont vendu à M. X... et Mme Y... (les consorts X...- Y...) une villa avec piscine, qu'ils avaient fait construire ; que les lots gros oeuvre, maçonnerie, charpente et couverture avaient été confiés à M. B..., assuré auprès de la société Axa France ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 3 mars 1998 ; qu'ayant constaté la présence de fissures, les consorts X...- Y... ont, après expertise, assigné M. et Mme Z..., M. B... et la société Axa France en indemnisation de leurs préjudices ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts X...- Y... font grief à l'arrêt de juger prescrite leur demande concernant la quatrième fissure, alors, selon le moyen, que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil et ayant fait l'objet d'une demande en réparation en justice pendant le délai décennal ; que pour juger prescrite l'action des consorts X...- Y... au titre de la quatrième fissure, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas un caractère évolutif ; qu'en statuant ainsi, alors que cette fissure trouvait son siège dans l'ouvrage où d'autres fissures de même nature et d'ordre décennal avaient été constatées et avait fait l'objet d'une demande de réparation dans les dix ans à compter de la réception, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert avait répondu aux consorts X...- Y..., qui tentaient de rattacher la quatrième et nouvelle microfissure à celles constatées précédemment, que, techniquement, si ces fissures avaient toutes eu la même origine, la nouvelle aurait modifié les existantes, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a pu en déduire que cette quatrième microfissure, qui procédait d'une causalité différente de celle des trois autres fissures et qui avait été constatée pour la première fois le 10 mars 2009, ne pouvait s'analyser en un désordre évolutif ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes formées par les consorts X...- Y... au titre des fissures affectant le mur pignon ouest, l'arrêt retient que seules sont recevables les demandes au titre des fissures affectant le mur pignon ouest, à l'exception de la quatrième fissure, mais que ces demandes ne peuvent prospérer, faute pour les consorts X... Y... de justifier du montant des travaux de reprise les concernant spécifiquement, l'expert judiciaire s'étant borné à indiquer que les fissures de la façade ouest devaient être reprises obligatoirement dans le poste de la confortation des fondations du mur ouest ;

Qu'en statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle constatait l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par les consorts X...- Y... au titre des fissures affectant le mur pignon ouest à l'exception de la demande concernant la quatrième fissure, jugée prescrite, l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 1792 du code civil ; article 4 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la notion de désordres évolutifs, à rapprocher : 3e Civ., 11 mars 2015, pourvoi n° 13-28.351, Bull. 2015, III, n° 28 (cassation), et les arrêts cités.

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