Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

VENTE

Com., 17 janvier 2024, n° 21-23.909, (B), FRH

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Connaissance du vendeur – Vendeur professionnel – Présomption irréfragable de connaissance du vice – Portée – Obligation de réparation intégrale

Il résulte de l'article 1645 du code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 septembre 2021) et les productions, en avril 2007, la société Sogedep a vendu à la Société de travaux et débardage Antunes (la société STDA) un engin agricole que celle-ci a donné en location-vente à M. [E], exploitant d'une entreprise de débardage, par un contrat du 10 janvier 2015.

2. L'engin ayant pris feu lors de son ravitaillement en carburant, entraînant la destruction du tracteur et occasionnant des dégâts aux propriétés environnantes, M. [E] a obtenu en référé la désignation d'un expert.

3. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 juin 2016.

4. Les 19 avril et 8 juin 2017, la société GAN assurances (la société GAN), assureur de M. [E], a assigné les sociétés Sogedep et STDA en garantie des vices cachés.

La société STDA a exercé une action récursoire contre la société Sogedep.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société STDA fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société GAN les sommes de 90 877,32 euros pour l'indemnisation des consorts de l'indivision [X], de 4 672,50 euros pour l'indemnisation de M. [D] et de 6 146 euros pour les frais d'assistance à l'expertise par un technicien, alors « que seul le vendeur professionnel, présumé connaître les vices de la chose, ou celui qui connaissait ces vices au moment de la vente est tenu, outre à restitution des prix, de tous dommages et intérêts envers l'acquéreur ; qu'en affirmant purement et simplement, pour la condamner, outre à restituer le prix du véhicule, à indemniser l'assureur subrogé dans les droits de l'acquéreur des conséquences du dommage causé par le vice, que la société STDA, professionnelle des travaux forestiers, était un vendeur professionnel, la cour d'appel, qui n'a constaté ni que la société STDA se livrait de manière habituelle à la vente de véhicules d'occasion, ni qu'elle connaissait le vice, a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, violant ainsi les articles 1645 et 1646 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1645 du code civil :

6. Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

7. Pour condamner la société STDA à l'indemnisation de tous les dommages qui sont la conséquence du vice affectant l'engin litigieux, l'arrêt, après avoir constaté que celle-ci était professionnelle de travaux forestiers, retient qu'elle a la qualité de vendeur professionnel.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si la société STDA se livrait de façon habituelle à la vente d'engins agricoles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. La société STDA fait grief à l'arrêt d'accueillir le moyen de prescription soulevé en appel par la société Sogedep, de déclarer irrecevable l'action récursoire visant la société Sogedep et de mettre hors de cause la société Sogedep, alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans avoir à être intentée dans un délai de prescription de cinq ans à compter du jour de la vente ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société STDA à l'encontre de son vendeur, la société Sogedep, que la vente intervenue entre la Sogedep et la société STDA remontant au mois d'avril 2007, aucune action en garantie pour vice caché n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013, soit cinq ans après la date de la vente, la cour d'appel a violé les articles 1648, alinéa 1, 2224 et 2232 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1, et 2232 du code civil :

10. En application de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

11. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

12. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée contre la société Sogedep, après avoir énoncé que le délai-butoir prévu à l'article 2232 du code civil n'était pas en vigueur au mois d'avril 2007, lors de la conclusion du contrat de vente liant cette dernière et la société STDA, l'arrêt retient qu'en application des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, aucune action en garantie des vices cachés n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation prononcée sur le second moyen du pourvoi principal du chef de l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés exercée par la société STDA contre la société Sogedep entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le moyen unique du pourvoi incident qui, déclarant irrecevable l'action en garantie des vices cachés exercée par la société GAN contre la société Sogedep au motif qu'aucune action en garantie pour vice caché n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013, s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamne la Société de travaux et débardage Antunes à payer à la société GAN assurances la somme de 76 000 euros et rejette la demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat général : Mme Gueguen - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 1645 du code civil.

1re Civ., 24 janvier 2024, n° 21-20.693, (B), FS

Rejet

Nullité – Effets – Restitutions – Restitution du prix – Défaut de demande en ce sens – Office du juge

L'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l'objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l'issue d'une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société BNP Paribas Personal Finance du désistement de son pourvoi incident éventuel.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 juin 2021), par contrat conclu hors établissement le 30 juin 2015, M. [I] a commandé auprès de la société Eco environnement (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour avec Mme [I], son épouse, auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).

3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, M. et Mme [I] (les acquéreurs) ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de vente et de le condamner à restituer le prix de vente aux acquéreurs, alors :

« 1°/ que s'il résulte des articles L. 121-18-1, L. 121-17 et L. 111-1 du code de la consommation que les contrats conclus hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté comportant notamment, à peine de nullité, le prix du bien ou du service, aucune disposition réglementaire ou légale n'impose de décomposer, lorsque la vente porte sur une installation photovoltaïque, les coûts respectifs des différents matériels et des travaux de main d'?uvre, pas davantage que la marque des biens offerts ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, ensemble les articles L. 121-17 et L. 111-1 du même code ;

3°/ que l'absence d'information sur le délai d'exécution du contrat prévue par l'article L. 111-1, 3° du code de la consommation n'est pas sanctionnée par la nullité, le consommateur bénéficiant dans cette occurrence d'une sanction spécifique, qui réside dans l'obligation pour le professionnel de s'exécuter dans un délai fixé à titre subsidiaire par l'article L. 216-1 du même code ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 111-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, signé par les parties, comprenant, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17, parmi lesquelles figurent, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, l'indication, de manière claire et lisible, de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

7. Ayant retenu que la mention d'un délai maximum dans les conditions générales, au demeurant illisible sur l'exemplaire remis au consommateur, ne permettait pas de suppléer l'absence d'indication, sur le bon de commande, de la date d'exécution des différentes prestations, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, en a exactement déduit que le contrat ne satisfaisait pas aux exigences formelles prévues à peine de nullité par le code de la consommation.

8. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

9. Le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en condamnant la société Eco environnement à payer aux acquéreurs la somme de 24 900 euros (sic) au titre de la restitution du prix du bon de commande, quand elle n'était saisie d'aucune demande de cet ordre, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. L'annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l'objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l'issue d'une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix.

11. Le moyen, qui postule une règle contraire, ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Champalaune - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Delvolvé et Trichet ; Me Occhipinti -

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