Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.200, (B), FS

Cassation

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Obligations de l'employeur – Obligation de sécurité – Obligation de suivi régulier de la charge de travail du salarié – Etendue – Caractère raisonnable de la charge de travail – Garantie d'une bonne répartition dans le temps du travail – Manquement – Cas – Signalement par le salarié de l'impact sérieux de sa charge de travail et du non-respect du repos hebdomadaire

Aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Selon l'article L. 3121-64, II, du code du travail, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.

Viole la loi, la cour d'appel qui retient que l'employeur a satisfait à ses obligations légales, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l'entretien pour 2018 n'avaient été adressées qu'en mars 2019.

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Obligations de l'employeur – Obligation de sécurité – Obligation de suivi régulier de la charge de travail du salarié – Etendue – Caractère raisonnable de la charge de travail – Garantie d'une bonne répartition dans le temps du travail – Manquement – Cas – Portée

Aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Viole la loi la cour d'appel qui retient que l'employeur a satisfait à ses obligations, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018, d'autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, de vingt-six jours en 2017 et de trente jours en 2018, ce dont il résultait que l'employeur s'était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail dont il avait été informé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 janvier 2022), M. [D] a été engagé en qualité de directeur de l'hôtel [4] d'[Localité 5] (19) le 1er septembre 2016.

Le contrat prévoyait un forfait annuel de deux cent dix-sept jours.

2. Le forfait annuel ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, puis de vingt-six jours en 2017, la direction a limité à cent soixante-six jours le forfait en 2018, lequel a été dépassé de trente jours.

3. Par lettre du 28 janvier 2019, le salarié a démissionné à effet du 31 mars 2019.

4. Le 6 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 2°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un entretien annuel avait eu lieu le 13 décembre 2017, le compte-rendu de cet entretien indiquant que la charge de travail de M. [D] « avait un impact sérieux d'un niveau 4/5 », le forfait de M. [D] ayant été dépassé (244 jours au lieu de 218) ce qui avait un impact notable sur la situation du salarié ; que la cour d'appel a encore constaté « qu'aucun entretien annuel n'a eu lieu en 2018 » ; qu'il en résultait que la convention de forfait jours signée par M. [D] était privée d'effet, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation d'organiser un entretien annuel individuel ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter M. [D] de ses demandes, que celui-ci n'était « pas fondé à invoquer l'absence de l'entretien annuel en 2018, prévu par l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, pour voir privée d'effet la convention de forfait jours le concernant », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l'article L. 3121-60 du code du travail et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants ;

3°/ qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération ; que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'organiser un entretien annuel individuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait jours, mesure destinée à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en déboutant M. [D] de ses demandes, aux motifs inopérants que la société [2] justifiait qu'en raison de la démission de son directeur général, M. [L], le 31 décembre 2018, et de la prise de poste très récente au 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, M. [K], les directeurs des différents hôtels avaient été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018 en mars 2019, que dans ce cadre, M. [D] avait été convoqué le 6 mars 2019 mais avait refusé cet entretien par mail en faisant valoir que la période concernée était dépassée et que son contrat se terminant le 31 mars 2019, le recul de la date de l'entretien de M. [D] était « admissible et légitime » de la part de l'employeur et que si le salarié était resté en poste, l'entretien de 2018 se serait déroulé en mars 2019 et celui relatif à l'année 2019 fin 2019, les dispositions conventionnelles étant respectées, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, en violation de l'article L. 3121-60 du code du travail et de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, tirées de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L. 3121-60 du code du travail, est imprécis.

7. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64, II, du code du travail, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :

9. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

10. Selon le deuxième, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.

11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.

12. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun entretien annuel n'avait eu lieu en 2018, retient que l'employeur justifie qu'en raison de la démission de son directeur général, le 31 décembre 2018, et de la prise de fonction le 21 janvier 2019 du nouveau directeur des opérations, les directeurs des différents hôtels ont été convoqués à l'entretien individuel de suivi du forfait cadre au titre de l'année 2018, en mars 2019. Il ajoute qu'eu égard à la nécessité de décaler l'ensemble des entretiens des directeurs du fait des contraintes de la société, le recul de la date d'entretien du salarié au 6 mars 2019 était admissible et légitime.

13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l'entreprise, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l'entretien pour 2018 n'avaient été adressées qu'en mars 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ; qu'en application de l'article 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, relatif au suivi du temps de travail, « l'employeur tient un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés (...) ; que ce document sera tenu à la disposition de l'inspection du travail et permettra au supérieur hiérarchique (...) d'assurer un suivi de l'organisation du travail du salarié, afin de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail soient raisonnables (...) ; ces cadres doivent bénéficier des dispositions relatives au repos quotidien minimal prévu à l'article 21.4 de la convention collective nationale des HCR et au repos hebdomadaire prévu à l'article 21.3 de ladite convention » ; que des solutions à la surcharge de travail d'un salarié doivent être recherchées et trouvées et que les garanties mises en place par l'accord collectif doivent avoir été effectives ; que la méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et de vérifier le respect du repos quotidien et hebdomadaire par le salarié, mesures destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, prive d'effet la convention de forfait jours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'abord, que M. [D] avait, lors de l'entretien annuel du 13 décembre 2017, indiqué que sa charge de travail avait un impact sérieux et qu'il avait dépassé son forfait annuel ; qu'elle a relevé, ensuite, que M. [D] avait effectivement alerté le service des ressources humaines sur sa fatigue et sur la surcharge de travail, par mails des 26 juin 2018, 6 juillet 2018 et 20 août 2018 et que le salarié avait dépassé son forfait de 25 jours en 2016, de 16 jours en 2017 et de 30 jours en 2018 ; qu'elle a ajouté que M. [D] avait parfois travaillé « plus de six jours de suite (en 2016, janvier, mars, octobre, novembre 2017, janvier, juin, août 2018)" ; qu'il ressortait de ces constatations que l'employeur avait méconnu son obligation d'assurer un suivi de l'organisation du travail de M. [D] afin de veiller à ce que son amplitude et sa charge de travail restent raisonnables ; qu'il s'en déduit que l'employeur n'avait pas recherché ni trouvé de solutions à la surcharge de travail du salarié et n'avait pas vérifié le respect des règles relatives au repos quotidien et hebdomadaire par M. [D], de sorte que les garanties mises en place par l'accord collectif n'avaient pas été effectives ; que, dès lors, en déboutant M. [D] de ses demandes, la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant les articles L. 3121-60 du code du travail et 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

15. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 était bien applicable à la convention de forfait en jours, au plus tard à compter du 1er avril 2018, et que pour la période antérieure, l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, entré en vigueur le 1er avril 2016, n'était applicable que sous réserve du respect de mesures complémentaires de l'employeur, de sorte que le moyen, pris en sa cinquième branche, tiré de la violation du seul avenant n° 22 du 16 décembre 2014, le cas échéant conjugué avec l'article L. 3121-60 du code du travail, est imprécis.

16. Cependant, le moyen, qui précise le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche allégué, n'est pas imprécis.

17. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 4121-1 du code du travail :

18. Aux termes du premier de ces textes, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

19. Il résulte du troisième que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

20. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du forfait en jours l'arrêt, après avoir relevé que le salarié avait parfois travaillé plus de six jours de suite en 2016, 2017 et 2018, retient qu'à compter de 2018 les tableaux mentionnent une alerte de l'employeur (115 repos hebdomadaires à prendre au lieu de 104) et que le salarié a bénéficié de jours de récupération.

21. L'arrêt ajoute que le forfait ayant été dépassé de vingt-cinq jours en 2016 et de vingt-six jours en 2017, l'employeur a imposé au salarié un forfait annuel de cent soixante-six jours en 2018 pour compenser la différence de cinquante et un jours travaillés, montrant ainsi son souci que le temps de travail du salarié ne dépasse pas deux cent dix-sept jours par an afin de préserver sa santé et sa sécurité.

L'arrêt précise que le salarié ayant encore dépassé de trente jours le forfait en 2018, l'employeur a payé ce dépassement.

22. L'arrêt relève enfin que la responsable des ressources humaines s'est déplacée du 17 au 19 mai 2017, pour expliquer au salarié le fonctionnement du fichier forfait cadre, et du 18 au 20 juillet 2017, et a invité à cette occasion le salarié à poser ses congés, que la note de service relative au report des congés a été signée en décembre 2017, que la fiche relative à la durée du temps de travail a été remise le 14 décembre 2017 et que des informations sur le forfait en jours ont été données aux directeurs d'hôtels en mars et août 2018.

L'arrêt en conclut que le salarié ne peut pas dire que son employeur ne portait pas un regard attentif sur le nombre de jours travaillés.

23. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la récupération ou du paiement des jours de dépassement du forfait et des alertes mentionnées sur les tableaux tenus par l'employeur, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017 et 2018, d'autre part, que le forfait annuel avait été dépassé de vingt-cinq jours en 2016, vingt-six jours en 2017 et trente jours en 2018, ce dont il résultait que l'employeur qui s'était abstenu de mettre en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail incompatible avec une durée raisonnable de travail dont il avait été informé, avait manqué à ses obligations légales et conventionnelles, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Poupet et Kacenelenbogen ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 3121-60 et L. 3121-64, II, du code du travail ; articles L. 3121-60 et L. 4121-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de suivi, par l'employeur, de la charge de travail du salarié soumis à une convention de forfait en jours, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683, Bull., (cassation partielle).

Soc., 10 janvier 2024, n° 22-15.782, (B) (R), FS

Rejet

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Validité – Conditions – Accord collectif conforme aux dispositions légales – Défaut – Effets – Conclusion d'une convention individuelle de forfait en jours – Possibilité – Obligations de l'employeur – Manquement – Sanction – Portée

En cas de manquement de l'employeur à l'une des obligations prévues par l'article L. 3121-65 du code du travail, l'employeur ne peut pas se prévaloir du régime dérogatoire institué par ce texte et la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L. 3121-64, II, 1° et 2°, est nulle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 février 2022), M. [L] a été engagé en qualité de coordinateur salons professionnels à l'international le 1er octobre 2016.

Le contrat contenait une convention de forfait en jours.

2. Par lettre du 4 juillet 2018, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle.

3. Le 29 janvier 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident du salarié

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la convention individuelle de forfait en jours, alors :

« 1°/ qu'applique valablement la convention de forfait en jours l'employeur qui a mis en place un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées lorsque le salarié a validé les documents de suivi mensuel ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles, s'agissant du respect des conditions posées à l'article L. 3121-65 du code du travail, l'employeur avait bien mis en place un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et que M. [L] reconnaissait avoir validé chaque suivi mensuel d'activité présenté par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-65 du code du travail ;

2°/ qu'en s'étant bornée à rappeler que le salarié alléguait « qu'il lui a été interdit de procéder à toute modification du document adressé par le service en charge des ressources humaines », sans avoir vérifié la réalité de cette allégation contestée par l'employeur, et en s'étant bornée à relever que le tableau de suivi ne reflète pas la réalité des jours travaillés de M. [L] et n'est pas renseigné correctement, sans avoir caractérisé en quoi les erreurs n'étaient pas imputables au salarié qui avait validé chaque suivi mensuel d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-65 du code du travail ;

3°/ que l'absence de preuve par l'employeur de l'exécution de l'obligation d'organiser un entretien portant sur la charge de travail du salarié, n'entraîne pas la nullité de la convention de forfait ; qu'en relevant que le document produit par l'employeur pour justifier de la tenue d'un entretien annuel n'avait pas de force probante, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-65 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 3121-65, I, du code du travail, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

7. En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L.3121-64, II, 1° et 2°, du même code, est nulle.

8. Après avoir retenu à bon droit que l'accord collectif du 5 septembre 2003, qui permettait le recours au forfait en jours, n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64 du code du travail, la cour d'appel a vérifié que les dispositions de l'article L. 3121-65 du même code avaient été respectées. Elle a, d'abord, constaté que les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu'ils aient pu être renseignés par l'intéressé dès lors que ceux-ci doivent être établis sous la responsabilité de l'employeur et a estimé que, dans ces conditions, il apparaissait impossible à l'employeur de s'assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.

La cour d'appel a, ensuite, constaté que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation d'organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail.

9. La cour d'appel en a exactement déduit que la convention individuelle de forfait en jours était nulle.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article L. 3121-65 du code du travail.

Soc., 31 janvier 2024, n° 22-10.176, (B), FS

Cassation partielle

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Conseiller prud'hommes – Temps de formation supérieur à l'horaire habituel de travail – Imputation – Portée

Il résulte des articles L. 1442-2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et L. 3142-12, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, que le temps de formation d'un conseiller prud'homme, distinct du temps d'exercice de ses fonctions relevant de l'article L. 1442-6 du code du travail, s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que les temps de formation supérieurs à l'horaire habituel de travail du salarié ne sont pas assimilés par la loi à du temps de travail effectif.

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Membre du conseil d'administration d'un organisme de sécurité sociale ou administrateur salarié d'une URSSAF – Temps d'exercice du mandat supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié – Portée

Il résulte de l'article L. 231-9 du code de la sécurité sociale que le temps passé hors de l'entreprise, pendant les heures de travail, par le membre d'un conseil d'administration d'un organisme de sécurité sociale ou l'administrateur salarié d'une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que le temps d'exercice des fonctions supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif.

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Membre d'une instance paritaire de Pôle emploi – Temps d'exercice du mandat – Portée

Il résulte des articles L. 5312-10, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, et R. 5312-28 du code du travail, que le mandat des membres composant les instances paritaires de Pôle emploi étant gratuit, sous réserve du remboursement des frais de déplacement et de séjour, ainsi que, le cas échéant, des pertes de salaire, dans les conditions prévues par le règlement intérieur de Pôle emploi, le temps passé à l'exercice de ce mandat n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif.

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Membre salarié de la commission de contrôle des services de santé au travail interentreprises – Temps d'exercice du mandat supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié – Portée

Il résulte de l'article D. 4622-43 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, que les membres salariés de la commission de contrôle des services de santé au travail interentreprises sont indemnisés intégralement par leur employeur de toute éventuelle perte de rémunération résultant de l'exercice de leur mandat. Cette indemnisation prend notamment en compte le temps de déplacement et les frais de transport. Le service de santé au travail interentreprises rembourse à l'employeur les frais ainsi engagés. En conséquence, le temps passé à l'exercice de ces fonctions s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que le temps d'exercice de ces fonctions supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 novembre 2021), M. [T] a été engagé en qualité de journaliste à compter du 9 avril 1992 par la société Groupe progrès (la société). Il est titulaire depuis 2000 de différents mandats de représentant du personnel et syndicaux au sein de la société et de plusieurs mandats extérieurs à l'entreprise, à savoir ceux de conseiller prud'homme, administrateur et vice-président d'Urssaf, membre de l'instance paritaire régionale de Pôle emploi et administrateur de l'Agemetra, service de santé au travail interentreprises.

2. Revendiquant l'existence d'heures supplémentaires non rétribuées en raison de l'exercice de ses mandats extérieurs et invoquant un ralentissement de sa carrière du fait de ses activités syndicales, le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment en paiement d'heures supplémentaires au titre de l'année 2015 et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de juger qu'elle n'a pas rémunéré le salarié à hauteur du temps de travail effectué entre le 5 janvier et le 31 décembre 2015, de la condamner à lui payer les sommes de 3 066,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 306,88 euros de congés payés afférents et 3 000 euros en réparation du préjudice subi pour absence de paiement de l'intégralité du temps passé en réunion au titre des mandats internes et externes, et de la condamner à payer à la fédération CFE-CGC médias 2000 la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors que « les heures consacrées à des mandats extérieurs à l'entreprise ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif devant être décompté au titre de la durée du travail que si une disposition légale ou conventionnelle le prévoit expressément ; que l'article L. 1442-2 du code du travail qui octroie aux salariés conseillers prudhommes des autorisations d'absence pour suivre des heures de formation renvoie à l'article L. 3142-12 du code du travail qui dispose que ''La durée du ou des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale ne peut être imputée sur celle du congé payé annuel. Elle est assimilée à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi que pour l'ensemble des autres droits résultant pour l'intéressé de son contrat de travail'' ; qu'il en résulte que les heures de formation des conseillers prud'hommes ne sont assimilées à du temps de travail effectif que pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales et des autres droits résultant pour les intéressés de leur contrat de travail ;qu'en jugeant qu'il résultait de ce texte que ces heures de formation devaient être assimilées à du temps de travail effectif pour déterminer le droit au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 1442-2, L. 3142-12 et L. 3121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1442-2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et L. 3142-12 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon l'article L. 1442-2 du code du travail, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise, membres d'un conseil de prud'hommes, sur leur demande dès leur élection et pour les besoins de leur formation, des autorisations d'absence, dans la limite de six semaines par mandat, pouvant être fractionnées.

Les dispositions de l'article L. 3142-12 sont applicables à ces autorisations. Ces absences sont rémunérées par l'employeur.

6. Aux termes de l'article L. 3142-12 du code du travail, la durée du ou des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale ne peut être imputée sur celle du congé payé annuel. Elle est assimilée à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi que pour l'ensemble des autres droits résultant pour l'intéressé de son contrat de travail.

7. Selon le premier alinéa de l'article L. 3142-8 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, le salarié bénéficiant du congé de formation économique, sociale et syndicale a droit au maintien total ou partiel par l'employeur de sa rémunération, sur demande d'une organisation syndicale satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l'entreprise ou de l'établissement.

8. La Cour de cassation a jugé que, selon les articles R. 4614-35 et L. 2325-44 du code du travail, le temps consacré à la formation des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que celui consacré à la formation économique des membres titulaires du comité d'entreprise est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel, qu'il en résulte qu'un salarié participant, sur sa demande, à de telles formations ne peut prétendre à une rémunération supérieure à celle qu'il aurait perçue s'il ne les avait pas suivies et que devait dès lors être rejeté le pourvoi qui reproche à une cour d'appel d'avoir dit que n'avait pas droit au paiement d'heures supplémentaires un salarié qui, sur sa demande, avait participé à des stages prévus par les textes susvisés et dont les horaires excédaient ceux qu'il aurait dû accomplir si, au lieu de suivre ces formations, il avait continué son travail dans l'entreprise (Soc., 15 juin 2010, pourvoi n° 09-65.180, Bull. 2010, V, n° 138).

9. Il en résulte que le temps de formation d'un conseiller prud'homme, distinct du temps d'exercice de ses fonctions relevant de l'article L. 1442-6 du code du travail, s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que les temps de formation supérieurs à l'horaire habituel de travail du salarié ne sont pas assimilés par la loi à du temps de travail effectif.

10. Pour condamner l'employeur à verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires entre le 5 janvier et le 31 décembre 2015, l'arrêt retient que, par renvoi exprès de l'article L. 1442-2 du code du travail aux dispositions de l'article L. 3142-12 du même code, le temps de formation des conseillers prud'hommes est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurance sociale et aux prestations familiales ainsi que pour l'ensemble des autres droits résultant pour l'intéressé de son contrat de travail, y compris celui d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La société fait le même grief à l'arrêt, alors que « les heures consacrées à des mandats extérieurs à l'entreprise ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif devant être décompté au titre de la durée du travail que si une disposition légale ou conventionnelle le prévoit expressément ; que l'article L. 231-9 du code de la sécurité sociale prévoit que « les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, membres d'un conseil d'administration d'un organisme de sécurité sociale, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux séances plénières de ce conseil ou des commissions qui en dépendent.

Le temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail par les administrateurs salariés pour l'exercice de leurs fonctions est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise.

Les absences de l'entreprise des administrateurs salariés, justifiées par l'exercice de leurs fonctions, n'entraînent aucune diminution de leurs rémunérations et des avantages y afférents », ce dont il résulte que les heures consacrées au mandat d'administrateur d'une Urssaf, en dehors du temps de travail, ne sont jamais assimilées à du temps de travail effectif, et que les heures qui y sont consacrées sur le temps de travail ne sont assimilées à du temps de travail effectif que pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi des droits qui sont fonction de son ancienneté dans l'entreprise ; qu'en jugeant qu'il résulte de ces dispositions que les heures consacrées à l'exercice des fonctions d'administrateur au sein d'une Urssaf doivent être prises en compte comme du temps de travail effectif pour l'application de la législation sur la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 231-9 du code de la sécurité sociale et l'article L. 3121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 231-9 du code de la sécurité sociale :

13. Selon le texte susvisé, les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, membres d'un conseil ou d'un conseil d'administration d'un organisme de sécurité sociale, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux séances plénières de ce conseil ou des commissions qui en dépendent.

Le temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail par les membres d'un conseil ou administrateurs salariés pour l'exercice de leurs fonctions est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise.

Les absences de l'entreprise des membres d'un conseil ou administrateurs salariés, justifiées par l'exercice de leurs fonctions, n'entraînent aucune diminution de leurs rémunérations et des avantages y afférents.

14. Aux termes de l'article L. 231-12 du code de la sécurité sociale, les organismes de sécurité sociale ne peuvent, en aucun cas, allouer un traitement à leurs membres du conseil ou administrateurs. Toutefois, ils leur remboursent leurs frais de déplacement. Ils remboursent également aux employeurs des membres du conseil ou administrateurs salariés les salaires maintenus pour leur permettre d'exercer leurs fonctions pendant le temps de travail ainsi que les avantages et les charges sociales y afférents.

15. Il en résulte que le temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail par le membre d'un conseil d'administration d'un organisme de sécurité sociale ou d'un administrateur salarié d'une Urssaf s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que le temps d'exercice des fonctions supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif.

16. Pour condamner l'employeur à verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires entre le 5 janvier et le 31 décembre 2015, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 231-9 du code de la sécurité sociale que les heures consacrées à l'exercice des fonctions d'administrateur au sein d'une Urssaf doivent être prises en compte comme du temps de travail effectif pour l'application de la législation sur la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

18. La société fait le même grief à l'arrêt, alors que « les heures consacrées à des mandats extérieurs à l'entreprise ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif devant être décompté au titre de la durée du travail que si une disposition légale ou conventionnelle le prévoit expressément ; que l'article R. 5312-28 du code du travail relatif au mandat de représentant du salarié au sein des instances paritaires de Pôle emploi dispose que : ''Le mandat de l'instance paritaire est gratuit, sous réserve du remboursement des frais de déplacement et de séjour, ainsi que, le cas échéant, de perte de salaire, dans les conditions prévues par le règlement intérieur de Pôle emploi'' ; qu'il en résulte seulement que Pôle emploi indemnise le salarié des heures consacrées à son mandat de représentant des salariés au sein des instances paritaires de Pôle emploi prises sur son temps de travail et de ses frais ; qu'en jugeant qu'il résultait de ces dispositions et de celles de l'article 10 du règlement des instances paritaires régionales de Pôle emploi précisant que la perte de salaire remboursée doit correspondre au montant des ''salaires et primes perdus'', que l'exercice de ce mandat ne pouvait priver le salarié du droit au paiement de ses heures supplémentaires, pour comptabiliser les heures consacrées par M. [T] à ce mandat au titre des heures de travail effectuées, la cour d'appel a violé l'article R. 5312-28 et l'article L. 3121-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5312-10, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, et R. 5312-28 du code du travail :

19. Il résulte de ces textes que Pôle emploi est organisé en une direction générale et des directions régionales, qu'au sein de chaque direction régionale, une instance paritaire, composée de représentants des employeurs et des salariés désignés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, veille à l'application de l'accord d'assurance chômage prévu à l'article L. 5422-20 et est consultée sur la programmation des interventions au niveau territorial, que le mandat de l'instance paritaire est gratuit, sous réserve du remboursement des frais de déplacement et de séjour, ainsi que, le cas échéant, de perte de salaire, dans les conditions prévues par le règlement intérieur de Pôle emploi.

20. Pour condamner l'employeur à verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires entre le 5 janvier et le 31 décembre 2015, l'arrêt retient qu'il résulte de ces textes que l'exercice de ce mandat externe ne peut conduire à priver le salarié des avantages résultant des dispositions législatives et conventionnelles sur la durée du travail, et notamment du droit au paiement de ses heures supplémentaires.

21. En statuant ainsi, alors que le mandat est gratuit et donne lieu à un remboursement de la perte de salaire par Pôle emploi, de sorte que le temps passé à l'exercice de ce mandat n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

22. La société fait le même grief à l'arrêt, alors que « les heures consacrées à des mandats extérieurs à l'entreprise ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif devant être décompté au titre de la durée du travail que si une disposition légale ou conventionnelle le prévoit expressément ; que l'article D. 4622-43 du code du travail relatif à l'exercice du mandat de membre salarié de la commission de contrôle des service de santé au travail interentreprise dispose que ''Les membres salariés de la commission de contrôle sont indemnisés intégralement par leur employeur de toute éventuelle perte de rémunération résultant de l'exercice de leur mandat. Cette indemnisation prend notamment en compte le temps de déplacement et les frais de transport.

Le service de santé au travail interentreprises rembourse à l'employeur les frais ainsi engagés'' ; qu'il en résulte seulement que le service indemnise le salarié des heures consacrées à son mandat de membre salarié de la commission de contrôle prises sur son temps de travail et de ses frais ; qu'en jugeant qu'il résultait de ces dispositions que l'exercice de ce mandat ne pouvait priver le salarié du droit au paiement de ses heures supplémentaires, pour comptabiliser les heures consacrées par M. [T] à ce mandat au titre des heures de travail effectuées, la cour d'appel a violé l'article D. 4622-43 du code du travail et l'article L. 3121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article D. 4622-43 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 :

23. Selon ce texte les membres salariés de la commission de contrôle des services de santé au travail interentreprises sont indemnisés intégralement par leur employeur de toute éventuelle perte de rémunération résultant de l'exercice de leur mandat. Cette indemnisation prend notamment en compte le temps de déplacement et les frais de transport.

Le service de santé au travail interentreprises rembourse à l'employeur les frais ainsi engagés.

24. Il en résulte que le temps passé à l'exercice de ces fonctions s'impute sur le temps de travail habituel du salarié, de sorte que le temps d'exercice de ces fonctions supérieur à l'horaire habituel de travail du salarié n'est pas assimilé par la loi à du temps de travail effectif.

25. Pour condamner l'employeur à verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires entre le 5 janvier et le 31 décembre 2015, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article D. 4622-43 du code du travail que l'exercice de ce mandat externe ne peut conduire à priver le salarié des avantages résultant des dispositions législatives et conventionnelles sur la durée du travail, et notamment du droit au paiement de ses heures supplémentaires.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

27. La cassation du chef de dispositif visé par le premier moyen du pourvoi incident entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif visé par le deuxième moyen du pourvoi incident et le deuxième moyen du pourvoi principal qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

28. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société à payer au salarié une somme en réparation du préjudice subi pour absence de paiement de l'intégralité du temps passé en réunion au titre des mandats internes et au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts, que la critique du moyen n'est pas susceptible d'atteindre, ni celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Groupe progrès à payer à M. [T] la somme de 3 066,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre celle de 306,68 euros au titre des congés payés afférents et liquide l'astreinte prononcée par la formation du bureau de conciliation et d'orientation pour la délivrance des douze bulletins de paie de M. [T] de l'année 2015 à la somme de 3 000 euros, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1442-2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, L. 3142-12, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 1442-6 du code du travail ; article L. 231-9 du code de la sécurité sociale ; articles L. 5312-10, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, et R. 5312-28 du code du travail ; article D. 4622-43 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012.

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