Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 17 janvier 2024, n° 22-16.538, (B), FRH

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 – Annexe IV – Articles 10 et 6.05 – Départ à la retraite – Ancienneté – Calcul – Ancienneté acquise de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective – Prise en compte – Détermination – Portée

Il résulte des articles 10 de l'annexe IV de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, 6.05 de cette convention collective et 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective, que l'ancienneté acquise par le salarié, de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective, est transférée chez le nouvel employeur et doit être prise en compte pour l'application des dispositions conventionnelles qui se réfèrent à la notion d'ancienneté.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 – Accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel – Avenant du 28 janvier 2011 – Article 3.1.2 – Eléments contractuels transférés – Ancienneté acquise de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective – Transfert au nouvel employeur – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 17 mars 2022), le 1er juin 2017 la société Challancin prévention et sécurité a repris le marché auquel M. [F] était affecté en qualité d'agent prévention sécurité chef de poste.

Le contrat de travail de ce dernier lui a été transféré avec reprise d'ancienneté depuis le 1er juillet 1999.

2. Le salarié, qui a fait valoir ses droits à la retraite à partir du 31 décembre 2019, a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'une somme à titre d'indemnité de départ à la retraite.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une somme à titre d'indemnité de départ à la retraite, alors « que selon l'article 10 de l'annexe IV de la convention collective des entreprises de la prévention et de sécurité, le salarié qui compte 5 ans d'ancienneté a droit à une indemnité de départ à la retraite fixée en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, « l'ancienneté à prendre en considération étant celle définie aux clauses générales de la présente convention par l'articles 6.05 ; que selon l'article 6.05 de la convention collective, l'ancienneté dans l'entreprise est le temps pendant lequel le salarié a été employé d'une façon continue dans cette entreprise, quelles que puissent être les modifications survenant dans la nature juridique de celle-ci » ; qu'il en résulte qu'en cas de transfert conventionnel du contrat de travail auprès de l'entreprise ayant repris le marché sur lequel était affecté le salarié, le droit à l'indemnité de départ à la retraite de ce dernier est subordonné à une ancienneté de 5 ans acquise chez son dernier employeur ; qu'en jugeant que l'ancienneté prévue par les articles 10 de l'annexe IV et 6.05 de la convention collective doit se comprendre comme incluant non seulement la période d'emploi continu dans l'entreprise mais également l'ancienneté acquise au moment de la reprise, la cour d'appel a violé les articles 10 de l'annexe IV de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, 6.0.5 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité et 3.1.2 de l'avenant du 28 juin 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, selon l'article 10 de l'annexe IV de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, le salarié a droit à une indemnité de départ à la retraite fixée selon son ancienneté dans l'entreprise, telle que définie par l'article 6.05 de ladite convention.

5. Selon l'article 6.05 de la convention collective, l'ancienneté dans l'entreprise est le temps pendant lequel le salarié a été employé d'une façon continue dans cette entreprise, quelles que puissent être les modifications survenant dans la nature juridique de celle-ci.

6. Ensuite, l'article 3.1.2 de l'avenant du 11 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et sécurité, précise que dans l'avenant au contrat de travail prévu à l'article 3.1.1 ci-dessus, l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner la reprise de l'ancienneté acquise avec le rappel de la date d'ancienneté contractuelle.

7. Il en résulte que l'ancienneté acquise par le salarié, de façon continue dans les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective, est transférée chez le nouvel employeur et doit être prise en compte pour l'application des dispositions conventionnelles qui se réfèrent à la notion d'ancienneté.

8. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'ancienneté prévue par les articles 10 de l'annexe IV et 6.05 de la convention collective du 15 février 1985 devait se comprendre comme incluant non seulement la période d'emploi continu dans l'entreprise mais également l'ancienneté acquise par le salarié au moment de la reprise.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Barincou (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Grandemange - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 10 de l'annexe IV et 6.05 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ; article 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective.

Soc., 10 janvier 2024, n° 22-19.165, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 – Avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres – Article 14.3 – Indemnité de congédiement – Cas – Rupture conventionnelle – Montant mensuel de la rémunération prise en compte – Signature de la convention – Moment – Détermination – Portée

Selon l'avenant du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ne peut pas être d'un montant inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l'indemnité légale de licenciement.

L'article 14-3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres prévoit que la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement et qu'elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement.

Il en résulte qu'en l'absence de licenciement et d'exécution de préavis, il convient de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 juin 2022), M. [W] a été engagé le 1er octobre 1999 par la société Aluminium Pechiney aux droits de laquelle vient la société Trimet France. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de « ceinture noire d'amélioration continue ».

2. L'entreprise applique la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

3. Le 12 octobre 2017, les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail et la rupture a pris effet le 19 novembre suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen,

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle, alors « que la convention de rupture conclue en application des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail fixe la date de la rupture du contrat qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation ; que selon l'article 14-3 de l'avenant n° 3 à la convention collective des industries chimiques, la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de licenciement ; qu'il en résulte qu'en cas de rupture conventionnelle, la base de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement est la rémunération du mois précédant la date de la rupture fixée par la convention de rupture ; qu'en l'espèce, la société Trimet soutenait que la convention de rupture du contrat conclue le 12 octobre 2017 fixait au 19 novembre 2017 la rupture du contrat, de sorte que le mois précédant la rupture était le mois d'octobre 2017 et non celui de septembre 2017 ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir le salaire du mois de septembre 2017 comme base de calcul de l'indemnité de licenciement, qu'« en l'absence de préavis de congédiement, les parties prennent en compte le salaire du mois précédant le congédiement sans préavis » et que le salaire de référence retenu par l'employeur n'inclut pas l'intéressement et la participation versés en septembre 2017, cependant qu'elle avait constaté que la rupture avait pris effet le 19 novembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 14-3 de l'avenant n° 3 de la convention collective des industries chimiques du 30 décembre 1952 et l'article L. 1237-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'avenant du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ne peut pas être d'un montant inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l'indemnité légale de licenciement.

7. L'article 14-3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres, prévoit que la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement et qu'elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement.

8. La cour d'appel a exactement décidé qu'en l'absence de licenciement et d'exécution de préavis, il convenait de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que selon l'article 14 de l'avenant du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de licenciement, sans pouvoir être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement, étant précisé que pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles ; qu'il en résulte qu'à défaut d'autre disposition de la convention collective, celles des primes, participations au chiffre d'affaires ou aux résultats et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois ; qu'en retenant néanmoins, comme assiette de calcul de l'indemnité conventionnelle de congédiement, la rémunération totale perçue par le salarié au cours du mois de septembre 2017 incluant, sans proratisation, les primes annuelles d'intéressement et de participation versées au cours de ce mois pour l'année écoulée, la cour d'appel a violé le texte conventionnel précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14-3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres :

10. Selon ce texte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles notamment celles résultant de l'application de l'article 17.

11. Il en résulte qu'à défaut d'autre disposition de la convention collective, celles des primes et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois.

12. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle, l'arrêt retient que les dispositions conventionnelles visent la rémunération totale gagnée pendant le mois précédant le préavis de congédiement sans qu'aucune disposition ne stipule expressément une proratisation des primes ni une moyenne de rémunération mensuelle.

13. La cour d'appel en a déduit que le salarié était fondé à solliciter un complément d'indemnité calculé sur la base de la rémunération totale perçue en septembre 2017.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte précité.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à verser au salarié une certaine somme à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Trimet France à payer à M. [W] la somme de 64 243,28 euros à titre de complément d'indemnité de rupture conventionnelle, l'arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Soc., 10 janvier 2024, n° 21-23.566, n° 21-23.569, n° 21-23.574, n° 21-23.579, n° 21-23.589, n° 21-23.590, n° 21-23.599, n° 21-23.604, n° 21-23.622, n° 21-23.632 et suivants, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 – Annexe VI « Accord national de salaires » – Rémunération – Salaire de base à l'embauche – Définition – Détermination – Portée

Il résulte des articles 20 et 21 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 et de l'annexe VI « Accord national de salaires », attachée à celle-ci, que le salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé visé au second de ces textes correspond au salaire minimum mensuel conventionnel de l'emploi occupé.

Dès lors, viole ces dispositions la cour d'appel qui, pour condamner l'employeur à verser aux salariés des sommes à titre de rappel de majoration d'ancienneté, a pris en considération le salaire de base à l'embauche effectivement versé aux salariés et non le salaire minimum conventionnel correspondant au salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-23.566, 21-23.569, 21-23.574, 21-23.579, 21-23.589, 21-23.590, 21-23.599, 21-23.604, 21-23.622, 21-23.632 et 21-23.650 sont joints.

Déchéance partielle du pourvoi 21-23.650

2. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.

3. La société Transbus[Localité 14] s'est pourvue en cassation le 26 octobre 2021 contre une décision rendue le 8 juillet 2021 par la cour d'appel de Paris et a mis en cause, dans le pourvoi n° 21-23.650, Pôle emploi.

4. Elle n'a toutefois pas signifié le mémoire ampliatif à ce dernier, qui n'a pas constitué avocat.

5. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi n° 21-23.650 en tant qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

6. Selon les arrêts attaqués (Paris, 8 juillet 2021), en 1995, la société Transports intercommunaux du centre Essonne (TICE) a confié l'exploitation d'une partie du réseau de transports en commun de la ville d'[Localité 14] et des communes avoisinantes à la société Transbus[Localité 14], anciennement dénommée Trans[Localité 14], suivant convention d'affrètement des lignes du réseau des transports intercommunaux du centre Essonne.

7. Cette dernière appliquait la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

8. Par jugement du 17 octobre 2011, le tribunal de grande instance d'Evry, saisi par un syndicat le 22 mai 2009, a dit que la société Transbus[Localité 14] relevait de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2013 et le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2015 (Soc, 9 avril 2015, pourvoi n° 13-18.923, Bull. 2015, V, n° 73).

9. Le 17 janvier 2014, la société Transbus[Localité 14] a dénoncé l'usage résultant de l'application volontaire de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, qui a pris fin le 16 avril 2015.

10. La société TICE ayant informé la société Transbus[Localité 14] de sa volonté de mettre fin à la convention d'affrètement et de reprendre en direct l'exploitation des services réguliers de voyageurs du centre Essonne, les deux sociétés ont conclu le 30 juin 2015 un protocole d'accord, qui a pris effet le 1er juillet 2015, pour reprise d'activité, l'article 2 prévoyant notamment le transfert des salariés attachés à l'activité en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

11. M. [T] et dix autres salariés, engagés en qualité de conducteurs-receveurs, ont saisi la juridiction prud'homale, les 25 avril et 3 juin 2014, de demandes relatives à l'exécution de leur contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen des pourvois principaux de la société Transbus[Localité 14], pris en ses deux premières branches, et le moyen des pourvois incidents des salariés

12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen des pourvois principaux, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. La société Transbus[Localité 14] fait grief aux arrêts de la condamner à verser à chacun des salariés des sommes à titre de rappel de majoration d'ancienneté et de congés payés afférents, alors « qu'en cas de conflit de normes en droit du travail, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf dispositions contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé ; que, s'agissant d'apprécier le montant, non pas d'une prime, mais d'une majoration d'ancienneté, les dispositions relatives aux taux de cette majoration sont indissociables de celles en déterminant l'assiette ; que, selon l'article 20 de la convention collective nationale des réseaux de transports urbains de voyageurs, « la rémunération ne peut être inférieure au montant du salaire minimum national de l'emploi occupé tel que défini à l'annexe VI à la présente convention » ; que, selon l'article 21 de cette même convention, « des majorations de salaires pour ancienneté appliquées au salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé sont accordées au personnel d'après le tableau suivant : 3 p. 100 après 6 mois de stage ; porté à 7 % après 1 an ; [...] porté à 23 % après 25 ans » ; que l'annexe VI de la convention détermine le salaire minimum correspondant à chaque emploi au regard de l'ancienneté en y appliquant les taux de majoration ainsi fixés par l'article 21 ; qu'il résulte de ces dispositions que le taux de majoration d'ancienneté s'applique au salaire de base à l'embauche « de l'emploi occupé », déterminé par la convention collective, et non au regard du salaire de base effectivement versé au salarié au moment de son embauche, et que ce taux est donc indissociable du salaire minimum conventionnel pour l'emploi occupé par le salarié ; que la société Transbus[Localité 14] faisait valoir qu'en application de la convention collective des transports routiers et de l'accord d'entreprise, qu'elle avait appliqués et qui prévoyaient également une majoration d'ancienneté, la rémunération versée aux salariés, majoration incluse, était supérieure à la rémunération correspondant au salaire de base pour l'emploi qu'ils occupaient majoré de la prime d'ancienneté, à laquelle ils pouvaient prétendre en application des dispositions de la convention collective des réseaux de transports urbains ; qu'en appliquant les taux de majoration prévus par la convention collective des réseaux de transports urbains, non pas au salaire de base prévu par cette convention pour l'emploi occupé par les salariés, mais au salaire d'embauche plus élevé effectivement versé aux salariés par la société Transbus[Localité 14], en vertu d'autres dispositions conventionnelles, la cour d'appel a violé les articles 20 et 21 et l'annexe VI de la convention collective des réseaux de transports urbains, ensemble le principe fondamental de droit du travail selon lequel, en cas de conflit de normes en droit du travail, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf dispositions contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 20 et 21 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 et l'annexe VI « Accord national de salaires », attachée à celle-ci :

14. Selon l'article 20 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, la rémunération est la contrepartie du travail effectué par le salarié et elle ne peut être inférieure au montant du salaire minimum national professionnel de l'emploi occupé tel que défini à l'annexe VI à la présente convention.

15. Aux termes de l'annexe VI « Accord national de salaires », attachée à la convention, le salaire national minimum institué dans la profession correspond au coefficient 100 à ancienneté zéro. Ce salaire national minimum mensuel s'entend pour une durée hebdomadaire effective de travail de trente-neuf heures, soit cent soixante-neuf heures par mois.

Les salaires minima nationaux des divers emplois sont hiérarchisés à 100 % et sont obtenus en appliquant au salaire minimum mensuel : a) Les coefficients hiérarchiques figurant dans la grille de classement des emplois objet de l'annexe III à la convention collective nationale ; b) Les majorations de salaire pour ancienneté fixées par la convention collective nationale et correspondant à l'ancienneté réelle dans l'entreprise.

16. Selon l'article 21 de la même convention, des majorations de salaires pour ancienneté appliquées au salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé sont accordées au personnel d'après le tableau suivant :

- 3 % après 6 mois de stage ;

- porté à 7 % après un an (5e classe) ;

- porté à 10 % après trois ans (4e classe) ;

- porté à 12 % après cinq ans (3e classe) ;

- porté à 14 % après dix ans (2e classe) ;

- porté à 17 % après quinze ans (1re classe) ;

- porté à 20 % après vingt ans (hors classe) ;

- porté à 23 % après vingt-cinq ans (hors classe exceptionnelle).

17. Il résulte de ces dispositions que le salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé correspond au salaire minimum mensuel conventionnel de l'emploi occupé.

18. Pour condamner la société Transbus[Localité 14] à verser à chacun des salariés des sommes à titre de rappel de majoration d'ancienneté outre les congés payés afférents, les arrêts constatent qu'à l'examen des bulletins de paie, les majorations d'ancienneté avaient été calculées sur le salaire de base actualisé et avaient donc suivi les augmentations dudit salaire et que la comparaison figurant dans les calculs des salariés avait été effectuée en appliquant les pourcentages de majoration prévus par la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs à leur salaire de base actualisé. Ils ajoutent que cette méthode ne peut être retenue dès lors que ladite convention prévoit une assiette constituée par le salaire mensuel de base à l'embauche.

19. Les arrêts relèvent qu'après application des taux de majoration à ce salaire et comparaison du résultat avec les sommes versées, il apparaît un solde créditeur en faveur des salariés. Ils en concluent que le dispositif de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs est plus favorable et doit être appliqué.

20. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a pris en considération le salaire de base à l'embauche effectivement versé aux salariés et non le salaire minimum conventionnel correspondant au salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen des pourvois principaux, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

21. La société Transbus[Localité 14] fait grief aux arrêts de dire qu'elle devra garantir la société TICE de toutes les condamnations reposant sur les obligations nées avant le transfert et rembourser à celle-ci l'intégralité des sommes qu'elle aura éventuellement versées, alors « que, subsidiairement, le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement ce qui lui est demandé et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; qu'au cas présent, la société TICE demandait uniquement, dans le dispositif de ses écritures, de « condamner la société Transbus[Localité 14] à rembourser les sommes payées par la société TICE, ou qu'elle aurait à payer au titre des rappels de salaires pour majorations d'ancienneté et majorations pour travail de nuit, outre les congés payés afférents, pour la période antérieure au 1er juillet 2015 » ; qu'en condamnant la société Transbus[Localité 14] à garantir la société Transports Intercommunaux Centre Essonne de « toutes les condamnations reposant sur les obligations nées avant le transfert » et rembourser à celle-ci l'intégralité des sommes éventuellement versées à ce titre, cependant que les demandes de la société TICE de remboursement portaient exclusivement sur les rappels de salaires pour majorations d'ancienneté et majorations de nuit, la cour d'appel a violé les articles 5 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile :

22. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Selon le second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

23. Il ressort du dernier que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

24. Les arrêts disent que la société Transbus[Localité 14] devra garantir la société TICE de toutes les condamnations reposant sur les obligations nées avant le transfert et rembourser à celle-ci l'intégralité des sommes qu'elle aura éventuellement versées à ce titre.

25. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société TICE demandait la condamnation de la société Transbus[Localité 14] à rembourser les sommes payées par elle, ou qu'elle aurait à payer, aux salariés, au titre des rappels de salaires pour majoration d'ancienneté et majoration de travail de nuit, outre les congés payés afférents, pour la période antérieure au 1er juillet 2015, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi n° 21-23.650 en tant qu'il est dirigé contre Pôle emploi ;

REJETTE les pourvois incidents ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent in solidum les sociétés Transbus[Localité 14] et Transports intercommunaux du centre Essonne à payer au titre des majorations d'ancienneté les sommes de :

 - 9 120,98 euros à M. [T], outre congés payés afférents,

 - 21 269,30 euros à M. [F], outre congés payés afférents,

 - 10 196 euros à M. [P], outre congés payés afférents,

 - 14 600,71 euros à M. [E] [K], outre congés payés afférents,

 - 5 846,03 euros à M. [N], outre congés payés afférents,

 - 15 861,69 euros à M. [L], outre congés payés afférents,

 - 8 465,83 euros à M. [M], outre congés payés afférents,

 - 12 625,64 euros à M. [W], outre congés payés afférents,

 - 8 361,31 euros à M. [A], outre congés payés afférents,

 - 5 846,03 euros à M. [S], outre congés payés afférents,

 - 7 338,64 euros à M. [V] [O], outre congés payés afférents,

en ce qu'ils disent que la société Transbus[Localité 14] devra garantir la société Transports intercommunaux du centre Essonne de toutes les condamnations reposant sur les obligations nées avant le transfert et rembourser à celle-ci l'intégralité des sommes qu'elle aura éventuellement versées à ce titre, et en ce qu'ils statuent sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 8 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 20 et 21 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 ; annexe VI « Accord national de salaires », attachée à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986.

Soc., 10 janvier 2024, n° 22-19.857, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 – Rupture du contrat de travail – Cas – Article 17 – Licenciement pour faute grave et sur avis du conseil de discipline – Portée

L'article 17 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 dispose que les titulaires sont des agents qui, ayant accompli dans les conditions satisfaisantes le stage réglementaire de douze mois et subi avec succès la visite médicale pour vérification d'aptitude physique à l'emploi sollicité, sont admis dans le cadre du personnel permanent de l'entreprise. Il ajoute que, sauf les cas visés à l'article 58 relatif aux licenciements collectifs, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.

Le chapitre VII intitulé « conditions de rupture du contrat de travail » de cette convention énumère les cas de rupture : la modification des conditions d'exploitation, la démission et le licenciement collectif. L'article 62 relatif à l'indemnité de départ à la retraite prévoit le versement d'une indemnité à tout agent ayant moins de dix ans d'ancienneté partant à la retraite ou quittant l'entreprise par suite de réforme, d'invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d'inaptitude à la conduite reconnue.

Il résulte de ces dispositions conventionnelles, qui constituent une limitation du droit de licencier en faveur du salarié, que ce dernier ne peut être licencié, indépendamment d'un motif disciplinaire, que pour les motifs limitativement énumérés.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 – Rupture du contrat de travail – Accord collectif énonçant limitativement les causes de licenciement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 7 juin 2022), Mme [T] a été engagée en qualité de responsable d'unité de production par la société Compagnie des transports strasbourgeois le 10 avril 2012, avec une reprise de son ancienneté au 1er décembre 1992.

La salariée exerçait en dernier lieu la fonction de responsable de l'unité contrôle sûreté.

2. Le 18 janvier 2018, l'employeur l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et d'ordonner la remise par l'employeur à la salariée d'un bulletin de salaire conforme aux dispositions de l'arrêt, dans le délai d'un mois à compter de sa signification, alors :

« 1°/ que les dispositions de l'article 17 de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs énonçant que « les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave sur avis motivé du conseil de discipline » ne sont applicables qu'en cas de licenciement pour motif disciplinaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article précité ;

2°/ que si la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs comporte des dispositions portant sur le licenciement disciplinaire (articles 17 et 49), le licenciement économique (article 58) ou la rupture du contrat « par suite de réforme (régime CAMR), d'invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d'inaptitude à la conduite reconnue » (article 62), ces dispositions n'ont pas pour effet de limiter les causes de licenciement à ces seuls motifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Une convention ou un accord collectifs, s'ils manquent de clarté, doivent être interprétés comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

6. Les conventions et accords collectifs de travail peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu'ils déterminent et qui ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail.

7. L'article 17 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 dispose que les titulaires sont des agents qui, ayant accompli dans les conditions satisfaisantes le stage réglementaire de douze mois et subi avec succès la visite médicale pour vérification d'aptitude physique à l'emploi sollicité, sont admis dans le cadre du personnel permanent de l'entreprise. Il ajoute que, sauf les cas visés à l'article 58 relatif aux licenciements collectifs, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.

8. Le chapitre VII intitulé « conditions de rupture du contrat de travail » de cette convention énumère les cas de rupture : la modification des conditions d'exploitation, la démission et le licenciement collectif.

L'article 62 relatif à l'indemnité de départ à la retraite prévoit le versement d'une indemnité à tout agent ayant moins de dix ans d'ancienneté partant à la retraite ou quittant l'entreprise par suite de réforme, d'invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d'inaptitude à la conduite reconnue.

9. Il résulte de ces dispositions conventionnelles, qui constituent une limitation du droit de licencier en faveur du salarié, que ce dernier ne peut être licencié, indépendamment d'un motif disciplinaire, que pour les motifs limitativement énumérés.

10. La cour d'appel a exactement décidé que l'article 17 de la convention collective ne s'appliquait pas uniquement aux licenciements fondés sur un motif disciplinaire et que la convention collective n'envisageait pas, pour les agents titulaires, de rupture du contrat de travail pour un autre motif que disciplinaire, économique avec le licenciement collectif ou pour inaptitude et en a déduit à bon droit que le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle de la salariée était sans cause réelle et sérieuse.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 17 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986.

Soc., 31 janvier 2024, n° 22-15.516, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes – Article 15 ter, alinéa 1 – Changement de prestataire – Transfert du salarié – Maintien de l'emploi – Durée d'affectation sur le marché – Durée de six mois – Présence effective – Nécessité (non)

La condition d'affectation depuis au moins six mois sur le marché faisant l'objet de la reprise prévue par l'article 15 ter, alinéa 1, de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes n'est pas subordonnée à une présence effective du salarié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 février 2022), le contrat de travail de M. [C] a été repris le 1er avril 2011 par la société La Brenne, attributaire d'un marché de nettoyage de trains pour le compte de la SNCF.

2. Le 1er février 2018, la société USP nettoyage, qui a succédé à la société La Brenne dans la gestion de ce marché, s'est opposée au transfert du contrat de travail du salarié, en arrêt de travail depuis le 2 août 2017.

3. Le salarié a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner la société USP nettoyage à reprendre son contrat de travail.

4. Concomitamment à la procédure engagée par le salarié, la société La Brenne a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, notamment, la condamnation de la société USP nettoyage à reprendre le salarié à son service à compter du 1er février 2018.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société USP nettoyage fait grief à l'arrêt de lui ordonner de reprendre le contrat de travail du salarié à compter du 1er février 2018 et de lui remettre des fiches de paie à compter du 1er février 2018 ainsi qu'un avenant formalisant la reprise du contrat de travail à compter de cette même date et, en conséquence, de la condamner à lui verser une certaine somme en réparation du préjudice subi, alors :

« 1°/qu'aux termes de l'article 15 ter de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes, « au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public (ci-après dénommé « marché initial ») en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordres, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent des salariés non cadres et cadres d'exploitation jusqu'au coefficient 282,5 du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois serait assurée chez l'employeur entrant.

Les salariés devant être en situation régulière au regard de la législation du travail, et notamment des dispositions législatives et réglementaires visées aux articles L. 5221-1 et suivants du code du travail » ; qu'il résulte de ce texte que, pour être transféré dans les conditions prévues par la convention collective précitée, un salarié doit être affecté à l'activité transférée depuis au moins 6 mois, c'est-à-dire avoir effectivement exécuté son contrat de travail sur la période des 6 derniers mois précédents le transfert ; que pour confirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné à la SAS USP nettoyage de reprendre le contrat de travail de M. [C] à compter du 1er février 2018, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas contesté que celui-ci avait effectivement travaillé sur ce site jusqu'à être placé en arrêt de travail à compter du 2 août 2017, de sorte que son affectation à ce marché de nettoyage ne pouvait être regardée comme simplement théorique, que la convention collective susvisée n'avait pas prévu de subordonner la condition d'affectation depuis plus de six mois sur le marché faisant l'objet de la reprise à une présence effective du salarié, qu'elle n'avait pas entendu instituer une durée maximale d'absence du salarié, qui en cas de dépassement, pouvait faire obstacle à la reprise du contrat de travail de l'intéressé par l'entreprise entrante, et que dès lors, il ne saurait être opposé à la continuité du contrat de travail de M. [C] une condition de présence qui n'avait pas été fixée conventionnellement, pour en déduire qu'au jour du changement de prestataire du marché du nettoyage des trains de la SNCF sur le site de Lille, M. [C] avait rempli les conditions exigées par l'article 15 ter de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire ; qu'en statuant ainsi, au mépris de la lettre de l'article 15 ter de la convention collective précitée, la cour d'appel a violé l'article 15 ter de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes ;

2°/ qu'en considérant, d'un côté, comme établi que le salarié avait effectivement travaillé sur ce site jusqu'à être placé en arrêt de travail à compter du 2 août 2017, de sorte que son affectation à ce marché de nettoyage ne pouvait être regardée comme simplement théorique, ce dont il résultait que l'affectation au sens de l'article 15 ter de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes devait s'entendre de la présence effective du salarié dans l'entreprise et, d'un autre côté, que la convention collective susvisée n'aurait pas prévu de subordonner la condition d'affectation depuis plus de six mois sur le marché faisant l'objet de la reprise à une présence effective du salarié, qu'elle n'avait pas entendu instituer une durée maximale d'absence du salarié, qui en cas de dépassement, pourrait faire obstacle à la reprise du contrat de travail de l'intéressé par l'entreprise entrante, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé en conséquence l'article 15 ter de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes ;

3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce qu'en l'absence de tout autre élément attestant d'une modification de la situation du salarié au sein de la société La Brenne, la suspension du contrat de travail de M. [C] en raison d'un arrêt maladie prolongé n'était pas de nature à remettre en cause une affectation durable à son poste de travail, l'article L. 1226-8 du code du travail privilégiant, sous réserve de l'avis du médecin du travail, un retour du salarié, à l'issue de la période de suspension, à l'emploi précédemment occupé, quand ni les sociétés ni le salarié n'ont jamais discuté d'un tel moyen de droit, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 15 ter, alinéa 1er, de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes, au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordres, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent des salariés non cadres et cadres d'exploitation jusqu'au coefficient 282,5 du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois serait assurée chez l'employeur entrant.

7. Il en résulte que la condition d'affectation depuis au moins six mois sur le marché faisant l'objet de la reprise n'est pas subordonnée à une présence effective du salarié.

8. La cour d'appel a, d'abord, constaté qu'il résultait de l'avenant de reprise du contrat à durée indéterminée du salarié, conclu avec la société sortante, le 1er avril 2011, avec reprise d'ancienneté au 1er février 1988, que celui-ci, ouvrier d'encadrement classé au coefficient 191, était affecté au marché de nettoyage des trains TER et TGV de la SNCF sur le site de Lille, dont la société entrante était devenue attributaire à compter du 1er février 2018 et qu'il n'était pas contesté qu'il avait effectivement travaillé sur ce site jusqu'à être placé en arrêt de travail à compter du 2 août 2017.

9. Elle a, ensuite, retenu qu'en l'absence de tout autre élément attestant d'une modification de la situation du salarié au sein de la société sortante, la suspension du contrat de travail de l'intéressé en raison d'un arrêt maladie prolongé n'était pas de nature à remettre en cause une affectation durable à son poste de travail, la convention collective n'ayant pas prévu de subordonner la condition d'affectation depuis plus de six mois sur le marché faisant l'objet de la reprise à une présence effective du salarié.

10. De ces constatations et énonciations, elle a exactement déduit que, la condition relative à l'affectation du salarié sur le marché repris pendant au moins six mois étant remplie au jour du changement de prestataire, la société entrante devait poursuivre son contrat de travail.

11. Le moyen, qui est inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Carillon - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 15 ter, alinéa 1, de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes.

Rapprochement(s) :

Sur la notion d'affectation depuis au moins six mois avant transfert du contrat de travail prévue par la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes, à rapprocher : Soc., 17 avril 2019, pourvoi n° 17-31.339, Bull., (cassation partielle).

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