Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 11 janvier 2024, n° 21-24.306, n° 21-24.487, (B), FRH

Cassation

Contentieux général – Compétence matérielle – Accident du travail et maladie professionnelle – Compétence exclusive – Sursis à statuer – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte des articles 49 et 378 du code de procédure civile, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions visées par les articles L. 211-16, 1°, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, que la juridiction chargée du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, saisie d'une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d'un moyen de défense tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge d'un accident du travail ou de la maladie professionnelle relevant de la compétence exclusive d'une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer, lorsque la demande lui en est faite, dans l'attente de la décision de cette dernière.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-24.306 et 21-24.487 sont joints.

Déchéance partielle du pourvoi n° 21-24.487 en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 20 août 2020, examinée d'office

2. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

3. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 20 août 2020, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.

Sur les pourvois 21-24.306 et 21-24.487 en tant qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 17 septembre 2021, et sur le pourvoi additionnel 21-24.487 en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021

Faits et procédure

4. Selon les arrêts attaqués (Amiens, 12 avril 2021 et 17 septembre 2021), la caisse primaire d'assurance maladie des Landes ayant pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés (la victime) de la société [3] (l'employeur), cette dernière a, le 8 octobre 2019, saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins, à titre principal, d'inopposabilité de la décision de prise en charge et, à titre subsidiaire, d'inscription des dépenses afférentes à cette maladie au compte spécial.

5. Après notification, le 1er janvier 2020, de son taux de cotisations accidents du travail-maladies professionnelles par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France (la caisse), l'employeur a saisi d'un recours la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire.

6. Cette juridiction, après avoir ordonné la réouverture des débats, a déclaré la demande de l'employeur irrecevable.

Recevabilité du pourvoi additionnel 21-24.487, dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021, qui est préalable, examinée d'office

Vu l'article 537 du code de procédure civile :

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

8. En application de ce texte, la décision de réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire qui ne peut faire l'objet d'aucun recours, sauf dans le cas d'une atteinte au droit à l'accès au juge.

9. Le pourvoi additionnel, qui fait grief à l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021, de prononcer la réouverture des débats et d'inviter les parties à s'expliquer sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel d'Amiens, est, dès lors, irrecevable.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 21-24.487, dirigé contre l'arrêt du 17 septembre 2021, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie litigieuse, alors « que l'appréciation de l'affectation des dépenses de la maladie professionnelle sur le compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la seule cour d'appel d'Amiens ; qu'en jugeant irrecevable la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie de la victime dès lors que le tribunal judiciaire de Mont-de Marsan avait été saisi d'une demande identique avant la notification du taux de cotisation par la CARSAT, la cour d'appel a violé les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, et l'article L. 142-1, 7°, du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, puis L. 142-1, 7°, et L. 143-4 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction alors en vigueur, l'article L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

11. En application de ces textes, par un arrêt du 28 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles (2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719, publié au Bulletin).

12. Ayant relevé que l'employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, le tribunal judiciaire d'une demande d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse, la cour d'appel saisie, après notification de son taux, de la même demande, l'a déclarée irrecevable.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 21-24.306, dirigé contre l'arrêt du 17 septembre 2021

Enoncé du moyen

14. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale saisie d'un recours contre la décision de prise en charge, alors « que la juridiction qui constate que l'action dont elle est saisie suppose que soit tranchée une question préalable relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction doit surseoir à statuer jusqu'à ce que cette juridiction se soit prononcée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel d'Amiens était saisie par l'employeur embrayages d'une demande tendant à voir « dire que la maladie ne peut être imputée au compte employeur et doit être imputée au compte spécial et, par conséquent, rectifier toutes les inscriptions au compte employeur 2020 antérieures et postérieures » ; qu'en rejetant la demande préalable de sursis à statuer présentée par cet employeur, qui se prévalait d'une instance pendante devant le tribunal judiciaire de Mont-de Marsan sur sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation des risques professionnels de la maladie à l'origine de la tarification contestée devant elle, après avoir constaté que « s'il était fait droit à sa demande d'inopposabilité, alors nécessairement la CARSAT aurait l'obligation d'en tirer les conséquences et, donc de retirer du compte employeur les charges de la maladie », ce dont il résultait que la solution de la demande présentée devant elle par cette société supposait que fût tranchée la question préjudicielle de l'opposabilité de la décision de prise en charge, laquelle relevait de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, la cour d'appel d'Amiens a violé les articles 49 et 380-1 du code de procédure civile, L. 211-16-1° et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 211-16, 1°, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, 49, 378 et 380-1 du code de procédure civile :

15. Il résulte des troisième et quatrième de ces textes, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions visées par les deux premiers, que la juridiction chargée du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, saisie d'une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d'un moyen de défense tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge d'un accident du travail ou de la maladie professionnelle relevant de la compétence exclusive d'une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer, lorsque la demande lui en est faite, dans l'attente de la décision de cette dernière.

16. Pour rejeter la demande de sursis à statuer, l'arrêt déclare irrecevable le recours de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle.

17. En statuant ainsi, alors que l'employeur avait demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, saisie d'un recours aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, la cour d'appel, qui devait, dès lors, surseoir à statuer sur la demande aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la maladie litigieuse, dont elle était saisie, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi n° 21-24.487 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 20 août 2020 ;

DÉCLARE le pourvoi additionnel dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021 irrecevable ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 49 et 378 du code de procédure civile, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions visées par les articles L. 211-16, 1°, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719, Bull. (cassation partielle partiellement sans renvoi).

2e Civ., 11 janvier 2024, n° 22-15.939, (B), FS

Rejet

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Décision confirmant le caractère professionnel de la maladie d'un salarié – Opposabilité à l'employeur – Non-communication par la caisse du rapport médical et de l'avis du médecin mandaté par l'employeur – Absence d'influence – Conditions – Détermination

Il résulte des articles L. 142-6, R. 142-8-2, R. 142-8-3, alinéa 1er, R. 142-1- A, V, du code de la sécurité sociale, destinés à garantir un juste équilibre entre le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur et le droit de la victime au respect du secret médical, que la transmission du rapport médical du praticien-conseil du contrôle médical ne peut se faire que par l'autorité médicale chargée d'examiner le recours préalable.

Au stade du recours devant la commission médicale de recours amiable, l'absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraîne pas l'inopposabilité, à l'égard de ce dernier, de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l'article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport médical dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code.

Aucune disposition n'autorise, par ailleurs, l'employeur à obtenir cette communication directement du praticien-conseil du contrôle médical.

C'est, enfin, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ni rompre l'égalité des armes entre l'employeur et l'organisme de sécurité sociale, qu'une cour d'appel estime, au regard des éléments débattus devant elle, qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction.

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Décision confirmant le caractère professionnel de la maladie d'un salarié – Transmission du rapport médical à l'employeur – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 mars 2022), à la suite de la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube (la caisse) de l'accident survenu, le 29 mai 2017, à l'un des salariés (la victime) de la société [3] (l'employeur), cette dernière a saisi, le 1er septembre 2020, la commission médicale de recours amiable, puis, après décision implicite de rejet, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale pour contester l'imputabilité des arrêts de travail et soins prescrits jusqu'au 25 mai 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que selon les articles L. 315-1, L. 315-2 et L. 442-5 du code de la sécurité sociale, le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service des prestations en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle ; que selon les articles L. 142-6 et R. 142-1 A du même code, les contestations d'ordre médical relevant du contentieux général de la sécurité sociale impliquent la transmission par le praticien conseil du service du contrôle médical, sans que puisse lui être opposé le secret médical, d'un rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien conseil justifiant sa décision et que ce rapport doit comprendre : 1° l'exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à 'examen clinique de l'assuré, par le praticien conseil à l'origine de la décision contestée et ses éléments d'appréciation, 2° ses conclusions motivées et 3° les certificats médicaux détenus lorsque la contestation porte sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ; que, selon les articles R. 142-8, R. 142-8-2 et R.142-8-3 du même code, les contestations d'ordre médical sont portées devant une commission de recours amiable qui doit, dès réception, adresser une copie du recours au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l'organisme dont la décision est contestée, que le praticien doit dans les 10 jours transmettre à la commission l'intégralité du rapport mentionné à l'article L 142-6 du code de sécurité sociale et l'avis transmis à l'organisme de sécurité sociale et que, lorsque le recours émane de l'employeur, la commission est tenue d'adresser dans les 10 jours ces éléments au médecin mandaté par l'employeur afin de permettre à ce dernier de formuler des observations ; que la transmission du rapport médical et sa communication constituent une garantie pour le justiciable et que, si le non-respect des délais de transmission de son rapport par le praticien conseil à la commission médicale de recours amiable n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie, c'est à la condition que l'employeur puisse, dans le cadre du recours judiciaire contre la décision implicite de rejet de la commission, avoir communication, par l'intermédiaire d'un médecin qu'il a mandaté, de cet élément déterminant s'agissant d'apprécier la justification médicale des prestations accordées par la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il en résulte que, lorsque le praticien conseil n'a pas transmis son rapport à la commission médicale de recours amiable, l'absence de transmission de cet élément à la juridiction et au médecin mandaté par l'employeur, dans le cadre du recours contentieux, interdit à la caisse primaire d'assurance maladie de prétendre opposer à l'employeur une quelconque présomption et rend la décision de la caisse inopposable à l'employeur ; qu'au cas présent, il est constant que la contestation d'ordre médical portait sur l'imputabilité d'arrêts de travail et d'une nouvelle lésion à l'accident du travail initial et que le praticien conseil du service du contrôle médical n'avait transmis son entier rapport ni à la commission de recours amiable, ni au tribunal judiciaire, ni au médecin mandaté par l'employeur, de sorte que la prise en charge des arrêts de travail et de la nouvelle lésion devait être déclarée de son recours, au motif inopérant que la caisse primaire d'assurance maladie a communiqué à l'employeur l'ensemble des pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour prendre en charge les arrêts de travail litigieux et que « le rapport d'évaluation des séquelles réalisé dans le cadre de la détermination du taux d'incapacité permanente partielle ne constitue pas un élément pertinent au regard du litige », cependant que le rapport devant être transmis par le praticien conseil en cas de contestation d'ordre médical ne concerne pas nécessairement l'évaluation des séquelles dans le cadre de l'attribution du taux d'incapacité permanente partielle, la cour d'appel a violé les articles L. 142-6, L. 315-1, L. 315-2, L. 442-5, R. 142-1 A, R. 142-8, R. 142-8-2, R. 142-8-3 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, applicable au litige, pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet.

La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.

4. L'article R. 142-8-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au litige, précise que le praticien-conseil de l'organisme de sécurité sociale concerné dispose d'un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, transmise par le secrétariat de la commission médicale de recours amiable, pour communiquer à ladite commission, par tout moyen conférant date certaine, l'intégralité du rapport mentionné au précédent article ainsi que l'avis transmis à l'organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.

5. En application de l'article R. 142-8-3, alinéa 1er, dans sa rédaction issue de ce même décret, applicable au litige, lorsque le recours préalable est formé par l'employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, ledit rapport accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet, l'assuré ou le bénéficiaire en étant informé.

6. Selon l'article R. 142-1-A, V, dans sa rédaction issue du décret précité, applicable au litige, le rapport médical susmentionné comprend :

1°- L'exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l'examen clinique de l'assuré, par le praticien-conseil à l'origine de la décision contestée et ses éléments d'appréciation ;

2° - Ses conclusions motivées ;

3°- Les certificats médicaux, détenus par le praticien-conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.

7. Il résulte de ces textes, destinés à garantir un juste équilibre entre le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur et le droit de la victime au respect du secret médical, que la transmission du rapport médical du praticien-conseil du contrôle médical ne peut se faire que par l'autorité médicale chargée d'examiner le recours préalable.

8. Dans la continuité de l'avis rendu le 17 juin 2021 par la Cour de cassation, saisie d'une question relative à la méconnaissance des délais de transmission du rapport médical impartis par l'article R. 142-8-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 (Avis de la Cour de cassation, 17 juin 2021, n° 21-70.007, publié au Bulletin), il convient de juger que ne sont assortis d'aucune sanction les délais impartis pour la transmission à la commission médicale de recours amiable par le praticien-conseil du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale, accompagné de l'avis, et pour la notification de ces mêmes éléments médicaux par le secrétariat de la commission au médecin mandaté par l'employeur, lorsque ce dernier a formé un recours préalable.

9. Il en résulte qu'au stade du recours préalable, ni l'inobservation de ces délais, ni l'absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraînent l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l'article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport médical dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code. Aucune disposition n'autorise l'employeur à obtenir cette communication directement du praticien-conseil du contrôle médical.

10. Ayant constaté que la commission médicale de recours amiable n'avait pas rendu son avis dans le délai de quatre mois de sorte qu'avait été prise une décision implicite de rejet, la cour d'appel a exactement décidé que l'absence de transmission du rapport médical, à l'occasion de l'exercice d'un recours médical préalable, est sans incidence sur l'opposabilité de la décision de la caisse à l'employeur, lequel a pu saisir le juge d'un recours aux fins d'inopposabilité de ladite décision.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le droit à un procès équitable implique, d'une part, que chaque partie ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire et, d'autre part, que le justiciable dispose d'une possibilité effective d'accéder aux documents nécessaires à la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; que les contestations d'ordre médical relevant du contentieux général de la sécurité sociale impliquent qu'un débat médical puisse être tenu et, par conséquent, que l'employeur puisse avoir connaissance, par l'intermédiaire d'un médecin qu'il a désigné, des éléments médicaux relatifs à l'état de santé du salarié et lui permettant de contester de manière effective l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle ; qu'à supposer que le praticien conseil du service du contrôle médical puisse, en présence d'une telle contestation, se dispenser de transmettre son rapport médical tant à la commission médicale de recours amiable qu'à la juridiction de sécurité sociale, sans que l'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie soit encourue, il incombe alors au juge d'ordonner, conformément aux articles L. 142-10 et L. 142-10-1 du code de la sécurité sociale, une mesure d'instruction confiée à un médecin, auquel le praticien conseil est tenu de notifier, ainsi qu'au médecin mandaté par l'employeur, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision ; qu'au cas présent, il est constant que la contestation d'ordre médical portait sur l'imputabilité d'arrêts de travail et d'une nouvelle lésion à l'accident du travail initial et que le praticien conseil du service du contrôle médical n'avait transmis son entier rapport ni à la commission de recours amiable, ni au tribunal judiciaire, ni au médecin mandaté par l'employeur ; que, pour opposer la présomption d'imputabilité à l'employeur et refuser d'ordonner une mesure d'instruction, la cour d'appel a énoncé que l'employeur ne saurait alléguer que la mise en oeuvre d'une expertise est justifiée en raison de la privation d'expertise précontentieuse qui est de droit ; qu'en privant l'employeur de toute possibilité d'accéder, par l'intermédiaire d'un médecin mandaté, au rapport médical ayant fondé la prise en charge des arrêts de travail litigieux et de la nouvelle lésion, la cour d'appel a violé des articles L. 142-6, L. 142-10 et L. 142-10-1, R. 142-8, R. 142-8-2, R. 142-8-3, R. 142-16 et R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

13. En application de l'article L. 142-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, lorsqu'une mesure d'instruction a été ordonnée, dans le cadre des contestations mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil ou l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, transmet à l'expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction compétente, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision. A la demande de l'employeur, partie à l'instance, ledit rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet, la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle en étant alors informée.

14. Il en résulte que l'employeur peut avoir accès, dans le cadre d'une mesure d'instruction et par l'intermédiaire d'un médecin mandaté par lui, à ce rapport médical, ce qui lui garantit une procédure contradictoire, tout en assurant le respect du secret médical auquel la victime a droit.

15. Néanmoins, si les articles 143, 144 et 146 du code de procédure civile, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions spécialement désignées aux articles L. 211-16 et L. 311-15 du code de l'organisation judiciaire, donnent au juge du contentieux de la sécurité sociale la faculté d'ordonner une mesure d'instruction, il n'est nullement tenu d'en user dès lors qu'il s'estime suffisamment informé.

16. En outre, par une décision du 27 mars 2012, la Cour européenne des droits de l'homme a relevé que l'absence de communication des examens médicaux du salarié et des observations médicales du médecin conseil à l'employeur s'explique par le secret médical auquel est tenu le praticien. Elle a jugé que le fait que l'expertise ne soit pas ordonnée dans tous les cas où l'employeur la demande, mais qu'elle ne soit décidée que dans le cas où la juridiction s'estime insuffisamment informée, est conforme aux exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales en matière de procès équitable (CEDH décision du 27 mars 2012, Eternit c. France, n° 20041/10, §§ 36 et 39).

17. Enfin, dès lors que les services administratifs de la caisse primaire d'assurance maladie ne disposent pas du rapport médical susmentionné, lequel est détenu par le service médical, relevant non de l'autorité hiérarchique de cette dernière mais de celle de la Caisse nationale de l'assurance maladie, l'égalité des armes entre l'organisme de sécurité sociale et l'employeur est préservé. Dans l'arrêt précité, la Cour européenne des droits de l'homme a, en effet, jugé que la caisse primaire d'assurance maladie n'étant pas en possession des pièces médicales sollicitées par l'employeur, elle n'a pas été placée en situation de net avantage vis-à-vis de ce dernier (CEDH décision du 27 mars 2012, Eternit c. France, décision précitée, § 41).

18. Dès lors, c'est sans porter atteinte au droit à un procès équitable ni rompre l'égalité des armes entre l'employeur et l'organisme de sécurité sociale, que la cour d'appel a estimé, au regard des éléments débattus devant elle, qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner de mesure d'instruction.

19. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 142-6, L. 142-10, R. 142-8-2, R. 142-8-3, alinéa 1, R. 142-8-5, R. 142-1- A, V, et R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale.

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