Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 18 janvier 2024, n° 21-22.482, (B), FRH

Cassation

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Pluralité de parties – Défaut de capacité de l'une – Assignation délivrée au nom d'un majeur protégé – Omission du nom du curateur ou du tuteur – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 475 du code civil et 121 du code de procédure civile que l'irrégularité de fond affectant une assignation qui n'a pas été délivrée au tuteur de la personne protégée ne peut plus, postérieurement au décès de cette dernière, être couverte.

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Omission du nom du curateur ou du tuteur – Assignation d'un majeur sous tutelle – Régularisation en cause d'appel – Impossibilité – Décès du majeur protégé – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 10 juin 2021) et les productions, par acte notarié du 30 janvier 2015, M. [P] [X] et Mme [Y] ont fait donation, en avancement de part successorale, à leurs enfants, M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X], de divers biens immobiliers.

2. Par jugement du 12 janvier 2018, M. [P] [X] et Mme [Y] ont été solidairement condamnés à payer à la société Crédit logement, en sa qualité de caution d'un prêt qu'ils avaient souscrit auprès d'une banque, une certaine somme.

3. Par acte du 8 mars 2018, cette dernière a assigné M. [P] [X], Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] en inopposabilité de l'acte de donation.

4. M. [P] [X], Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] ont interjeté appel, le 30 avril 2019, du jugement déclarant les donations inopposables.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] (les consorts [X]) font grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance, de juger recevables les demandes de la société Crédit logement et de dire inopposable à cette dernière la donation faite par les époux [X] à leurs trois enfants le 15 janvier 2015, alors « qu'en tout état de cause, la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur ; que l'assignation qui n'est pas délivrée au tuteur est nulle, cette nullité ne pouvant être couverte, fût-ce par la main-levée de la mesure ou le décès du majeur protégé, le juge ne pouvant statuer qu'après avoir été saisi par la délivrance d'une seconde assignation régulière ; qu'en jugeant néanmoins que la nullité de l'assignation délivrée à [P] [X] était couverte par son décès postérieurement au jugement, la cour d'appel a violé l'article 475 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 475 du code civil et 121 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur.

Aux termes du second, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes, que l'irrégularité de fond affectant une assignation qui n'a pas été délivrée au tuteur de la personne protégée ne peut plus, postérieurement au décès de cette dernière, être couverte.

8. Pour dire n'y avoir lieu à prononcer l'annulation de l'assignation délivrée à [P] [X], l'arrêt retient, après avoir relevé que [P] [X] avait été placé sous tutelle par jugement du 3 juillet 2017, M. [L] [X] étant désigné en tant que tuteur, que la cause de nullité de l'assignation, qui aurait dû être délivrée à M. [L] [X] en qualité de tuteur, avait disparu avant qu'elle ne statue, dès lors que [P] [X] est décédé le 15 juin 2019 et que les consorts [X] comparaissent tous, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [P] [X], et ont tous la capacité d'ester en justice.

9. En statuant ainsi, alors que l'irrégularité de fond affectant l'assignation délivrée à [P] [X] ne pouvait plus, après le décès de ce dernier, être couverte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article 475 du code civil ; article 121 du code de procédure civile.

2e Civ., 18 janvier 2024, n° 21-23.033, (B), FRH

Cassation

Acte de procédure – Nullité – Irrégularité de fond – Régularisation – Moment – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 27 juillet 2021), la société AJS Concept a formé opposition, le 14 novembre 2017, à une ordonnance, rendue le 11 septembre 2017 sur requête de la société Zanzibar production, portant injonction de payer à cette dernière une certaine somme au titre de factures impayées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société AJS Concept fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour son compte, alors « que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion ; que, pour déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour le compte de la société AJS Concept, l'arrêt retient que s'il peut être justifié du pouvoir de la personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale jusqu'au jour où le juge statue, encore faut-il que ce pouvoir ait une date certaine et que celle-ci soit acquise avant l'expiration du délai de forclusion pour former opposition ; qu'en statuant ainsi, alors que demeurait possible la régularisation de l'acte d'opposition qui, même entaché d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'opposition, la cour d'appel a violé les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil, 121, 1412 et 1413 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Aux termes du deuxième, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

4. Aux termes du troisième de ces textes, le débiteur peut s'opposer à l'ordonnance portant injonction de payer.

Selon le dernier, à peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir, soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé, soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.

5. Selon une jurisprudence constante, l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, Bull. 2014, II, n° 215 ; 2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, Bull. 2017, II, n° 116).

6. Il en découle que l'opposition à une injonction de payer, même irrégulière, qui saisit le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige, interrompt le délai d'opposition. Sa régularisation reste possible jusqu'à ce que le juge statue.

7. Pour déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour le compte de la société AJS Concept, l'arrêt retient que M. [E] a été nommé aux fonctions de gérant de cette société par décision des associés du 6 janvier 2018 avec effet au 31 décembre 2017, que pour justifier de la régularité de l'opposition, la société AJS Concept a produit aux débats un acte portant pouvoir spécial du 30 octobre 2017, établi par la gérante de la société AJS Concept au profit de M. [E] aux fins de former opposition, que s'il peut être justifié du pouvoir de la personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale jusqu'au jour où le juge statue, encore faut-il que ce pouvoir ait une date certaine et que celle-ci soit acquise avant l'expiration du délai de forclusion pour former opposition, et que l'appelante n'a produit aux débats aucun élément de nature à attester de l'authenticité de la date du pouvoir versé aux débats, de sorte que la régularité de l'opposition n'est pas établie.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 2241 du code civil ; Articles 121, 1412 et 1413 du code de procédure civile.

Com., 17 janvier 2024, n° 22-13.429, (B), FRH

Rejet

Conclusions – Rapport à justice – Effets – Irrecevabilité à présenter des moyens de cassation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 décembre 2021) et les productions, le 19 janvier 2005, M. [T] [M] a consenti à Mme [G], avocate, un prêt sans intérêt de 93 074 euros remboursable en 25 annuités.

Le même jour, [O] [P] a consenti à cette dernière un prêt également sans intérêt, de 89 500 euros remboursable en 25 annuités. Mme [G] a utilisé ces fonds pour acheter des biens immobiliers pour lesquels elle a déposé une déclaration d'insaisissabilité publiée le 8 décembre 2011.

2. Les prêts étant demeurés impayés, M. [M] et [O] [P] ont assigné Mme [G] en résolution des prêts et en remboursement.

3. Un jugement du 1er octobre 2012 a prononcé la résolution du prêt et la déchéance du terme, déclaré immédiatement exigible le capital restant dû, dit que la somme porterait intérêts et condamné Mme [G] à verser aux prêteurs des dommages et intérêts.

4. Après que Mme [G] a relevé appel du jugement, elle a été mise en redressement judiciaire le 21 février 2013.

5. Le [Date décès 2] 2016, [O] [P] est décédée, en laissant pour lui succéder ses deux enfants, [I] et [S] [M].

6. Le plan de redressement, arrêté le 16 octobre 2014, a été résolu par un jugement du 16 novembre 2017, confirmé par un arrêt du 11 décembre 2018, la liquidation de Mme [G] étant prononcée à la même date. M. [L] a été désigné liquidateur.

7. L'instance d'appel, précédemment interrompue, a été reprise par conclusions déposées le 21 août 2019 par MM. [T] et [I] [M] et Mme [S] [M] (les consorts [M]), ces derniers intervenant volontairement à l'instance.

8. Les consorts [M], qui avait préalablement déclaré leurs créances le 2 février 2018, ont assigné le liquidateur en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur les trois moyens du pourvoi réunis

Enoncé des moyens

9. Par le premier moyen, le liquidateur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 1er octobre 2012 ayant prononcé la résolution des prêts contractés le 19 janvier 2005 par Mme [G], prononcé la déchéance du terme, déclaré immédiatement exigible le capital restant dû, constaté les créances des consorts [M] et fixé ces créances au passif de la liquidation judiciaire, alors « que l'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice, de la part des créanciers, tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en confirmant le jugement ayant prononcé la résolution des prêts contractés le 19 janvier 2005, motif pris des manquements graves de Mme [G] à son obligation de rembourser les sommes empruntées, quand ils constataient par ailleurs qu'au cours de l'instance d'appel, une procédure collective avait été ouverte au profit de Mme [G], les juges du fond ont violé les articles L. 622-21, I et L. 641-3 du code de commerce. »

10. Par le deuxième moyen, il fait grief à l'arrêt de dire que les demandes formulées par Mme [G] étaient irrecevables à raison du dessaisissement lié à l'ouverture d'une procédure collective, puis de prononcer la résolution des prêts contractés le 19 janvier 2005, la déchéance du terme, de déclarer immédiatement exigible le capital restant dû, de constater les créances des consorts [M] et de les fixer au passif de la liquidation de Mme [G], alors « que le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre d'exercer un recours contre les décisions fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier ; que par suite, au cas d'espèce, étaient recevables les prétentions formées par Mme [G], après reprise d'instance, pour s'élever à l'encontre des demandes des consorts [M] tendant à la fixation de créances à leur profit au passif de Mme [G] ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 641-9 du code de commerce. »

11. Par le troisième moyen, il fait grief à l'arrêt de dire que les consorts [M] disposent d'un titre exécutoire leur permettant d'exercer leurs droits sur les immeubles appartenant à Mme [G], alors « que dans l'hypothèse où une déclaration d'insaisissabilité fait obstacle à ce que le mandataire judiciaire appréhende un bien en vue de le réaliser afin de désintéresser les créanciers, il appartient au premier chef au débiteur de défendre à l'action des créanciers se prévalant de l'inopposabilité à leur égard de la déclaration d'insaisissabilité, pour contester les créances qu'ils invoquent ; que par suite, au cas d'espèce, étaient recevables les prétentions formées par Mme [G] pour s'élever à l'encontre des demandes des consorts [M] qui invoquaient l'inopposabilité à leur égard de la déclaration d'insaisissabilité faite par Mme [G] ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 526-1, L. 622-7, L. 622-21, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

12. Le liquidateur, qui, devant la cour d'appel, s'en est rapporté à justice sur l'ensemble des prétentions des consorts [M], n'est pas recevable à présenter ces moyens devant la Cour de cassation.

13. Les moyens sont donc irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Richard -

2e Civ., 18 janvier 2024, n° 21-23.968, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Ordonnance sur requête – Demande de rétractation – Demande de levée du séquestre provisoire – Cas – Office du juge des référés – Etendue – Limite – Absence de jonction de deux instances pendantes devant le même juge

Il résulte des articles L. 153-1 et R.153-1, alinéa 3, du code de commerce et de l'article 367, alinéa 1er, du code de procédure civile que lorsque deux instances ont été engagées devant le même juge des référés, l'une en levée du séquestre provisoire, l'autre en rétractation de l'ordonnance sur requête, ce juge ne peut ni statuer sur la levée du séquestre, ni même se prononcer sur les modalités de levée du séquestre si aucune jonction n'a été ordonnée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 2021), les sociétés NIS, WIS, 3J santé, JJ conseil & santé, Bienfait santé Invest et l'association Centre de santé de [Adresse 6] ont saisi par requête le président d'un tribunal de commerce, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin de voir ordonner des mesures d'instruction dans les locaux de la société Infosanté.

2. Par ordonnance du 21 octobre 2019, il a été fait droit à la requête.

Les mesures d'instruction ont été réalisées le 20 novembre 2019 et des pièces ont été placées sous séquestre.

3. Le 4 décembre 2019, les sociétés NIS, WIS, 3J santé, JJ conseil & santé, Bienfait santé Invest et l'association Centre de santé de [Adresse 6] ont assigné la société Infosanté devant le président d'un tribunal de commerce en référé aux fins d'ordonner l'ouverture du séquestre portant sur l'intégralité des éléments saisis ainsi que la communication des différents éléments.

L'affaire a été enrôlée sous un numéro de répertoire général.

4. Le 20 décembre 2019, la société Infosanté a saisi en référé le président d'un tribunal de commerce en rétractation de l'ordonnance sur requête du 21 octobre 2019, affaire enrôlée sous un autre numéro de répertoire général.

5. Les deux procédures n'ont pas été jointes.

6. Par ordonnance du 27 novembre 2020, le président d'un tribunal de commerce, statuant en référé, a rejeté la demande de rétractation de la société Infosanté et a fixé des modalités de levée du séquestre.

7. La société Infosanté a relevé appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Infosanté fait grief à l'arrêt de dire que la procédure de levée de séquestre devait être engagée selon la procédure ci-après, même s'il était fait appel de cette décision, tout en préservant les intérêts de la société Infosanté jusqu'à la décision d'appel, de dire que les pièces retenues comme devant être communiquées lors de la levée de séquestre seraient maintenues sous séquestre jusqu'à la décision définitive, de dire que la levée du séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l'huissier instrumentaire devait se faire conformément aux articles R. 153-3 et R. 153-8 du code de commerce, de dire que la procédure de levée de séquestre serait la suivante : demande à la société Infosanté de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories : catégorie « A » les pièces qui pourraient être communiquées sans examen, catégorie « B » les pièces qui étaient concernées par le secret des affaires et que la société Infosanté refusait de communiquer, catégorie « C » les pièces que la SAS Infosanté refusait de communiquer, mais qui n'étaient pas concernées par le secret des affaires, de dire que ce tri où chaque pièce serait numérotée serait communiqué à la SCP [Z] [G] et Olivier Flament, prise en la personne de Mme [G], huissier instrumentaire, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré, de dire que, pour les pièces concernées par le secret des affaires, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, la société Infosanté communiquerait au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires » et de fixer le calendrier suivant : communication à la SCP [Z] [G] et Olivier Flament, prise en la personne de Mme [G], et au président, des trics des fichiers demandés avant le 8 janvier 2021, et renvoi de l'affaire RG 2019067476, après contrôle de cohérence par l'huissier de justice, à l'audience du mercredi 27 janvier 2021 à 15 heures en cabinet pour examen de la fin de la levée de séquestre, alors « que si le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce, excède en revanche ses pouvoirs le juge de la rétraction qui statue sur les modalités de communication et de production des pièces séquestrées, cependant qu'il n'en est pas saisi dans l'instance en rétractation, mais l'est dans une autre instance, non jointe à l'instance en rétractation ; que la cour d'appel, pour dire que le juge de première instance n'avait pas excédé ses pouvoirs en se prononçant sur les conditions de levée du séquestre, a retenu que le juge de la rétractation était compétent pour statuer sur la levée de la mesure de séquestre et qu'en se prononçant sur les conditions de la levée du séquestre, le premier juge avait seulement organisé, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les modalités procédurales de l'audience à venir sur la levée des séquestres ; qu'en statuant ainsi, quand ces considérations n'étaient pas de nature à conférer au juge de la rétractation le pouvoir, dans l'affaire enregistrée sous le numéro RG 2019070063, de se prononcer sur des mesures dont il n'avait pas été saisi dans ladite instance, mais dans une autre instance enregistrée sous le numéro RG 2019067476, avec laquelle aucune jonction n'avait été ordonnée, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier, au cas particulier, le pouvoir du juge de la rétraction de se prononcer sur les conditions de levée de la mesure de séquestre, a consacré l'excès de pouvoir commis par le premier juge et violé l'article R. 153-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 153-1 et R. 153-1, alinéa 3, du code de commerce et l'article 367, alinéa 1er, du code de procédure civile :

10. Selon le premier de ces textes, lorsqu'à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès, il est fait état ou demandé la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué qu'elle est de nature à porter atteinte au secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, ordonner des mesures tendant à protéger le secret des affaires.

11. Aux termes du second, le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce.

12. Cependant, lorsque deux instances ont été engagées devant le même juge des référés, l'une en levée du séquestre provisoire, l'autre en rétractation de l'ordonnance sur requête, ce juge ne peut ni statuer sur la levée du séquestre, ni même se prononcer sur les modalités de levée du séquestre si aucune jonction n'a été ordonnée.

13. Pour confirmer l'ordonnance du président d'un tribunal de commerce, saisi en rétractation, ayant statué sur les modalités de la levée du séquestre provisoire, l'arrêt retient que le juge de la rétractation est compétent pour statuer sur la levée de la mesure de séquestre, conformément à l'article R. 153-1, alinéa 3, du code de commerce et que le président du tribunal de commerce a seulement organisé, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les modalités procédurales de l'audience à venir sur la levée des séquestres, de sorte que l'ordonnance n'a pas eu pour conséquence la communication des pièces et la levée du séquestre et n'a donc pas privé la société Infosanté de son droit à un débat contradictoire.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait l'existence d'une instance en levée du séquestre, dont la jonction n'avait pourtant pas été ordonnée avec l'instance en rétractation, la cour d'appel, ayant consacré l'excès de pouvoir du juge, qui s'est prononcé sur des demandes formées à l'occasion d'une autre procédure, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. La cassation prononcée, par voie de retranchement, n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il déboute la société Infosanté de sa demande fondée sur l'excès de pouvoir du juge de la rétractation et en ce qu'il confirme l'ordonnance entreprise ayant :

 - dit que la procédure de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après, même s'il est fait appel de cette décision, tout en préservant les intérêts de la SAS Infosanté jusqu'à la décision d'appel ;

 - dit que les pièces retenues comme devant être communiquées lors de la levée de séquestre, seront maintenues sous séquestre jusqu'à la décision définitive ;

 - dit que la levée du séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l'huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 et R. 153-8 du code de commerce ;

 - dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

 - demande à la SAS Infosanté de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

* catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen ;

* catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la SAS Infosanté refuse de communiquer ;

* catégorie « C » les pièces que la SAS Infosanté refuse de communiquer, mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;

 - dit que ce tri où chaque pièce sera numéroté sera communiqué à la SCP [Z] [G] et Olivier Flament, prise en la personne de Mme [G], huissier instrumentaire, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;

 - dit que, pour les pièces concernées par le secret des affaires, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, la SAS Infosanté communiquera au président un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires ;

 - fixé le calendrier suivant :

* communication à la SCP [Z] [G] et Olivier Flament, prise en la personne de Mme [G], et au président, des trics des fichiers demandés avant le 8 janvier 2021 ;

* renvoyé l'affaire RG 2019067476, après contrôle de cohérence par l'huissier, à l'audience du mercredi 27 janvier 2021 à 15h en cabinet pour examen de la fin de la levée de séquestre ;

l'arrêt rendu le 8 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 153-1 et R. 153-1, alinéa 3, du code de commerce ; article 367, alinéa 1er, du code de procédure civile.

Com., 24 janvier 2024, n° 22-11.768, (B), FRH

Rejet

Ordonnance sur requête – Rétractation – Portée

Ordonnance sur requête – Rétractation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 24 janvier 2022), et les productions, le capital de la société New Plv était, à la suite du décès de [U] [R], détenu par les héritiers de ce dernier, en indivision, à concurrence de 49,5 %, par Mme [X], sa veuve, à concurrence de 14,9 %, par M. [O] à concurrence de 28,2 % et par plusieurs autres associés à concurrence de 7,4 %.

2. Par une ordonnance du 19 septembre 2018, rendue sur requête de M. [O], rectifiée par une ordonnance du 8 novembre 2018, le président d'un tribunal de commerce a désigné la société [K] [N] en qualité d'administrateur provisoire de la société New Plv.

La mission de l'administrateur provisoire a été prorogée jusqu'au 19 mai 2020 par ordonnances des 19 mars et 9 octobre 2019.

3. Par un arrêt du 11 décembre 2019, une cour d'appel a rétracté l'ordonnance du 19 septembre 2018.

4. Le 26 juin 2020, M. [N], agissant au nom de la société [K] [N], aux droits de laquelle est venue la société Arva administrateurs judiciaires associés, a déposé, auprès du président d'un tribunal de commerce, une requête aux fins de constater l'exécution de sa mission d'administrateur provisoire, d'y mettre fin et de fixer ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société New Plv fait grief à l'ordonnance du premier président de rejeter sa demande d'annulation de l'ordonnance du 6 août 2020, de fixer la rémunération de M. [N] sur la période du 19 septembre 2018 au 11 décembre 2019 à une certaine somme, de dire que cette rémunération est à sa charge et de rejeter ses demandes, notamment de dommages et intérêts, alors « que la rétractation de l'ordonnance sur requête entraîne l'annulation des mesures exécutées sur le fondement de celle-ci ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen soulevé selon lequel la mission de l'administrateur ayant été annulée, elle est réputée n'avoir jamais été accomplie, le premier président a jugé que « l'arrêt du 11 décembre 2019 a rétracté, et non annulé, l'ordonnance ayant désigné l'administrateur provisoire et en conséquence simplement mis fin à la mission d'administration provisoire de la société New Plv par la Selarl [K] [N]. Ce faisant, tirant les conséquences de la fiction qu'entraîne la rétractation, la cour a estimé que cette mission avait bien été, au moins partiellement, réalisée, comme le reconnaît d'ailleurs la société New Plv en employant le terme 'réputé'.

L'ordonnance du 19 septembre 2018 était, de droit, exécutoire par provision, ce qu'une mention de son dispositif a même pris soin de rappeler. M. [N] était donc tenu d'exécuter la mission qui lui était judiciairement confiée, dans les délais qui lui étaient impartis.

Les prorogations judiciairement accordées ont ensuite validé cette exécution jusqu'au prononcé de l'arrêt du 11 décembre 2019, antérieur à la dernière échéance fixée au 19 mai 2020, même si les ordonnances de prorogation ont ensuite été elles aussi rétractées.

La Cour de cassation a admis pour un expert judiciaire (Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-24.218, Bull. 2013, V, n° 125) que le coût de l'expertise dont l'annulation a été prononcée soit supporté par celui auquel il incombe en considérant, d'une part, que, tenu de respecter un délai qui court de sa désignation, pour exécuter la mesure d'expertise, l'expert ne manque pas à ses obligations en accomplissant sa mission avant que la juridiction de recours se soit prononcée sur la décision rejetant une demande d'annulation du recours à un expert, et alors, d'autre part, que l'expert ne dispose d'aucune possibilité effective de recouvrement de sa rémunération par ailleurs.

En l'espèce, la rétractation de l'ordonnance du 19 septembre 2018 l'ayant désigné prive également M. [N] de tout titre lui permettant de percevoir une rémunération de son travail effectif. Dès lors, c'est sans méconnaître les conséquences de cette rétractation que le président du tribunal de commerce de Bobigny a estimé pouvoir émettre un nouveau titre à cette fin » ; qu'en statuant ainsi, le premier président s'est mépris sur les conséquences de la rétractation de l'ordonnance sur requête ayant nommé un administrateur provisoire, dont il résultait que les actes effectués en exécution de la décision rétractée étaient annulés et réputés n'avoir jamais existé et que la requête en fixation d'honoraires était donc privée de toute base légale, et a violé l'article 496 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. En dépit de l'effet rétroactif attaché à la rétractation de l'ordonnance ayant désigné, sur requête, un administrateur provisoire, celui-ci est bien fondé à solliciter une rémunération pour ses diligences.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. La société New Plv fait le même grief à l'ordonnance du premier président, alors « que la requête en fixation d'honoraires doit être motivée à peine d'irrecevabilité ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que la requête n'était pas motivée et ne comportait l'indication d'aucune pièce jointe, puisqu'elle sollicitait le paiement d'honoraires sans justifier de l'accomplissement d'une mission ou de diligences quelconques par le requérant, et en déduisait que le président du tribunal de commerce avait été irrégulièrement saisi et que son ordonnance était donc nulle ; que le premier président a rejeté le moyen aux motifs que : « Sur le premier moyen, il y a lieu de rappeler que le défaut de motivation suffisante de la requête n'est pas sanctionné par une nullité aux termes de l'article 494 du code de procédure civile, à supposer ce texte applicable à la demande de fixation de la rémunération d'un administrateur provisoire. De même, les autres textes sur lesquels la Sas New Plv fonde sa tentative de démonstration d'une irrégularité de l'acte ayant saisi le président du tribunal de commerce de Bobigny ne prévoit pas davantage cette sanction, et guident seulement l'appréciation du bien-fondé de la demande.Sur le second moyen, il sera effectivement constaté que l'ordonnance frappée de recours est motivée au regard du rapport de M. [N] sur l'exécution de sa mission alors qu'il n'est pas contesté que, comme le relèvent la Sas New Plv et M. [O], le rapport de fin de mission n'était pas joint à la requête en fixation d'honoraires. Cependant, si cette circonstance fragilise la motivation de la décision, elle ne saurait avoir porté atteinte au principe de la contradiction dans une procédure qui, en première instance, n'est pas contradictoire. Ainsi, les moyens développés par la Sas New Plv ne sont pas de nature à entraîner l'annulation sollicitée de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny du 6 août 2020 » ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la requête n'était pas motivée et ne comportait l'indication d'aucune pièce jointe la justifiant, ce dont il se déduisait qu'elle était irrecevable, le premier président a violé les articles 16 et 494 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article R. 814-27 du code de commerce, la rémunération des administrateurs judiciaires au titre des mandats qui leur sont confiés en matière civile est fixée sur justification de l'accomplissement de leur mission par le président de la juridiction les ayant désignés. Cette décision est susceptible de recours selon les règles des articles 714 à 718 du code de procédure civile.

11. Selon l'article 714 du code de procédure civile, l'ordonnance de taxe rendue par le président d'une juridiction de première instance peut être frappée par tout intéressé d'un recours devant le premier président de la cour d'appel, le délai de recours étant d'un mois, courant à compter de la notification de l'ordonnance.

12. Selon l'article 496 du même code, s'il n'est pas fait droit à la requête déposée sur le fondement de l'article 493, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel.

Le délai d'appel est de quinze jours, courant à compter du jour du prononcé de l'ordonnance ou de la date à laquelle le requérant en a eu connaissance.

L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.

13. Il découle de la comparaison entre ces textes que la demande de rémunération formée par un administrateur provisoire sur le fondement de l'article R. 814-27 du code de commerce n'obéit pas au régime des ordonnances sur requête prévues aux articles 493 à 498 du code de procédure civile.

14. Le moyen, qui invoque une violation de l'article 494 du code de procédure civile, est donc inopérant.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

15. La société New Plv fait le même grief à l'ordonnance du premier président, alors :

« 2°/ que le requérant, qui conserve la qualité de demandeur dans l'instance en référé-rétractation, succombe lorsque l'ordonnance sur requête est rétractée et doit donc assumer la charge tant des conséquences de la rétraction de la décision dont il a poursuivi l'exécution provisoire à ses risques et périls, que des conséquences de l'annulation qui en résulte des mesures prises en exécution de celle-ci, à commencer par la rémunération de l'auxiliaire de justice illégalement désigné, peu important que les diligences de ce dernier aient profité à la société administrée ; qu'en l'espèce l'ordonnance de désignation d'un administrateur provisoire a été rétractée, après que la cour d'appel de Paris a jugé que, contrairement à ce qu'avait prétendu le requérant, d'une part, rien ne justifiait qu'il soit dérogé à la contradiction et, d'autre part, que le débat contradictoire avait permis de constater qu'aucune des conditions requises pour la désignation d'un administrateur provisoire n'était remplie et, notamment, que la requête qui arguait fallacieusement d'un blocage de la société avait en réalité été déposée la veille de l'assemblée réunie pour désigner un nouveau président et que c'était à l'initiative du requérant que la désignation de l'organe dirigeant n'avait pas eu lieu, de sorte que la requête était non seulement irrecevable, mais également abusive ; que pour néanmoins juger que la rémunération de l'administrateur provisoire devait être payée par la société New Plv et non par le requérant, M. [O], le premier président a retenu que, « outre que, par principe, la désignation d'un administrateur provisoire intervient dans l'intérêt de la société, ce qui justifie que la rémunération de l'administrateur soit mise à sa charge, en l'espèce, nonobstant l'argument de la société New Plv qui compare le montant réclamé par la Selarl Arva à la perte de 306 628,98 euros enregistrée à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 2017, il y a lieu de relever, à la suite de M. [O], que l'intervention de l'administrateur provisoire a notamment conduit au versement par M. [P] [R], avocat et frère de [U] [R], le gérant décédé de la société New Plv, de la somme de 650 000 euros qui avait été déposée sur son compte Carpa sans que la cause de ce dépôt ait été explicitée, et au versement par Mme [W] [R] d'une somme de 520 000 euros correspondant à des fonds de la société. Pour le surplus, si les investigations réalisées sous la supervision de l'administrateur provisoire ont pu être utilisées dans une procédure pénale, il n'en demeure pas moins qu'elles avaient vocation à permettre de faire valoir les droits de la société face à des soupçons de détournements. Rien ne justifie alors qu'il soit fait exception au principe et que la rémunération de l'administrateur provisoire soit mise à la charge de l'associé minoritaire qui a sollicité sa désignation, le caractère non contradictoire de la procédure en première instance, qui découle des textes applicables, ne pouvant lui être reproché.

La jurisprudence dont se prévaut la société New Plv, qui a ouvert la possibilité de mettre ces frais à la charge du gérant d'une société en raison de sa mauvaise gestion, ou d'un associé en raison de son comportement, ne saurait être transposée en l'espèce à défaut de preuve que les difficultés rencontrées par la société New Plv, au demeurant contestées par celle-ci, seraient imputables à l'action de M. [O]. Ajoutant à l'ordonnance frappée de recours, la présente décision mettra donc la rémunération de M. [N] en qualité d'administrateur provisoire de la Sas New Plv à la charge de cette société » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants pris de ce que l'administrateur provisoire aurait agi dans l'intérêt de la société, de l'absence de caractère fautif de l'absence de contradiction en première instance et de l'absence de lien de causalité entre les difficultés de l'entreprise et le comportement de M. [O], quand ce dernier avait mis en oeuvre une ordonnance illicite à ses risques et périls et devait en assumer les conséquences, le premier président a violé les articles 720 et 721 du code de procédure civile, ensemble l'article 496 du code de procédure civile, l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'en statuant ainsi, sans rechercher concrètement si M. [O] n'avait pas sollicité abusivement, en l'état des éléments d'information dont il disposait à la date de la requête, la désignation d'un administrateur provisoire, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 720 et 721 du code de procédure civile, ensemble l'article 496 du code de procédure civile, l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

16. En cas de désignation d'un administrateur provisoire d'une société, ses honoraires sont à la charge de celle-ci, même si l'ordonnance le désignant est ensuite rétractée.

17. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lefeuvre - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gury et Maitre ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article 496 du code de procédure civile ; article R. 814-27 du code de commerce ; articles 493 à 498 du code de procédure civile.

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