Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

IMPOTS ET TAXES

Com., 24 janvier 2024, n° 22-10.413, (B), FS

Rejet

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre gratuit – Exonération – Exonération partielle – Engagement collectif réputé acquis – Conditions – Détermination

Il résulte d'une lecture combinée du a, du quatrième alinéa du b, et du d de l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, qu'en cas d'engagement collectif réputé acquis, l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, ne s'applique que lorsque, pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, l'un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter du même code, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis dudit code, lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 novembre 2021), par une déclaration de don manuel à titre de partage anticipé du 17 juin 2011, enregistrée le 30 juin suivant par le service des impôts, M. [T] [K], qui détenait seul, depuis au moins deux ans, 34 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres de la société anonyme Sogefi groupe [K], et exerçait, depuis plus de deux ans, les fonctions de président du conseil de surveillance de cette société, a fait donation de 204 actions de ladite société à chacun de ses deux enfants, M. [M] [K] et Mme [F] [K], ladite déclaration précisant que les 408 actions en cause étaient éligibles au dispositif d'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévu à l'article 787 B du code général des impôts.

2. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2016, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération partielle. Après rejet des observations de Mme [K], elle a, le 17 avril 2017, émis un avis de mise en recouvrement des droits éludés et des intérêts de retard.

3. Par réclamation du 20 juillet 2017, Mme [K] a sollicité le dégrèvement des sommes réclamées, puis a assigné l'administration fiscale aux mêmes fins.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [K] fait grief à l'arrêt confirmatif de dire que la donation d'une partie des titres de la société [K] par M. [T] [K] au bénéfice de ses enfants réalisée en 2011 ne pouvait pas bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation prévue à l'article 787 B du code général des impôts, de dire que l'administration était en droit de procéder au rappel des sommes éludées pour un montant de 595 814 euros et de rejeter ses demandes portant sur la contestation de la proposition de rectification de l'administration fiscale concernant les droits de mutation afférents à la transmission des titres intervenue le 17 juin 2011, alors :

« 1°/ que le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation instaurée par l'article 787 B du code général des impôts, pris dans sa version en vigueur à la date des donations en litige, est d'abord subordonné à la condition, exprimée au paragraphe a, que les parts ou actions transmises par décès ou par libéralité aient fait l'objet « d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés » ; qu'il est en outre exigé par le paragraphe d du même article que « l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, (...) l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option » ; que, pour juger que l'administration fiscale avait à bon droit remis en cause le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation appliquée lors des donations de titres consenties par M. [T] [K] à ses enfants, M. [M] [K] et Mme [F] [K], après avoir elle-même constaté que seul le donateur avait exercé l'une des fonctions de direction éligibles pendant les trois années postérieures à ces donations, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que « les associés auxquels renvoie le d sont les parties qui ont signé l'engagement avec le donateur, rédaction qui exclut que le donateur, une des parties à l'acte, puisse être dans le même temps un des associés avec qui il a conclu l'engagement » ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que l'expression « l'un des associés mentionnés au a », qui figure au paragraphe d de l'article 787 B du code général des impôts, englobe toutes les parties à l'engagement collectif de conservation visé au paragraphe a du même article, donc autant les associés du donateur que le donateur lui-même, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse interprétation ;

2°/ que si le paragraphe a de l'article 787 B du code général des impôts subordonne le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation qu'il instaure à la condition que les parts ou actions données aient fait l'objet « d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés », il ressort du paragraphe b du même article que cet engagement collectif de conservation peut, soit avoir été expressément souscrit dans un acte rendu opposable à l'administration à la date de son enregistrement, soit être « réputé acquis » lorsqu'une personne physique détient depuis deux ans au moins, seule avec son conjoint ou partenaire pacsé, des parts ou actions d'une société non cotée représentant au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote et que cette personne, son conjoint ou son partenaire exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis s'il s'agit d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ; qu'il ressort des travaux préparatoires de l'article 57 de la loi n° 2006-1171 de finances rectificative pour 2006 qu'en décidant que l'engagement collectif de conservation serait « réputé acquis » lorsque les conditions ci-dessus décrites sont satisfaites, le législateur a assimilé à la signature d'un engagement collectif de conservation la détention par un dirigeant d'entreprise depuis plus de deux ans de plus de 34 % des actions d'une société non cotée et a ainsi considéré que cette détention stable de la fraction du capital requise vaudrait conclusion d'un engagement collectif de conservation, sans modifier par ailleurs les autres conditions auxquelles se trouve subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation instaurée par l'article 787 B ; qu'il suit de là que la condition exprimée au paragraphe d de ce texte, selon laquelle « l'un des associés mentionnés au a ou l'un des (...) donataires mentionnés au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission (...) l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés » peut toujours être satisfaite en la personne du donateur sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'engagement collectif de conservation prévu au paragraphe a a été expressément souscrit ou été « réputé acquis » ; qu'en énonçant néanmoins, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que les associés auxquels renvoie le paragraphe d de ce texte ne peuvent désigner que ceux qui ont formellement signé un engagement collectif de conservation, ce qui exclut que la fonction de direction de la société puisse être exercée par le donateur en la personne duquel l'engagement collectif de conservation a été réputé acquis par application du paragraphe b, la cour d'appel a derechef violé l'article 787 B du code général des impôts par fausse interprétation. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 787 B, a, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, pour pouvoir être exonérées de droits de mutation, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés.

6. Selon le quatrième alinéa du b du même article, l'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent le seuil de 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société, s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou, à défaut, celui de 34 %, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés.

7. Enfin, selon le d du même article, l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c doit exercer effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant la durée de l'engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

8. Il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions, qu'en cas d'engagement collectif réputé acquis, l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, prévu à l'article 787 B du code général des impôts, ne s'applique que lorsque, pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, l'un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter du même code, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis dudit code, lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Maigret - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 787 B et 885 O bis du code général des impôts.

Com., 24 janvier 2024, n° 22-13.103, (B), FS

Rejet

Recouvrement (règles communes) – Avis de mise en recouvrement – Droits de la défense avant sa délivrance – Droits impayés déclarés non remis en cause par l'administration – Echange contradictoire – Nécessité (non)

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Importation – Commissionnaire en douane – Débiteur de la TVA à l'importation – Enlèvement de marchandises – Dispense légale de caution

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Importation – Commissionnaire en douane – Enlèvement des marchandises – Présentation d'une caution – Usage de la faculté – Application de l'article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 janvier 2022) et les productions, le 9 février 2015, la société Mer agitée a importé des marchandises par l'intermédiaire de la société Celtic global services, transitaire.

Le même jour, la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane agréé, chargée, selon mandat de représentation indirecte, d'accomplir les formalités douanières, a souscrit la déclaration en douane correspondante en utilisant son propre crédit d'enlèvement.

2. La société Mer agitée a versé une certaine somme représentant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'importation due au titre de l'opération, à la société Celtic global services, qui l'a reversée à la société Agence maritime Rommel afin qu'elle s'acquitte de cette taxe auprès de l'administration des douanes.

3. Le 14 avril 2015, la société Agence maritime Rommel a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 26 mai 2015.

4. Le 8 juillet 2015, faute pour la société Agence maritime Rommel d'avoir réglé la TVA à l'importation, l'administration des douanes a émis contre la société Mer agitée, désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d'importation, un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un montant correspondant à la TVA à l'importation due.

5. Après le rejet de sa contestation, la société Mer agitée a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR, en décharge de la TVA à l'importation mise en recouvrement et en responsabilité.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Mer agitée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et notamment sur la validité de l'AMR, alors « que le principe du respect des droits de la défense exige que toute personne contre laquelle il est envisagé de prendre une décision lui faisant grief, doit être mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue ; qu'est une décision faisant grief toute décision susceptible d'affecter de manière sensible les intérêts de son destinataire ; qu'un AMR, qui met à la charge de l'intéressé une somme d'argent, est une décision faisant grief ; qu'en retenant, pour juger inopérant le moyen tiré de l'absence de phase contradictoire préalable, que « l'administration n'a pris à l'encontre de la société Mer agitée aucune décision défavorable en se bornant à recouvrer une créance de TVA », la cour d'appel a violé les articles 1695 du code général des impôts, 345 du code des douanes, 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble le principe du respect des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article 1695, I, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue, à l'importation, comme en matière de douane.

9. Selon l'article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, les créances de toute nature constatées et recouvrées par l'administration des douanes font l'objet d'un avis de mise en recouvrement sous réserve, le cas échéant, de la saisine du juge judiciaire.

10. Lorsque les droits impayés ont été déclarés par le redevable ou son représentant, sans que l'administration remette en cause leur montant, le principe du respect des droits de la défense n'impose pas la mise en oeuvre d'un échange contradictoire préalable à l'émission de l'avis de mise en recouvrement.

11. L'arrêt relève que la créance mise en recouvrement ne résulte que de la validation des déclarations en douane.

12. Il en résulte que l'émission de l'AMR n'avait pas à être précédée d'un échange contradictoire.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a jugé la procédure régulière.

14. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La société Mer agitée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, alors :

« 1°/ qu'est constitutif d'une faute le fait pour l'administration des douanes de ne pas solliciter une caution en violation de ses obligations légales ; que seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est dispensé de fournir une caution en cas d'enlèvement des marchandises au fur et à mesure des vérifications et avant liquidation et acquittement des droits et taxes exigibles ; que le redevable de la taxe est, lorsque le bien fait l'objet d'une livraison en France, la personne qui réalise cette livraison ou le destinataire des biens ; que si le représentant en douane, lorsqu'il agit en son nom propre et pour le compte d'autrui, est solidaire du paiement de la taxe, il n'en est pas le redevable ; que l'arrêt constate que la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane, bénéficiait d'une dispense de caution ; que pour rejeter les demandes de la société Mer agitée, la cour d'appel retient qu'« en sa qualité de commissionnaire en douane, l'Agence maritime Rommel bénéficiait d'une dispense légale de caution et l'administration des douanes n'avait aucune obligation d'exiger un cautionnement » ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a violé les articles 114 du code des douanes, 293 A du code général des impôts et 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ qu'à supposer que le représentant en douane puisse bénéficier d'une dispense de caution, l'administration des douanes est tenue d'abroger cette dispense à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'inscription non contestée d'un privilège du Trésor à l'égard de ce représentant ; que la cour d'appel a constaté que la société Agence maritime Rommel faisait l'objet d'une inscription de privilège depuis le 11 octobre 2013 ; qu'en jugeant toutefois que l'administration des douanes avait uniquement la faculté d'exiger un cautionnement, la cour d'appel a violé les articles 114 du code des douanes, 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 et 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ qu'en tout état de cause, est constitutif d'une faute le fait pour l'administration des douanes, lorsqu'elle a connaissance de la situation financière dégradée d'un commissionnaire en douane, de s'abstenir de solliciter une caution de sa part, en application de l'article 114 du code des douanes ; que l'arrêt constate que l'administration des douanes connaissait les difficultés rencontrées par la société Agence maritime Rommel au moins dès le 11 octobre 2013, date d'inscription d'un privilège à son égard ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le fait de ne pas avoir demandé une caution à la société Agence maritime Rommel ne constituait pas une négligence fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que la société Mer agitée faisait valoir devant la cour d'appel que la faute commise par l'administration des douanes lui avait causé un préjudice en ce que les sommes versées à la société Agence maritime Rommel au titre de la TVA à l'importation avaient été absorbées par les pertes de celle-ci ; que, pour écarter tout lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'absence de demande de cautionnement à la société Agence maritime Rommel, l'arrêt retient que « ce cautionnement n'aurait pas eu pour effet de libérer la société Mer agitée de sa dette de TVA dont elle est redevable par l'effet de la loi, l'administration des douanes conservant la possibilité de recouvrer auprès d'elle la TVA à l'importation » ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher si l'absence de demande de cautionnement n'avait pas eu pour conséquence la perte de la somme de 72 763 euros, absorbée dans les pertes de la société Agence maritime Rommel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

16. En premier lieu, il résulte de l'article 114, 1 et 1 bis, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, que les redevables de la TVA à l'importation et des taxes assimilées sont dispensés de fournir une caution lorsqu'ils enlèvent les marchandises avant acquittement de ces taxes.

17. Selon l'article 293 A, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, la TVA à l'importation doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d'importation. Toutefois, cette taxe est solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d'un mandat de représentation indirecte, tel que défini par l'article 5 du code des douanes communautaire.

18. Il résulte de la combinaison de ces textes que le commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d'importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l'importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue à l'article 114, 1 bis, du code des douanes.

19. La première branche qui postule le contraire manque en droit.

20. En second lieu, il résulte de l'article 114, 1, 1 bis et 1 ter, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, d'une part, que la constitution d'une caution en cas d'enlèvement des marchandises avant acquittement des droits et taxes exigibles a pour finalité exclusive de garantir leur paiement effectif, d'autre part, que la possibilité laissée à l'administration des douanes d'exiger du redevable de la TVA à l'importation et des taxes assimilées qu'il fournisse une caution lorsqu'il enlève les marchandises avant acquittement de ces taxes, ne constitue qu'une simple faculté.

21. Selon l'article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 pris pour l'application de l'article précité, lorsque le bénéficiaire de la dispense de caution fait l'objet d'une inscription non contestée du privilège du Trésor ou de la sécurité sociale, le chef de service comptable à la direction générale des douanes et droits indirects de 1re et de 2e catégorie le met en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, de régulariser sa situation dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure. A défaut de régularisation dans ce délai, le directeur régional des douanes et droits indirects abroge la dispense. Cette décision est notifiée au bénéficiaire par lettre recommandée avec avis de réception. Lorsque le bénéficiaire fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le droit à la dispense cesse à compter de la date du jugement ouvrant la procédure.

22. Il résulte seulement de ce texte que l'administration des douanes est tenue de respecter les modalités qu'il prévoit lorsqu'elle use de la faculté dont elle dispose d'exiger la présentation d'une caution.

23. Il s'ensuit que le défaut d'exercice de la faculté prévue à l'article 114, 1 ter, du code des douanes ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration des douanes.

24. L'arrêt retient exactement, d'une part, que la société Agence maritime Rommel bénéficiait d'une dispense légale de caution, d'autre part que, si l'administration des douanes avait la possibilité d'exiger un cautionnement, dès lors que cette société faisait l'objet d'une inscription de privilège depuis le 11 octobre 2013, il ne s'agissait que d'une faculté et non d'une obligation.

25. En l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

26. Par conséquent, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1695, I, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ; article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ; article 114, 1 bis et 1 ter, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ; article 293 A, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ; article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 pris pour l'application de l'article 114 du code des douanes.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.