Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

DOUANES

Com., 24 janvier 2024, n° 21-17.776, (B), FS

Cassation partielle

Commissionnaire agréé – Débiteur de la TVA à l'importation – Dispense légale de caution

Il résulte de la combinaison de l'article 114 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, et de l'article 293 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, que le commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d'importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l'importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue au 1 bis du premier de ces textes. Au commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte doit être assimilé le commissionnaire en douane qui, bien qu'agissant en exécution d'un mandat de représentation directe, utilise son propre crédit d'enlèvement et se trouve, de ce fait, également débiteur de la TVA à l'importation et des taxes assimilées.

Le défaut d'exercice de la faculté, prévue à l'article 114, 1 ter, du code des douanes, d'exiger la présentation d'une caution en cas d'enlèvement des marchandises avant acquittement de la TVA à l'importation exigible ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration des douanes.

Commissionnaire agréé – Commissionnaire agissant en exécution d'un mandat de représentation directe – Dispense légale de caution – Conditions – Utilisation de son propre crédit d'enlèvement

Responsabilité civile – Faute – Exclusion – Cas – Enlèvement des marchandises avant acquittement de la TVA – Défaut d'exercice de la faculté d'exiger la présentation d'une caution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 mars 2021) et les productions, le 13 mars 2015, la société Chuchu Decayeux a procédé à une importation de marchandises en provenance de la République populaire de Chine.

Le même jour, la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane agréé, chargée, selon mandat de représentation directe, d'accomplir les formalités douanières, a souscrit la déclaration en douane correspondante en utilisant son propre crédit d'enlèvement.

2. Le 2 avril 2015, la société Agence maritime Rommel a reçu de la société Chuchu Decayeux une somme égale au montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'importation due au titre de l'opération, mais ne s'est pas acquittée de cette taxe auprès de l'administration des douanes.

3. Le 14 avril 2015, la société Agence maritime Rommel a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 26 mai 2015.

4. Le 20 juillet 2015, à défaut d'avoir reçu le paiement de la TVA à l'importation, l'administration des douanes a émis contre la société Chuchu Decayeux un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme correspondant à la TVA à l'importation due.

5. Après le rejet de sa contestation, la société Chuchu Decayeux a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR, en décharge de la TVA à l'importation mise en recouvrement et en responsabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'administration des douanes fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Chuchu Decayeux la somme de 85 252 euros à titre de dommages et intérêts et, prononçant la compensation avec le montant de la TVA à l'importation due par cette société, d'ordonner un dégrèvement total sur l'AMR émis le 20 juillet 2015, alors « qu'en relevant, pour condamner l'administration des douanes à payer à la société Chuchu Decayeux, à titre de dommages et intérêts, le montant de la TVA due à l'importation qui avait été versé à son commissionnaire en douane, la société Agence maritime Rommel, mais qui avait été absorbé par les pertes de cette société, que l'administration douanière avait commis une faute en n'exigeant pas de la société Agence maritime Rommel, dont elle aurait connu les difficultés financières, qu'elle constitue une caution, quand la possibilité laissée par la loi à l'administration des douanes d'exiger une caution du débiteur de la dette douanière ne constitue qu'une simple faculté dont l'exercice relève de son pouvoir discrétionnaire, de sorte que le défaut d'exercice de cette faculté ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, la cour d'appel a violé les articles 114, 1 ter, et 401 du code des douanes et l'article 190, paragraphe 1, du code des douanes communautaire. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 114, 1, 1 bis et 1 ter, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 :

7. En premier lieu, il résulte de la combinaison de ce texte et de l'article 293 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, que le commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d'importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l'importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue à l'article 114, 1 bis, du code des douanes.

8. Au commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte, doit être assimilé le commissionnaire en douane qui, bien qu'agissant en exécution d'un mandat de représentation directe, utilise son propre crédit d'enlèvement et se trouve, de ce fait, également débiteur de la TVA à l'importation et des taxes assimilées.

9. Il s'ensuit que la société Agence maritime Rommel bénéficiait de la dispense de caution prévue par le texte susvisé.

10. En second lieu, il résulte du texte susvisé, d'une part, que la constitution d'une caution en cas d'enlèvement des marchandises avant acquittement des droits et taxes exigibles a pour finalité exclusive de garantir leur paiement effectif, d'autre part, que la possibilité laissée à l'administration des douanes d'exiger du redevable de la TVA à l'importation et des taxes assimilées qu'il fournisse une caution lorsqu'il enlève les marchandises avant acquittement de ces taxes ne constitue qu'une simple faculté.

11. Il s'ensuit que le défaut d'exercice de cette faculté ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration des douanes.

12. Pour condamner l'administration des douanes à payer à la société Chuchu Decayeux des dommages et intérêts à hauteur du montant de la TVA à l'importation due par celle-ci, l'arrêt énonce que, si l'article 114, 1 ter, du code des douanes ne fait pas obligation à l'administration des douanes d'exiger un cautionnement pour la TVA liquidée, il lui confère cependant une prérogative qu'elle ne peut refuser d'utiliser qu'à condition de le faire sans commettre de faute engageant sa responsabilité.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement concernant la validité de l'avis de mise en recouvrement n° 962/15/367 du 20 juillet 2015, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 114 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ; article 293 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.

Com., 24 janvier 2024, n° 22-13.103, (B), FS

Rejet

Droits – Recouvrement – Avis de mise en recouvrement – Droits de la défense avant sa délivrance – Droits impayés non remis en cause par l'administration – Echange contradictoire – Nécessité (non)

Lorsque les droits impayés ont été déclarés par le redevable ou son représentant, sans que l'administration remette en cause leur montant, le principe du respect des droits de la défense n'impose pas la mise en oeuvre d'un échange contradictoire préalable à l'émission de l'avis de mise en recouvrement.

Commissionnaire agréé – Mandat de représentation indirecte – Débiteur de la TVA à l'importation – Dispense légale de caution

Il résulte de la combinaison de l'article 114 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, et de l'article 293 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, que le commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d'importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l'importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue au 1 bis du premier de ces textes. Le défaut d'exercice de la faculté, prévue à l'article 114, 1 ter, du code des douanes, d'exiger la présentation d'une caution en cas d'enlèvement des marchandises avant acquittement de la TVA à l'importation exigible ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration des douanes. Il résulte seulement de l'article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 pris pour l'application de l'article 114 du code des douanes que l'administration des douanes est tenue de respecter les modalités qu'il prévoit lorsqu'elle use de la faculté dont elle dispose d'exiger la présentation d'une caution.

Responsabilité civile – Faute – Exclusion – Cas – Enlèvement des marchandises avant acquittement de la TVA – Défaut d'exercice de la faculté d'exiger la présentation d'une caution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 janvier 2022) et les productions, le 9 février 2015, la société Mer agitée a importé des marchandises par l'intermédiaire de la société Celtic global services, transitaire.

Le même jour, la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane agréé, chargée, selon mandat de représentation indirecte, d'accomplir les formalités douanières, a souscrit la déclaration en douane correspondante en utilisant son propre crédit d'enlèvement.

2. La société Mer agitée a versé une certaine somme représentant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'importation due au titre de l'opération, à la société Celtic global services, qui l'a reversée à la société Agence maritime Rommel afin qu'elle s'acquitte de cette taxe auprès de l'administration des douanes.

3. Le 14 avril 2015, la société Agence maritime Rommel a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 26 mai 2015.

4. Le 8 juillet 2015, faute pour la société Agence maritime Rommel d'avoir réglé la TVA à l'importation, l'administration des douanes a émis contre la société Mer agitée, désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d'importation, un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un montant correspondant à la TVA à l'importation due.

5. Après le rejet de sa contestation, la société Mer agitée a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR, en décharge de la TVA à l'importation mise en recouvrement et en responsabilité.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Mer agitée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et notamment sur la validité de l'AMR, alors « que le principe du respect des droits de la défense exige que toute personne contre laquelle il est envisagé de prendre une décision lui faisant grief, doit être mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue ; qu'est une décision faisant grief toute décision susceptible d'affecter de manière sensible les intérêts de son destinataire ; qu'un AMR, qui met à la charge de l'intéressé une somme d'argent, est une décision faisant grief ; qu'en retenant, pour juger inopérant le moyen tiré de l'absence de phase contradictoire préalable, que « l'administration n'a pris à l'encontre de la société Mer agitée aucune décision défavorable en se bornant à recouvrer une créance de TVA », la cour d'appel a violé les articles 1695 du code général des impôts, 345 du code des douanes, 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble le principe du respect des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article 1695, I, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue, à l'importation, comme en matière de douane.

9. Selon l'article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, les créances de toute nature constatées et recouvrées par l'administration des douanes font l'objet d'un avis de mise en recouvrement sous réserve, le cas échéant, de la saisine du juge judiciaire.

10. Lorsque les droits impayés ont été déclarés par le redevable ou son représentant, sans que l'administration remette en cause leur montant, le principe du respect des droits de la défense n'impose pas la mise en oeuvre d'un échange contradictoire préalable à l'émission de l'avis de mise en recouvrement.

11. L'arrêt relève que la créance mise en recouvrement ne résulte que de la validation des déclarations en douane.

12. Il en résulte que l'émission de l'AMR n'avait pas à être précédée d'un échange contradictoire.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a jugé la procédure régulière.

14. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La société Mer agitée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, alors :

« 1°/ qu'est constitutif d'une faute le fait pour l'administration des douanes de ne pas solliciter une caution en violation de ses obligations légales ; que seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est dispensé de fournir une caution en cas d'enlèvement des marchandises au fur et à mesure des vérifications et avant liquidation et acquittement des droits et taxes exigibles ; que le redevable de la taxe est, lorsque le bien fait l'objet d'une livraison en France, la personne qui réalise cette livraison ou le destinataire des biens ; que si le représentant en douane, lorsqu'il agit en son nom propre et pour le compte d'autrui, est solidaire du paiement de la taxe, il n'en est pas le redevable ; que l'arrêt constate que la société Agence maritime Rommel, commissionnaire en douane, bénéficiait d'une dispense de caution ; que pour rejeter les demandes de la société Mer agitée, la cour d'appel retient qu'« en sa qualité de commissionnaire en douane, l'Agence maritime Rommel bénéficiait d'une dispense légale de caution et l'administration des douanes n'avait aucune obligation d'exiger un cautionnement » ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a violé les articles 114 du code des douanes, 293 A du code général des impôts et 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ qu'à supposer que le représentant en douane puisse bénéficier d'une dispense de caution, l'administration des douanes est tenue d'abroger cette dispense à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'inscription non contestée d'un privilège du Trésor à l'égard de ce représentant ; que la cour d'appel a constaté que la société Agence maritime Rommel faisait l'objet d'une inscription de privilège depuis le 11 octobre 2013 ; qu'en jugeant toutefois que l'administration des douanes avait uniquement la faculté d'exiger un cautionnement, la cour d'appel a violé les articles 114 du code des douanes, 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 et 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ qu'en tout état de cause, est constitutif d'une faute le fait pour l'administration des douanes, lorsqu'elle a connaissance de la situation financière dégradée d'un commissionnaire en douane, de s'abstenir de solliciter une caution de sa part, en application de l'article 114 du code des douanes ; que l'arrêt constate que l'administration des douanes connaissait les difficultés rencontrées par la société Agence maritime Rommel au moins dès le 11 octobre 2013, date d'inscription d'un privilège à son égard ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le fait de ne pas avoir demandé une caution à la société Agence maritime Rommel ne constituait pas une négligence fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que la société Mer agitée faisait valoir devant la cour d'appel que la faute commise par l'administration des douanes lui avait causé un préjudice en ce que les sommes versées à la société Agence maritime Rommel au titre de la TVA à l'importation avaient été absorbées par les pertes de celle-ci ; que, pour écarter tout lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'absence de demande de cautionnement à la société Agence maritime Rommel, l'arrêt retient que « ce cautionnement n'aurait pas eu pour effet de libérer la société Mer agitée de sa dette de TVA dont elle est redevable par l'effet de la loi, l'administration des douanes conservant la possibilité de recouvrer auprès d'elle la TVA à l'importation » ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher si l'absence de demande de cautionnement n'avait pas eu pour conséquence la perte de la somme de 72 763 euros, absorbée dans les pertes de la société Agence maritime Rommel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

16. En premier lieu, il résulte de l'article 114, 1 et 1 bis, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, que les redevables de la TVA à l'importation et des taxes assimilées sont dispensés de fournir une caution lorsqu'ils enlèvent les marchandises avant acquittement de ces taxes.

17. Selon l'article 293 A, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, la TVA à l'importation doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d'importation. Toutefois, cette taxe est solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d'un mandat de représentation indirecte, tel que défini par l'article 5 du code des douanes communautaire.

18. Il résulte de la combinaison de ces textes que le commissionnaire en douane agissant en exécution d'un mandat de représentation indirecte donné par la personne désignée comme destinataire réel des biens dans la déclaration d'importation bénéficie, en tant que débiteur de la TVA à l'importation, solidairement avec le redevable de cette taxe, de la dispense légale de caution prévue à l'article 114, 1 bis, du code des douanes.

19. La première branche qui postule le contraire manque en droit.

20. En second lieu, il résulte de l'article 114, 1, 1 bis et 1 ter, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, d'une part, que la constitution d'une caution en cas d'enlèvement des marchandises avant acquittement des droits et taxes exigibles a pour finalité exclusive de garantir leur paiement effectif, d'autre part, que la possibilité laissée à l'administration des douanes d'exiger du redevable de la TVA à l'importation et des taxes assimilées qu'il fournisse une caution lorsqu'il enlève les marchandises avant acquittement de ces taxes, ne constitue qu'une simple faculté.

21. Selon l'article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 pris pour l'application de l'article précité, lorsque le bénéficiaire de la dispense de caution fait l'objet d'une inscription non contestée du privilège du Trésor ou de la sécurité sociale, le chef de service comptable à la direction générale des douanes et droits indirects de 1re et de 2e catégorie le met en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, de régulariser sa situation dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure. A défaut de régularisation dans ce délai, le directeur régional des douanes et droits indirects abroge la dispense. Cette décision est notifiée au bénéficiaire par lettre recommandée avec avis de réception. Lorsque le bénéficiaire fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le droit à la dispense cesse à compter de la date du jugement ouvrant la procédure.

22. Il résulte seulement de ce texte que l'administration des douanes est tenue de respecter les modalités qu'il prévoit lorsqu'elle use de la faculté dont elle dispose d'exiger la présentation d'une caution.

23. Il s'ensuit que le défaut d'exercice de la faculté prévue à l'article 114, 1 ter, du code des douanes ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration des douanes.

24. L'arrêt retient exactement, d'une part, que la société Agence maritime Rommel bénéficiait d'une dispense légale de caution, d'autre part que, si l'administration des douanes avait la possibilité d'exiger un cautionnement, dès lors que cette société faisait l'objet d'une inscription de privilège depuis le 11 octobre 2013, il ne s'agissait que d'une faculté et non d'une obligation.

25. En l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

26. Par conséquent, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1695, I, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ; article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ; article 114, 1 bis et 1 ter, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ; article 293 A, 1, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ; article 5 du décret n° 2006-741 du 27 juin 2006 pris pour l'application de l'article 114 du code des douanes.

Com., 24 janvier 2024, n° 21-19.998, (B), FRH

Rejet

Entrepositaires agréés – Déclaration d'imposition – Compensation entre produits manquants et produits excédents de références différentes – Possibilité (non)

Aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise les entrepositaires agréés à procéder, dans leur comptabilité matières et leur déclaration d'imposition, à une compensation entre produits manquants et produits excédents de références différentes, même si ces produits appartiennent à une même catégorie fiscale ou relèvent du même taux d'imposition.

Entrepositaires agréés – Comptabilité matière – Compensation entre produits manquants et produits excédents de références différentes – Possibilité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2021) et les productions, la société Duty Free Associates (la société DFA) achète des produits alcooliques et du tabac qu'elle détient, en tant qu'entrepositaire agréé, en suspension de droits d'accise.

2. Le 3 juin 2016, à la suite d'un contrôle de l'entrepôt de la société DFA, l'administration des douanes a constaté que des produits manquants avaient été compensés avec des excédents de références différentes.

3. Le 9 février 2017, soutenant que les compensations effectuées avaient eu pour effet de minorer le montant des droits d'accise liés à l'ensemble des manquants constatés lors des inventaires, l'administration des douanes a émis contre la société DFA un avis préalable de taxation au titre des années 2013, 2014 et 2015.

4. Le 25 septembre 2017, après avoir reçu les observations de la société DFA et tenu une réunion avec elle, l'administration des douanes a émis un avis définitif de taxation.

5. Le 13 novembre 2017, l'administration des douanes a notifié à la société DFA les infractions de défaut de paiement des droits d'accise sur l'alcool et le tabac, défaut de paiement de la cotisation sociale et défaut de tenue de la comptabilité matières par inexactitude.

6. Les 8 décembre 2017 et 15 janvier 2018, l'administration des douanes a émis contre la société DFA deux avis de mise en recouvrement (AMR) des suppléments de droits réclamés et des pénalités de retard.

7. Après le rejet de sa réclamation le 17 août 2018, la société DFA a assigné l'administration des douanes en annulation des AMR et de la décision de rejet et en remboursement des droits payés et des frais de caution engagés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société DFA fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de la décision de rejet du 17 août 2018 de la direction régionale des douanes, alors :

« 1°/ qu'il résulte du principe des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments de droit et de fait sur lesquels l'administration entend fonder sa décision ; qu'en retenant, pour dire que le principe du contradictoire avait été respecté par l'administration des douanes, que l'avis définitif de taxation émis contre la société DFA était motivé en fait et en droit, mais sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'avis préalable de taxation l'était, dès lors qu'il se bornait à lui indiquer que sa méthode de compensation entre manquants et excédents de produits de références différentes était impossible sans donner aucun fondement juridique à cette appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur examen ; que l'avis préalable de taxation délivré à la société DFA lui reprochait d'avoir violé l'article 302 D, 2°, du code général des impôts, relatif à l'exigibilité des droits d'accise lors de la constatation de manquants, en effectuant une compensation entre manquants et excédents de produits de références différentes ; que l'avis définitif délivré à cette société lui reprochait d'avoir également violé, en effectuant cette méthode de compensation, l'article 302 G dudit code relatif à la bonne tenue d'une comptabilité matières ; qu'en retenant que l'avis définitif n'avait pas modifié le motif de la taxation, pour en déduire que la société DFA ne pouvait prétendre avoir été privée du droit de présenter ses observations sur une nouvelle qualification portée à sa connaissance à la fin de la procédure contradictoire, cependant qu'il résulte des termes clairs et précis de ces avis qu'une nouvelle qualification au manquement reproché avait été donnée par l'administration des douanes dans son avis définitif de taxation, la cour d'appel a dénaturé les avis préalable et définitif soumis à son examen ;

3°/ qu'en retenant, par motifs adoptés, que, dans son avis définitif, l'administration des douanes avait certes fondé le redressement litigieux sur une « qualification nouvelle », à savoir la mauvaise tenue d'une comptabilité matières, mais qu'il s'agissait seulement pour elle « de justifier l'existence d'un principe de légalité » au reproche fait à la société DFA d'avoir réalisé une compensation entre produits de références différentes, cependant que les droits de la défense commandaient que cette société ait connaissance de l'intégralité des qualifications juridiques retenues contre elle et qu'elle puisse y répondre utilement, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration.

Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

10. Il résulte en outre du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments de droit et de fait sur lesquels l'administration entend fonder sa décision.

11. L'arrêt relève qu'au cours de la procédure, de multiples échanges contradictoires, tant écrits qu'oraux, ont eu lieu entre la société DFA et l'administration, que, le 9 février 2017, à l'issue du contrôle, l'administration a adressé à la société DFA un avis préalable de taxation dans lequel elle a expliqué rejeter le mécanisme de la compensation que celle-ci avait appliqué, dès lors que les compensations entre manquants et excédents de produits de références différentes sont impossibles, et a précisé fonder le redressement envisagé sur les dispositions de l'article 302 D, I, 1, 2° bis, du code général des impôts, qui énoncent que l'impôt est exigible lors de la constatation de manquants. Il ajoute que, le 5 avril 2017, la société DFA a répondu à cet avis, que, le 25 juillet 2017, à la demande de la société DFA, une réunion s'est tenue dans les locaux de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3]-Est, au cours de laquelle les parties ont pu échanger sur les points de discorde, et que, le 25 septembre 2017, l'administration a émis un avis définitif de taxation motivé en droit et en fait. Il retient que, contrairement à ce qui allégué, l'administration n'a pas modifié les motifs de la taxation, qui est restée fondée sur la constatation de manquants, et qu'elle a satisfait à son obligation de motivation en répondant précisément aux arguments soulevés par la société DFA dans ses observations. Il en déduit que, la société DFA ne démontrant pas qu'elle a été privée d'un débat contradictoire, il y a lieu de confirmer la régularité de la procédure.

12. En l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs du jugement critiqués par la troisième branche contraires à ceux de l'arrêt, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée à la première branche, a, sans dénaturer les avis préalable et définitif de taxation, légalement justifié sa décision.

13. Inopérant en sa troisième branche, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

14. La société DFA fait grief à l'arrêt de confirmer les AMR n° 778 17 CI 124 du 8 décembre 2017 et n° 778 18 CI 004 du 15 janvier 2018, alors :

« 1°/ que les droits d'accise sur les produits alcooliques et les produits du tabac manufacturés sont dus lors de la constatation de déchets ou de pertes de produits placés sous un régime de suspension de droits ; que sont considérés comme manquants les produits soumis à accises placés sous un régime de suspension qui ne peuvent être présentés aux douanes alors qu'ils figurent dans la comptabilité matières ou qu'ils devraient y figurer ; que la comptabilité matières relative aux tabacs et alcools doit être tenue par tarif d'imposition et non par référence produits ; que les droits d'accise sur les produits alcoolisés et les produits du tabacs sont calculés et liquidés par tarif d'imposition et par catégorie fiscale en fonction de la nature des produits mis à la consommation, et non en considération de leur référence ; que dès lors, pour ces produits, les entrepositaires agréés peuvent, dans leur comptabilité matières et leur déclaration d'imposition, procéder à une compensation entre produits manquants et produits excédents de références différentes, mais de même nature, appartenant à une même catégorie fiscale et relevant du même taux d'imposition, puisqu'une telle compensation n'a aucun impact sur le montant des droits d'accises dus ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 302 B, 302 D, I, 1, 1°, 2° et 2° bis, 302 D, III, 1, 302 G, III, du code général des impôts, 286 J de l'annexe II de ce code et 50-00 G, II, 1°, 2° et 3°, de l'annexe IV du même code ;

2°/ que les articles 302 G, IV, du code général des impôts et 286 M de l'annexe II de ce code permettent à un entrepositaire agréé détenant des produits soumis à accises qu'il a acquis ou reçus tous droits acquittés, ou pour lesquels il a précédemment acquitté les droits, de les replacer en suspension de droits dans son entrepôt fiscal suspensif et de demander le remboursement des droits acquittés ou leur compensation avec des droits exigibles ; que ces dispositions n'excluent pas qu'un entrepositaire agréé puisse établir une déclaration de quantités de produits mis à la consommation prenant en compte une compensation entre produits manquants et produits excédents de même nature, appartenant à une même catégorie fiscale et soumis au même taux d'imposition ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 302 G, IV, du code général des impôts et 286 M de l'annexe II du même code ;

3°/ que selon les circulaires du 31 décembre 2012 et du 31 décembre 2014 précisant les modalités d'application de la réglementation nationale définissant les conditions d'exigibilité des droits d'accises portant sur les alcools et les boisons alcoolisés au sens du I, 2° et 2° bis, de l'article 302 D du code général des impôts : « il ne peut être procédé à aucune compensation entre les différents types de produits détenus par l'entrepositaire agréé (entre dénominations, appellations, couleurs...). De la même manière, toute compensation entre manquants et excédents de différents types, élaboration et stockage en cuve étanche par exemple, est interdite » ; qu'il en résulte, a contrario, qu'une compensation entre produits de même type, c'est-à-dire entre produits de même nature appartenant à une même catégorie fiscale est possible ; qu'en retenant encore le contraire, la cour d'appel a violé les articles 302 B, 302 D, I, 1, 1°, 2° et 2° bis, 302 D, III, 1, 302 G, III, du code général des impôts, 286 J de l'annexe II de ce code et 50-00 G, II, 1°, 2° et 3°, de l'annexe IV du même code, ensemble les circulaires précitées ;

4°/ qu'en retenant d'abord que la compensation entre manquants et excédents ne pourrait être mise en ?uvre que dans le cadre prévu par les articles 286 M de l'annexe II et 302 G, IV, du code général des impôts, c'est-à-dire sur des produits déjà acquittés dont l'entrepositaire demande de les faire revenir en régime de suspension d'accises, puis, ensuite, que la compensation était possible en dehors de ce cadre mais entre produits manquants et excédents de même référence, la cour d'appel a statué par des motifs de droit contradictoires, et a par suite omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 302 G, IV, du code général des impôts et 286 M de l'annexe II de ce code, ensemble les articles 302 B, 302 D, I, 1, 1°, 2° et 2° bis, 302 D, III, 1, 302 G, III, du même code, 286 J de l'annexe II et 50-00 G, II, 1°, 2° et 3°, de l'annexe IV dudit code, ensemble les circulaires du 31 décembre 2012 et du 31 décembre 2014 précisant les modalités d'application de la réglementation nationale définissant les conditions d'exigibilité des droits d'accises portant sur les alcools et les boisons alcoolisés au sens du I, 1, 2° et 2° bis, de l'article 302 D du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

15. Selon l'article 302 D, I, 1, 2° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021, l'impôt est exigible lors de la constatation de manquants.

Sont considérés comme manquants les produits soumis à accise placés sous un régime de suspension de droits, autres que ceux détruits ou perdus en cours de fabrication, de transformation ou de stockage, qui ne peuvent être présentés aux services des douanes et droits indirects alors qu'ils figurent dans la comptabilité matières tenue par l'entrepositaire agréé ou qu'ils auraient dû figurer dans celle-ci.

16. Aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise les entrepositaires agréés à procéder, dans leur comptabilité matières et leur déclaration d'imposition, à une compensation entre produits manquants et produits excédents de références différentes, même si ces produits appartiennent à une même catégorie fiscale ou relèvent du même taux d'imposition.

17. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

18. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 302 D, I, 1, 2° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021.

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