Numéro 1 - Janvier 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2024

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 31 janvier 2024, n° 22-10.276, (B), FS

Rejet

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire – Plan de cession – Substitution de cessionnaire – Conditions – Autorisation du tribunal – Défaut – Effets – Contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée – Transfert des contrats de travail au cessionnaire – Portée

Aux termes de l'article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce, toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. Il en résulte qu'en l'absence d'autorisation par le tribunal ayant arrêté le plan de redressement d'une substitution de cessionnaire, les contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée dont l'emploi est maintenu par le plan sont de plein droit transférés au cessionnaire.

Une cour d'appel, qui a constaté que le jugement du tribunal de commerce n'avait arrêté le plan de cession qu'au profit d'une société qu'il désignait et qu'il ne mentionnait aucune autorisation d'une éventuelle substitution du cessionnaire, notamment au profit d'un tiers se présentant à un salarié comme repreneur, en a exactement déduit que le contrat de travail de ce salarié s'était poursuivi de plein droit avec la société désignée en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2021) et les productions, M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 12 février 2015 par la société Leader sécurité.

2. Après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Leader sécurité le 31 août 2017, le tribunal a prononcé le 17 août 2018 sa liquidation judiciaire et a arrêté un plan de cession de ses actifs, avec pour cessionnaire la société Groupe SAG, en précisant que l'entrée en jouissance de cette dernière aurait lieu à la date du jugement arrêtant le plan de cession.

3. Un avenant au contrat de travail a été soumis à la signature du salarié le 17 août 2018 par la société Agence alpine gardiennage sécurité (la société SAGS) aux fins de transférer son contrat de travail à cette société.

Le salarié a refusé de le signer, soutenant que la société Groupe SAG demeurait son employeur.

4. Le 29 août 2018, à l'occasion d'un litige l'opposant à la société Leader sécurité devant la juridiction prud'homale, le salarié a appelé en intervention forcée la société Groupe SAG, la société SAGS ainsi que M. [N], en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Luc Gomis, aux droits de laquelle est venue la société MJ synergie, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société, ainsi que l'AGS CGEA d'[Localité 8], pour faire juger que son contrat de travail avait été transféré à la société Groupe SAG et que le transfert décidé à la société SAGS était frauduleux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail du salarié a été transféré de plein droit en son sein en application du jugement du tribunal de commerce du 17 août 2018, alors « que le transfert de plein droit des contrats de travail organisé par l'article L 1224-1 du code du travail a pour objet d'assurer la pérennité de l'emploi des salariés ; qu'en affirmant, pour dire que la société Groupe SAG était l'employeur de M. [I] à compter du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 août 2018, que le transfert du contrat de travail de M. [I] au profit de la société SAGS s'était fait en fraude de l'article L 1224-1 du code du travail et du jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 août 2018, dès lors que l'offre de reprise avait été présentée par la société Groupe SAG, après avoir pourtant relevé que les contrats de travail des salariés, dont celui de M. [I], s'étaient poursuivis au sein de la société SAGS de sorte que bien que le transfert ait opéré au sein d'une autre société que celle désignée dans le jugement, la pérennité des emplois avait été assurée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

8. Selon l'article L. 642-5, alinéa 1, du code de commerce, après avoir recueilli l'avis du ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur, l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. Il arrête un ou plusieurs plans de cession.

9. En application de l'alinéa 3 du même texte, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous.

10. En vertu de l'article L. 642-6 du code de commerce, une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du cessionnaire.

11. Aux termes de l'article L. 642-9, alinéa 3, du même code, toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6.

L'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits.

12. Il en résulte qu'en l'absence d'autorisation par le tribunal ayant arrêté le plan de redressement d'une substitution de cessionnaire, les contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée dont l'emploi est maintenu par le plan sont de plein droit transférés au cessionnaire.

13. La cour d'appel, qui a constaté que le jugement du tribunal de commerce n'avait arrêté le plan de cession qu'au profit de la société Groupe SAG et qu'il ne mentionnait aucune autorisation d'une éventuelle substitution du cessionnaire, notamment au profit de la société SAGS ou d'une société à créer, en a exactement déduit que le contrat de travail du salarié s'était poursuivi de plein droit avec la société Groupe SAG en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié à ses torts exclusifs à effet de cet arrêt et de la condamner, en conséquence, à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de remettre au salarié un certificat de travail mentionnant comme période d'emploi, le 17 août 2018 avec une reprise d'ancienneté au 12 février 2015 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paie conformes, alors « que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen, emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société Groupe SAG à effet du présent arrêt et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer diverses sommes et lui remettre divers documents subséquents. »

Réponse de la Cour

16. Les premier et deuxième moyens étant rejetés, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Pietton - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Poupet et Kacenelenbogen -

Textes visés :

Article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce ; article L. 1224-1 du code du travail.

Soc., 31 janvier 2024, n° 21-25.273, (B), FS

Cassation partielle

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Définition – Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité – Entité économique – Caractérisation – Cas – Reprise du marché de prestation avec identité de locaux et d'équipements – Détermination – Portée

Constitue, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

Encourt par conséquent la censure l'arrêt qui retient que la circonstance que deux des salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris par le nouvel entrepreneur suffisait à exclure l'existence d'un transfert d'une entité économique maintenant son identité, alors qu'il résultait de ses constatations que la société entrante avait repris le marché de prestations logistiques confié à la société sortante et poursuivi, dans les mêmes locaux et avec les mêmes équipements, la même activité à laquelle étaient affectés quatorze salariés manutentionnaires, en sorte qu'il y avait transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation.

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Définition – Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité – Entité économique – Caractérisation – Cas – Indifférence de l'absence de reprise de deux salariés cadres – Détermination – Portée

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Définition – Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité – Entité économique – Notion

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Définition – Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité – Entité économique – Caractérisation – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 novembre 2021), M. [P], engagé par la société Derichebourg propreté à compter du 16 avril 2018, en qualité de manutentionnaire, était affecté sur le site de la plateforme logistique de La Poste située à [Localité 5], en exécution du contrat de prestations de services de chargement et déchargement de colis légers dit « vrac » conclu pour ce site avec la société Colis poste laquelle avait mis du matériel à la disposition de la société prestataire.

2. Par lettre du 18 août 2020, la société Colis poste a informé la société Derichebourg propreté que le contrat de prestation de services ne serait pas reconduit et qu'il viendrait à échéance le 19 octobre 2020.

3. La société Fandi emballages, aujourd'hui dénommée Fandi, qui s'était vue confier l'exploitation de la plateforme logistique à compter du 20 octobre 2020, ayant refusé de poursuivre le contrat de travail des quatorze salariés affectés à l'exécution de ce marché, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, de diverses demandes formées contre les sociétés entrante et sortante.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'entreprise sortante fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est restée l'employeur du salarié après le 20 octobre 2020, en l'absence de transfert de son contrat de travail à la société Fandi emballages et de la condamner à rembourser à cette dernière à titre provisionnel les sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution de droit de l'ordonnance infirmée, au titre des salaires et charges patronales afférentes, alors « que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que l'existence d'un ensemble organisé suppose l'existence de moyens d'exploitation et d'un personnel spécialement affectés à l'activité mais pas nécessairement celle d'un personnel d'encadrement dédié ; que le transfert d'une entité économique s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'activité de gestion des chargements de véhicules en vrac sur le site de La Poste de [Localité 3] [Localité 5] avait été transférée de la société Derichebourg propreté à la société Fandi emballages et que ce transfert s'était accompagné d'un transfert indirect d'éléments corporels nécessaires à l'exploitation appartenant à la société La Poste ; que la société Derichebourg propreté soutenait que l'activité dite « vrac » transférée poursuivait un objectif propre, distinct de l'activité du client, et que l'autonomie de l'entité était établie tant par la différenciation de cette activité des autres activités du client en termes de locaux et d'horaires que par l'existence de moyens matériels et d'un personnel spécifiquement affecté et formé à cette activité, l'existence d'un personnel d'encadrement n'étant pas en soi une condition pour caractériser une entité autonome mais un simple indice ; qu'en se fondant, pour exclure l'existence d'une entité économique autonome, sur la seule absence de preuve de l'existence, au jour du transfert, d'un encadrement dédié à l'activité, au lieu de rechercher si les moyens d'exploitation utilisés par la société Derichebourg propreté et son personnel hors encadrement n'étaient pas spécialement affectés à l'activité transférée et ne poursuivaient pas un objectif propre, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :

5. Selon ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

6. Si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de ce texte, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome.

7. Pour dire que la société sortante était restée l'employeur du salarié, en l'absence de transfert de son contrat de travail à la société entrante, l'arrêt constate d'abord qu'il ressort des contrats de prestations logistiques signés avec la société La Poste et des cahiers des charges, qu'une activité économique a bien été transférée de la société Derichebourg propreté à la société Fandi emballages : il s'agit de l'activité de gestion des chargements de véhicules en vrac sur le site de La Poste de [Localité 3] [Localité 5], ce transfert s'étant accompagné d'un transfert indirect d'éléments corporels appartenant à la société La Poste.

8. Il retient ensuite, qu'il ne ressort pas, en revanche, des éléments du dossier la preuve de l'existence, au jour du transfert, d'un encadrement dédié à l'activité, alors que le contrat signé entre La Poste et la société Derichebourg propreté stipule que « le prestataire s'engage à assurer un encadrement et une surveillance efficaces » et que celle-ci reconnaît dans ses écritures que « cet encadrement était nécessaire à la bonne exécution de la prestation. »

9. Il relève encore que le tableau des quatorze salariés concernés par un transfert des contrats de travail au 20 octobre 2020, annexé par la société Derichebourg propreté à son courrier du 11 septembre 2020 adressé à la société entrante, comprend uniquement des ouvriers et aucun personnel identifié comme personnel d'encadrement et que le versement d'une prime de responsabilité à MM. [G] et [N], ouvriers manutentionnaires, ne suffit pas à démontrer que ces derniers s'étaient vus confier des fonctions d'encadrement ni qu'ils en avaient les compétences, alors, d'une part, que la société sortante ne verse aucune autre pièce aux débats de nature à établir la preuve de ces nouvelles attributions (avenants aux contrats de travail, fiches de poste...), d'autre part, que la classification des salariés concernés (niveau « agents de service » - échelon 1) correspond à l'échelon le plus bas de la convention collective et exclut ainsi toute fonction d'encadrement et, enfin, qu'il est démontré que ces salariés percevaient déjà cette prime avant le départ du chef de site et de son adjoint, démontrant ainsi que cette gratification n'était pas justifiée par l'exercice de fonctions d'encadrement par intérim.

10. Il en déduit qu'en l'absence totale d'équipe d'encadrement et, partant, de moyens nécessaires à l'exploitation de l'entité transférée, il ne peut être considéré que cette dernière constituait un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.

11. En statuant ainsi, alors que la circonstance que deux des salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris par le nouvel entrepreneur ne suffisait pas à exclure l'existence d'un transfert d'une entité économique maintenant son identité, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail et qu'il résultait de ses constatations que la société entrante avait repris le marché de prestations logistiques confié à la société sortante et poursuivi, dans les mêmes locaux et avec les mêmes équipements, la même activité à laquelle étaient affectés quatorze salariés manutentionnaires, en sorte qu'il y avait transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Derichebourg propreté est restée l'employeur du salarié après le 20 octobre 2020 et l'a condamnée à rembourser à la société Fandi emballages à titre provisionnel les sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution de droit de l'ordonnance infirmée, au titre des salaires et charges patronales afférentes, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Grandemange - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Poupet et Kacenelenbogen ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres illustrations d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à rapprocher : Soc., 26 février 2003, pourvoi n° 00-22.026 (rejet) ; Soc., 26 mai 2004, pourvoi n° 02-17.642 (rejet) ; Soc., 20 mars 2007, pourvoi n° 05-44.268 (rejet) ; Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-18.442 (rejet) ; Soc., 17 juin 2009, pourvoi n° 08-42.615, Bull. 2009, V, n° 151 (rejet) et les arrêts cités ; Soc., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-60.575 (rejet) ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-44.396 (rejet) ; Soc., 21 octobre 2009, pourvoi n° 08-41.673 (rejet). Sur l'appréciation in concreto de l'existence du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité par la CJUE : CJUE, arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual e.a., C-509/14 ; CJUE, arrêt du 13 septembre 2017, Jouini e.a, C-458/05 ; CJUE, arrêt du 19 octobre 2017, Securitas, C-200/16.

Com., 17 janvier 2024, n° 22-19.451, (B) (R), FS

Rejet

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Domaine d'application – Créances garanties par le superprivilège

Intervention

1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires de son intervention volontaire au soutien de la société [L] [S], en sa qualité de liquidateur de la société Silicia Glass.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2022), le 28 août 2019, la société Silicia Glass a été mise en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 2 décembre 2019, la société [L] [S] étant désignée en qualité de liquidateur.

3. L'UNEDIC, en son Centre de gestion et d'études - AGS (CGEA) de [Localité 5], gestionnaire de l'Association de garantie des salaires (l'AGS), ayant avancé différentes rémunérations dues aux salariés de la société Silicia Glass, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête aux fins d'être autorisé à lui régler, à titre provisionnel, la créance superprivilégiée qui en était résultée.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle a dit que le paiement autorisé au profit de l'AGS au titre de la créance superprivilégiée serait fait à titre provisionnel et que les fonds indûment versés devraient être restitués sur première demande du liquidateur en application des dispositions de l'article R. 643-2 du code de commerce, alors :

« 1°/ que la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ; que le droit à un paiement prioritaire de la créance garantie par le superprivilège des salaires sur les fonds disponibles et les premières rentrées, prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, déroge à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures à l'ouverture de la procédure, en raison de la nature alimentaire de la créance salariale ; que ce droit est dès lors exclusivement attaché à la personne du salarié ; que l'AGS subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail, peut seulement se prévaloir du droit d'être payée par préférence sur toute autre créance privilégiée lors de la répartition de l'actif, mais ne peut bénéficier d'un droit au paiement prioritaire et définitif de sa créance sur les fonds disponibles et les premières rentrées ; qu'elle ne peut obtenir tout au plus qu'un paiement à titre provisionnel sur autorisation du juge-commissaire, les fonds indûment versés devant être restitués ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 625-8 du code de commerce, L. 3253-16 du code du travail et 1346-4 du code civil ;

2°/ qu'à supposer que l'AGS qui a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail, soit subrogée dans les droits des salariés au bénéfice du paiement prioritaire prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, ce droit à un paiement prioritaire ne l'autorise pas à échapper à l'obligation faite à tout créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges, de restituer les sommes ainsi versées ; que dès lors, quand bien même elle serait subrogée dans le droit des salariés à un paiement prioritaire des créances superprivilégiées, les sommes versées par avance à l'AGS au titre de ces créances ne peuvent l'être qu'à titre provisionnel et doivent être restituées le cas échéant notamment pour permettre de faire face aux frais et dépens de la liquidation judiciaire exposés dans l'intérêt de tous les créanciers y compris de l'AGS ; qu'en décidant que le juge-commissaire ne pouvait décider que les sommes ainsi versées l'étaient à titre provisionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 625-8, L. 643-7-1, L. 643-8 et L. 643-3 dans leur rédaction applicable à la cause et R. 643-2 du code de commerce ;

3°/ qu'en toute hypothèse, le droit au paiement prioritaire des créances bénéficiant du superprivilège des salaires prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce est sans application à une procédure de liquidation judiciaire qui plus est comme en l'espèce, sans poursuite d'activité ; que dès lors l'AGS qui a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail dans une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite de l'activité, ne pouvait se prévaloir du droit au paiement prioritaire prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, pour échapper au caractère provisionnel du paiement de sa créance ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 625-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, l'article L. 625-8 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire de la société Silicia Glass par l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, prévoit que, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10 [L. 3253-2 et L. 3253-3], L. 143-11 [L. 3253-4], L. 742-6 et L. 751-15 [L. 7313-8] du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et que, à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

7. D'autre part, il résulte du 2° de l'article L. 3253-16 du code du travail, que, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances, pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8, et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code.

8. La subrogation dont bénéficient les institutions de garantie ayant pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement qui, opéré sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective et hors le classement des différentes créances sujettes à admission, ne constitue pas un paiement à titre provisionnel opéré sur le fondement de l'article L. 643-3, alinéa 1, du code de commerce et ne peut ainsi donner lieu à répétition.

9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 3253-2, L. 3253-4, L. 3253-8, L. 3253-14, L. 3253-16 et L. 7313-8 du code du travail ; articles L. 625-8 et L. 643-3, alinéa 1, du code de commerce.

Com., 17 janvier 2024, n° 23-12.283, (B) (R), FRH

Cassation partielle

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Domaine d'application – Créances garanties par le superprivilège – Privilège exclusivement attaché à la personne du salarié (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 janvier 2023), le 26 janvier 2022, la société Sigfox a été mise en redressement judiciaire.

Par deux jugements du 21 avril 2022, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs de la société Sigfox au bénéfice de la société Unadiz Holdings Pte, puis a converti la procédure collective en liquidation judiciaire, la société BDR et associés étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Le 26 avril 2022, le liquidateur a saisi le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 4] d'une demande par l'Association de garantie des salaires (l'AGS) pour assurer le paiement des salaires dus pour la période du 1er au 21 avril 2022 et des congés payés dus entre le 1er juin 2020 et le 21 avril 2022.

3. Le CGEA lui ayant opposé un refus en faisant valoir que, la cession de l'entreprise étant définitive, le liquidateur disposait du prix de cession et d'une trésorerie suffisante pour assurer le paiement des sommes dont il demandait l'avance, ce dernier l'a assigné devant le tribunal de la procédure collective pour obtenir le versement des sommes portées sur le relevé des créances salariales numéroté 6.

4. L'AGS a alors demandé à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective au titre de sa créance superprivilégiée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de la condamner au versement d'une somme équivalente au solde du relevé des créances salariales numéro 6, alors :

« 1°/ que ce n'est que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, que le mandataire judiciaire peut demander, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14 ; qu'en jugeant qu'« en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire » et qu'« en présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de l'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession », pour rejeter l'argumentation de la délégation UNEDIC-AGS aux termes de laquelle la garantie de l'AGS ne pouvait être mise en oeuvre dès lors, d'une part, que le liquidateur disposait de 670 000 euros au titre de la trésorerie courante de la société Sigfox, ainsi que du prix de cession de 3 300 000 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail ;

2°/ que l'AGS a un droit propre pour contester le principe et l'étendue de sa garantie, dans tous les cas où les conditions de celle-ci ne paraissent pas remplies ; qu'en jugeant qu'« en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire » et « qu'en présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de l'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession », la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail, ensemble l'article L. 625-4 du code de commerce ;

3°/ que la charge de la preuve de ce que les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail repose sur le mandataire judiciaire ; qu'en jugeant qu'« en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire » et qu'« en présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de l'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession », la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en jugeant qu'« en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire » et qu'« en présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de l'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession », la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile ;

5°/ que les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l'appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen ; qu'« en jugeant qu'en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire » et qu'« en présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de l'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession », et qu'il ne serait pas possible à l'AGS de rapporter la preuve de l'existence de fonds disponibles, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il incombe au mandataire judiciaire d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code.

7. D'autre part, l'article L. 3253-20 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code.

Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

8. Faisant l'exacte application de ces textes, la cour d'appel a retenu, sans instituer une présomption irréfragable ni méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde et en a déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir la condamnation du liquidateur, ès qualités, à lui rembourser les sommes avancées au titre des créances salariales superprivilégiées, alors « que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires ; que toutefois, avant tout établissement du montant de ces créances, le débiteur ou l'administrateur s'il a une mission d'assistance doit, avec l'autorisation du juge-commissaire et dans la mesure des fonds disponibles, verser immédiatement aux salariés, à titre provisionnel, une somme égale à un mois de salaire impayé, sur la base du dernier bulletin de salaire, et sans pouvoir dépasser le plafond visé à l'article L. 143-10 du code du travail ; qu'à défaut de disponibilités, les sommes dues en vertu des deux règles précitées doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds ; qu'en jugeant que l'article L. 625-8 du code de commerce instaure, au bénéfice du seul salarié, un privilège spécifique dans les limites de l'article L. 3253-2 du code du travail, par dérogation au principe d'interdiction des paiements instauré à l'ouverture des procédures collectives pour les créances antérieures, avec versement sur les premières rentrées de fonds. Il s'agit d'un droit attaché à la personne du salarié pour lequel l'AGS ne peut bénéficier d'une subrogation sans remettre en cause les répartitions de l'actif distribuable dans l'ordre défini par l'article L. 643-8 du code de commerce », la cour d'appel a violé l'article L. 3253-16 du code du travail, ensemble l'article L. 625-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 625-8 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même code et L. 3253-16, 2° du code du travail :

11. Selon le premier de ces textes, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10 [L. 3253-2 et L. 3253-3], L. 143-11 [L. 3253-4], L. 742-6 et L. 751-15 [L. 7313-8] du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et, qu'à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

12. Il résulte du troisième de ces textes que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8, et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

13. Pour rejeter la demande du liquidateur, l'arrêt retient que l'article L. 625-8 du code de commerce institue, au bénéfice du seul salarié et attaché à sa personne, un privilège spécifique par dérogation au principe d'interdiction des paiements instauré à l'ouverture des procédures collectives pour les créances antérieures avec un versement sur les premières rentrées de fonds dont l'AGS ne peut bénéficier sans remettre en cause les distributions de l'actif distribuable dans l'ordre défini par l'article L. 643-8 de ce code.

14. En statuant ainsi, alors que la subrogation dont bénéficient les institutions de garantie a pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, mais est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande tendant au remboursement de ses avances au titre des créances salariales superprivilégiées formée par l'UNEDIC en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, l'arrêt rendu le 20 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 3253-2, L. 3253-4, L. 3253-8, L. 3253-14, L. 3253-16 et L. 7313-8 du code du travail ; articles L. 625-8 et L. 643-8 du code de commerce.

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