Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

VENTE

3e Civ., 18 janvier 2023, n° 21-16.666, (B), FS

Rejet

Garantie – Eviction – Etendue – Valeur de la chose – Evaluation – Modalités – Détermination

L'indemnité d'éviction est appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction, mais de sa désignation lors de la vente.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [W] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Boix immobilier, la société civile professionnelle Tetu-Audran-Tost Vermogen, la société Allianz IARD et M. [O].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,11 mars 2021), le 6 juillet 2010, M. et Mme [J] (les acquéreurs) ont acquis de M. et Mme [W] (les vendeurs) une maison avec jardin moyennant le prix de 293 000 euros.

3. Le 5 janvier 2011, la direction départementale des territoires et de la mer leur a enjoint de libérer une bande de terrain de 28 m², le long du canal Saint-Joseph, appartenant au domaine public maritime, l'arrêté d'autorisation d'occupation étant expiré depuis le 11 juillet 2007.

4. Des constructions annexes à la maison avaient été édifiées par les vendeurs pour partie sur cette parcelle du domaine public maritime, sur laquelle empiétait également le mur de clôture.

5. Les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil, en remboursement des frais engagés sur l'immeuble depuis son acquisition, et en paiement de dommages-intérêts.

6. Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats et invité les acquéreurs, leur éviction portant sur partie de la chose vendue, à conclure au regard des dispositions des articles 1636 et 1637 du code civil ainsi que sur les conséquences découlant de l'option choisie quant à leurs demandes chiffrées.

7. Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, Mme [J], agissant à titre personnel et en qualité d'héritière de [S] [J], décédé, a renoncé à sa demande d'annulation de la vente et sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'éviction partielle du bien acquis le 6 juillet 2010.

8. Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir prise de la nouveauté des demandes en appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. Les vendeurs font grief à l'arrêt de déclarer l'acquéreur recevable en sa demande de règlement de la valeur de la partie évincée, alors « qu'en considérant que la demande nouvelle en cause d'appel, tendant à obtenir une indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur n'était pas irrecevable, quand les époux [J] demandaient l'annulation de la vente en première instance, peu important qu'ils aient, au soutien de cette demande d'annulation, invoqué les dispositions des articles 1625 et suivants du code civil, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que la demande présentée en première instance sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil tendait à l'indemnisation, par le vendeur, de l'éviction.

12. Ayant constaté qu'en exécution de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 2019, l'acquéreur sollicitait des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'éviction, comme les articles 1636 et 1637 du code civil lui en offraient la possibilité en cas d'éviction partielle, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que cette demande tendait à l'exercice, conformément aux dispositions applicables, du même droit qu'en première instance, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur, que la demande n'était pas nouvelle en appel.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

14. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à l'acquéreur la somme de 80 000 euros au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors :

« 4°/ qu'un bien faisant partie du domaine public est inaliénable, n'a donc pas de prix, et n'a donc pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil ; qu'en allouant à Mme [J] la somme de 80 000 euros, au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors que la parcelle dont elle était évincée faisait partie du domaine public, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil, la cour a violé ce texte par fausse application ;

5°/ que selon l'article 1637 du code civil si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ; qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 euros) et celle du bien resté en possession des époux [J] après l'éviction (220 000 euros), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont Mme [J] était évincée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. L'indemnité devant être appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction mais de sa désignation lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation proportionnelle au prix total de la vente, a souverainement fixé la valeur de la partie du fonds dont l'acquéreur a été évincé.

16. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 564 du code de procédure civile ; article 1637 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35 (cassation partielle), et les arrêts cités. 3e Civ., 7 juillet 2010, pourvoi n° 09-12.055, Bull. 2010, III, n° 140 (cassation partielle).

1re Civ., 18 janvier 2023, n° 19-10.111, (B), FRH

Rejet

Garantie – Vices cachés – Action de l'acheteur – Action rédhibitoire ou estimatoire – Option – Portée

Il résulte de l'article 1644 du code civil qu'en cas de défaut de la chose vendue, l'acheteur a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire et peut, après avoir exercé l'une, exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande par une décision passée en force de chose jugée.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [X].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-17.675), le 9 mars 2008, Mme [L] a acquis de M. [W] un véhicule d'occasion de marque Porsche.

Le 30 novembre 2008, elle a échangé ce véhicule avec un autre appartenant à Mme [X].

3. Après avoir appris que le véhicule Porsche avait été gravement accidenté et obtenu en référé une expertise déposée le 25 août 2010, ayant conclu qu'un choc violent avait été subi par le véhicule en mai 2006, que les réparations n'avaient pas été réalisées dans les règles de l'art et que le véhicule était économiquement irréparable, Mme [X] a assigné en résolution de l'échange Mme [L].

4. Le 20 mars 2012, Mme [L] a appelé M. [W] en garantie des vices cachés.

5. Un jugement du 28 juillet 2014, confirmé par un arrêt du 22 mars 2016, a prononcé la résolution de la vente entre Mmes [L] et [X], condamné Mme [L] à indemniser Mme [X] et ordonné la restitution du véhicule Porsche à Mme [L].

6. A l'issue d'une cassation partielle de l'arrêt du 22 mars 2016, en ce qu'il avait rejeté la demande en garantie des vices cachés formée par Mme [L] contre M. [W], celle-ci a sollicité une réduction du prix de vente du véhicule Porsche. M. [W] a opposé des fins de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevable cette demande.

Examen des moyens

Sur les trois moyens réunis

Enoncé des moyens

7. Par son premier moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [L] la somme de 21 799 euros à titre de restitution d'une partie du prix de vente du véhicule, alors « que les demandes nouvelles formulées en appel sont irrecevables ; qu'à titre d'exception, peuvent être formulées pour la première fois en appel, les demandes tendant aux mêmes fins que celles introduites devant les premiers juges ; que l'action en garantie dirigée, par le défendeur à une action en vice caché, contre de son propre vendeur n'a pas le même objet que l'action estimatoire qu'il peut intenter directement contre ce dernier ; qu'en décidant le contraire, pour décider que l'action estimatoire n'était pas nouvelle et donc recevable, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 633 du code de procédure civile. »

8. Par son deuxième moyen, M. [W] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la cassation a pour seul effet de saisir la juridiction de renvoi, sous réserve d'une déclaration de saisine, du chef ayant donné lieu à censure ; qu'il est dès lors exclu qu'une partie abandonne la demande, devant la juridiction de renvoi, pour former une demande distincte de celle soumise aux premiers juges ayant donné lieu à cassation ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 623, 624, 625 et 631 du code de procédure civile ;

2°/ que s'il est vrai que devant la juridiction de renvoi, une partie peut formuler une demande nouvelle, sous réserve qu'elle soit recevable, c'est à la condition que l'auteur de cette demande reprenne la demande formulée devant la cour d'appel et qui été le siège de la cassation ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 623, 624, 625 et 631 du code de procédure civile. »

9. Par son troisième moyen, M. [W] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la demande en réduction de prix fondée sur l'action estimatoire n'ayant été formée que le 4 janvier 2018, dans le cadre des conclusions déposées par Mme [L] devant la cour d'appel de Caen désignée comme juridiction de renvoi, cette demande devait être déclarée irrecevable comme prescrite, dès lors que Mme [L] a eu connaissance du vice à la date du 25 août 2010, le délai de deux ans qui lui était ouvert à compter de cette date étant largement expiré ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1648 du code civil ;

2°/ qu'une assignation n'a d'effet interruptif qu'à l'égard de l'action qu'elle vise ; qu'ainsi l'effet interruptif attaché à l'assignation du mars 2012, en tant qu'elle tendait à obtenir la garantie de M. [W] à l'égard des condamnations susceptibles d'être prononcées au profit de Mme [X], ne pouvait interrompre le délai de prescription s'agissant de l'action estimatoire ouverte à Mme [L], dès le 25 août 2010, à l'encontre de M. [W], son vendeur ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, dès lors qu'il résulte de l'article 1644 du code civil qu'en cas de défaut de la chose vendue, l'acheteur a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire et peut, après avoir exercé l'une, exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande par une décision passée en force de chose jugée, les premier et troisième moyens, qui soutiennent que l'action estimatoire intentée par Mme [L] en appel, substituée à sa demande en garantie de la condamnation ayant accueilli l'action rédhibitoire de Mme [X], est une demande nouvelle qui ne tend pas aux même fins et qui est prescrite en l'absence d'interruption de la prescription par l'assignation du 20 mars 2012, sont inopérants.

11. En second lieu, contrairement aux énonciations du deuxième moyen, les dispositions des articles 623 et suivants du code de procédure civile ne soumettent pas, à l'issue de la cassation qui replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, la recevabilité d'une demande nouvelle à d'autres règles que celles qui s'appliquaient devant la juridiction dont la décision a été cassée et n'imposent dès lors pas aux parties de reprendre les demandes formées devant cette juridiction.

12. Les moyens ne peuvent donc être accueillis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 1644 du code civil.

3e Civ., 18 janvier 2023, n° 21-22.543, (B), FS

Rejet

Garantie – Vices cachés – Définition – Défaut rendant la chose vendue impropre à l'usage auquel elle était destinée

Ayant constaté que l'infestation parasitaire constituait un vice caché de la chose vendue, une cour d'appel en a exactement déduit que les demandes formées par l'acquéreur tant sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance que sur celui du manquement au devoir d'information ne pouvaient être accueillies.

Garantie – Vices cachés – Action en résultant – Action en responsabilité contractuelle – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 9 janvier 2020), par acte du 12 avril 2010, la société Bransol a vendu à [P] [V] et à son épouse, Mme [A], un corps de bâtiment à réhabiliter en maison d'habitation.

2. Constatant que la charpente était infestée de parasites, les acquéreurs ont assigné leur venderesse en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l'obligation de délivrance, ainsi que sur celui de l'obligation de conseil et d'information.

3. [P] [V] étant décédé en cours d'instance, Mme [A], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille [Z] [V], a appelé en intervention forcée Mmes [U], [E] et [F] [V] et Mme [K], prise en sa qualité de représentante légale de son fils [D] [V].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [A] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'obligation de délivrance, ainsi que sur l'obligation d'information et de conseil, alors :

« 1°/ que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles ; qu'une construction, notamment si elle est destinée à l'habitation, doit avoir un toit ; que la cour d'appel devait donc rechercher si le bâtiment, dont la charpente était infestée par les termites et menaçait ruine de façon imminente, correspondait à un bâtiment susceptible d'être réhabilité pour être habité, qui constituait l'objet convenu lors de la vente ; qu'en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1611 du code civil ;

2°/ que le vendeur professionnel est tenu d'une obligation d'information et de conseil quant à l'état du bien vendu et aux difficultés que pourrait rencontrer l'acquéreur dans son utilisation, et doit ainsi lui signaler l'existence ou la possibilité d'une infestation par les termites ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, la société Bransol n'avait pas manqué à cette obligation ; qu'elle a ainsi violé les articles 1602 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que l'infestation parasitaire avait détruit les pièces principales de charpente et du solivage entraînant un risque d'effondrement et retenu qu'elle ne pouvait en conséquence constituer qu'un vice caché de la chose vendue.

6. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, que les demandes formées par Mme [A] tant sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance de la chose vendue que sur celui du manquement au devoir d'information ne pouvaient être accueillies.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Abgrall - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 1602, 1611 et 1104 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 8 décembre 1993, pourvoi n° 91-19.627, Bull. 1993, I, n° 362 (rejet), et les arrêts cités ; 3e Civ., 24 janvier 1996, pourvoi n° 94-10.551, Bull. 1996, III, n° 27 (cassation), et les arrêts cités ; 3e Civ., 1er octobre 1997, pourvoi n° 95-22.263, Bull. 1997, III, n° 181 (cassation), et les arrêts cités.

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 21-15.650, (B), FS

Cassation sans renvoi

Vente aux enchères publiques – Vente volontaire de meubles aux enchères publiques – Définition – Applications diverses – Vente autorisée par le juge des tutelles

Il résulte des articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022, qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires.

Vente aux enchères publiques – Vente judiciaire – Définition – Exclusion – Applications diverses – Vente autorisée par le juge des tutelles

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), par ordonnance du 6 juin 2016, un juge des tutelles a autorisé M. [P], en sa qualité de tuteur de Mme [C] [S], à confier la vente de la collection d'oeuvres d'[U] et [B] [V], appartenant en indivision à la majeure protégée et à son fils, M. [I] [S], à la société Artcurial, opérateur de ventes volontaires, selon le mandat de vente annexé et par vente aux enchères volontaire, au prix minimum fixé par oeuvre dans ce mandat.

2. Prétendant que la société Artcurial avait commis une faute en procédant à la vente volontaire de ces oeuvres et violé le monopole des commissaires-priseurs judiciaires, la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires l'ont assignée en paiement de dommages et intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Artcurial fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, alors « que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la chambre de discipline de la compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000, ensemble, l'article 505 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022 :

4. Il résulte de ces textes qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires.

5. Pour condamner la société Artcurial au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la vente initiée par le tuteur et autorisée par le juge des tutelles, qui prescrit d'y procéder sous la forme d'une vente aux enchères, est une vente judiciaire et que la société Artcurial a commis une faute en choisissant de procéder à une vente volontaire.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. La vente aux enchères publiques des oeuvres d'art, propriété indivise de la personne protégée et de son fils, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, constituant une vente volontaire, la société Artcurial n'a pas commis de faute en y procédant.

10. Le jugement doit donc être confirmé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du 5 septembre 2018.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Beauvois - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 ; article 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 29 novembre 2005, pourvoi n° 03-17.623, Bull. 2005, I, n° 450 (cassation).

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