Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

USUFRUIT

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 21-13.966, (B), FS

Cassation partielle

Droits de l'usufruitier – Droit de jouissance – Usufruit constitué à titre viager – Extinction – Décès du donateur – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2021), [F] [W] a consenti, le 19 octobre 1983, à Mmes [I], [L] et M. [E] [S], ses trois enfants, une donation portant sur la nue-propriété de ses droits sur deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec [E] [S], son époux prédécédé, et, le 5 juillet 2013, à son fils [E], une donation portant sur l'usufruit de ces immeubles dont elle était titulaire, pour moitié, pour se l'être réservé à la suite de la première donation, et à concurrence de l'autre moitié, en qualité de donataire de la totalité de l'usufruit des biens dépendant de la succession de son époux.

2. [F] [W] est décédée le 13 juillet 2014, en laissant pour lui succéder ses trois enfants.

3. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage des successions, Mmes [I] et [L] [S] ont assigné leur frère en partage de l'indivision successorale et en paiement d'une indemnité au titre de l'occupation des immeubles.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [I] [S] fait grief à l'arrêt de dire que M. [E] [S], en sa qualité d'usufruitier des deux immeubles successoraux, n'est débiteur d'aucune indemnité d'occupation envers les successions de [E] [S] et [F] [W], et de rejeter en conséquence sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation desdits immeubles, alors « que l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier ; qu'en cas de donation par l'usufruitier de son droit, l'usufruit s'éteint à la mort du donateur et non du donataire ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que [F] [W] était usufruitière de deux immeubles dépendant de la communauté conjugale formée avec feu [E] [S], d'une part, pour avoir opté au décès de ce dernier pour l'usufruit de l'universalité des biens de sa succession, d'autre part, pour avoir donné, par acte du 19 octobre 1983, la nue-propriété de ses droits sur ces deux immeubles à ses trois enfants ; que par acte du 5 juillet 2013, [F] [W] a ensuite fait donation de l'usufruit sur ces deux immeubles à son fils M. [E] [S] ; qu'il devait s'en déduire que [F] [W], qui n'avait pas pu transmettre plus de droits qu'elle n'en avait, avait fait donation de l'usufruit qui était constitué sur sa tête et qui avait vocation à s'éteindre à son décès et non à celui de M. [E] [S] ; qu'en jugeant au contraire que le décès de [F] [W] n'avait pas mis fin à l'usufruit qu'elle avait donné de son vivant à M. [E] [S], la cour d'appel a violé les articles 595 et 617 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 595, alinéa 1, et 617 du code civil :

5. Aux termes du premier de ces textes, l'usufruitier peut céder son droit à titre gratuit.

6. Selon le second, l'usufruit s'éteint notamment par la mort de l'usufruitier.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de donation d'un usufruit déjà constitué à titre viager, l'usufruit s'éteint à la mort du donateur et non du donataire.

8. Pour rejeter la demande d'indemnité d'occupation formée par Mmes [I] et [L] [S] à l'encontre de M. [E] [S], l'arrêt retient que l'usufruit donné le 5 juillet 2013 se serait éteint à la mort de [F] [W] si celle-ci n'en avait pas fait donation à son fils de son vivant et que, si les trois enfants étaient nus-propriétaires des immeubles, M. [E] [S] disposait de la totalité de l'usufruit.

9. En statuant ainsi, alors que l'usufruit viager donné, qui avait été constitué au bénéfice de [F] [W], s'était éteint à son décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [E] [S], en sa qualité d'usufruitier des deux immeubles successoraux sis à [Localité 4] (34) cadastrés [Cadastre 1] et [Cadastre 2], n'est débiteur envers les successions de [E] [S] et [F] [W] d'aucune indemnité d'occupation et, en conséquence, déboute Mmes [I] et [L] [S] de leur demande de fixation d'une indemnité au titre de l'occupation desdits immeubles, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade ; Me Balat -

Textes visés :

Articles 595, alinéa 1, et 617 du code civil.

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