Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

UNION EUROPEENNE

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 21-17.092, (B), FRH

Rejet

Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions – Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 – Décisions susceptibles de reconnaissance et d'exécution – Exclusion – Article 45 – Décisions rendus en méconnaissance des compétences exclusives – Cas – Validité des inscriptions sur les registres publics – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mars 2021), la société Barclay Pharmaceuticals a diligenté une saisie conservatoire de droits d'associés et de valeurs mobilières de la SCI Le Montfort, en vertu d'une ordonnance de la High Court of Justice du 22 juin 2018 désignant M. [B], son débiteur, comme le propriétaire réel de ces actifs, fictivement détenus par son épouse, Mme [E].

2. M. [B] et Mme [E] ont saisi le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance en contestation de cette saisie.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes en contestation de la saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquée le 1er février 2019 entre les mains de la société civile immobilière (SCI) Montfort, alors « qu'en application de l'article 45 du règlement (UE) du Parlement et du conseil n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, la reconnaissance d'une décision est refusée si elle méconnaît la compétence exclusive des juridictions d'un autre État membre ; que l'article 24, alinéa 1, du même règlement dispose que « sont seules compétentes les juridictions ci-après d'un État membre, sans considération de domicile des parties », [...] et l'alinéa 1, § 3, « en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus » ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris de ce que la titularité des parts d'une société civile faisant l'objet d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés, la juridiction anglaise était incompétente pour dire que M. [B] était le véritable propriétaire des parts de la SCI Le Monfort en dépit de la mention de Mme [E], épouse [B], comme propriétaire de ces parts, que la demande formulée devant le juge anglais n'a pas trait à la validité des inscriptions sur les registres publics tout en constatant que le jugement anglais du 22 juin 2018 avait pour effet de transférer la propriété des parts de la SCI Le Monfort de leur titulaire apparent, Mm [E], épouse [B], à M. [B], jugé être leur propriétaire réel, de sorte que le jugement mettait en cause la validité des mentions du registre du commerce et des sociétés français, la cour d'appel a violé les articles 45 et 24 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

5. Si, en vertu de l'article 45 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la reconnaissance est refusée aux décisions rendues en méconnaissance des compétences exclusives et si, selon l'article 24, § 3, sont exclusivement compétentes, en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus, cette règle ne concerne que le contentieux de la validité formelle des inscriptions, liée au droit de l'État détenteur du registre.

6. Ayant retenu que la décision du juge anglais, portant sur la propriété réelle des parts sociales détenues en apparence par Mme [B], ne concernait pas la validité des inscriptions au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 45 et 24, § 3, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012.

Com., 25 janvier 2023, n° 20-16.580, (B), FRH

Rejet

Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 – Droits d'accise – Exigibilité – Sortie d'un régime de suspension de droits – Sortie irrégulière – Définition

Il résulte des dispositions des articles 7, §§ 1, 2, sous a), 4 et 10, §§ 1 et 6, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation qui s'entend, notamment, de la sortie, même irrégulière, de produits soumis à accise d'un régime de suspension de droits et que, lorsqu'une irrégularité a été commise entraînant la mise à la consommation de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, la mise à la consommation a lieu dans l'État membre où l'irrégularité a été commise. L'irrégularité correspond à une situation qui se produit au cours d'un mouvement de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, autre que celle de la destruction totale ou la perte irrémédiable visée à l'article 7, § 4, de ladite directive.

Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 – Droits d'accise – Exigibilité – Mise à la consommation – Sortie d'un régime de suspension de droits – Sortie irrégulière – Lieu de la mise à la consommation – Détermination

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 27 mars 2019 et 3 mars 2020) et les productions, la société Maison Prunier (la société Prunier), titulaire du statut d'entrepositaire agréé négociant, fabrique et commercialise des spiritueux. A la suite d'un contrôle de son entrepôt, l'administration des douanes lui a notifié des infractions à la réglementation sur les contributions indirectes en raison de l'existence de « manquants ».

2. Après l'émission d'un avis de mise en recouvrement (AMR) et le rejet de sa contestation, la société Prunier a saisi le tribunal de grande instance afin de voir annuler la procédure diligentée par l'administration des douanes ainsi que l'AMR litigieux.

3. Le 31 mai 2017, l'administration des douanes a interjeté appel du jugement du tribunal du 10 avril 2017 ayant annulé la procédure et l'AMR et dit que la société Punier n'était pas redevable des sommes réclamées par l'administration des douanes.

4. Le 21 octobre 2018, la société Prunier a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé l'irrecevabilité de ses conclusions et son irrecevabilité à conclure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Prunier fait grief à l'arrêt du 27 mars 2019 de déclarer irrecevables les conclusions qu'elle a signifiées le 29 janvier 2018 et de dire qu'elle est irrecevable à conclure, à former appel incident et à communiquer des pièces dans l'instance d'appel, alors :

« 1°/ que, pour un contentieux relatif à des contributions indirectes, l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, sous réserve de l'application des dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales ; que l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 prévoit expressément que le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense ; que cette règle spéciale de délai de communication des conclusions est applicable par préférence aux règles de droit commun du code de procédure civile ; qu'en estimant néanmoins que les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, qui donnent à l'intimé un délai de trois mois pour conclure, s'imposaient, la cour d'appel a violé ledit article 909 du code de procédure civile par fausse application et les articles R.* 202-2, alinéa 4, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales par refus d'application ;

2°/ que, pour un contentieux relatif à des contributions indirectes, l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, sous réserve de l'application des dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales ; que l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 prévoit expressément que le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense ; qu'il appartient alors au juge d'exercer son office en accordant aux parties les délais effectivement nécessaires pour présenter leur défense ; qu'en l'espèce, en estimant que la lettre du greffe de notification de la déclaration d'appel rappelant à la société intimée la règle de l'article 909 du code de procédure civile pour présenter sa défense, à savoir à l'époque deux mois, était conforme à l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales, quand il appartenait au juge de ne pas se borner à réitérer l'article 909 du code de procédure civile mais à fixer lui-même les délais nécessaires aux parties pour présenter leur défense, la cour d'appel a violé l'article 909 du code de procédure civile par fausse application et les articles R.* 202-2, alinéa 4, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales par refus d'application. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles R.* 202-2, alinéa 4, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, et R.* 202-6 du même livre que la disposition selon laquelle, par dérogation aux règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, il est accordé aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense, n'est applicable, devant la cour d'appel, qu'à l'égard des avocats constitués.

8. Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe.

9. L'arrêt relève que l'administration des douanes a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Prunier le 24 juillet 2017 et que cette dernière n'a constitué avocat que le 23 novembre 2017 et n'a notifié ses conclusions que le 29 janvier 2018.

10. Il en résulte qu'à la date à laquelle avait expiré le délai qui lui était imparti à l'article 909 du code de procédure civile, la société Prunier, qui était mal fondée à invoquer la violation de l'article R.* 202-2, alinéa 4, du livre des procédures fiscales, inapplicable faute de constitution d'avocat avant cette date, n'était plus recevable à déposer des conclusions.

11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La société Prunier fait grief à l'arrêt du 3 mars 2020 de déclarer valide l'AMR du 29 septembre 2014, alors « que le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de sa directive ; que si une disposition du droit interne est contraire aux dispositions inconditionnelles et précises d'une directive, le juge national doit l'écarter ; que l'article 7, § 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise dispose que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation ; qu'en appliquant l'article 302 D, I, 1, 2° bis, du code général des impôts, qui rend exigibles les droits d'accises lors de la constatation de manquants, qui est pourtant contraire à l'article 7 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008, qui dispose que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et ne prévoit pas de cas d'exigibilité visant les manquants, la cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ensemble l'article 7 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. L'administration des douanes conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau.

14. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

Bien fondé du moyen

15. Il résulte des dispositions des articles 7, §§ 1, 2, sous a), 4 et 10, §§ 1 et 6, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l'État membre où celle-ci s'effectue, que la « mise à la consommation » s'entend, notamment, de la sortie, y compris la sortie irrégulière, de produits soumis à accise d'un régime de suspension de droits et que lorsqu'une irrégularité a été commise, entraînant la mise à la consommation de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, la mise à la consommation a lieu dans l'État membre où l'irrégularité a été commise. Il en ressort également qu'une « irrégularité » correspond à une situation qui se produit au cours d'un mouvement de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, autre que celle de la destruction totale ou de la perte irrémédiable visée à l'article 7, § 4, en raison de laquelle ce mouvement ou une partie de ce mouvement de produits soumis à accise n'a pas pris fin conformément à l'article 20, § 2, de ladite directive.

16. La Cour de justice de l'Union européenne juge, d'une part, que la constatation de manquants lors de la livraison de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits révèle une situation nécessairement passée au cours de laquelle les produits manquants n'ont pas fait l'objet de cette livraison et dont le mouvement n'a, dès lors, pas pris fin conformément à l'article 20, § 2, de la directive 2008/118/CE. Cette situation constitue en conséquence une irrégularité au sens de l'article 10, § 6, de cette directive. Une irrégularité de cette nature entraîne nécessairement une sortie du régime de suspension de droits et, par suite, une mise à la consommation telle que présumée conformément à l'article 7, § 2, sous a), de ladite directive. Elle juge, d'autre part, que l'irrégularité que régit l'article 10, § 2, de la directive 2008/118/CE vise une situation autre que celle visée à l'article 7, § 4, de cette directive, c'est-à-dire autre que celle de la « destruction totale ou [de] la perte irrémédiable de produits soumis à accise » (CJUE, arrêt du 28 janvier 2016, BP Europa, C-64/15, points 43 et 45).

17. Le moyen, qui postule que la directive 2008/118/CE ne prévoit pas que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la constatation de manquants, n'est donc pas fondé.

18. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur la première des questions dont la société demande le renvoi à la Cour de justice, la seconde question n'ayant pas à être posée dès lors qu'aucun moyen n'a été soulevé dont l'examen nécessiterait d'en avoir la réponse, il n'y pas lieu de saisir la Cour de justice de ces questions préjudicielles.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R.* 202-2, alinéa 4, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales ; articles 7, §§ 1, 2, sous a), 4 et 10, §§ 1 et 6, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-14.107, (B), FS

Rejet

Sécurité sociale – Assurances sociales – Vieillesse – Directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 – Article 65, IX, de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 – Applicabilité – Effets – Majoration pour enfant de la pension de retraite – Cas – Pluralité de régimes – Avocat

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.777), par lettre du 16 mars 2011, M. [C] (l'assuré), avocat, a demandé à bénéficier au titre de l'éducation de son fils, né le 5 janvier 2007, de quatre trimestres de majoration d'assurance vieillesse.

2. La Caisse nationale des barreaux français (la CNBF) lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 65-VIII de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, les dispositions de cette loi modifiant les articles L. 351-4 et L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3, du code de la sécurité sociale sont applicables aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010 ; que selon le paragraphe IX du même article, « Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai mentionné au précédent alinéa est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant » ; que ces dispositions légales subordonnant le droit aux majorations de durée d'assurance du père d'un enfant né ou adopté après le 1er juillet 2006 et avant le 1er janvier 2010 à la démonstration dans un délai contraint de ce qu'il a pourvu seul à l'éducation de l'enfant sont d'application immédiate ; qu'il s'ensuit que, tenu de satisfaire dans le délai ainsi fixé aux exigences légales, le père assuré est recevable à en contester la compatibilité avec le droit de l'Union sans attendre la liquidation de sa pension de vieillesse ; que tel est le cas de l'assuré, né le 4 septembre 1967 et père d'un enfant né le 5 janvier 2007 ; qu'en retenant pour le débouter de sa demande qu'«... il résulte de ce texte même que la disposition en cause est une disposition transitoire et que, à la date à laquelle l'assuré a posé la question, il était impossible de prévoir quelles seraient les dispositions applicables à la date à laquelle l'intéressé serait susceptible de faire valoir ses droits à la retraite », et encore que «... l'assuré fonde son argumentation sur l'article 65 IX de la loi de 2009 alors que, au moment de la demande qu'il a formée (16 mars 2011), c'est la version précitée de l'article L. 354-1 du code de la sécurité sociale qui était applicable » pour conclure que « L'assuré n'est pas fondé à demander d'écarter l'application d'un texte qui ne s'applique pas comme il le prétend » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions transitoires susvisées, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que l'article 65-IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit que pour les enfants nés et adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations attribuées pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption sont attribuées à la mère sauf si le père de l'enfant apporte la preuve qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ; qu'en retenant, pour conclure à la conformité de cette mesure au droit de l'Union, «... que, parmi les avocats, les rémunérations des femmes, en ce compris les pensions, sont nettement inférieures à celles des hommes et dans des proportions telles qu'il ne saurait être reproché à une réglementation de sécurité sociale d'envisager des mesures pour y remédier, notamment en faveur des femmes ayant eu puis élevé des enfants, plus particulièrement susceptibles de se trouver en situation de désavantage » et que l'article 65-IX «... répond à cette double préoccupation... dans le souci de mieux concilier l'emploi / l'occupation professionnelle des femmes et leur rôle principal, en moyenne, dans l'éducation des enfants » la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni en quoi les mesures adoptées, consistant en l'allocation aux mères de famille d'une bonification au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite, faciliterait l'exercice de leur activité professionnelle par les avocates, ni en quoi elle préviendrait ou compenserait l'inégalité de rémunération qu'elle a constatée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ;

3°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que tel n'est pas le cas, peu important leur caractère transitoire, des dispositions de l'article 65-IX de la loi du 24 décembre 2009, qui se bornent à accorder aux femmes ayant la qualité de mère une bonification d'ancienneté au moment de leur départ à la retraite, qui ne sont pas de nature à faciliter l'exercice de leur activité professionnelle, ni à compenser avec la cohérence requise les désavantages de carrière résultant éventuellement pour elles du temps consacré à l'éducation des enfants ; qu'en opposant à l'assuré, pour rejeter sa demande tendant à bénéficier des majorations de durée d'assurance prévues par la loi, ces dispositions discriminatoires, la cour d'appel a violé les articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ;

4°/ qu'en se fondant sur le caractère transitoire de ces dispositions quand, concernant les prestations de vieillesse servies en conséquence de périodes travaillées et cotisées, toute modification législative devait respecter le principe d'égalité de traitement sans en différer les effets par des mesures transitoires, la cour d'appel a violé derechef les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

4. L'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) impose aux États membres d'assurer l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, la rémunération devant s'entendre comme intégrant les avantages directs et indirects se rattachant à l'activité.

5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, relèvent de la notion de « rémunération », au sens de l'article 157, § 2, du TFUE, les pensions qui sont fonction de la relation d'emploi unissant le travailleur à l'employeur, à l'exclusion de celles découlant d'un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et, éventuellement, les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction d'une telle relation d'emploi que de considérations de politique sociale. Ainsi, ne sauraient être inclus dans la notion de « rémunération » les régimes ou les prestations de sécurité sociale, comme les pensions de retraite, réglés directement par la loi, à l'exclusion de tout élément de concertation au sein de l'entreprise ou de la branche professionnelle intéressée et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs (CJUE, arrêt du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C-385/11 ; CJUE, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social, C-450/18).

6. La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (directive 2006/54) définit le terme « rémunération » de la même manière que l'article 157 du TFUE et précise que le principe de l'égalité de traitement s'applique aux régimes professionnels de sécurité sociale, définis comme étant les régimes non régis par la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative.

7. Pour l'application de l'article 157 du TFUE et de la directive 2006/54, sont déterminants les critères tirés de ce que la prestation litigieuse trouve son origine dans l'affiliation à un régime visant une catégorie particulière de travailleurs, salariés ou indépendants, que la pension versée est directement fonction du temps de service accompli et que son montant est calculé sur la base du dernier traitement (CJCE, arrêt du 28 septembre 1994, Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds/Beune, C-7/93 ; CJUE, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne, C-192/18).

8. L'article 65 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 a modifié le régime de la majoration de durée d'assurance pour enfants, pour les pensions prenant effet à compter du 1er avril 2010, en distinguant la majoration attribuée aux mères au titre de l'incidence de la maternité sur leur vie professionnelle (article L. 351-4, I, du code de la sécurité sociale) et les majorations auxquelles le père et/ou la mère, assurés sociaux, peuvent prétendre sous certaines conditions, pour chaque enfant mineur, au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption (article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale) ainsi que pour chaque enfant adopté durant sa minorité, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de l'accueil de l'enfant (article L. 351-4, III, du code de la sécurité sociale).

9. Le IX de l'article 65 précité dispose que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er décembre 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère, sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi du 24 décembre 2009, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai précité est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant.

10. Ce texte s'insère dans le livre troisième du code de la sécurité sociale qui traite des dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général.

11. Ainsi, l'avantage prévu par ce texte relève d'un régime légal de sécurité sociale qui n'intéresse pas qu'une catégorie particulière de travailleurs.

Par ailleurs, même s'il a pour effet de majorer la durée d'assurance, en tant qu'avantage non contributif, il ne dépend pas du temps de service accompli mais du fait pour un assuré social d'avoir éduqué un enfant pendant le temps et aux conditions qu'il prévoit, de sorte qu'il obéit essentiellement à des considérations de politique sociale.

12. Cet avantage est applicable depuis la loi du 24 décembre 2009 précitée au régime des avocats en vertu de l'article L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3, du code de la sécurité sociale, qui prévoit que les assurés de ce régime, qu'ils exercent à titre libéral ou en qualité de salarié, bénéficient des dispositions prévues à l'article L. 351-4, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime.

13. Le régime d'assurance vieillesse de base des avocats auquel l'avantage s'applique revêt le caractère d'un régime obligatoire directement réglé par la loi.

En effet, aux termes de l'article L. 723-1, devenu L. 651-1, du code de la sécurité sociale, sont affiliés de plein droit à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et tous les avocats et avocats stagiaires en activité dans les barreaux de la métropole et des collectivités mentionnées à l'article L. 751-1.

14. Par ailleurs, selon les articles L. 652-6 et suivants du code de la sécurité sociale, le régime d'assurance vieillesse de base des avocats n'est pas financé exclusivement par les cotisations de ses affiliés, mais également, pour un tiers, à des fins de solidarité, par les droits alloués aux avocats pour la plaidoirie et perçus par eux, au titre de leur activité propre comme de celle des salariés qu'ils emploient, et par une contribution équivalente aux droits de plaidoirie due par les avocats dont l'activité principale n'est pas la plaidoirie et dont les montants sont déterminés par les articles R. 652-26 et suivants du même code. Ainsi, ce mode de financement répond notamment à des considérations de politique sociale.

15. Enfin, selon les articles R. 653-1 et R. 653-7 du code de la sécurité sociale, pour les avocats pouvant justifier, dans le régime des avocats et dans un ou plusieurs autres régimes d'assurance vieillesse de base, de la durée d'assurance fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est déterminé selon le nombre de trimestres d'assurance validés par la CNBF et, si ce nombre est au moins égal à la durée d'assurance telle qu'elle résulte de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est égal à un montant forfaitaire, déterminé annuellement par l'assemblée générale de la CNBF.

Le montant de la pension de base ne se rattache donc pas à la rémunération perçue par l'assuré au cours de sa période d'activité.

16. Il en résulte que le régime des avocats ne répond pas aux critères fixés par la jurisprudence de la CJUE pour être qualifié de régime professionnel au sens de l'article 157 du TFUE et de la directive 2006/54.

17. Par ailleurs, la majoration de durée d'assurance pour enfants n'est pas nécessairement attribuée aux avocats bénéficiaires par le régime qui leur est propre.

En effet, selon les articles R. 653-4 et R. 653-5 du code de la sécurité sociale, pour les avocats exerçant à titre libéral et pour les avocats salariés, sont comptées comme périodes d'assurance dans le régime des avocats les périodes attribuées au titre des majorations de durée d'assurance pour enfants mentionnées à l'article L. 351-4, lorsque l'assuré n'a relevé d'aucun autre régime que celui de la CNBF, ou lorsque celle-ci a compétence pour attribuer ces majorations en application de l'article R. 173-15.

Selon ce dernier texte, les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses.

L'avantage litigieux ne trouve donc pas son origine dans l'affiliation au régime des avocats.

18. Dès lors, l'avantage prévu par l'article 65, IX, de la loi du 24 décembre 2009, tel qu'applicable au régime des avocats, ne relève pas de la notion de « rémunération » au sens de l'article 157, §§ 1 et 2, du TFUE, ni de la directive 2006/54 précitée, mais constitue un avantage familial qui entre dans le champ d'application de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, applicable aux régimes légaux de sécurité sociale qui assurent une protection notamment contre le risque vieillesse (la directive 79/7).

19. En vertu de l'article 4, § 1, de la directive 79/7, le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment à l'état matrimonial ou familial, en ce qui concerne le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour enfant à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

20. Cette directive prévoit, toutefois, en son article 7, 1, b/, qu'elle ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants et l'acquisition de droits à prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants.

21. Selon la jurisprudence de la CJUE, les exceptions prévues à cet article 7, 1, poursuivant l'objectif d'une élimination progressive des disparités de traitement, sont d'interprétation stricte et ne peuvent s'appliquer qu'aux modifications de mesures préexistantes relevant de cette dérogation (CJCE, arrêt du 7 juillet 1994, Bramhill/Chief Adjudication Officer, C-420/92 ; CJUE, arrêt du 23 mai 2000, Hepple e.a, C-196/98).

22. L'arrêt rappelle qu'à titre transitoire, pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale est attribuée à la mère et que le père peut y prétendre à la condition de rapporter la preuve qu'il a élevé seul son ou ses enfants pendant une certaine durée.

23. S'appliquant à un avantage accordé en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants, la disposition en cause relève de la dérogation prévue à l'article 7, 1, b/, de la directive 79/7 précitée, en ce qu'elle organise, pour une période transitoire, selon la date de naissance de l'enfant, les conditions d'application de la majoration de durée d'assurance en raison de l'incidence sur la carrière professionnelle de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption et contribue à réduire l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes résultant de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, qui avait maintenu exclusivement aux femmes assurées sociales le bénéfice de cet avantage, créé par la loi n° 71-1132 du 31 décembre 1971, en permettant aux hommes ayant élevé seul leur enfant d'en bénéficier.

24. L'arrêt constate que l'assuré n'a pas prétendu avoir élevé seul l'enfant du couple durant tout ou partie des quatre années qui ont suivi sa naissance.

Il en résulte qu'il ne pouvait prétendre à la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale.

25. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

26. L'assuré demande que soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « Dire si l'article 157 du TFUE et le cas échéant les directives 2006/54 et 79/7 s'opposent à une disposition telle que l'article 65 IX de la loi du 24 décembre 2009 modifiant l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale qui, pour les naissances antérieures au 1er janvier 2010, attribue outre les quatre trimestres de naissance, quatre trimestres de majoration d'éducation à la mère sauf si le père prouve qu'il a élevé seul son enfant dans les quatre années suivant sa naissance s'il en a fait la demande dans l'année suivant la publication de la loi au motif de rétablir à titre transitoire l'équilibre en faveur des avocates résultant de ce qu'elles ont déclaré 51 % de moins de revenus que les hommes, alors que l'adéquation de cet avantage portant sur la date ou l'âge de départ à la retraite avec l'objectif de compensation du montant des pensions de retraite n'est pas établi, et qu'il est octroyé au moment du départ à la retraite sans porter remède aux inconvénients invoqués résultant de l'éducation des enfants pendant la carrière au sens de la jurisprudence fondée sur le § 4 de l'article 157 précité ? »

27. Il résulte de l'article 267, alinéa 3, du TFUE, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente, qu'elle est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue, que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C-160/14, points 38 et 39 ; CJUE, arrêt du 28 juillet 2016, association France nature environnement, C-379/15, point 50 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission/France, C-416/17, point 110).

28. Il résulte des motifs exposés aux paragraphes 4 à 24, ci-dessus, que la question soulevée n'est pas pertinente.

29. Il n'y a pas lieu, dès lors, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 65, IX, de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ; directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 ; article 157, §§ 1 et 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-13.487, (B), FRH

Cassation partielle

Sécurité sociale – Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 – Domaine – Assujetissement à un régime de sécurité sociale – Conditions – Office du juge

Selon l'article 13, § 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat membre de résidence si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre ou à la législation de l'Etat membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'Etat membre de résidence.

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui retient que les chauffeurs routiers de nationalité portugaise employés par une société française sont soumis à un régime de sécurité sociale français sans rechercher si ces salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs Etats membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'Etat membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'il déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, laquelle avait vocation à continuer à s'appliquer aux salariés dans les conditions de l'article 87, § 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004.

Sécurité sociale – Affiliation – Coordination des systèmes de sécurité sociale – Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2021), la société [5] (la société) a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2011 à 2013 par l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF), à la suite d'un constat de travail dissimulé dressé par procès-verbal du 19 janvier 2015 transmis par la gendarmerie nationale.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ qu'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entraîner l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal », sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

2°/ à titre subsidiaire, que l'article 13 § 1 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays », sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

3°/ que selon l'article 11 §3 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] », quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11, paragraphe 3, 13, paragraphe 1, et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 :

4. Selon le premier de ces textes, sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.

5. Selon le deuxième, dans sa rédaction initiale entrée en vigueur le 1er mai 2010, comme dans sa rédaction issue du règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, entré en vigueur le 28 juin 2012, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre, ou à la législation de l'État membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile, si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'État membre de résidence.

6. Selon le quatrième, aux fins de l'application de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004, une « partie substantielle d'une activité salariée ou non salariée » exercée dans un État membre signifie qu'une part quantitativement importante de l'ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu'il s'agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas d'une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. Dans le cadre d'une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % de ces critères indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné.

7. Il résulte du troisième, qui fixe les dispositions transitoires pour l'application du règlement (CE) n° 883/2004, que lorsque l'application de ce règlement conduit à déterminer une législation de sécurité sociale ne correspondant pas à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, le travailleur concerné continue d'être soumis à la législation à laquelle il était soumis en vertu de ce dernier règlement, sauf s'il demande que la législation résultant du règlement (CE) n° 883/2004 lui soit appliquée (CJUE, arrêt du 19 mai 2022, INAIL et INPS, C-33/21, point 67).

8. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante embauchés pour la plupart entre 2008 et 2010 et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. Il relève que les transferts de fonds entre les deux sociétés permettaient le financement de manière quasi exclusive du fonctionnement de la société sous-traitante, notamment le paiement des salaires.

9. L'arrêt retient également qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société sous-traitante basé au Portugal, dans la mesure où ces salariés sont nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs États membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'État membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'elle déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ qu'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 du code de procédure civile :

12. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

13. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants.

14. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 0090/2017 et 0209/2017, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 13, § 1, et 87, § 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; article 14 du code de procédure civile.

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