Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

SUCCESSION

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 21-13.151, (B), FS

Cassation partielle

Rapport – Libéralités rapportables – Donation portant sur un bien commun – Action en réduction – Prescription – Délai

Il résulte de la combinaison des articles 920, 1438 et 1439 du code civil que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu'à due proportion, à l'ouverture de chacune des successions des codonateurs.

Dès lors, l'action en simulation exercée par l'un des enfants communs en vue d'obtenir la réduction de la donation déguisée qu'elle vise à révéler peut, en application de l'article 921, alinéa 2, du même code, être exercée, à concurrence de la moitié de la donation, dans un délai de cinq ans à compter du décès du survivant des époux codonateurs.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 janvier 2021), [E] [X] et [C] [Z], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 6 octobre 2001 et 23 décembre 2013, en laissant pour leur succéder leurs enfants, [L], [G] et [I].

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

3. MM. [L] et [G] [Z] font grief à l'arrêt de fixer à 273 094,10 euros le montant total des liquidités ou sommes d'argent perçues du vivant des défunts que Mme [I] [Z] doit rapporter aux successions confondues de ses parents, alors « que le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil ; qu'en condamnant Mme [I] [Z] à rapporter aux successions confondues de ses parents la somme de 273 094,10 euros, celle-ci comprenant notamment la somme de 105 000 euros reçue en 2005/2006 pour « l'achat de son appartement [Adresse 3] », sans ordonner que le rapport soit calculé en fonction de la valeur du bien ainsi acquis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 860-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

5. Il est dès lors irrecevable.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Mme [I] [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables son action en déclaration de simulation ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes et de rejeter sa demande d'expertise aux fins de chiffrer ces gratifications ou avantages, alors « que la donation d'un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l'ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l'action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d'une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l'ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s'agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d'appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l'article 2262 ancien du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 920, 921, alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession.

8. Il résulte des deux derniers que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu'à due proportion, à l'ouverture de chacune des successions des co-donateurs.

9. Pour déclarer irrecevable l'action « en déclaration de simulation » intentée par Mme [I] [Z], l'arrêt retient que, les donations qu'elle a pour but de révéler portant sur des biens communs, sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001, date du décès de [E] [X], et après avoir relevé que le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite.

10. En statuant ainsi, alors que, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [Z] disposait d'un délai de cinq ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables l'action en déclaration de simulation engagée par Mme [I] [Z] ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par M. [G] [Z] et M. [L] [Z], à l'occasion de la constitution de la SCI Berlioz et des opérations de toute nature (achats de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants...) concernant la SARL Salsis et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d'expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société Salsis emballages et de la SCI Berlioz données à MM. [G] et [L] [Z], dans leur état au jour de la donation et leur valeur au jour du partage, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dard - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 920, 921, alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 24 novembre 1987, pourvoi n° 86-10.635, Bull. 1987, I, n° 309 (rejet) ; 1re Civ., 17 avril 2019, pourvoi n° 18-16.577, Bull., (cassation partielle).

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