Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 26 janvier 2023, n° 21-13.209, (B), FRH

Cassation

Prestations indues – Prestations supplémentaires servies au titre de l'action sanitaire et sociale – Dispense de remboursement de trop-perçu – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 janvier 2021), le 13 mars 2018, la caisse de mutualité sociale agricole de [Localité 3] (la caisse) a notifié à M. [C] (l'allocataire), bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, un indu au titre de la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2017, motif pris de l'attribution à compter du 12 juillet 2016 de l'allocation supplémentaire d'invalidité.

2. L'allocataire a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler l'indu et de la condamner, à ce titre, à rembourser à l'allocataire une certaine somme, alors « qu'en cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés ; qu'en se fondant sur ces dispositions pour exclure le remboursement par l'allocataire d'un trop-perçu au titre de l'allocation aux adultes handicapés, laquelle ne relève pas des prestations de retraite ou d'invalidité, la cour d'appel a violé l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale :

4. Aux termes de ce texte, en cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés.

5. Pour annuler l'indu d'allocation aux adultes handicapés portant sur la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2017, l'arrêt retient que les ressources de l'allocataire, dont la bonne foi n'est pas contestée par la caisse, sont inférieures au seuil fixé par l'article L. 655-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale [lire L. 355-3, alinéa 2].

6. En statuant ainsi, alors que la dispense de remboursement de trop-perçu instituée par l'article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale vise exclusivement les sommes indûment versées au titre des prestations légales de retraite et d'invalidité, et non les prestations servies au titre de l'aide sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-15.024, (B), FRH

Rejet

Vieillesse – Pension – Calcul – Salaire annuel moyen – Détermination – Année civile accomplie – Année d'entrée en jouissance de la pension (non)

Selon l'article R. 351-29 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par l'article R. 351-9 du même code et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré.

Pour l'application de ce texte, l'année d'entrée en jouissance de la pension, qui n'est pas une année civile accomplie, n'est pas prise en considération.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2021), M. [U] (l'assuré) a sollicité auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) l'attribution d'une pension de retraite personnelle à effet du 1er octobre 2015.

2. Contestant l'absence de prise en compte dans le calcul du salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension des trois premiers trimestres cotisés de l'année 2015, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors « que le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré ; que le salaire annuel moyen retenu pour le calcul de la pension de retraite doit être déterminé, pour les périodes d'activité inférieures à une année civile, au prorata de leur durée ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour la détermination du salaire annuel moyen servant de base de calcul de la pension de retraite de l'assuré, du salaire qu'il avait perçu au titre des trois premiers trimestres de l'année 2015 dans la mesure où l'intéressé, qui était entré en jouissance de sa pension à compter du 1er octobre 2015, de sorte que l'année civile 2015 n'avait pas été entièrement accomplie, la cour d'appel a violé les articles R. 351-1 et R. 351-29 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article R. 351-29 du code de la sécurité sociale, le salaire servant de base au calcul de la pension de retraite est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par l'article R. 351-9 et versées au cours des vingt-cinq années civiles d'assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré.

5. Pour l'application de ce texte, l'année d'entrée en jouissance de la pension, qui n'est pas une année civile accomplie, n'est pas prise en considération.

6. Ayant constaté que l'assuré est entré en jouissance de sa pension à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel en a exactement déduit que le salaire perçu au cours des trois trimestres validés au titre de l'année 2015 ne pouvait être pris en compte pour déterminer le salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension de retraite.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 351-9 et R. 351-29 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-14.107, (B), FS

Rejet

Vieillesse – Pension – Majoration pour enfants – Régime des avocats – Qualification – Avantage familial – Effets – Applicabilité aux hommes ayant élevé seuls leur enfant

L'avantage prévu par l'article 65, IX, de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, tel qu'applicable au régime des avocats, ne relève pas de la notion de « rémunération » au sens de l'article 157, §§ 1et 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ni de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, mais constitue un avantage familial qui entre dans le champ d'application de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, applicable aux régimes légaux de sécurité sociale.

L'article 65, IX, de la loi n° 2009-1646 précité, relève de la dérogation prévue à l'article 7, 1, b, de la directive 79/7/CEE précitée, en ce que s'appliquant à un avantage accordé en matière d'assurance vieillesse aux personnes ayant élevé un enfant, elle organise, pour une période transitoire, selon la date de naissance de l'enfant, les conditions d'application de la majoration de durée d'assurance en raison de l'incidence sur la carrière professionnelle de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption et contribue à réduire l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes résultant de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, qui avait maintenu exclusivement aux femmes assurées sociales le bénéfice de cet avantage, en permettant aux hommes ayant élevé seul leur enfant d'en bénéficier.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.777), par lettre du 16 mars 2011, M. [C] (l'assuré), avocat, a demandé à bénéficier au titre de l'éducation de son fils, né le 5 janvier 2007, de quatre trimestres de majoration d'assurance vieillesse.

2. La Caisse nationale des barreaux français (la CNBF) lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 65-VIII de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, les dispositions de cette loi modifiant les articles L. 351-4 et L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3, du code de la sécurité sociale sont applicables aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010 ; que selon le paragraphe IX du même article, « Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai mentionné au précédent alinéa est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant » ; que ces dispositions légales subordonnant le droit aux majorations de durée d'assurance du père d'un enfant né ou adopté après le 1er juillet 2006 et avant le 1er janvier 2010 à la démonstration dans un délai contraint de ce qu'il a pourvu seul à l'éducation de l'enfant sont d'application immédiate ; qu'il s'ensuit que, tenu de satisfaire dans le délai ainsi fixé aux exigences légales, le père assuré est recevable à en contester la compatibilité avec le droit de l'Union sans attendre la liquidation de sa pension de vieillesse ; que tel est le cas de l'assuré, né le 4 septembre 1967 et père d'un enfant né le 5 janvier 2007 ; qu'en retenant pour le débouter de sa demande qu'«... il résulte de ce texte même que la disposition en cause est une disposition transitoire et que, à la date à laquelle l'assuré a posé la question, il était impossible de prévoir quelles seraient les dispositions applicables à la date à laquelle l'intéressé serait susceptible de faire valoir ses droits à la retraite », et encore que «... l'assuré fonde son argumentation sur l'article 65 IX de la loi de 2009 alors que, au moment de la demande qu'il a formée (16 mars 2011), c'est la version précitée de l'article L. 354-1 du code de la sécurité sociale qui était applicable » pour conclure que « L'assuré n'est pas fondé à demander d'écarter l'application d'un texte qui ne s'applique pas comme il le prétend » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions transitoires susvisées, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que l'article 65-IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit que pour les enfants nés et adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations attribuées pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption sont attribuées à la mère sauf si le père de l'enfant apporte la preuve qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption ; qu'en retenant, pour conclure à la conformité de cette mesure au droit de l'Union, «... que, parmi les avocats, les rémunérations des femmes, en ce compris les pensions, sont nettement inférieures à celles des hommes et dans des proportions telles qu'il ne saurait être reproché à une réglementation de sécurité sociale d'envisager des mesures pour y remédier, notamment en faveur des femmes ayant eu puis élevé des enfants, plus particulièrement susceptibles de se trouver en situation de désavantage » et que l'article 65-IX «... répond à cette double préoccupation... dans le souci de mieux concilier l'emploi / l'occupation professionnelle des femmes et leur rôle principal, en moyenne, dans l'éducation des enfants » la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni en quoi les mesures adoptées, consistant en l'allocation aux mères de famille d'une bonification au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite, faciliterait l'exercice de leur activité professionnelle par les avocates, ni en quoi elle préviendrait ou compenserait l'inégalité de rémunération qu'elle a constatée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ;

3°/ que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre maintienne ou crée des mesures particulières pour faciliter l'accomplissement d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou pour prévenir ou compenser des inconvénients affectant la carrière à la condition que les moyens choisis soient aptes à atteindre l'objectif poursuivi par celle-ci et nécessaires à cet effet ; que tel n'est pas le cas, peu important leur caractère transitoire, des dispositions de l'article 65-IX de la loi du 24 décembre 2009, qui se bornent à accorder aux femmes ayant la qualité de mère une bonification d'ancienneté au moment de leur départ à la retraite, qui ne sont pas de nature à faciliter l'exercice de leur activité professionnelle, ni à compenser avec la cohérence requise les désavantages de carrière résultant éventuellement pour elles du temps consacré à l'éducation des enfants ; qu'en opposant à l'assuré, pour rejeter sa demande tendant à bénéficier des majorations de durée d'assurance prévues par la loi, ces dispositions discriminatoires, la cour d'appel a violé les articles 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ;

4°/ qu'en se fondant sur le caractère transitoire de ces dispositions quand, concernant les prestations de vieillesse servies en conséquence de périodes travaillées et cotisées, toute modification législative devait respecter le principe d'égalité de traitement sans en différer les effets par des mesures transitoires, la cour d'appel a violé derechef les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

4. L'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) impose aux États membres d'assurer l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail, la rémunération devant s'entendre comme intégrant les avantages directs et indirects se rattachant à l'activité.

5. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, relèvent de la notion de « rémunération », au sens de l'article 157, § 2, du TFUE, les pensions qui sont fonction de la relation d'emploi unissant le travailleur à l'employeur, à l'exclusion de celles découlant d'un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et, éventuellement, les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction d'une telle relation d'emploi que de considérations de politique sociale. Ainsi, ne sauraient être inclus dans la notion de « rémunération » les régimes ou les prestations de sécurité sociale, comme les pensions de retraite, réglés directement par la loi, à l'exclusion de tout élément de concertation au sein de l'entreprise ou de la branche professionnelle intéressée et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs (CJUE, arrêt du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C-385/11 ; CJUE, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social, C-450/18).

6. La directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (directive 2006/54) définit le terme « rémunération » de la même manière que l'article 157 du TFUE et précise que le principe de l'égalité de traitement s'applique aux régimes professionnels de sécurité sociale, définis comme étant les régimes non régis par la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou indépendants, groupés dans le cadre d'une entreprise ou d'un groupement d'entreprises, d'une branche économique ou d'un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations destinées à compléter les prestations des régimes légaux de sécurité sociale ou à s'y substituer, que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire ou facultative.

7. Pour l'application de l'article 157 du TFUE et de la directive 2006/54, sont déterminants les critères tirés de ce que la prestation litigieuse trouve son origine dans l'affiliation à un régime visant une catégorie particulière de travailleurs, salariés ou indépendants, que la pension versée est directement fonction du temps de service accompli et que son montant est calculé sur la base du dernier traitement (CJCE, arrêt du 28 septembre 1994, Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds/Beune, C-7/93 ; CJUE, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne, C-192/18).

8. L'article 65 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 a modifié le régime de la majoration de durée d'assurance pour enfants, pour les pensions prenant effet à compter du 1er avril 2010, en distinguant la majoration attribuée aux mères au titre de l'incidence de la maternité sur leur vie professionnelle (article L. 351-4, I, du code de la sécurité sociale) et les majorations auxquelles le père et/ou la mère, assurés sociaux, peuvent prétendre sous certaines conditions, pour chaque enfant mineur, au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption (article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale) ainsi que pour chaque enfant adopté durant sa minorité, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de l'accueil de l'enfant (article L. 351-4, III, du code de la sécurité sociale).

9. Le IX de l'article 65 précité dispose que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er décembre 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère, sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi du 24 décembre 2009, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année. Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai précité est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l'adoption de l'enfant.

10. Ce texte s'insère dans le livre troisième du code de la sécurité sociale qui traite des dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général.

11. Ainsi, l'avantage prévu par ce texte relève d'un régime légal de sécurité sociale qui n'intéresse pas qu'une catégorie particulière de travailleurs.

Par ailleurs, même s'il a pour effet de majorer la durée d'assurance, en tant qu'avantage non contributif, il ne dépend pas du temps de service accompli mais du fait pour un assuré social d'avoir éduqué un enfant pendant le temps et aux conditions qu'il prévoit, de sorte qu'il obéit essentiellement à des considérations de politique sociale.

12. Cet avantage est applicable depuis la loi du 24 décembre 2009 précitée au régime des avocats en vertu de l'article L. 723-10-1-1, devenu L. 653-3, du code de la sécurité sociale, qui prévoit que les assurés de ce régime, qu'ils exercent à titre libéral ou en qualité de salarié, bénéficient des dispositions prévues à l'article L. 351-4, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime.

13. Le régime d'assurance vieillesse de base des avocats auquel l'avantage s'applique revêt le caractère d'un régime obligatoire directement réglé par la loi.

En effet, aux termes de l'article L. 723-1, devenu L. 651-1, du code de la sécurité sociale, sont affiliés de plein droit à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et tous les avocats et avocats stagiaires en activité dans les barreaux de la métropole et des collectivités mentionnées à l'article L. 751-1.

14. Par ailleurs, selon les articles L. 652-6 et suivants du code de la sécurité sociale, le régime d'assurance vieillesse de base des avocats n'est pas financé exclusivement par les cotisations de ses affiliés, mais également, pour un tiers, à des fins de solidarité, par les droits alloués aux avocats pour la plaidoirie et perçus par eux, au titre de leur activité propre comme de celle des salariés qu'ils emploient, et par une contribution équivalente aux droits de plaidoirie due par les avocats dont l'activité principale n'est pas la plaidoirie et dont les montants sont déterminés par les articles R. 652-26 et suivants du même code. Ainsi, ce mode de financement répond notamment à des considérations de politique sociale.

15. Enfin, selon les articles R. 653-1 et R. 653-7 du code de la sécurité sociale, pour les avocats pouvant justifier, dans le régime des avocats et dans un ou plusieurs autres régimes d'assurance vieillesse de base, de la durée d'assurance fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est déterminé selon le nombre de trimestres d'assurance validés par la CNBF et, si ce nombre est au moins égal à la durée d'assurance telle qu'elle résulte de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1, le montant de la pension de retraite est égal à un montant forfaitaire, déterminé annuellement par l'assemblée générale de la CNBF.

Le montant de la pension de base ne se rattache donc pas à la rémunération perçue par l'assuré au cours de sa période d'activité.

16. Il en résulte que le régime des avocats ne répond pas aux critères fixés par la jurisprudence de la CJUE pour être qualifié de régime professionnel au sens de l'article 157 du TFUE et de la directive 2006/54.

17. Par ailleurs, la majoration de durée d'assurance pour enfants n'est pas nécessairement attribuée aux avocats bénéficiaires par le régime qui leur est propre.

En effet, selon les articles R. 653-4 et R. 653-5 du code de la sécurité sociale, pour les avocats exerçant à titre libéral et pour les avocats salariés, sont comptées comme périodes d'assurance dans le régime des avocats les périodes attribuées au titre des majorations de durée d'assurance pour enfants mentionnées à l'article L. 351-4, lorsque l'assuré n'a relevé d'aucun autre régime que celui de la CNBF, ou lorsque celle-ci a compétence pour attribuer ces majorations en application de l'article R. 173-15.

Selon ce dernier texte, les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses.

L'avantage litigieux ne trouve donc pas son origine dans l'affiliation au régime des avocats.

18. Dès lors, l'avantage prévu par l'article 65, IX, de la loi du 24 décembre 2009, tel qu'applicable au régime des avocats, ne relève pas de la notion de « rémunération » au sens de l'article 157, §§ 1 et 2, du TFUE, ni de la directive 2006/54 précitée, mais constitue un avantage familial qui entre dans le champ d'application de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, applicable aux régimes légaux de sécurité sociale qui assurent une protection notamment contre le risque vieillesse (la directive 79/7).

19. En vertu de l'article 4, § 1, de la directive 79/7, le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment à l'état matrimonial ou familial, en ce qui concerne le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour enfant à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

20. Cette directive prévoit, toutefois, en son article 7, 1, b/, qu'elle ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants et l'acquisition de droits à prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants.

21. Selon la jurisprudence de la CJUE, les exceptions prévues à cet article 7, 1, poursuivant l'objectif d'une élimination progressive des disparités de traitement, sont d'interprétation stricte et ne peuvent s'appliquer qu'aux modifications de mesures préexistantes relevant de cette dérogation (CJCE, arrêt du 7 juillet 1994, Bramhill/Chief Adjudication Officer, C-420/92 ; CJUE, arrêt du 23 mai 2000, Hepple e.a, C-196/98).

22. L'arrêt rappelle qu'à titre transitoire, pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale est attribuée à la mère et que le père peut y prétendre à la condition de rapporter la preuve qu'il a élevé seul son ou ses enfants pendant une certaine durée.

23. S'appliquant à un avantage accordé en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants, la disposition en cause relève de la dérogation prévue à l'article 7, 1, b/, de la directive 79/7 précitée, en ce qu'elle organise, pour une période transitoire, selon la date de naissance de l'enfant, les conditions d'application de la majoration de durée d'assurance en raison de l'incidence sur la carrière professionnelle de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption et contribue à réduire l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes résultant de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, qui avait maintenu exclusivement aux femmes assurées sociales le bénéfice de cet avantage, créé par la loi n° 71-1132 du 31 décembre 1971, en permettant aux hommes ayant élevé seul leur enfant d'en bénéficier.

24. L'arrêt constate que l'assuré n'a pas prétendu avoir élevé seul l'enfant du couple durant tout ou partie des quatre années qui ont suivi sa naissance.

Il en résulte qu'il ne pouvait prétendre à la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4, II, du code de la sécurité sociale.

25. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

26. L'assuré demande que soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « Dire si l'article 157 du TFUE et le cas échéant les directives 2006/54 et 79/7 s'opposent à une disposition telle que l'article 65 IX de la loi du 24 décembre 2009 modifiant l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale qui, pour les naissances antérieures au 1er janvier 2010, attribue outre les quatre trimestres de naissance, quatre trimestres de majoration d'éducation à la mère sauf si le père prouve qu'il a élevé seul son enfant dans les quatre années suivant sa naissance s'il en a fait la demande dans l'année suivant la publication de la loi au motif de rétablir à titre transitoire l'équilibre en faveur des avocates résultant de ce qu'elles ont déclaré 51 % de moins de revenus que les hommes, alors que l'adéquation de cet avantage portant sur la date ou l'âge de départ à la retraite avec l'objectif de compensation du montant des pensions de retraite n'est pas établi, et qu'il est octroyé au moment du départ à la retraite sans porter remède aux inconvénients invoqués résultant de l'éducation des enfants pendant la carrière au sens de la jurisprudence fondée sur le § 4 de l'article 157 précité ? »

27. Il résulte de l'article 267, alinéa 3, du TFUE, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente, qu'elle est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue, que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C-160/14, points 38 et 39 ; CJUE, arrêt du 28 juillet 2016, association France nature environnement, C-379/15, point 50 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission/France, C-416/17, point 110).

28. Il résulte des motifs exposés aux paragraphes 4 à 24, ci-dessus, que la question soulevée n'est pas pertinente.

29. Il n'y a pas lieu, dès lors, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 65, IX, de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ; directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 ; article 157, §§ 1 et 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006.

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