Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

SECURITE SOCIALE, ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES

2e Civ., 26 janvier 2023, n° 21-13.577, (B), FS

Cassation partielle

Contribution de solidarité – Assujetissement – Personnes morales de droit public – Conditions – Activité concurrentielle

Selon l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour considérer qu'un établissement public foncier de l'Etat n'exerce pas une activité concurrentielle au sens de ce texte, n'a pas recherché si celui-ci exerçait une activité économique dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 janvier 2021), la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à l'[4], devenu l'Etablissement public foncier de Grand-Est (l'établissement public), une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés au titre de l'année 2015.

2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir la contestation de la mise en demeure et de rejeter ses demandes en paiement, alors :

« 1°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'un établissement public foncier exerce une activité concurrentielle s'il peut rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés qui peuvent réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'établissement public foncier était habilité à procéder à toutes acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement, qu'il pouvait effectuer les études et travaux nécessaires à leur accomplissement, qu'il pouvait exercer ses missions pour son compte ou pour celui de l'Etat et de ses établissements publics, ou pour des collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, et que dans ce dernier cas, les biens étaient rachetés dans un délai déterminé ; qu'en affirmant que l'établissement public foncier n'exerçait pas une activité concurrentielle sans rechercher, comme elle y était invitée, si dans le cadre de ses activités consistant notamment à faire des acquisitions foncières et des opérations immobilières, puis à rétrocéder éventuellement lesdits biens à des collectivités et à faire des études, l'établissement public foncier n'était pas en concurrence avec des opérateurs publics ou privés effectuant de opérations de même nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ;

2°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas en contradiction avec le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier soit placé dans une situation différente des autres opérateurs privés, notamment parce qu'il poursuit un objectif d'intérêt public en intervenant dans le cadre de programmes pluriannuels établis en fonction de finalités d'aménagement durables, de développement social urbain, de restructuration, de préservation des espaces naturels et agricoles, ou parce qu'il peut recourir à des procédures de puissance publique telles que l'expropriation ou les droits de préemption et de priorité ; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'établissement public n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ;

4°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas de nature à exclure le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier intervienne dans un contexte régional de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de la région et ses conditions d'utilisation du foncier, et que la situation diffère de la situation de l'Ile-de-France ; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'établissement public n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse :

4. Selon ce texte, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

5. Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.

6. Pour retenir que l'exercice d'une activité concurrentielle par l'établissement public n'est pas caractérisé, l'arrêt énonce qu'au regard des dispositions de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme et du décret n° 73-250 du 7 mars 1973 modifié portant création de l'Etablissement public foncier de Lorraine, celui-ci intervient dans le cadre de programmes pluriannuels établis en fonction des finalités d'aménagement durable, de développement social urbain, de restructuration, de préservation des espaces naturels et agricoles durable, au travers notamment du recours à des procédures de puissance publique. Il ajoute que cette intervention s'inscrit dans un contexte lorrain de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de cette région et les conditions d'utilisation du foncier. Il en déduit que l'établissement public est placé dans une situation différente des autres opérateurs, en particulier privés, et non concurrentielle avec ces derniers.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'établissement public exerçait une activité économique dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Jean-Philippe Caston -

Textes visés :

Article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.760, Bull. (rejet).

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