Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-13.487, (B), FRH

Cassation partielle

Assujettissement – Généralités – Affiliation des salariés au régime français de sécurité sociale – Salariés travaillant pour une entreprise française – Conditions – Office du juge

Cotisations – Recouvrement – Action en recouvrement – Conditions – Office du juge – Respect du contradictoire – Cas

Viole l'article 14 du code de procédure civile, la cour d'appel qui confirme le bien-fondé d'un redressement opéré par une URSSAF à l'encontre d'une société française sans avoir appelé en la cause les salariés intéressés ayant conclu un contrat de travail avec une société sous-traitante portugaise, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société française.

Assujettissement – Généralités – Redressement URSSAF – Qualification des relations de travail – Obligation de mise en cause des salariés

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2021), la société [5] (la société) a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2011 à 2013 par l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF), à la suite d'un constat de travail dissimulé dressé par procès-verbal du 19 janvier 2015 transmis par la gendarmerie nationale.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ qu'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entraîner l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal », sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

2°/ à titre subsidiaire, que l'article 13 § 1 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays », sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

3°/ que selon l'article 11 §3 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] », quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11, paragraphe 3, 13, paragraphe 1, et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 :

4. Selon le premier de ces textes, sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.

5. Selon le deuxième, dans sa rédaction initiale entrée en vigueur le 1er mai 2010, comme dans sa rédaction issue du règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, entré en vigueur le 28 juin 2012, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre, ou à la législation de l'État membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile, si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'État membre de résidence.

6. Selon le quatrième, aux fins de l'application de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004, une « partie substantielle d'une activité salariée ou non salariée » exercée dans un État membre signifie qu'une part quantitativement importante de l'ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu'il s'agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas d'une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. Dans le cadre d'une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % de ces critères indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné.

7. Il résulte du troisième, qui fixe les dispositions transitoires pour l'application du règlement (CE) n° 883/2004, que lorsque l'application de ce règlement conduit à déterminer une législation de sécurité sociale ne correspondant pas à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, le travailleur concerné continue d'être soumis à la législation à laquelle il était soumis en vertu de ce dernier règlement, sauf s'il demande que la législation résultant du règlement (CE) n° 883/2004 lui soit appliquée (CJUE, arrêt du 19 mai 2022, INAIL et INPS, C-33/21, point 67).

8. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante embauchés pour la plupart entre 2008 et 2010 et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. Il relève que les transferts de fonds entre les deux sociétés permettaient le financement de manière quasi exclusive du fonctionnement de la société sous-traitante, notamment le paiement des salaires.

9. L'arrêt retient également qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société sous-traitante basé au Portugal, dans la mesure où ces salariés sont nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs États membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'État membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'elle déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ qu'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 du code de procédure civile :

12. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

13. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants.

14. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 0090/2017 et 0209/2017, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 13, § 1, et 87, § 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; article 14 du code de procédure civile.

2e Civ., 26 janvier 2023, n° 21-13.209, (B), FRH

Cassation

Caisse – Créances – Dispense de remboursement de trop-perçu en matière de prestations légales de retraite et d'invalidité – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Prestations supplémentaires servies au titre de l'action sanitaire et sociale

La dispense de remboursement de trop-perçu, instituée par l'article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, vise exclusivement les sommes indûment versées au titre des prestations légales de retraite et d'invalidité et non les prestations servies au titre de l'aide sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 janvier 2021), le 13 mars 2018, la caisse de mutualité sociale agricole de [Localité 3] (la caisse) a notifié à M. [C] (l'allocataire), bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, un indu au titre de la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2017, motif pris de l'attribution à compter du 12 juillet 2016 de l'allocation supplémentaire d'invalidité.

2. L'allocataire a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler l'indu et de la condamner, à ce titre, à rembourser à l'allocataire une certaine somme, alors « qu'en cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés ; qu'en se fondant sur ces dispositions pour exclure le remboursement par l'allocataire d'un trop-perçu au titre de l'allocation aux adultes handicapés, laquelle ne relève pas des prestations de retraite ou d'invalidité, la cour d'appel a violé l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale :

4. Aux termes de ce texte, en cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés.

5. Pour annuler l'indu d'allocation aux adultes handicapés portant sur la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2017, l'arrêt retient que les ressources de l'allocataire, dont la bonne foi n'est pas contestée par la caisse, sont inférieures au seuil fixé par l'article L. 655-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale [lire L. 355-3, alinéa 2].

6. En statuant ainsi, alors que la dispense de remboursement de trop-perçu instituée par l'article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale vise exclusivement les sommes indûment versées au titre des prestations légales de retraite et d'invalidité, et non les prestations servies au titre de l'aide sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article L. 355-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-14.945, (B), FRH

Rejet

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assujettissement – Article L. 165-1 du code de la sécurité sociale – Prestataires

Sont soumis à la contribution des entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux, de cellules et tissus de corps humains, de produits de santé et de prestations de services et d'adaptation associées, instituée par l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, notamment, les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et III de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2021), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations, puis une mise en demeure, portant notamment sur la contribution des entreprises fabriquant, important ou distribuant des dispositifs médicaux, des cellules et tissus de corps humains, des produits de santé et des prestations de services et d'adaptation associées, prévue par les articles L. 245-5-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ les entreprises soumises à la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale sont celles assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel ; que la société faisait valoir que le distributeur de dispositifs médicaux était la personne physique ou morale se livrant au stockage de ces produits et à leur distribution ou à leur exportation, à l'exclusion de la vente au public, tandis que son activité n'impliquait ni stockage, ni distribution de dispositifs médicaux et que, dans le cadre de ses missions de prestataire, elle mettait uniquement des produits à disposition du public, sans que la détention d'une ordonnance ne soit un préalable obligatoire ; qu'en affirmant au contraire que les activités de la société n'auraient pas relevé de la vente au public visée par l'article R. 5211-4 du code de la santé publique en ce qu'elles n'auraient été accessibles que sur prescription médicale, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-4 du code de la santé publique et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'un dispositif médical se définit comme tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels ; qu'en décidant que la société n'était pas fondée à contester que les accessoires et consommables relevaient des dispositifs médicaux de l'article R. 5211-4 du code de la santé publique, bien que ces accessoires soient exclus de la définition du dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article L. 5211-1 du code de la santé publique ;

3°/ que la société précisait que, d'un point de vue réglementaire, son activité ne répondait pas à la définition de distributeur de dispositifs médicaux mais à celle d'exploitant de ces dispositifs ; qu'en présupposant qu'elle devait être regardée non comme un simple prestataire de services de soins mais comme un fournisseur dès lors qu'elle installait et entretenait du matériel au domicile de patients sur prescription médicale, tout en délaissant ses conclusions soutenant que son activité répondait à la définition d'exploitant d'un dispositif médical au sens de l'article R. 5211-5 du code de la santé publique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une contribution des entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution en France de dispositifs médicaux à usage individuel, de tissus et cellules issus du corps humain quel qu'en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 ou de prestations de services et d'adaptation associées inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

6. Sont soumis à cette contribution, notamment, les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres Ier et III de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

7. L'arrêt relève que la société installe et entretient du matériel au domicile de patients sur prescription médicale et qu'elle réalise des prestations associées à des dispositifs médicaux (oxygénothérapie, insulinothérapie) inscrites au titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Il retient que la société dispose de la qualité de fournisseur au sens du titre Ier de cette liste, ce terme étant employé comme synonyme de celui de distributeur. Il ajoute que les matériels, produits et services de la société ne sont accessibles que sur prescription médicale, de sorte que les activités de la société ne relèvent pas de la vente au public visée par l'article R. 5211-4 du code de la santé publique. Il constate que la société procède au stockage d'accessoires et consommables nécessaires pour le fonctionnement des appareils et équipements qu'elle délivre, et que ces produits constituent des dispositifs médicaux. Il estime que la société réalise une démarche de promotion auprès des prescripteurs de santé, lesquels font appel à un prestataire de santé à domicile pour la prise en charge de leurs patients.

8. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société était soumise à la contribution instituée par l'article L. 245-5-1 précité.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

10. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que la surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère aux activités commerciales de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ; que la société observait qu'un abattement de 4 % sur les rémunérations, similaire au taux d'abattement de 3 % prévu au titre de la pharmacovigilance, devait être appliqué à l'activité de matériovigilance ; qu'en écartant cette demande d'abattement au prétexte qu'il n'existait aucune exclusion forfaitaire sur ce point, quand la société justifiait le taux d'abattement proposé au regard de celui de l'activité de la pharmacovigilance, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier de ces textes que les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

La surveillance des incidents ou des risques d'incidents résultant de l'utilisation des dispositifs médicaux, dite matériovigilance, est étrangère à ces activités commerciales.

12. En application de l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil, il incombe à la société qui prétend s'exonérer de justifier du montant des charges invoquées au titre de la matériovigilance.

13. L'arrêt retient que la société ne justifie pas du temps consacré par les salariés concernés à l'activité de matériovigilance et qu'il n'existe aucune exclusion forfaitaire sur ce point.

14. En l'état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a fait ressortir que la société ne rapportait pas la preuve des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations correspondant à la fraction des rémunérations versées à ses salariés en contrepartie de leur activité de matériovigilance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

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