Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

2e Civ., 19 janvier 2023, n° 21-12.264, (B), FS

Cassation

Dommage – Réparation – Préjudice économique – Parents – Evaluation – Critères – Charges et revenus annuels – Exclusion – Divorce ou séparation

Le préjudice économique d'un enfant résultant du décès d'un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci.

Il en résulte qu'en cas de décès du parent chez lequel vivait l'enfant, le préjudice économique subi par ce dernier doit être évalué en prenant en considération, comme élément de référence, les revenus annuels de ses parents avant le décès, en tenant compte, en premier lieu, de la part d'autoconsommation de chacun d'eux et des charges fixes qu'ils supportaient dans leur foyer respectif, et, en second lieu, de la part de revenu du parent survivant pouvant être consacrée à l'enfant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2020), [C] [N] a été victime d'un assassinat dont l'auteur a été condamné par une cour d'assises à payer diverses sommes à Mmes [O] et [V] [N], filles de la victime, alors âgées respectivement de 22 et de 13 ans.

2. Depuis le divorce de leurs parents, celles-ci vivaient chez leur mère, leur père versant à cette dernière une contribution à leur entretien et à leur éducation. Après le décès de leur mère, elles sont allées vivre chez leur père.

3. Mme [O] [N] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

4. Contestant l'évaluation du préjudice économique de Mme [O] [N] indemnisé par cette juridiction, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a formé un recours devant une cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [O] [N] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de l'indemniser au titre d'un préjudice économique et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que pour fixer le préjudice économique subi par la fille de la victime, du fait du décès de celle-ci causé par une infraction, ne doit pas être pris en considération ce qui n'est pas la conséquence directe et nécessaire du décès ; qu'en prenant néanmoins en considération l'obligation alimentaire due par le père, pour dire n'y avoir lieu d'indemniser la fille de la victime au titre d'un préjudice économique lié à la perte du revenu que lui procurait sa défunte mère sur le fondement de son obligation d'entretien et d'éducation, cependant que l'obligation alimentaire du père – qui préexistait au décès de victime – n'était pas « la cause » [lire « la conséquence »] directe et nécessaire du décès, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour les ayants droit de la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. Le préjudice économique d'un enfant résultant du décès d'un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci.

7. Il en résulte qu'en cas de décès du parent chez lequel vivait l'enfant, le préjudice économique subi par ce dernier doit être évalué en prenant en considération, comme élément de référence, les revenus annuels de ses parents avant le décès, en tenant compte, en premier lieu, de la part d'autoconsommation de chacun d'eux et des charges fixes qu'ils supportaient dans leur foyer respectif, et, en second lieu, de la part de revenu du parent survivant pouvant être consacrée à l'enfant.

8. Pour dire n'y avoir lieu d'indemniser Mme [O] [N] au titre d'un préjudice économique, la cour d'appel a d'abord rappelé que si le décès d'[C] [N] met un terme à la pension alimentaire que lui versait son ex-époux de son vivant pour l'entretien de leur fille, l'obligation alimentaire du père, qui en était le fondement juridique, survit du décès de la mère jusqu'à la majorité économique de l'enfant, sans qu'il y ait lieu de s'attacher au défaut d'appartenance du père au foyer fiscal dont relevaient la victime et leur fille à la date du décès ou à l'évolution des revenus du père postérieurement à cette date. Elle a ensuite constaté que depuis le transfert du lieu de sa résidence chez son père, le revenu disponible pour Mme [O] [N] avait doublé.

9. En statuant ainsi, en comparant la part des revenus de la mère de Mme [O] [N], incluant la pension alimentaire versée par son père, qui pouvait être dédiée à son entretien et à son éducation, avec le montant que ce dernier pouvait lui consacrer après le décès, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SARL Delvolvé et Trichet -

Com., 11 janvier 2023, n° 20-13.967, (B), FRH

Cassation partielle

Faute – Applications diverses – Commande publique – Contrats de travail liés à la réalisation du marché public – Obligation de reprise du personnel – Défaut de communication des évolutions de la masse salariale par le titulaire

Le titulaire d'un marché, soumis à un appel d'offres en vue de son renouvellement et dont les contrats de travail liés à la réalisation de ce marché doivent être repris par l'attributaire, commet une faute en ne communiquant pas une information, telle que les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, essentielle à l'élaboration de leurs offres par les candidats et qu'il est seul à connaître, faisant ainsi obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2020), en 2013, la Ville de [Localité 7] a lancé un appel d'offres pour le renouvellement des marchés de collecte de déchets de plusieurs arrondissements à la suite duquel elle a attribué, par délibération notifiée le 15 novembre 2013, le lot n° 3 comprenant les [Localité 3] à la société Veolia propreté et à sa filiale, la société Otus. Ces marchés étaient auparavant exploités, le premier, par la société Polysotis et le second, par la société Polytiane, toutes deux filiales de la société Polyurbaine, qui, avec sa société mère la société Derichebourg environnement, fait partie du groupe de sociétés Derichebourg.

2. En raison de certaines particularités de l'activité concernée, les prestations ne devaient débuter que le 22 juin 2014. Conformément à l'article 1224-1 du code du travail et à la convention collective nationale des activités du déchet (la CCNAD), l'entreprise sélectionnée était, lors du transfert du marché, tenue de reprendre les salariés de l'entreprise sortante dans les conditions qui leur étaient applicables au moment de ce changement de titulaire.

3. Le 16 janvier 2014, les sociétés Polysotis et Polytiane ont, à l‘occasion d'un processus d'harmonisation des salaires en cours depuis 2011 dans chacune de leurs entreprises, négocié et conclu avec les organisations syndicales, lors des négociations annuelles obligatoires (NAO), des accords qui ont eu pour effet, d'une part, d'augmenter les salaires, d'autre part, d'y intégrer des primes et des indemnités avec effet différé jusqu'au mois de mai 2014.

4. Soutenant que les sociétés Derichebourg environnement, Polyurbaine, Polysotis et Polytiane avaient mis en oeuvre des pratiques déloyales à leur égard, les sociétés Veolia propreté et Otus les ont assignées en réparation.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Veolia et Otus font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que l'introduction par le titulaire sortant, dans la perspective d'un renouvellement de son marché public, d'un avenant aux contrats de travail de ses salariés impliquant des augmentations de salaires ou de primes ayant vocation à s'appliquer aux seuls salariés risquant d'être transférés à un nouvel employeur en cas de perte de ce marché est, par elle-même, fautive dans la mesure où elle augmente artificiellement les coûts de celui-ci ; qu'à fortiori la modification par le titulaire sortant du salaire de base des employés à reprendre après la perte d'un marché public est donc, en elle-même fautive même en l'absence de toute interdiction expresse ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient commis aucune faute en consentant une augmentation du coût du personnel à reprendre, à l'occasion de la NAO 2014, entre le moment où ils avaient perdu les marchés et celui où les nouveaux marchés avaient pris effet, modification dont les effets avaient été opportunément différés jusque peu avant la date à laquelle les titulaires sortants avaient été dégagés de l'obligation de la payer, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

2°/ que commet un abus de droit celui qui utilise une prérogative dont il dispose, soit en la détournant de sa finalité, soit en agissant par légèreté blâmable ou dans le but de nuire à autrui : qu'ainsi l'existence d'un abus de droit n'est pas subordonnée à la violation d'une prohibition légale, réglementaire, ou conventionnelle mais seulement à l'usage abusif d'un droit en principe légitime par son détenteur ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure tout usage abusif du droit de négociation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

3°/ qu'en considérant que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, tout en constatant que les avantages salariaux consentis dépassaient les préconisations du syndicat professionnel, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas obligatoires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;

4°/ que constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire que celui-ci ait été dirigé contre les seuls demandeurs à l'action : qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;

5°/ que constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire de démontrer une instrumentalisation quelconque : qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a, de nouveau, ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé, de plus fort, l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;

6°/ qu'en considérant, pour dire que le fait d'avoir consenti à ce que certaines primes et indemnités soient intégrées dans les salaires de base à effet du mois d'avril 2014 ou de mai 2014 ne constituait pas un acte de concurrence déloyale, que les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014 par la société Polytiane avaient concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservées aux seuls salariés du 19e arrondissement transférés aux sociétés Veolia propreté et Otus, tout en admettant qu'à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane avait été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, ce dont il résultait qu'elle n'ignorait pas lors de la négociation collective, en janvier 2014, que la charge des avantages consentis serait nécessairement supportée uniquement par ses concurrents et notamment par les sociétés Veolia propreté et Otus, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir énoncé qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux à l'occasion de la négociation collective, l'arrêt relève qu'il est établi, pour la société Polytiane, que les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014, même s'ils ont dépassé les préconisations du syndicat professionnel, ont concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservés aux seuls salariés du 19e arrondissement repris par les sociétés Veolia et Otus. Il ajoute que, même si, à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane a été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, il n'est pas démontré que celle-ci a été instrumentalisée par les autres sociétés du groupe pour se prêter à une manoeuvre déloyale envers les sociétés Veolia propreté et Otus.

L'arrêt retient, ensuite, qu'il en est de même pour la société Polysotis en précisant, d'une part, qu'aucun abus ne résulte du fait que certains des avantages aient été propres aux salariés du 11e arrondissement, d'autre part, que les prétendues incohérences de la politique d'harmonisation entreprise par les titulaires sortants, à les supposer établies, ne sont pas de nature à caractériser un abus du droit de négociation collective au préjudice de concurrents de l'employeur pour le seul fait qu'à cause des transferts de salariés, seuls les nouveaux titulaires des marchés sont conduits à les payer.

L'arrêt en déduit que les avantages accordés aux salariés n'ont pas été spécifiquement dirigés contre les sociétés Veolia propreté et Otus et qu'ils ne constituent ni un abus de droit ni un acte de concurrence déloyale.

7. Par ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que les sociétés Veolia propreté et Otus ne rapportaient pas la preuve, dont la charge leur incombait, que les augmentations de salaires accordées aux salariés dont elles devaient reprendre les contrats avaient été consenties par les sociétés Polytiane et Polysotis de manière abusive ou fautive et en déduire, sans encourir les griefs inopérants des première et sixième branches, qu'il n'était pas démontré que les circonstances dans lesquelles ces augmentations avaient été accordées constituaient un abus de droit ou un acte de concurrence déloyale.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Veolia propreté et Otus font le même grief à l'arrêt alors, « que lors du renouvellement d'un marché public portant sur la collecte de déchets, la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel constitue un élément essentiel afin de permettre à tous les candidats d'en apprécier les charges et d'élaborer une offre satisfaisante ; qu'ainsi le titulaire sortant d'un marché public de déchets qui est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des autres candidats ne peut pas fournir au pouvoir adjudicateur et à ses concurrents des informations tardives, incomplètes et inexactes quand la communication de ces informations est essentielle pour rétablir l'équilibre entre tous les candidats et permettre à chacun de présenter une offre dans des conditions d'une égale concurrence ; qu'en affirmant au contraire, qu'à défaut de demande expresse du pouvoir adjudicateur, il ne saurait être reproché aux titulaires sortants du marché de ne pas avoir apporté de précision sur la création, en 2011, d'une indemnité différentielle annuelle, dite IDA, ou encore d'avoir répondu à une demande de précisions du pouvoir adjudicateur sur la revalorisation de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, sans mentionner l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires enclenché depuis 2011 dans le cadre des accords nés de la négociation annuelle obligatoire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour rejeter les demandes des sociétés Veolia propreté et Otus, après avoir énoncé qu'il résulte de l'article 4-5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) que les sociétés titulaires des marchés sont tenues d'informer le pouvoir adjudicateur, en vue de l'organisation de la consultation pour le marché de renouvellement, sur « les données relatives aux personnels permanents employés à l'exécution des prestations du [...] marché » et que cette information devait comprendre « au minimum l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes », ces données devant être jointes au dossier de consultation, l'arrêt retient que, dans le silence de ce même CCAP, il ne peut être considéré que le titulaire du marché sortant avait l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur de toute modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté à l'exécution du marché.

12. L'arrêt relève ensuite que les titulaires sortants ont répondu à la première demande du pouvoir adjudicateur et selon les modalités requises par celui-ci, seul chargé d'organiser la consultation sous sa responsabilité, lequel leur a demandé de renseigner des tableaux intitulés « cadre de masse salariale ». Il ajoute que la société Polytiane a, de la même façon, répondu à la seconde demande de la Ville de [Localité 7] et qu'il ne peut lui être reproché, à ce stade, de ne pas avoir mentionné l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires en cours depuis 2011 à l'occasion des accords nés de la négociations annuelles obligatoires (NAO) et qu'à supposer qu'un tel processus puisse constituer une modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté, aucune des questions posées aux titulaires sortants des marchés afférents aux arrondissements concernés n'a porté sur l'évolution prévisible des salaires du fait des NAO à venir.

13. L'arrêt en déduit qu'il ne peut être retenu que les titulaires sortants des marchés avaient l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur des évolutions possibles de la masse salariale, quand bien même auraient-ils été les seuls à détenir cette information en vertu de leur pouvoir de direction.

14. En statuant ainsi, alors que le titulaire d'un marché soumis à un appel d'offres en vue de son renouvellement et dont les contrats de travail liés à la réalisation de ce marché doivent être repris par l'attributaire, commet une faute en ne communiquant pas une information, telle que les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, essentielle à l'élaboration de leurs offres par les candidats et qu'il est seul à connaître, faisant ainsi obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes des sociétés Veolia propreté et Otus, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Michel-Amsellem - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240, du code civil.

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