Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 22-40.017, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 – Article 227-24 du code pénal, tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 – Message pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur – Jugement ordonnant de mettre fin à l'accès au site internet pornographique – Atteinte au principe de légalité des délits et des peines – Défaut – Atteinte à la liberté d'expression et de communication – Atteinte nécessaire, adaptée et proportionnée – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Intervention volontaire

1. Il est donné acte aux associations Les Effronté-E.S, Osez le féminisme ! et Le Mouvement du Nid de leur intervention volontaire.

Faits et procédure

2. Les 13 et 15 juillet 2022, exposant que les sites internet pornographiques Pornhub, Tukif, Xhamster, Xnxx et Xvideos sont accessibles aux mineurs sur simple déclaration de leur part indiquant qu'ils sont âgés d'au moins dix-huit ans, en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a assigné les sociétés Orange, Orange Caraïbe, Free, Free mobile, Bouygues Telecom, Colt Technologies services, Française du radio téléphone, SFR fibre, Réunionnaise du téléphone et Outremer Telecom devant le président du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 aux fins de voir ordonner qu'elles mettent fin à l'accès à ces sites.

3. Les sociétés MG Freesites Ltd, Fedrax LDA Edificio, Webgroup Czech Republic AS et NKL Associates SRO, éditrices de quatre des sites internet litigieux, sont intervenues à l'instance.

4. Au cours de celle-ci, la société MG Freesites Ltd, intervenante volontaire à titre principal, a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 et de l'article 227-24 du code pénal tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 (auquel l'article 23 renvoie) sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit que sont le principe de légalité des délits et des peines et la liberté d'expression et de communication, respectivement en ce que ces dispositions ne définissent pas en des termes suffisamment clairs et précis une infraction pénale et le comportement pouvant donner lieu à une sanction ayant le caractère d'une punition et portent une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur de prévention de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques sur internet ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. Les dispositions contestées sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

10. En premier lieu, sont suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d'arbitraire :

 - les termes de l'article 227-24 du code pénal qui sanctionne le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur et précise que les infractions sont constituées, y compris si l'accès d'un mineur aux messages résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans.

 - les termes de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 donnant la possibilité au président de l'ARCOM, qui constate qu'une personne, dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne, permet à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique en violation de l'article 227-24 précité, de saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour qu'il soit mis fin à l'accès à ce service, dès lors que l'éditeur n'a pas déféré sous quinze jours à la mise en demeure qui lui a été adressée.

11. En second lieu, l'atteinte portée à la liberté d'expression, en imposant de recourir à un dispositif de vérification de l'âge de la personne accédant à un contenu pornographique, autre qu'une simple déclaration de majorité, est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de protection des mineurs.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 ; article 227-24 du code pénal, tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020.

1re Civ., 26 janvier 2023, n° 22-40.021, (B), FS

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique – Mesure de placement en isolement ou sous contention – Mainlevée ou prolongation de la mesure – Droit d'être assisté ou représenté par un avocat – Principe des droits de la défense – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Le 17 juin 2022, Mme [C] a été admise en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, sur décision prise au vu d'un péril imminent par un directeur d'établissement sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique. Elle a fait l'objet de mesures d'isolement et de contention, de manière discontinue.

2. Le 22 juin, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Par ordonnance du 28 juin 2022, reçue le 12 décembre suivant, le juge des libertés et de la détention a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Le II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est-il contraire à la Constitution en ce qu'il porte atteinte aux principes du respect des droits de la défense qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au respect de la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire, en ne prévoyant pas l'intervention systématique d'un avocat au côté du patient lors du contrôle des mesures d'isolement et de contention ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée, qui prévoit le régime applicable aux mesures d'isolement et de contention auxquelles un médecin peut recourir à l'égard d'un patient admis en soins psychiatriques sans consentement, est applicable au litige, qui concerne la poursuite d'une mesure d'hospitalisation complète à l'égard d'une personne placée par intermittence en isolement ou sous contention.

5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question posée présente un caractère sérieux.

7. En effet, en ce qu'il ne prévoit pas l'assistance ou la représentation systématique du patient par un avocat lorsque le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de mainlevée ou de prolongation de la mesure d'isolement ou de contention ou se saisissant d'office, statue sans audience selon une procédure écrite, l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est susceptible de porter atteinte au principe des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

8. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Aparisi -

Textes visés :

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

1re Civ., 26 janvier 2023, n° 22-40.019, (B), FS

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 – Mesure de placement en isolement ou sous contention – Possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée – Droit d'être assisté ou représenté par un avocat – Information du patient dès le début de la mesure – Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Le 11 octobre 2022, M. [B] a été admis en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, sur décision prise au vu d'un péril imminent par un directeur d'établissement sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique.

Le 17 octobre, il a été placé en chambre d'isolement.

2. Le 19 octobre, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur la poursuite de la mesure d'isolement sur le fondement de l'article L. 3222-5-1 du même code.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Par ordonnance du 21 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoient pas d'obligation pour le directeur de l'établissement spécialisé en psychiatrie ou pour le médecin d'informer le patient soumis à une mesure d'isolement ou de contention - et ce, dès le début de la mesure - de la voie de recours qui lui est ouverte contre cette décision médicale sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code et de son droit d'être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, est-il conforme à la Constitution et notamment au principe constitutionnel des droits de la défense, du droit à une procédure juste et équitable, au principe de dignité de la personne, à la liberté fondamentale d'aller et venir et du droit à un recours effectif, ainsi qu'à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice résultant des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée, qui fixe, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, les conditions dans lesquelles il peut être recouru, à l'égard de patients en hospitalisation complète sans consentement, à des mesures d'isolement et de contention en prévoyant un contrôle du juge des libertés et de la détention, est applicable au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question posée présente un caractère sérieux.

7. En effet, en ce qu'elle ne prévoit pas, dès le début de la mesure de placement en isolement ou sous contention, une information du patient quant à la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique et à son droit d'être assisté ou représenté par un avocat, la disposition contestée est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

8. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Aparisi -

Textes visés :

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022.

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 22-17.439, (B), FS

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Code civil – Article 1386-12, devenu article 1245-11, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 – Responsabilité du fait des produits défectueux – Exonération du producteur – Impossibilité de l'invoquer – Limitation – Articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – Atteinte au principe d'égalité devant la loi – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Les 29 mai et 2 juin 2015, [B] [C] a assigné la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), en réparation des préjudices résultant de pathologies cardiaques qu'il estimait imputables à ce médicament et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours.

2. [B] [C] étant décédé le 24 juin 2021, son épouse, Mme [O] [Z], sa fille, Mme [F] [C], et ses petits-fils, M. [P] [C] et M. [W] [C] (les consorts [C]), ont repris l'instance.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles, ayant admis une exonération de responsabilité du producteur sur le fondement de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil, et rejeté leurs demandes, les consorts [C] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 1386-12 du code civil, reprises à l'identique à l'article 1245-11 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en ce qu'elles limitent aux seuls dommages causés par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci l'impossibilité pour le producteur d'invoquer la cause d'exonération prévue à l'article 4° de l'article 1245-10, anciennement 1386-11, créant une discrimination entre les victimes de dommages corporels résultant d'un produit de santé selon que ce produit est ou non issu du corps humain, sont-elles contraires au principe d'égalité devant la loi tel que défini par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée est applicable au litige, au sens et pour l'application des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, dès lors qu'en écartant la possibilité pour le producteur d'invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11, devenu 1245-10, du code civil, lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci, elle détermine le champ d'application de ce texte sur le fondement duquel les demandes formées par les consorts [C] ont été rejetées.

5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que la disposition contestée, qui instaure une différence de traitement entre les victimes des dommages causés par un produit de santé défectueux, selon que le dommage l'a été ou non par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci, est susceptible de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi si cette différence n'est pas justifiée par une différence de situation ou par des motifs d'intérêt général ou si elle n'est pas en rapport avec l'objet de la loi.

7. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article 1386-12, devenu article 1245-11, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Soc., 25 janvier 2023, n° 22-40.018, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Travail temporaire – Contrat de mission – Recours – Liberté contractuelle – Maintien de l'économie des conventions légalement conclues – Caractère sérieux ou nouveau – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail en autorisant le juge à anéantir les effets d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire légalement convenu entre deux parties et en substituant de force un tiers à la relation contractuelle pour y substituer un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément à la liberté contractuelle et droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues ?

Faits et procédure

1. Le 5 juillet 2021, M. [R] a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification des lettres de mission conclues en exécution de son contrat de travail à durée indéterminée intérimaire conclu avec la société Adecco en un contrat à durée indéterminée auprès de la société Sanofi Winthrop industrie (l'entreprise utilisatrice).

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

2. Par jugement du 21 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Rouen a pris acte de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'entreprise utilisatrice « portant sur les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail pour violation des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et des principes de liberté contractuelle d'une part et droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues d'autre part ».

3. Dans son mémoire motivé devant les juges du fond, l'entreprise utilisatrice pose la question suivante : « les dispositions combinées des articles L. 1251-58-4, L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail en autorisant le juge à anéantir les effets d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire légalement convenu entre deux parties et en substituant de force un tiers à la relation contractuelle pour y substituer un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus précisément à la liberté contractuelle et droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Les dispositions contestées sont applicables au litige.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions législatives critiquées sont justifiées par un motif d'intérêt général de lutte contre la précarité pouvant résulter du recours abusif à l'emploi du travail temporaire, de sorte qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; principes de liberté contractuelle ; droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues ; préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; articles L. 1251-58-4, L. 1251-5 et L. 1251-40 du code du travail.

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