Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 20-20.941, (B), FRH

Rejet

Conciliation – Médiation – Effets – Appel civil – Interruption des délais

Conciliation – Médiation – Fin – Effets – Appel civil – Reprise de l'instance

Instance – Reprise d'instance – Cause – Fin de la médiation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 juin 2019), Mme [T] a interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant à M. [U].

2. Par une ordonnance du 13 juin 2016, un conseiller de la mise en état a ordonné une médiation, précisé que la mission du médiateur prendra fin à l'expiration d'un délai initial de trois mois commençant à courir à compter de la première réunion et sursis à statuer sur toutes les demandes des parties, les délais prescrits étant interrompus.

Par ordonnance du 13 décembre 2016, le conseiller de la mise en état a accordé au médiateur un délai supplémentaire jusqu'au 20 février 2017 pour mener à bien sa mission.

3. Le 26 décembre 2017, l'appelante a déposé des conclusions aux fins de reprise d'instance après médiation.

4. Saisi de conclusions d'incident par l'intimé, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel par ordonnance du 17 octobre 2018 que l'appelante a déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que la décision d'ordonner une médiation interrompt le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe à compter de la déclaration d'appel prévu à l'article 908 du code de procédure civile ; que la date de l'expiration de la mission du médiateur est celle où l'affaire a été rappelée à une audience à laquelle les parties ont été convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en décidant néanmoins que le délai de trois imparti à Mme [T] pour conclure avait commencé à courir le 20 février 2017, date de la fin de la mission du médiateur fixé par l'ordonnance du 13 décembre 2016, alors que l'affaire n'avait pas été préalablement rappelée à une audience, la cour d'appel a violé les articles 131-10, 908 et 910-2 du code de procédure civile ;

2°/ à titre subsidiaire, que la décision d'ordonner une médiation interrompt le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe à compter de la déclaration d'appel ; que lorsque la médiation continue après la date de fin de mission fixée par l'ordonnance, le délai de trois mois ne recommence à courir qu'à la fin effective de la médiation ; qu'en décidant que les pourparlers qui s'étaient poursuivis après la date de fin de la mission fixée par le juge, n'étaient pas de nature à interrompre le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 908 et 910-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code.

L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.

7. Ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin le 20 février 2017, c'est à bon droit que l'arrêt retient, en substance, que ce terme marque la reprise de l'instance, que doit être décompté à partir de cette date le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure et que l'appelante ajoute au texte de l'article 910-2 du code précité lorsqu'elle soutient que l'instance n'a pas repris au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état.

8. L'arrêt ajoute enfin que les pourparlers poursuivis de façon informelle ne sont pas de nature à interrompre les délais pour conclure.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 910-2, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-13.912, Bull. (rejet).

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 21-18.762, (B), FRH

Cassation

Conclusions – Conclusions d'appel – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Applications diverses – Application à la cour d'appel de renvoi

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 avril 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 8 janvier 2020, pourvoi n° 18-20.438) et les productions, M. [F], engagé par la société Daw France (la société) à compter du 2 janvier 2001 en qualité de directeur technique international grand public et de directeur technique de Caparol France au statut de cadre dirigeant, est parti à la retraite à effet au 1er janvier 2015.

2. Le 19 juin 2016, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de dire que son départ à la retraite, imputable à l'employeur, s'analysait en un licenciement nul et a réclamé le paiement de diverses sommes au titre de cette rupture du contrat de travail ainsi qu'au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

3. Par jugement du 6 décembre 2016, un conseil de prud'hommes a condamné la société à lui payer une certaine somme au titre de l'indemnité de départ à la retraite ainsi qu'à lui remettre les documents y afférents et l'a débouté de ses autres demandes.

4. Sur l'appel de M. [F], une cour d'appel a, par arrêt du 6 juin 2018, infirmé le jugement en toute ses dispositions et a condamné la société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité contractuelle, de dommages-intérêts pour licenciement nul ainsi qu'au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés y afférents.

5. Par arrêt du 8 janvier 2020 (Soc., 8 janvier 2020, pourvoi n° 18-20.438), la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Daw France à payer à M. [F] la somme de 244 810 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la somme de 24 481 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 6 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens.

6. La cour d'appel saisie sur renvoi a déclaré la saisine recevable et, dans les limites de la cassation, a confirmé le jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

7. M. [F] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil des prud'hommes d'Amiens le 6 décembre 2016 section encadrement qui avait rejeté la demande relative à la condamnation de la société Daw France au paiement de la somme de 161 953,75 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence due au 31 mars 2016, et chaque mois à compter de cette date à la somme de 11 047,75 euros, outre les congés payés afférents soit la somme de 1 104,75 euros, alors que :

« 1°/ la cour d'appel de renvoi doit statuer sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que si dans ses premières conclusions en date du 5 juin 2020, M. [F] avait sollicité voir : « Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,

- Donner acte à Monsieur [F] de ce qu'il accepte que les appointements mensuels à prendre en compte correspondent à son salaire de base, soit, la somme mensuelle brute de 10 165 euros - En conséquence, dire que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui lui est due, est d'un montant brut de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit 16 263,99 euros », il avait complété celles-ci par des conclusions n° 2, sur renvoi après cassation, notifiées par RPVA du 27 novembre 2020, et avait demandé à la cour de renvoi de : « Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,

- Donner acte à Monsieur [F] de ce qu'il accepte que les appointements mensuels à prendre en compte correspondent à son salaire de base, soit, la somme mensuelle brute de 10 165 euros.

- En conséquence, dire que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui lui est due, est d'un montant brut de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit 16 263,99 euros.

- Condamner par voie de conséquences la société DAW France à payer à Monsieur [F] la somme de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit la somme de 16 263,99 euros » ; qu'en refusant de statuer au vu des dernières conclusions du 27 novembre 2020 sollicitant la condamnation de la société Daw France à payer M. [F] une somme au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, aux motifs que le salarié s'était borné dans le dispositif de ses premières conclusions à conclure à la réformation de la décision sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu le 6 décembre 2016 par le conseil des prud'hommes d'Amiens, de sorte que la cour n'était pas saisie de prétentions relatives à ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

2°/ l'article 910-4 du code de procédure civile, qui dispose qu'« à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond », ne renvoie pas aux conclusions visées par l'article 1037-1 du même code concernant la procédure de renvoi après cassation ; qu'en conséquence, le demandeur peut, devant la cour d'appel de renvoi, compléter ses premières conclusions et formuler de nouvelles demandes ou prétentions dans des conclusions postérieures ; qu'en affirmant que « l'article 954 du code de procédure civile fait désormais obligation aux parties de récapituler leurs prétentions sous forme de dispositif dans les conclusions, la cour ne statuant que sur les prétentions visées dans le dispositif, lesquelles auront par ailleurs été toutes présentées, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, dès le premier jeu de conclusions notifiées devant la cour » et en décidant que l'obligation de concentration des prétentions dès les premières conclusions d'appel était applicable aux conclusions déposées devant la cour d'appel de renvoi, de sorte que les conclusions initiales de M. [F] ne formulant pas de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Amiens le 6 décembre 2016, il n'y avait pas lieu de tenir compte des demandes formulées à l'encontre de la société Daw France dans des conclusions ultérieures, la cour d'appel a violé les articles 910-4, 954 et 1037-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 910-4 et 954, alinéa 3 et 1037-1 du code de procédure civile :

8. Il résulte du premier de ces textes qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, et du second, que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

9. Il résulte du dernier de ces textes que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

10. Ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure, et la cour d'appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d'appel initialement saisie.

11. Il s'ensuit que le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

12. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des premières conclusions remises devant elle par l'appelant ne comporte aucune demande à l'encontre de la société et que c'est dans les conclusions déposées dans un second temps qu'une demande en ce sens a été formulée. Il ajoute que M. [F] se borne, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à la réformation de la décision sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu le 6 décembre 2016 par le conseil des prud'hommes d'Amiens.

13. En statuant ainsi, en prenant en compte, non le dispositif des premières conclusions de l'appelant remises à la cour d'appel dont la décision a été cassée, mais celui des premières conclusions de l'appelant devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 905-2, 908, 909, 910, 910-4, 954 alinéa 3 et 1037-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 19 janvier 2023, n° 21-22.028, (B), FS

Cassation

Droit de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Administration de la preuve

Viole l'article 16 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, pour rejeter les demandes d'expertise et de provision présentées en référé par l'épouse d'une personne, dont la qualité de victime directe d'un attentat terroriste n'était pas contestée, sous couvert d'un moyen pris de sa carence dans l'administration de la preuve tant de sa qualité de victime par ricochet d'un attentat que de l'existence de son préjudice moral ou d'affection, relève qu'aucune pièce relative à l'état de santé de son mari n'est versée aux débats, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ces points.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2021) et les productions, le 7 janvier 2015, Mme [V], salariée du journal Charlie Hebdo, travaillait à son domicile lorqu'elle a été prévenue par téléphone par son mari, M. [H], qui y était aussi employé et se trouvait alors dans les locaux du journal, qu'un attentat venait d'y être perpétré. Elle s'est rendue immédiatement sur place, alors que les corps des victimes de l'attentat n'avaient pas encore été évacués.

2. Après avoir été informée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) de son refus de l'indemniser au motif qu'elle n'avait pas la qualité de victime directe de cet attentat, Mme [V] l'a assigné en référé devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise et le versement d'une provision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [V] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'à cet égard, la chose jugée sur les intérêts civils par la juridiction répressive s'impose au juge civil ; que par suite, dès lors que le juge répressif a déclaré l'action civile recevable à raison de l'existence d'un préjudice personnel, actuel et certain résultant directement des faits à l'origine des condamnations, il est exclu que le juge civil appelé à examiner les demandes indemnitaires des parties civiles sur renvoi opéré en application de l'article 706-1 du code de procédure pénale remette en cause l'existence d'un préjudice en lien direct avec l'attentat terroriste ; qu'en l'espèce, la cour d'assises de Paris, par arrêt du 14 avril 2021, a déclaré Mme [V], épouse [H], recevable dans son action civile à raison de l'existence d'un préjudice personnel, actuel et certain résultant directement des faits pour lesquels les accusés ont été condamnés ; qu'en jugeant cette déclaration de recevabilité sans incidence pour cette raison que le juge civil dispose d'une compétence exclusive pour connaître de l'action en indemnisation exercée par les parties civiles, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 2 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen relevée d'office

4. Il ne ressort ni de l'arrêt, ni des conclusions de Mme [V] qu'elle ait soulevé la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sur le civil de l'arrêt civil de la cour d'assises spécialement composée ayant statué sur la recevabilité des constitutions de parties civiles.

5. Ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est, dès lors, irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [V] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges sont tenus de faire respecter et de respecter eux-mêmes le principe de la contradiction ; qu'à ce titre, il leur appartient, dès lors qu'ils décident de relever un moyen d'office, d'inviter au préalable les parties à formuler leurs observations ; qu'en opposant en l'espèce que les demandes d'expertise et de provision de Mme [V], épouse [H], ne pouvaient prospérer faute pour cette dernière, qui revêtait la qualité de victime par ricochet, de produire aucun élément relatif à l'état de santé de son mari, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations préalables des parties sur ce moyen relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

8. Pour débouter Mme [V] de ses demandes, après avoir relevé qu'aucune pièce relative à l'état de santé de son mari, seule victime directe de l'attentat, n'est versée aux débats et que les seuls éléments médicaux produits la concernent, l'arrêt énonce que la preuve, tant de sa qualité de victime par ricochet de l'attentat, que de l'existence de son préjudice moral ou d'affection, n'est pas rapportée.

9. En statuant ainsi, alors que la qualité de victime directe de M. [H] n'était pas contestée, la cour d'appel, qui n'a pas au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ces points, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Martin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile.

Com., 18 janvier 2023, n° 21-17.581, (B), FRH

Rejet

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir soulevée d'office – Application – Entreprise en difficulté – Appel formé par le débiteur contre un jugement concernant son patrimoine

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 mars 2021), le 15 juin 2012, la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim), maître de l'ouvrage, a confié à la société Xavier Laine, entrepreneur principal, le lot relatif à l'isolation thermique d'un chantier de réhabilitation de logements HLM.

2. Par des contrats du 19 mars 2013, l'entrepreneur principal a sous-traité une partie de ce lot à la société Bâti GSB, le paiement du sous-traitant devant être réalisé directement par le maître de l'ouvrage.

3. Après la réalisation des travaux, la société Bâti GSB n'a pu obtenir du maître de l'ouvrage le paiement de ses factures.

4. La société Bâti GSB a assigné la Sagim en paiement de ses factures et en dommages et intérêts pour procédure abusive. Un jugement du 28 juin 2016 a rejeté ces demandes.

5. Mise en liquidation judiciaire le 6 juillet 2016, la société Bâti GSB a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2016.

6. L'affaire a été renvoyée à la mise en état et l'ordonnance de clôture révoquée, en raison de la survenue de la liquidation judiciaire et, par une ordonnance du 24 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté « l'interruption de l'instance » et enjoint aux parties de régulariser la procédure.

7. Le liquidateur de la société Bâti GSB est intervenu volontairement à l'instance.

8. Par une ordonnance du 16 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'incident et au fond signifiées par la Sagim.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La Sagim fait grief à l'arrêt, après avoir tenu l'appel pour recevable, de déclarer recevable l'intervention volontaire du liquidateur de la société Bâti GSB, de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 709,57 euros et d'ordonner la capitalisation des intérêts, alors :

« 1°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; qu'en s'abstenant de relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du dessaisissement du débiteur en liquidation et l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ qu'à supposer que l'intervention du liquidateur judiciaire puisse régulariser la procédure initiée par le seul débiteur dessaisi, c'est à la condition que cette intervention intervienne avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en s'abstenant de constater que l'intervention du liquidateur était intervenue dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-9 du code de commerce et 125, alinéa 1, et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

11. Même lorsqu'il est d'ordre public, le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation n'est recevable que s'il résulte d'un fait dont la cour d'appel a été mise à même d'avoir connaissance.

12. Selon les énonciations de l'arrêt, la société débitrice Bâti GSB, après sa mise en liquidation judiciaire, a relevé appel, seule, du jugement entrepris, puis son liquidateur est intervenu volontairement à l'instance d'appel.

13. En l'état des conclusions et pièces soumises à la cour d'appel par le seul liquidateur, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions de la Sagim, entraînant l'irrecevabilité des pièces qu'elle a produites, dont il ne ressortait ni précision ni aucune justification sur la signification du jugement au liquidateur, la cour d'appel n'a pas été mise à même de constater que le délai d'appel avait couru à l'égard du liquidateur et avait expiré à la date de son intervention volontaire.

14. En conséquence, le moyen, pris en sa seconde branche, étant irrecevable, l'intervention du liquidateur à l'instance d'appel a régularisé la fin de non-recevoir affectant l'appel du débiteur.

15. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 641-9 du code de commerce ; articles 125 et 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 14 décembre 2010, pourvoi n° 10-10.792, Bull. 2010, IV, n° 201 (cassation).

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 21-10.469, (B), FRH

Rejet

Ordonnance sur requête – Copie – Délivrance à la personne à laquelle est opposée l'ordonnance – Finalité – Détermination – Portée

Selon l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, la copie de la requête et celle de la décision faisant droit à la requête sont laissées à la personne à laquelle cette dernière est opposée.

Il en résulte que lorsqu'une cour d'appel infirme une ordonnance ayant rejeté la requête, seule la copie de cette requête et celle de l'arrêt tenant lieu d'ordonnance sur requête, à l'exclusion de la copie de l'ordonnance ayant rejeté la requête, sont laissées à la personne à laquelle cette décision est opposée.

Cette exigence, qui est fondée sur le respect du principe de la contradiction, implique que cette remise ait lieu antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne, sauf si le juge des requêtes en a disposé autrement.

Ordonnance sur requête – Ordonnance ne faisant pas droit à la requête – Voies de recours – Appel – Copie de la décision faisant droit à la requête – Communication – Exclusion – Copie de l'ordonnance de rejet de la requête en première instance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 septembre 2020), par requête du 18 mai 2015, la société Losur a saisi le président d'un tribunal de commerce, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin de faire constater par un huissier de justice la violation de l'obligation de confidentialité d'un ancien salarié au sein de la société L'Eau reine traitement des eaux (la société L'Eau reine).

2. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 8 juin 2015, laquelle a été infirmée par un arrêt du 25 novembre 2015 rectifié le 9 mars 2016, qui a fait droit à la requête.

Les mesures d'instruction ont été réalisées le 27 juin 2016.

3. La société L'Eau reine a sollicité la rétractation de cet arrêt, demande qui a été rejetée par un arrêt du 30 novembre 2016.

4. Ayant été assignée par la société Losur le 11 décembre 2017 en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, la société L'Eau reine a reconventionnellement demandé la nullité des procès-verbaux dressés par l'huissier de justice.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Losur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des opérations de constat effectuées par M. [F], huissier de justice, le 27 juin 2016, au siège de la société L'Eau reine, alors :

« 1°/ que dans le cadre de l'exécution d'une ordonnance sur requête, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que cette formalité, prescrite à peine de nullité des opérations alors effectuées, peut être accomplie à tout moment pourvu que les droits de la défense ne s'en trouvent pas compromis, ce qui est le cas lorsque la personne qui subit la mesure est mise à même de former un recours en rétractation de cette ordonnance ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité du procès-verbal de saisie, que la copie de la requête, de l'ordonnance de rejet ainsi que de l'arrêt infirmatif ayant finalement fait droit à la requête en mesure d'instruction in futurum, avaient été communiqués postérieurement aux opérations de constat, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne prévoit pas, violant ainsi l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile ;

2°/ que dans le cadre de l'exécution d'une ordonnance sur requête, ne doivent être remises que la copie de la requête initiale et celle de la décision accordant les mesures sollicitées ; qu'en prononçant la nullité du constat litigieux en relevant que l'huissier n'avait pas remis à la société L'Eau reine « l'ordonnance aux termes de laquelle [le tribunal] avait rejeté » la requête initiale à laquelle il n'avait été fait droit qu'en cause d'appel, la cour d'appel a violé l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, la copie de la requête et celle de la décision faisant droit à la requête sont laissées à la personne à laquelle elle est opposée.

8. Il en résulte que lorsqu'une cour d'appel infirme une ordonnance ayant rejeté la requête, seule la copie de cette requête et celle de l'arrêt tenant lieu d'ordonnance sur requête, à l'exclusion de la copie de l'ordonnance ayant rejeté la requête, sont laissées à la personne à laquelle cette décision est opposée. Cette exigence qui est fondée sur le respect du principe de la contradiction implique que cette remise ait lieu antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne, sauf si le juge des requêtes en a disposé autrement.

9. L'arrêt relève que l'huissier de justice n'a pas remis la copie de la requête, peu important que l'intimée en ait finalement été destinataire par un échange de pièces entre les conseils respectifs des parties intervenu préalablement à la saisine du juge de la rétractation par la société L'Eau reine.

10. De cette seule constatation, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche tenant à l'absence de remise de l'ordonnance ayant rejeté la requête, la cour d'appel en a exactement déduit que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice du 27 juin 2016 était entaché de nullité.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 495, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 novembre 2004, pourvoi n° 02-20.713, Bull. 2004, II, n° 499 (cassation) ; 2e Civ., 1er septembre 2016, pourvoi n° 15-23.326, Bull. 2016, II, n° 200 (cassation).

1re Civ., 18 janvier 2023, n° 19-24.671, (B), FRH

Rejet

Procédure à jour fixe – Requête – Ordonnance y faisant droit – Nécessité – Exclusion – Cas – Assignation d'une personne non mentionnée dans l'ordonnance du premier président

Selon l'article 917 du code de procédure civile, en matière de procédure à jour fixe devant la cour d'appel, le premier président statuant sur requête par une ordonnance qui constitue une mesure d'administration judiciaire peut fixer le jour auquel l'affaire est appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle est attribuée.

Selon l'article 920 du même code, l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.

Aucun de ces textes ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce que la partie qui a obtenu le bénéfice de la procédure à jour fixe assigne sans nouvelle autorisation une personne qui n'est pas mentionnée dans l'ordonnance du premier président.

Procédure à jour fixe – Requête – Ordonnance y faisant droit – Nature – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Com., 5 avril 2018, pourvoi n° 16-19.829), le capital de la société civile [Adresse 6] est réparti entre M. [E] [I], son gérant, détenteur de 50 % des parts, Mme [O] [I] et M. [W] [I], ceux-ci détenant chacun 25 % des parts.

La société [Adresse 6] est propriétaire de deux terrains donnés à bail à deux sociétés, dirigées par M. [W] [I].

2. Invoquant la mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement de la société, Mme [O] [I] a judiciairement sollicité la dissolution de celle-ci sur le fondement de l'article 1844-7, 5°, du code civil, demande à laquelle M. [W] [I] s'est associé.

3. M. [E] [I], agissant à titre personnel, et la société [Adresse 6], ont interjeté appel, selon la procédure à jour fixe, d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ayant prononcé la dissolution de la société [Adresse 6], désigné M. [G] en qualité de liquidateur et de représentant légal et rejeté la demande indemnitaire de M. [E] [I].

4. Le 2 octobre 2015, ils ont délivré une assignation à jour fixe à M. [G] en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de dire régulière la mise en cause de la société [Adresse 6] prise en la personne de son liquidateur, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la partie ayant requis l'autorisation de mettre en oeuvre la procédure à jour fixe en appel ne peut valablement assigner pour le jour fixé une personne non visée par l'ordonnance d'autorisation du premier président ; que le fait d'assigner une personne à jour fixe sans y avoir été autorisé constitue un motif d'irrégularité de la mise en cause de cette personne - laquelle se trouve dépourvue du droit d'agir en défense en appel -, et cette irrégularité entache la procédure d'appel, y compris après cassation ultérieure puis renvoi devant une seconde cour d'appel, le renvoi de cassation n'ouvrant pas une nouvelle instance en appel ; qu'une telle irrégularité ne peut donc être couverte par la présence devant la Cour de cassation de la personne irrégulièrement assignée en appel ni par le respect des modalités procédurales de citation des parties sur renvoi de cassation ; qu'en retenant au contraire que ces deux dernières circonstances procédurales rendaient régulière la mise en cause de la personne assignée à jour fixe en appel sans autorisation, la cour d'appel a violé les articles 14, 31, 32, 625, 631, 917 et 920 du code de procédure civile, par refus d'application, et les articles 1033 et 1036 du même code, par fausse interprétation. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 917 du code de procédure civile, en matière de procédure à jour fixe devant la cour d'appel, le premier président qui statue sur requête par une ordonnance qui constitue une mesure d'administration judiciaire peut fixer le jour auquel l'affaire est appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle est attribuée.

7. Selon l'article 920 du même code, l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.

8. Aucun de ces textes ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce que la partie qui a obtenu le bénéfice de la procédure à jour fixe assigne sans nouvelle autorisation une personne qui n'est pas mentionnée dans l'ordonnance du premier président.

9. Il en résulte que le liquidateur représentant la société civile a été régulièrement mis en cause.

10. Le moyen, qui manque en droit, ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel interjeté par M. [E] [I] en son nom personnel, alors « que, dans un litige indivisible par nature, tel que celui relatif à une demande d'un associé en dissolution judiciaire d'une société commerciale, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; que si une telle instance en appel suit la procédure à jour fixe, l'absence de mise en cause régulière de l'une des parties, du fait de l'absence d'autorisation d'assigner à jour fixe à son égard, rend l'appel irrecevable ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi, du chef de la régularité de la mise en cause en appel de la société dont la dissolution judiciaire était demandée, emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation par voie de conséquence du chef de la recevabilité de l'appel interjeté en son nom personnel par M. [E] [I], associé de cette société, en l'état du lien de dépendance nécessaire unissant ces deux chefs de dispositif. »

Réponse de la Cour

12. Le premier moyen étant rejeté, le grief manque en fait.

13. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de débouter M. [W] [I], agissant tant en son personnel qu'en qualité de tuteur de Mme [I], de leur demande de dissolution judiciaire de la société [Adresse 6] et de rejeter toutes leurs demandes subséquentes, alors « que les chefs de dispositif par lesquelles la cour d'appel de renvoi a statué sur le fond du litige et rejeté la demande en liquidation judiciaire de la société sont dans la dépendance nécessaire du chef de dispositif ayant déclaré recevable l'appel interjeté par M. [E] [I] contre le jugement par lequel cette demande avait été accueillie, de sorte que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen du présent pourvoi emportera cassation par voie de conséquence des dispositions de fond de l'arrêt attaqué, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

15. Le deuxième moyen étant rejeté, le grief manque en fait.

16. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches

Enoncé du moyen

17. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en présence d'une mésentente avérée entre les associés d'une société, dont chaque bloc détient la moitié des droits sociaux, la circonstance que la rédaction des statuts permet un fonctionnement apparent des organes sociaux, grâce aux pouvoirs statutaires accordés à l'associé gérant statutaire et, notamment, à la voix prépondérante dont il dispose en assemblée générale en cas de partage des voix, ne saurait à elle seule exclure l'existence d'une paralysie effective du fonctionnement de la société, dès lors que, comme cela a été constaté au cas présent pour l'approbation des comptes, les décisions sociales ne peuvent qu'être approuvées compte tenu de cette voix prépondérante et ce, malgré l'opposition des autres associés ; qu'en prenant en considération cette seule organisation statutaire pour écarter toute paralysie du fonctionnement de la société, cependant qu'il se déduisait des propres constatations de l'arrêt et que sans cette organisation statutaire, le fonctionnement de la société aurait été effectivement paralysé, de sorte que l'absence de blocage n'était qu'apparente, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

3°/ qu'aucune disposition légale ne donne à la juridiction saisie pouvoir d'obliger l'associé qui demande la dissolution de la société par application de l'article 1844-7, 5°, du code civil à céder ses parts à cette dernière et aux autres associés offrant de les racheter ; qu'en présence d'une mésentente paralysant le fonctionnement d'une société caractérisant la disparition de l'affectio societatis, le juge ne saurait non plus refuser de faire droit à la demande de dissolution d'un associé par la considération que ce dernier pourrait exercer son droit de retrait statutairement prévu ; qu'après avoir constaté, d'une part, la réalité de la mésentente entre les associés de la société civile [Adresse 6] issue du conflit familial et successoral les opposant, d'autre part, le fonctionnement artificiel de la société grâce à la voix prépondérante accordée par les statuts à l'associé gérant, président de séance, lors des assemblées générales, la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter la demande en dissolution formée par les consorts [I], prendre en considération le droit de retrait dont disposait ces derniers ; qu'en se fondant néanmoins sur cette considération pour écarter leur demande en dissolution judiciaire, la cour d'appel a de plus fort violé les dispositions de l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

4°/ que la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société justifie que soit prononcée sa dissolution sans qu'il soit nécessaire que soit établie que ladite société est dans une situation irrémédiablement compromise, la dissolution anticipée pouvant avoir précisément pour objet d'éviter à la société une telle fin de vie ; qu'en se fondant, pour refuser de faire droit à la demande en dissolution judiciaire de la société [Adresse 6], sur l'absence de démonstration de ce que cette société était dans une situation irrémédiablement compromise au regard de ses résultats des années 2014 et 2015, notamment, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 1844-7, 5°, du code civil une condition qu'il ne comporte pas, l'a violé. »

Réponse de la Cour

18. Après avoir constaté qu'en dépit de la répartition égalitaire des titres entre les associés, les dispositions statutaires de la société [Adresse 6] permettaient d'adopter les résolutions nécessaires à son bon fonctionnement et de prévenir, en cas de désaccord, tout blocage en raison de l'attribution, lors des assemblées générales, d'une voix prépondérante au gérant qui en assurait la présidence, qu'elles donnaient aux associés la possibilité de se retirer totalement ou partiellement de la société [Adresse 6] et que ni Mme [I], ni M. [W] [I] n'avaient formulé une telle requête, la cour d'appel a retenu que l'activité de cette société se poursuivait en dépit des conflits entre associés et qu'elle pouvait, le cas échéant, continuer de fonctionner après un retrait d'associés.

19. La cour d'appel, qui avait la faculté de prendre en compte le droit de retrait conféré aux associés, qui ne s'est pas fondée sur une absence de blocage apparente et qui n'a pas subordonné la dissolution de la société [Adresse 6] à la preuve d'une situation financière irrémédiablement compromise, a pu en déduire que la mésentente entre les associés ne paralysait pas son fonctionnement et rejeter la demande de dissolution.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 917 et 920 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 15-10.865, Bull. 2016, II, n° 80 (cassation sans renvoi) ; 3e Civ., 1 octobre 2020, pourvoi n° 18-15.670, Bull., (cassation partielle).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.