Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

PRESCRIPTION ACQUISITIVE

3e Civ., 4 janvier 2023, n° 21-18.993, (B), FS

Cassation partielle

Conditions – Personne pouvant l'invoquer – Détermination

Les personnes publiques peuvent acquérir par prescription.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juin 2021), par actes des 19 et 23 octobre 2015, la commune de [Localité 4] (la commune) a assigné Mme [B] et M. [M] (les consorts [B]-[M]) en revendication de la propriété d'une parcelle, cadastrée [Cadastre 1], sur le fondement de la prescription acquisitive.

2. Les consorts [B]-[M] ont reconventionnellement demandé la libération de la parcelle, la remise en état des lieux et l'indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la voie de fait.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La commune fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en revendication de la propriété de la parcelle, cadastrée [Cadastre 1], par prescription acquisitive, alors « que les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques qui définissent les modes spécifiques d'acquisition de la propriété immobilière par les personnes publiques, ne sont pas exhaustives ni exclusives des modes d'acquisition de droit commun de la propriété immobilière ; qu'elles ne sont pas exclusives notamment de l'acquisition par une commune de la propriété d'une parcelle par prescription acquisitive trentenaire ; qu'en décidant que la Commune de [Localité 4] ne serait pas recevable à invoquer l'acquisition de la propriété de la parcelle [Cadastre 1] par la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1111-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble les articles 712 et 2258 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 712 et 2258 du code civil et le livre premier de la première partie du code général de la propriété des personnes publiques :

5. Selon les deux premiers textes, la propriété s'acquiert par la prescription qui est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession. Ces textes ne réservent pas aux seules personnes privées le bénéfice de ce mode d'acquisition qui répond à un motif d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (3e Civ., 17 juin 2011, pourvoi n° 11-40.014, Bull. 2011, III, n° 106).

6. Le livre susvisé énumère des modes d'acquisition de la propriété des personnes publiques, sans exclure la possibilité pour celles-ci de l'acquérir par prescription.

7. Pour déclarer irrecevable l'action en revendication de la commune, l'arrêt retient que, même si le code civil ne distingue pas entre les personnes, le code général de la propriété des personnes publiques énumère de manière exhaustive et exclusive les modes d'acquisition des biens immobiliers et mobiliers par les personnes publiques, de sorte que, depuis son entrée en vigueur, la prescription acquisitive, qui n'y est pas mentionnée, ne peut plus être invoquée par une personne publique.

8. En statuant ainsi, alors que les personnes publiques peuvent acquérir par prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la commune de [Localité 4] en revendication de la propriété, par prescription acquisitive, de la parcelle cadastrée [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jessel - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Melka-Prigent-Drusch -

Textes visés :

Articles 712 et 2258 du code civil ; livre premier de la première partie du code général de la propriété des personnes publiques.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 12 mars 1971, pourvoi n° 70-11.605, Bull. 1971, III, n° 187 (cassation) ; 3e Civ., 29 juin 1976, pourvoi n° 75-12.094, Bull. 1976, III, n° 290 (rejet) ; 3e Civ., 1er juin 2005, pourvoi n° 04-11.984, Bull. 2005, III, n° 122 (rejet) ; 3e Civ., 17 juin 2011, QPC n° 11-40.014, Bull. 2011, III, n° 106 (non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel).

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