Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 5 janvier 2023, n° 21-15.650, (B), FS

Cassation sans renvoi

Commissaire-priseur – Vente aux enchères publiques d'objets mobiliers – Monopole – Exclusion – Vente autorisée par le juge des tutelles.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), par ordonnance du 6 juin 2016, un juge des tutelles a autorisé M. [P], en sa qualité de tuteur de Mme [C] [S], à confier la vente de la collection d'oeuvres d'[U] et [B] [V], appartenant en indivision à la majeure protégée et à son fils, M. [I] [S], à la société Artcurial, opérateur de ventes volontaires, selon le mandat de vente annexé et par vente aux enchères volontaire, au prix minimum fixé par oeuvre dans ce mandat.

2. Prétendant que la société Artcurial avait commis une faute en procédant à la vente volontaire de ces oeuvres et violé le monopole des commissaires-priseurs judiciaires, la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires l'ont assignée en paiement de dommages et intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Artcurial fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, alors « que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la chambre de discipline de la compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000, ensemble, l'article 505 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022 :

4. Il résulte de ces textes qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires.

5. Pour condamner la société Artcurial au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la vente initiée par le tuteur et autorisée par le juge des tutelles, qui prescrit d'y procéder sous la forme d'une vente aux enchères, est une vente judiciaire et que la société Artcurial a commis une faute en choisissant de procéder à une vente volontaire.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. La vente aux enchères publiques des oeuvres d'art, propriété indivise de la personne protégée et de son fils, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, constituant une vente volontaire, la société Artcurial n'a pas commis de faute en y procédant.

10. Le jugement doit donc être confirmé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du 5 septembre 2018.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Beauvois - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 ; article 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 29 novembre 2005, pourvoi n° 03-17.623, Bull. 2005, I, n° 450 (cassation).

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 20-23.679, (B), FS

Cassation

Notaire – Secret professionnel – Etendue – Limites – Détermination

En application de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803), il incombe à la juridiction saisie d'une demande d'indemnisation formée contre un notaire ayant refusé de transmettre à un huissier de justice l'adresse de sa cliente de rechercher si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié ce notaire du secret professionnel, s'agissant d'une information contenue dans un acte qu'il aurait établi.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Argentan, 5 novembre 2020), rendu en dernier ressort, Mme [T] (le vendeur) a vendu un bien immobilier à Mme [J] [B] [D] (l'acquéreur), représentée par M. [U], notaire (le notaire).

2. Un jugement a déclaré la vente caduque et a condamné l'acquéreur à payer diverses sommes au vendeur.

3. Le vendeur a engagé une action en responsabilité et indemnisation contre le notaire, lui reprochant une obstruction à l'exécution du jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le notaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme en réparation du préjudice subi, alors « que le notaire n'est tenu de révéler l'adresse d'un client qu'à la seule autorité judiciaire qui l'en requiert, lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice ; qu'en jugeant que M. [U] avait commis une faute en ne transmettant pas à un huissier de justice la nouvelle adresse de sa cliente, sans constater qu'une autorité judiciaire avait requis qu'il délivre une telle information, indispensable à l'exécution d'une décision de justice, le tribunal a privé sa décision de base légale au visa de l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) :

5. Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.

6. Pour condamner le notaire à réparer le préjudice subi par le vendeur, le jugement retient, d'abord, que le secret professionnel qui s'impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier public de révéler à l'autorité judiciaire qui l'en requiert l'adresse d'un client lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice, ensuite, que le notaire n'oppose aucune cause légitime susceptible de justifier son refus de transmettre à un huissier de justice, en charge de l'exécution de justice, l'adresse de sa cliente, de sorte que le notaire a fait obstruction à l'exécution de cette décision de justice.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié le notaire du secret professionnel, s'agissant d'une information contenue dans un acte qu'il aurait établi, le tribunal a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Argentan ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Alençon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Bruyère - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 23 de la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803).

Rapprochement(s) :

1re Civ., 20 juillet 1994, pourvoi n° 92-21.615, Bull. 1994, I, n° 263 (rejet) ; 1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-23.160, Bull., (cassation sans renvoi).

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