Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

INTERETS

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 20-20.063, (B), FRH

Cassation partielle

Intérêts moratoires – Taux – Taux légal majoré – Point de départ

Il résulte des articles L. 313-3, alinéa 1er, du code monétaire et financier, et 503 du code de procédure civile que le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision fondant les poursuites.

Intérêt légal – Taux – Majoration – Point de départ

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 juillet 2020), par arrêt du 7 septembre 2006, la cour d'appel de Caen a condamné M. [R] à payer à son épouse, Mme [W], une pension alimentaire mensuelle de 380 euros à compter du 28 novembre 2005.

2. Celle-ci a poursuivi son recouvrement par une procédure de paiement direct à compter du mois d'octobre 2006.

3. Le divorce des époux a été prononcé par jugement du 2 mars 2009, qui a condamné M. [R] à payer à son épouse une prestation compensatoire sous forme de rente viagère d'un montant mensuel de 400 euros.

4. Par arrêt du 23 septembre 2010, la cour d'appel de Caen a condamné M. [R] à payer à Mme [W] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40 000 euros.

5. Par acte du 23 août 2018, M. [R] a assigné Mme [W] devant un juge de l'exécution afin d'obtenir la mainlevée de la procédure de paiement direct et une condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive.

6. Par décision avant dire droit du 12 avril 2019, le juge de l'execution a dit que le prononcé du divorce était devenu irrévocable au 23 septembre 2012 et sollicité les observations des parties sur les conséquences qu'elles entendaient en tirer.

7. Par jugement du 29 novembre 2019, le juge de l'execution a débouté M. [R] de sa demande d'exonération de la majoration du taux d'intérêts légal, fixé le montant dû par lui au titre de la prestation compensatoire à la somme de 24 252,85 euros arrêtée au 30 juin 2019 et l'a débouté de ses demandes de délais de paiement et de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. [R] fait grief à l'arrêt de dire que sa dette au titre de la prestation compensatoire s'élevait à la somme de 24 252,85 euros, somme arrêtée au 30 juin 2019, alors « que le taux majoré d'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 23 septembre 2010 ayant condamné M. [R] à payer une prestation de 40 000 euros à Mme [W], n'avait été signifié à l'exposant que le 2 janvier 2018 ; que dès lors, en jugeant que M. [R] était devenu débiteur du taux d'intérêt légal majoré de cinq points deux mois après le 23 novembre 2012, la cour d'appel a violé l'article 503 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 313-3 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. Mme [W] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire aux conclusions de M. [R] devant la cour d'appel, et à tout le moins nouveau, mélangé de fait et de droit.

11. Cependant, dans ses conclusions d'appel, M. [R] contestait les calculs réalisés par Mme [W] et le bénéfice par cette dernière d'intérêts majorés aux motifs qu'il était impossible de considérer que les intérêts étaient acquis avant la décision du juge de l'exécution du 29 novembre 2019, et par ailleurs, sur le fondement des articles 502 et 503 du code de procédure civile, qu'il n'avait nullement connaissance de la décision fixant la prestation compensatoire en capital avant sa notification qui n'est intervenue qu'à compter du mois de mars 2018.

12. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 313-3, alinéa 1er, du code monétaire et financier, et 503 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

14. Il résulte du second de ces textes que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

15. Il s'en déduit que le taux de l'intérêt légal majoré n'est applicable qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de condamnation a été notifiée.

16. Pour arrêter la somme restant due par M. [R] au 30 juin 2019 à 24 252,85 euros, l'arrêt retient que l'article L. 313-3 du code monétaire et financier dispose que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points deux mois après que la décision de justice soit devenue exécutoire, soit en l'espèce, à compter du 23 novembre 2012.

17. En statuant ainsi, alors que le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, intervenue le 2 janvier 2018, soit le 2 mars 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a arrêté la somme restant due par M. [R] au 30 juin 2019 à 24 252,85 euros, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : Me Ridoux ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 313-3, alinéa 1, du code monétaire et financier ; article 503 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 avril 2002, pourvoi n° 00-19.822, Bull. 2002, II, n° 69 (cassation sans renvoi).

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