Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

IMPOTS ET TAXES

Com., 4 janvier 2023, n° 19-21.884, (B), FS

Cassation partielle

Contributions directes – Tabac – Contrôle sur les lieux d'exercice de l'activité – Possibilité

Il résulte des articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales que les agents de l'administration des douanes peuvent intervenir dans tous les lieux d'exercice d'activités soumises à contributions indirectes sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et, généralement, aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la loi, pendant des intervalles de temps fixés par le second de ces textes, sauf disposition particulière.

Dès lors, est inopérant le moyen qui postule que de telles opérations ne pourraient être effectuées qu'en application de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales.

Redressement et vérifications (règles communes) – Contributions indirectes – Procès-verbal – Preuve contraire – Système de vidéosurveillance – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2019), la société Massis import-export Europe (la société Massis), qui importe d'un pays tiers à l'Union européenne des tabacs manufacturés, bénéficie du statut d'entrepositaire agréé l'autorisant à stocker du tabac en suspension du droit de consommation sur les tabacs manufacturés.

2. A la suite d'un contrôle de ses entrepôts, l'administration des douanes lui a notifié plusieurs infractions à la réglementation en matière de contributions indirectes le 1er octobre 2015 et a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) le 19 octobre 2015.

3. Après le rejet de sa contestation, la société Massis a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR et de la décision de rejet.

4. Un jugement du 16 novembre 2017 a mis la société Massis en procédure de sauvegarde, cette procédure ayant abouti à l'arrêté d'un plan de sauvegarde. M. [A], en sa qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société, et la Selarl 2M et associés, prise en la personne de Mme [L], en sa qualité d'administrateur judiciaire, sont intervenus à l'instance d'appel.

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

6. La société Massis fait grief à l'arrêt de déclarer l'AMR du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, de confirmer la décision de rejet du 28 avril 2016 et de rejeter l'intégralité de ses demandes, alors « que selon l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, chez les entrepositaires agréés, les agents de l'administration peuvent intervenir dans les magasins, caves et celliers, en vue d'effectuer les vérifications nécessaires à la constatation des quantités de boissons restant en magasin ou de s'assurer de la régularité des opérations ; que ce type de contrôle ne vise que les entrepositaires agréés de boissons, et non ceux de tabacs ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Massis était entrepositaire agréé de tabacs ; qu'il résulte du procès-verbal d'intervention du 11 juin 2015 que le contrôle a été effectué dans le cadre de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales ; qu'en refusant d'invalider les opérations de contrôle, pourtant réalisées dans un cadre non conforme à l'activité de la personne contrôlée, la cour d'appel a violé l'article L. 34 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales que les agents de l'administration des douanes peuvent intervenir dans tous les lieux d'exercice d'activités soumises à contributions indirectes sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et, généralement, aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la loi, pendant des intervalles de temps fixés par le second de ces textes, sauf disposition particulière.

8. Le moyen, qui postule que de telles opérations ne pourraient être effectuées qu'en application de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, est inopérant.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société Massis fait grief à l'arrêt d'écarter des débats ses pièces numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32, de déclarer l'AMR du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, de confirmer la décision de rejet du 28 avril 2016 et de rejeter l'intégralité de ses demandes, alors « que la production en justice par une partie d'images et enregistrements issus de la vidéosurveillance de ses locaux, filmant la partie adverse ou ses représentants sans que ceux-ci en ait été informés, ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve ; que ce mode de preuve ne peut être déloyal que s'il porte atteinte à un droit essentiel ou une liberté fondamentale de la partie à qui la preuve est opposée en justice, ou de la personne filmée ; qu'en décidant d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, au seul prétexte que les agents des douanes n'avaient pas été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé, sans relever aucune atteinte aux droits ou libertés de l'administration des douanes ou de ses agents, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 9 du code de procédure civile et L. 238 du livre des procédures fiscales :

10. Il résulte de ces textes qu'afin d'apporter la preuve contraire de faits constatés dans un procès-verbal dressé par des agents de l'administration des douanes, un redevable de contributions indirectes est fondé à produire la captation de l'image d'un agent de cette administration réalisée à partir d'un système de vidéosurveillance destiné à assurer la sécurité de ses locaux, même si l'agent n'était pas informé de cette captation, sauf s'il est en est résulté une atteinte aux droits de la personnalité de ce dernier disproportionnée au but recherché.

11. Pour écarter des débats les pièces numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32 correspondant à des images des agents des douanes extraites d'une vidéosurveillance réalisée dans les locaux de la société Massis pendant les opérations de contrôle, l'arrêt retient que la production de ces images enregistrées sans preuve du consentement tacite, certain et non équivoque de ces agents est irrecevable comme contraire aux dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe de loyauté dans l'administration de la preuve.

12. En statuant ainsi, alors qu'aucune atteinte aux droits de la personnalité des agents de l'administration des douanes pouvant résulter de l'utilisation de ces images à titre de preuves n'était alléguée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il donne acte à M. [A] et à Mme [L] - Selarl 2M et associés, en leurs qualités respectives de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de la société Massis import expert Europe, de leur intervention volontaire et en ce qu'il met hors de cause Mme [L] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société, l'arrêt rendu le 27 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 26, L. 27 et L. 34 du livre des procédures fiscales ; article 9 du code de procédure civile ; article L. 238 du livre des procédures fiscales.

Com., 25 janvier 2023, n° 20-16.700, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Enregistrement – Droit de mutation – Mutation à titre gratuit – Donations – Don manuel – Révélation – Option de déclaration différée – Exclusion

Il résulte de l'article 635 A du code général des impôts que les dons manuels d'un montant supérieur à 15 000 euros révélés à l'administration fiscale par le donataire doivent être déclarés dans le délai d'un mois qui suit la révélation ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois suivant la date du décès du donateur, une telle option étant exclue lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal.

Viole ce texte la cour d'appel qui, après avoir relevé que la révélation d'un don manuel était intervenue lors de l'examen contradictoire de la situation personnelle d'un redevable des droits de mutation à titre gratuit, à l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, retient que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à ce redevable le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement de ces droits.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2020) et les productions, par un avis du 9 septembre 2014, l'administration fiscale a informé M. et Mme [T] qu'elle engageait un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 à 2013. A l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, intervenu le 13 novembre 2014, Mme [T] a indiqué avoir reçu, au cours de la période examinée, d'importantes sommes d'argent versées sur l'un de ces comptes, dont elle a précisé qu'il s'agissait de donations.

2. Les 6 et 21 décembre 2014, Mme [T] a déposé deux formulaires de révélation de dons manuels par lesquels elle a demandé à bénéficier de l'option de déclaration de ces dons dans le délai d'un mois suivant le décès du donateur, offerte par l'article 635 A du code général des impôts.

3. Soutenant que la révélation n'était pas intervenue spontanément, de sorte que Mme [T] ne pouvait exercer l'option de déclaration différée des dons, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit.

4. Après rejet de sa réclamation, Mme [T] a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir la décharge des droits réclamés.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de prononcer la décharge des droits, pénalités et intérêts figurant dans l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015, mis à la charge de Mme [T], alors « que, conformément aux dispositions combinées des articles 757 et 635 A du code général des impôts, les dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit et doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date de la révélation ; que, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 euros, la législation fiscale prévoit la possibilité d'opter pour la déclaration et le paiement des droits dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ; que, pour bénéficier de cette option, la révélation doit être spontanée et non la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; que la remise par un contribuable de ses comptes bancaires lors de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, sur lesquels apparaît la perception de sommes d'argent, ne constitue pas une révélation spontanée du don par le donataire ; que pour juger que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option, la cour d'appel a estimé que la révélation était spontanée puisqu'elle était intervenue avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme [T] ; qu'en jugeant ainsi, tout en relevant qu'il n'était pas contesté que Mme [T] avait remis le 13 novembre 2014, lors du premier rendez-vous avec le vérificateur, dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme [T], ses comptes bancaires et avait révélé qu'elle avait reçu sur l'un des comptes des dons manuels de M. [M], ce dont il résultait que la révélation était la conséquence d'une procédure fiscale, engagée le 9 septembre 2014 par l'envoi d'un « avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle » réceptionné par M. et Mme [T] le 10 septembre 2014, et non d'une révélation spontanée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 757 et 635 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 635 A du code général des impôts :

6. Il résulte de ce texte que les dons manuels d'un montant supérieur à 15 000 euros révélés à l'administration fiscale par le donataire doivent être déclarés dans le délai d'un mois qui suit la révélation ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois suivant la date du décès du donateur, une telle option étant exclue lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal.

7. Il ressort en effet des travaux parlementaires de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ayant instauré cette option, que l'intention du législateur a été d'inciter les donataires à révéler spontanément à l'administration fiscale les dons manuels qui leur ont été consentis en réservant la possibilité de différer la déclaration de ces dons et l'acquittement du paiement des droits de mutation à titre gratuit après le décès du donateur aux seules hypothèses de révélation spontanée, en dehors de toute procédure de vérification ou de contrôle fiscal.

8. Pour accueillir la demande de décharge des droits, pénalités et intérêts mis à la charge de Mme [T], l'arrêt énonce qu'il appartient à l'administration fiscale, qui conteste au donataire le bénéfice de l'option de déclaration différée ouverte à l'article 635 A du code général des impôts, d'établir soit que la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration, soit qu'elle est la conséquence d'une procédure fiscale.

9. L'arrêt constate que l'administration ne soutient pas que la révélation est la conséquence d'une réponse de Mme [T] à une demande de l'administration, et retient qu'il n'est pas établi que cette révélation est la conséquence d'une procédure fiscale, puisqu'elle a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme [T] et qu'elle ne résulte pas de la vérification de sa situation, mais d'une déclaration spontanée de la donataire.

10. Il en déduit que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement des droits dus au titre des dons manuels révélés.

11. En statuant ainsi, après avoir relevé que la révélation des dons manuels litigieux était intervenue lors de l'examen contradictoire de la situation personnelle de M. et Mme [T], à l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. La révélation des dons manuels reçus par Mme [T] ne remplissant pas les conditions fixées à l'article 635 A du code général des impôts pour lui permettre de bénéficier de l'option de déclaration différée de ces dons, il y a lieu de confirmer le jugement ayant rejeté l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare régulière en la forme la procédure de rectification, l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'affaire n° 16/13230.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lion - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles 635 A et 757 du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Sur la révélation d'un don manuel, au sens des articles 635 A et 757 du code général des impôts, à rapprocher : Com., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-11.120, Bull., (rejet).

Com., 25 janvier 2023, n° 20-16.580, (B), FRH

Rejet

Procédure (règles communes) – Procédure civile – Règles dérogatoires à la procédure avec représentation obligatoire – Délai nécessaire pour présenter sa défense – Domaine d'application – Procédure devant la cour d'appel – Avocats constitués

Il résulte des articles R.* 202-2, alinéa 4, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, et R.* 202-6 du même livre que la disposition selon laquelle, par dérogation aux règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, il est accordé aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense, n'est applicable, devant la cour d'appel, qu'à l'égard des avocats constitués.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 27 mars 2019 et 3 mars 2020) et les productions, la société Maison Prunier (la société Prunier), titulaire du statut d'entrepositaire agréé négociant, fabrique et commercialise des spiritueux. A la suite d'un contrôle de son entrepôt, l'administration des douanes lui a notifié des infractions à la réglementation sur les contributions indirectes en raison de l'existence de « manquants ».

2. Après l'émission d'un avis de mise en recouvrement (AMR) et le rejet de sa contestation, la société Prunier a saisi le tribunal de grande instance afin de voir annuler la procédure diligentée par l'administration des douanes ainsi que l'AMR litigieux.

3. Le 31 mai 2017, l'administration des douanes a interjeté appel du jugement du tribunal du 10 avril 2017 ayant annulé la procédure et l'AMR et dit que la société Punier n'était pas redevable des sommes réclamées par l'administration des douanes.

4. Le 21 octobre 2018, la société Prunier a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé l'irrecevabilité de ses conclusions et son irrecevabilité à conclure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Prunier fait grief à l'arrêt du 27 mars 2019 de déclarer irrecevables les conclusions qu'elle a signifiées le 29 janvier 2018 et de dire qu'elle est irrecevable à conclure, à former appel incident et à communiquer des pièces dans l'instance d'appel, alors :

« 1°/ que, pour un contentieux relatif à des contributions indirectes, l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, sous réserve de l'application des dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales ; que l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 prévoit expressément que le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense ; que cette règle spéciale de délai de communication des conclusions est applicable par préférence aux règles de droit commun du code de procédure civile ; qu'en estimant néanmoins que les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, qui donnent à l'intimé un délai de trois mois pour conclure, s'imposaient, la cour d'appel a violé ledit article 909 du code de procédure civile par fausse application et les articles R.* 202-2, alinéa 4, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales par refus d'application ;

2°/ que, pour un contentieux relatif à des contributions indirectes, l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, sous réserve de l'application des dispositions des alinéas 2 et 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales ; que l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 prévoit expressément que le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense ; qu'il appartient alors au juge d'exercer son office en accordant aux parties les délais effectivement nécessaires pour présenter leur défense ; qu'en l'espèce, en estimant que la lettre du greffe de notification de la déclaration d'appel rappelant à la société intimée la règle de l'article 909 du code de procédure civile pour présenter sa défense, à savoir à l'époque deux mois, était conforme à l'alinéa 4 de l'article R.* 202-2 du livre des procédures fiscales, quand il appartenait au juge de ne pas se borner à réitérer l'article 909 du code de procédure civile mais à fixer lui-même les délais nécessaires aux parties pour présenter leur défense, la cour d'appel a violé l'article 909 du code de procédure civile par fausse application et les articles R.* 202-2, alinéa 4, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales par refus d'application. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles R.* 202-2, alinéa 4, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, et R.* 202-6 du même livre que la disposition selon laquelle, par dérogation aux règles de la procédure avec représentation obligatoire prévue au code de procédure civile, il est accordé aux parties ou aux agents de l'administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense, n'est applicable, devant la cour d'appel, qu'à l'égard des avocats constitués.

8. Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe.

9. L'arrêt relève que l'administration des douanes a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Prunier le 24 juillet 2017 et que cette dernière n'a constitué avocat que le 23 novembre 2017 et n'a notifié ses conclusions que le 29 janvier 2018.

10. Il en résulte qu'à la date à laquelle avait expiré le délai qui lui était imparti à l'article 909 du code de procédure civile, la société Prunier, qui était mal fondée à invoquer la violation de l'article R.* 202-2, alinéa 4, du livre des procédures fiscales, inapplicable faute de constitution d'avocat avant cette date, n'était plus recevable à déposer des conclusions.

11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La société Prunier fait grief à l'arrêt du 3 mars 2020 de déclarer valide l'AMR du 29 septembre 2014, alors « que le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de sa directive ; que si une disposition du droit interne est contraire aux dispositions inconditionnelles et précises d'une directive, le juge national doit l'écarter ; que l'article 7, § 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise dispose que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation ; qu'en appliquant l'article 302 D, I, 1, 2° bis, du code général des impôts, qui rend exigibles les droits d'accises lors de la constatation de manquants, qui est pourtant contraire à l'article 7 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008, qui dispose que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et ne prévoit pas de cas d'exigibilité visant les manquants, la cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ensemble l'article 7 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. L'administration des douanes conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau.

14. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

Bien fondé du moyen

15. Il résulte des dispositions des articles 7, §§ 1, 2, sous a), 4 et 10, §§ 1 et 6, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l'État membre où celle-ci s'effectue, que la « mise à la consommation » s'entend, notamment, de la sortie, y compris la sortie irrégulière, de produits soumis à accise d'un régime de suspension de droits et que lorsqu'une irrégularité a été commise, entraînant la mise à la consommation de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, la mise à la consommation a lieu dans l'État membre où l'irrégularité a été commise. Il en ressort également qu'une « irrégularité » correspond à une situation qui se produit au cours d'un mouvement de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, autre que celle de la destruction totale ou de la perte irrémédiable visée à l'article 7, § 4, en raison de laquelle ce mouvement ou une partie de ce mouvement de produits soumis à accise n'a pas pris fin conformément à l'article 20, § 2, de ladite directive.

16. La Cour de justice de l'Union européenne juge, d'une part, que la constatation de manquants lors de la livraison de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits révèle une situation nécessairement passée au cours de laquelle les produits manquants n'ont pas fait l'objet de cette livraison et dont le mouvement n'a, dès lors, pas pris fin conformément à l'article 20, § 2, de la directive 2008/118/CE. Cette situation constitue en conséquence une irrégularité au sens de l'article 10, § 6, de cette directive. Une irrégularité de cette nature entraîne nécessairement une sortie du régime de suspension de droits et, par suite, une mise à la consommation telle que présumée conformément à l'article 7, § 2, sous a), de ladite directive. Elle juge, d'autre part, que l'irrégularité que régit l'article 10, § 2, de la directive 2008/118/CE vise une situation autre que celle visée à l'article 7, § 4, de cette directive, c'est-à-dire autre que celle de la « destruction totale ou [de] la perte irrémédiable de produits soumis à accise » (CJUE, arrêt du 28 janvier 2016, BP Europa, C-64/15, points 43 et 45).

17. Le moyen, qui postule que la directive 2008/118/CE ne prévoit pas que les droits d'accise deviennent exigibles au moment de la constatation de manquants, n'est donc pas fondé.

18. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur la première des questions dont la société demande le renvoi à la Cour de justice, la seconde question n'ayant pas à être posée dès lors qu'aucun moyen n'a été soulevé dont l'examen nécessiterait d'en avoir la réponse, il n'y pas lieu de saisir la Cour de justice de ces questions préjudicielles.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Daubigney - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R.* 202-2, alinéa 4, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, et R.* 202-6 du livre des procédures fiscales ; articles 7, §§ 1, 2, sous a), 4 et 10, §§ 1 et 6, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE.

Com., 25 janvier 2023, n° 20-22.939, (B), FRH

Rejet

Responsabilité des dirigeants – Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement – Inobservation grave et répétée des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement de l'impôt – Plan de règlement – Information préalable – Qualité pour la délivrer – Commission des chefs des services financiers (CCSF)

Il résulte de l'instruction BOI-REC-SOLID-10-10-20, publiée le 12 septembre 2012, que pour un plan de règlement accordé à la société par le comptable ou la commission des chefs des services financiers (CCSF), une mention expresse informe le dirigeant que son inexécution ou le défaut de paiement des taxes courantes pourrait entraîner la mise en oeuvre de l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel énonce qu'en cas d'octroi d'un plan de règlement à une société par la CCSF, cette commission a qualité pour délivrer l'information concernant la mise en oeuvre de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020), le 27 mars 2013, la société Wood Home, dirigée par M. [I], a obtenu de la commission des chefs des services financiers (la CCSF) et des représentants des organismes de sécurité sociale un plan de règlement de ses dettes fiscales. Après paiement d'une première mensualité, la société Wood Home a été mise en redressement judiciaire, le 7 mai 2013, puis en liquidation judiciaire, le 23 avril 2014.

2. Après avoir déclaré ses créances au passif de la procédure collective et obtenu du liquidateur judiciaire la délivrance d'un certificat d'irrécouvrabilité, l'administration fiscale a assigné M. [I], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin d'obtenir sa condamnation solidaire au paiement des impositions dues par la société Wood Home.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'information de la société Wood Home au titre de la mise en œuvre de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales en cas de non-respect du moratoire, de le déclarer responsable solidairement avec la société Wood Home du paiement de la somme de 184 357 euros et de le condamner en conséquence au paiement de cette somme, alors « qu'en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les contribuables peuvent se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration dans ses instructions ou circulaires publiées ; qu'il résulte du BOI-REC-SOLID-10-10-20, dans sa version applicable à l'espèce, que le comptable public doit informer le dirigeant que sa responsabilité pourra être engagée en cas de non-respect d'un plan de règlement et de non-paiement de l'arriéré ou des taxes courantes ; qu'en l'espèce, M. [I] faisait valoir que, faute de l'avoir informé que sa responsabilité pourrait être engagée en cas de non-respect par la société Wood Home du plan de règlement obtenu auprès de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage, ou de non-paiement de ses taxes courantes, le comptable public n'avait pas respecté la garantie prévue par la doctrine administrative, ce dont il résultait que le comptable public n'était pas recevable à solliciter sa condamnation solidaire au paiement des impôts dus par la société Wood Home ; qu'en rejetant cette fin de non-recevoir au motif que M. [I] avait valablement été informé de la possible mise en oeuvre de sa responsabilité solidaire sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales par la décision de la CCSF ayant accordé un plan de règlement à la société Wood Home, cependant que la doctrine administrative énonce qu'une telle information doit être fournie par le comptable public et lui seul, la cour d'appel de Pau a violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article L. 267 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'instruction BOI-REC-SOLID-10-10-20, publiée le 12 septembre 2012, pour un plan de règlement accordé à la société par le comptable ou la CCSF, une mention expresse informe le dirigeant que son inexécution ou le défaut de paiement des taxes courantes pourrait entraîner la mise en oeuvre de l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de cette instruction, en vigueur au 27 mars 2013, que lorsqu'un plan de règlement est accordé par la CCSF, l'information que le dirigeant de la société pourra être poursuivi sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales en cas d'inexécution du plan ou de non-paiement des taxes courantes, peut être donnée par la CCSF sous la forme d'une mention expresse figurant dans la décision d'octroi du plan ou dans la lettre notifiant cette décision à son bénéficiaire.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a énoncé qu'en cas d'octroi d'un plan de règlement à une société par la CCSF, cette commission a qualité pour délivrer au contribuable l'information concernant la mise en oeuvre de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

8. Le moyen, qui postule le contraire, doit donc être rejeté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Maigret - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 267 du livre des procédures fiscales.

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