Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 18 janvier 2023, n° 21-15.576, (B), FS

Rejet

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail commercial – Résiliation à l'initiative du bailleur – Causes postérieures au jugement d'ouverture – Défaut de paiement des loyers – Délai d'action – Point de départ – Applications diverses – Liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan – Date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire

L'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3°, de ce code, ne peut être introduite avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture. Lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire.

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail commercial – Résiliation à l'initiative du bailleur – Action en résiliation pour défaut de paiement des loyers postérieurs – Expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture – Appréciation – Moment – Date de la requête du bailleur

Pour apprécier si le bailleur qui agit en résiliation du bail a respecté le délai de trois mois prévu par les textes précités, le juge doit se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l'a saisi de la demande de résiliation, soit à la date de sa requête.

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail commercial – Résiliation à l'initiative du bailleur – Action en résiliation pour défaut de paiement des loyers postérieurs – Expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture

Il résulte de la combinaison des articles L. 622-14, 2°, L. 641-12, 3°, et R. 621-21, alinéa 1, du code de commerce que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire doit être introduite par voie de requête déposée après l'expiration du délai de trois mois courant à compter du jugement d'ouverture.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2021), la société Balm, qui exerçait son activité dans des locaux donnés à bail par la SCI Valois-Driand, aux droits de laquelle vient la SCI Les Cèdres (la SCI), a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2014, puis a bénéficié d'un plan de redressement le 15 juin 2016.

2. Un jugement du 19 septembre 2019 a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Balm et mis cette dernière en liquidation judiciaire, la société [I] Yang-Ting étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 23 octobre 2019, la SCI a saisi le juge-commissaire d'une requête en constatation de la résiliation du bail pour non-paiement des loyers depuis la mise en liquidation judiciaire de la société Balm.

Le liquidateur lui a opposé le non-respect du délai de trois mois édicté par les articles L. 641-12, 3°, et L. 622-14, 2°, du code de commerce.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de constatation de la résiliation du bail, alors :

« 1°/ que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 641-12, 3°, du code de commerce, peut être engagée à l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture ; que le point de départ de ce délai est soit la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d'ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire ou lorsque la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de redressement ; qu'en jugeant que le point de départ du délai de trois mois à l'issue duquel l'action en résiliation du bail pouvait être introduite courait à compter du jugement de liquidation judiciaire et non à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement dès lors que la liquidation faisait suite à la résolution du plan de redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 641-12, 3°, et L. 622-14, 2°, du code de commerce ;

2°/ que pour apprécier si le délai de trois mois prévu à l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3°, du même code, est ou non écoulé, le juge doit se placer à la date à laquelle il statue, et non à la date de la demande ; qu'en se plaçant à la date de la requête pour apprécier si la condition tenant à l'écoulement du délai de trois mois était remplie, la cour d'appel a violé, derechef, les articles L. 641-12, 3°, et L. 622-14, 2°, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3°, de ce code, ne peut être introduite avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture. Lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire.

Par conséquent, la cour d'appel a exactement retenu que, la SCI ayant saisi le juge-commissaire de sa demande de résiliation du bail par une requête du 23 octobre 2019, cependant que le jugement prononçant la résolution du plan de la société Balm et ouvrant sa liquidation judiciaire datait du 19 septembre 2019, cette requête, déposée moins de trois mois après ledit jugement, était irrecevable.

7. D'autre part, pour apprécier si le bailleur qui agit en résiliation du bail a respecté le délai de trois mois prévu par les textes précités, le juge doit se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l'a saisi de la demande de résiliation. Dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit que la recevabilité de l'action en résiliation devait s'apprécier au jour de la saisine du juge-commissaire, par la requête du 23 octobre 2019.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense ; qu'en jugeant que le juge-commissaire, devant lequel la procédure est orale, ne pouvait être valablement saisi de la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020 puis par écrit le 16 janvier 2020 et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020, la cour d'appel a violé les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce ;

2°/ que l'irrecevabilité de la demande initiale n'entraîne pas celle de la demande additionnelle, à moins que celle-ci ne se contente de modifier le quantum de la demande initiale ; qu'en jugeant que la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020, puis par écrit le 16 janvier 2020, et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020 ne pouvait prospérer eu égard à l'irrecevabilité de la demande initiale, la cour d'appel a violé, derechef, les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de la combinaison des articles L. 622-14, 2°, L. 641-12, 3°, et R. 621-21, alinéa 1, du code de commerce que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire doit être introduite par voie de requête déposée après l'expiration du délai de trois mois courant à compter du jugement d'ouverture.

11. Le moyen, qui repose sur un postulat erroné, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles L. 622-14, 2°, et L. 641-12, 3°, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ de l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 19 février 2013, pourvoi n° 12-13.662, Bull. 2013, IV, n° 28 (rejet).

Com., 18 janvier 2023, n° 21-15.514, (B), FRH

Rejet

Liquidation judiciaire – Contrats en cours – Résiliation – Créance résultant de la résiliation – Déclaration – Délai – Point de départ – Augmentation de deux mois – Exclusion

L'augmentation de deux mois du délai de déclaration des créances pour les créanciers qui ne demeurent pas sur le territoire de la France métropolitaine concerne celui fixé en application de l'article L. 622-26 du code de commerce pour déclarer les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, courant à compter de la publication de ce jugement, et non celui prévu à l'article R. 622-21, alinéa 2, du même code, ouvert au cocontractant du débiteur pour déclarer au passif la créance résultant de la résiliation d'un contrat en cours, courant à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la date du prononcé de la résiliation.

Cette différence de traitement est justifiée et située dans un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but poursuivi tenant à la détermination du passif de la procédure, dès lors que l'augmentation du délai est destinée à compenser, pour le créancier qui ne demeure pas sur le territoire de la France métropolitaine, la contrainte liée à l'éloignement qui ne lui permet pas aisément d'avoir connaissance de l'ouverture de la procédure collective du débiteur et de ses effets dans les deux mois qui suivent la publication en France de cette ouverture, et que les conditions procédurales et de fond de la résiliation des contrats en cours garantissent au cocontractant une connaissance immédiate de la résiliation du contrat qui lui permet de réagir dans le délai suffisant d'un mois pour déclarer sa créance.

Liquidation judiciaire – Jugement – Déclaration des créances – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 mars 2021), la société Logo et la société TAG Heuer, qui deviendra une succursale de la société anonyme de droit suisse LVMH Swiss Manufactures (la société LVMH), ont conclu un contrat de licence portant sur la marque « TAG Heuer » stipulant une clause compromissoire pour régler tout différend issu de la convention.

2. Le 12 mai 2016, la société Logo a été mise en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon, puis en liquidation judiciaire le 15 novembre 2016, la société MJ synergie étant nommée liquidateur.

3. Le 23 novembre 2016, la société LVMH a mis le liquidateur en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat de licence.

Le liquidateur, qui avait, le 21 décembre 2016, obtenu du juge-commissaire une prolongation de deux mois pour opter, n'a pas répondu.

Le contrat a ainsi été résilié de plein droit à la date du 24 février 2017 pour défaut de réponse à la mise en demeure.

4. Le 23 mai 2017, la société LVMH a déclaré au passif une créance d'indemnités résultant de cette résiliation.

La régularité de la déclaration de créance a été contestée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et sur le second moyen, ce dernier en ce qu'il fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société LVMH, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré forclose la déclaration de créance de la société LVMH

Enoncé du moyen

6. La société LVMH fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire du 1er juillet 2020, alors :

« 1°/ que, de première part, le délai supplémentaire de déclaration de créance de deux mois prévu par l'article R. 622-24, 2°, du code de commerce pour les créanciers qui ne demeurent pas en France métropolitaine s'applique aux créances d'indemnité de résiliation d'un contrat en cours au jour du jugement d'ouverture visées par l'article R. 622-21, 2°, du même code ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger forclose la créance déclarée par la société LVMH le 23 mai 2017, que la prolongation de délai sollicitée n'était prévue par aucun texte et que l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce ne s'appliquait qu'aux seuls détenteurs de créances antérieures qui ne demeurent pas en France métropolitaine, la cour d'appel a violé ce texte, pris ensemble l'article R. 622-21 du même code ;

4°/ que, de quatrième part, et en tout état de cause, en se fondant, pour retenir que l'article R. 622-24, 2°, du code de commerce ne s'appliquait qu'aux seules créances antérieures et, partant, que la créance déclarée le 23 mai 2017 était forclose, sur la circonstance que la société LVMH ne démontre pas s'être trouvée concrètement dans une situation lui ayant porté préjudice pour procéder à la déclaration de créance litigieuse du fait de son éloignement géographique, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article R. 622-24 du code de commerce que lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, l'augmentation de deux mois du délai de déclaration pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire concerne celui fixé en application de l'article L. 622-26 du même code, pour déclarer les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, courant à compter de la publication de ce jugement, et non celui d'un mois prévu à l'article R. 622-21, alinéa 2, dudit code ouvert au cocontractant du débiteur pour déclarer au passif la créance résultant de la résiliation d'un contrat en cours, courant à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation.

8. L'arrêt dès lors retient exactement qu'aucun texte ne prescrit une augmentation de deux mois du délai pour déclarer une créance d'indemnité de résiliation qui résulterait de la domiciliation en Suisse de la société LVMH et que l'article R. 622-24, alinéa 2, octroie ce délai de prolongation pour la seule déclaration opérée en application de l'article L. 622-26, visant les créances antérieures et non celles résultant d'une résiliation de plein droit d'un contrat non poursuivi, intervenue après la liquidation judiciaire.

9. Le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré forclose la déclaration de créance de la société LVMH

Enoncé du moyen

10. La société LVMH fait le même grief à l'arrêt alors :

« 2°/ que, de seconde part, et en tout état de cause, que, conformément à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les Etats signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction la jouissance des droits additionnels qu'ils ont volontairement décidé de protéger lorsqu'ils relèvent du champ d'application des droits et libertés reconnus par la Convention, et ce notamment du droit au respect des biens garanti par l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger forclose la créance déclarée par la société LVMH le 23 mai 2017, que la prolongation de délai sollicitée n'était prévue par aucun texte et que l'article R. 622-24, 2°, du code de commerce ne s'appliquait qu'aux seuls détenteurs de créances antérieures au jugement d'ouverture ne demeurant pas en France métropolitaine, lorsqu'une telle différence de traitement entre ces derniers et ceux dont la créance résulte de la résiliation de contrats en cours, pourtant placés dans une situation analogue, constitue une discrimination injustifiée dans la jouissance du droit au respect de leurs biens, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

3°/ que, de troisième part, le délai supplémentaire de déclaration de créance de deux mois prévu par l'article R. 622-24, 2°, du code de commerce pour les créanciers qui ne demeurent pas en France métropolitaine s'applique aux créances d'indemnité de résiliation d'un contrat en cours au jour du jugement d'ouverture visées par l'article R. 622-21, 2°, du même code ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger forclose la créance déclarée par la société LVMH le 23 mai 2017, que la prolongation de délai sollicitée n'était prévue par aucun texte et que l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce ne s'appliquait qu'aux seuls détenteurs de créances antérieures qui ne demeurent pas en France métropolitaine, lorsqu'une telle différence de traitement entre ces derniers et ceux dont la créance résulte de la résiliation de contrats en cours, pourtant placés dans une situation analogue, qui ne repose pas sur une différence suffisante de situation, est sans rapport avec l'objet de la loi qui l'établit, la cour d'appel a violé ce texte, pris ensemble l'article R. 622-21 du même code, tels qu'interprétés à la lumière du principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant la justice garanti par les articles 1 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. La société Logo conteste la recevabilité du moyen, soutenant qu'il est nouveau.

12. Or, il résulte de ses conclusions que la société LVMH a demandé à la cour d'appel de lui faire bénéficier des dispositions protectrices des articles R. 622-21 et R. 622-24 du code de commerce en invoquant les principes du procès équitable, de la sécurité juridique, de l'égalité des armes et d'égalité de traitement des créanciers étrangers soumis à une même procédure collective.

13. Le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est recevable.

Bien-fondé du moyen

14. Le créancier, cocontractant du débiteur, qui ne demeure pas sur le territoire de la France métropolitaine n'est pas placé dans la même situation, selon qu'il dispose d'un délai augmenté en raison de la distance pour déclarer une créance antérieure au passif de son débiteur dont la procédure collective a été ouverte par une juridiction située sur ce territoire ou qu'il dispose d'un délai insusceptible d'augmentation en raison de cette même distance pour déclarer au même passif une créance d'indemnité résultant de la résiliation du contrat en cours. Cette différence de traitement est justifiée et située dans un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi tenant à la détermination du passif de la procédure, dès lors que l'augmentation du délai est destinée, dans le premier cas, à compenser la contrainte liée à l'éloignement qui ne permet pas aisément au créancier d'avoir connaissance de l'ouverture de la procédure collective du débiteur et de ses effets dans les deux mois qui suivent la publication en France de cette ouverture, et que, dans le second cas, les conditions procédurales et de fond de la résiliation des contrats en cours prévues aux articles L. 622-13 et L. 622-14 du code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14, et aux articles L. 641-11-1 et L. 641-12 du même code, garantissent au cocontractant une connaissance immédiate de la résiliation du contrat, qu'elle intervienne à son initiative ou non, qui lui permet de réagir dans le délai suffisant d'un mois pour déclarer sa créance d'indemnité.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Articles L. 622-26 et R. 622-21, alinéa 2, du code de commerce.

Com., 18 janvier 2023, n° 21-17.581, (B), FRH

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Appel d'un jugement concernant son patrimoine – Appel formé par le débiteur seul – Irrecevabilité

Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Appel d'un jugement concernant son patrimoine – Fin de non-recevoir – Régularisation – Intervention du liquidateur dans le délai d'appel

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 mars 2021), le 15 juin 2012, la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim), maître de l'ouvrage, a confié à la société Xavier Laine, entrepreneur principal, le lot relatif à l'isolation thermique d'un chantier de réhabilitation de logements HLM.

2. Par des contrats du 19 mars 2013, l'entrepreneur principal a sous-traité une partie de ce lot à la société Bâti GSB, le paiement du sous-traitant devant être réalisé directement par le maître de l'ouvrage.

3. Après la réalisation des travaux, la société Bâti GSB n'a pu obtenir du maître de l'ouvrage le paiement de ses factures.

4. La société Bâti GSB a assigné la Sagim en paiement de ses factures et en dommages et intérêts pour procédure abusive. Un jugement du 28 juin 2016 a rejeté ces demandes.

5. Mise en liquidation judiciaire le 6 juillet 2016, la société Bâti GSB a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2016.

6. L'affaire a été renvoyée à la mise en état et l'ordonnance de clôture révoquée, en raison de la survenue de la liquidation judiciaire et, par une ordonnance du 24 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté « l'interruption de l'instance » et enjoint aux parties de régulariser la procédure.

7. Le liquidateur de la société Bâti GSB est intervenu volontairement à l'instance.

8. Par une ordonnance du 16 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'incident et au fond signifiées par la Sagim.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La Sagim fait grief à l'arrêt, après avoir tenu l'appel pour recevable, de déclarer recevable l'intervention volontaire du liquidateur de la société Bâti GSB, de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 709,57 euros et d'ordonner la capitalisation des intérêts, alors :

« 1°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; qu'en s'abstenant de relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du dessaisissement du débiteur en liquidation et l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ qu'à supposer que l'intervention du liquidateur judiciaire puisse régulariser la procédure initiée par le seul débiteur dessaisi, c'est à la condition que cette intervention intervienne avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en s'abstenant de constater que l'intervention du liquidateur était intervenue dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-9 du code de commerce et 125, alinéa 1, et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

11. Même lorsqu'il est d'ordre public, le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation n'est recevable que s'il résulte d'un fait dont la cour d'appel a été mise à même d'avoir connaissance.

12. Selon les énonciations de l'arrêt, la société débitrice Bâti GSB, après sa mise en liquidation judiciaire, a relevé appel, seule, du jugement entrepris, puis son liquidateur est intervenu volontairement à l'instance d'appel.

13. En l'état des conclusions et pièces soumises à la cour d'appel par le seul liquidateur, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions de la Sagim, entraînant l'irrecevabilité des pièces qu'elle a produites, dont il ne ressortait ni précision ni aucune justification sur la signification du jugement au liquidateur, la cour d'appel n'a pas été mise à même de constater que le délai d'appel avait couru à l'égard du liquidateur et avait expiré à la date de son intervention volontaire.

14. En conséquence, le moyen, pris en sa seconde branche, étant irrecevable, l'intervention du liquidateur à l'instance d'appel a régularisé la fin de non-recevoir affectant l'appel du débiteur.

15. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 641-9 du code de commerce ; articles 125 et 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 14 décembre 2010, pourvoi n° 10-10.792, Bull. 2010, IV, n° 201 (cassation).

Com., 18 janvier 2023, n° 21-16.806, (B), FRH

Cassation

Redressement judiciaire – Déroulement – Poursuite de l'activité au cours de la période d'observation – Demande de conversion formée sur requête d'un mandataire – Convocation du débiteur par le greffe – Nécessité (non)

Il résulte de la combinaison des articles L. 631-15, II, R. 631-3, R. 631-4 et R. 631-24 du code de commerce qu'en vue de convertir la procédure de redressement en liquidation judiciaire, si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire.

Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui annule le jugement de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au motif que le débiteur n'a pas été convoqué par le greffe, tout en relevant que le tribunal avait été saisi par les requêtes du mandataire judiciaire et de l'administrateur et que la société débitrice, informée par le mandataire de la requête et de la date de l'audience, y était représentée par son avocat qui avait présenté des observations sur le fond.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mars 2021), le 12 décembre 2019, la société SEM du Pas-de-Calais Ouest (la société Sempaco) a été mise en redressement judiciaire et les sociétés WRA et R&D ont été respectivement désignées mandataire et administrateur judiciaires.

Les 15 et 18 septembre 2020, le mandataire et l'administrateur ont déposé chacun une requête en conversion du redressement en liquidation judiciaire.

Le tribunal a accueilli leur demande.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Le liquidateur et l'administrateur de la société Sempaco font grief à l'arrêt d'annuler le jugement de conversion, alors « qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur ; que c'est uniquement lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et que le débiteur n'a pas été préalablement invité à présenter ses observations, qu'il doit être convoqué à comparaître à la diligence du greffe, l'absence de cette convocation étant indifférente lorsque le tribunal statue sur requête et que le débiteur a comparu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Sempaco, débiteur, a été informée de la demande formée par les organes de la procédure collective tendant à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire par le mandataire judiciaire, qui lui a communiqué une copie de sa requête ; qu'il est également constant que le débiteur a pu constituer avocat, qu'il a été représenté à l'audience et qu'il a pu être entendu ; que pour prononcer la nullité du jugement entrepris, la cour d'appel a retenu que le débiteur n'avait pas été convoqué à l'audience par le greffe de la juridiction comme les textes le prescrivent ; qu'en statuant ainsi, cependant que la convocation du débiteur par le greffe de la juridiction n'est requise que dans l'hypothèse où le tribunal exerce son pouvoir d'office, et que, dans l'hypothèse où il est saisi sur requête, la loi exige seulement que le débiteur ait été entendu, ce qui était le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles L. 631-15, II, R. 631-3 et R. 631-24 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-15, II, R. 631-3, R. 631-4 et R. 631-24 du code de commerce :

3. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'en cours de période d'observation, le mandataire judiciaire ou l'administrateur demande au tribunal de convertir le redressement en liquidation judiciaire, il procède par voie de requête, le tribunal ne pouvant statuer que si le débiteur a été entendu ou dûment appelé. Si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire.

4. Pour annuler le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire, l'arrêt retient que le débiteur n'a pas été convoqué par le greffe comme les textes le prescrivent, mais par la communication par le mandataire judiciaire d'une copie de sa requête.

5. En statuant ainsi, après avoir relevé que le tribunal avait été saisi par les requêtes du mandataire et de l'administrateur et que la société Sempaco, informée par le mandataire de la requête et de la date de l'audience, y était représentée par son avocat qui avait présenté des observations sur le fond, la cour d'appel a violé, par fausse application les deuxième et troisième textes susvisés, et par refus d'application le premier et le dernier textes visés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 631-15, II, R. 631-3, R. 631-4 et R. 631-24 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de convoquer le débiteur en cas de conversion d'office par le tribunal de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 20 juin 2018, pourvoi n° 17-13.204, Bull. 2018, IV, n° 71 (cassation partielle).

Com., 18 janvier 2023, n° 21-18.492, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Redressement judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Portée – Action patrimoniale dirigée contre le débiteur – Possibilité de conclure seul – Conditions – Action également dirigée contre l'administrateur – Sanction – Irrecevabilité des conclusions (non)

La mission d'assistance confiée à l'administrateur judiciaire en application de l'article L. 631-12 du code de commerce ne vient pas priver le débiteur en redressement judiciaire de la faculté de conclure seul pour défendre à une action patrimoniale dirigée contre lui, pourvu que cette action ait également été dirigée contre son administrateur. Il n'en résulte, en cette hypothèse, aucun défaut de qualité du débiteur susceptible de se traduire par l'irrecevabilité de telles conclusions, ni aucune nullité de fond de ces mêmes conclusions.

Redressement judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Portée – Action patrimoniale dirigée contre le débiteur – Possibilité de conclure seul – Conditions – Action également dirigée contre l'administrateur – Sanction – Nullité des conclusions (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2021), le 26 avril 2012, la société Hôtelière de l'anse heureuse (la société HAH), dont [P] [I] détenait 98 % du capital, a été mise en liquidation judiciaire, Mme [N] [B] étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Par actes authentiques du 30 avril 2013, la société AXA banque (la banque) a consenti à [P] [I] quatre prêts, d'un montant global de 16 735 000 euros.

3. [P] [I] est décédé le [Date décès 1] 2016, en laissant pour lui succéder Mme [G] [B] et M. [W] [I], qui ont accepté la succession purement et simplement.

4. La banque a déclaré ses créances au notaire chargé de la succession et, les 8 et 11 septembre 2017, a signifié aux héritiers les titres exécutoires constatant les prêts.

5. Par un jugement du 12 avril 2018, la liquidation judiciaire de la société HAH a été clôturée pour extinction du passif et la société BCM désignée en qualité de mandataire ad hoc pour gérer le boni de liquidation qui devait lui être remis par le liquidateur.

6. Le 19 avril 2019, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société BCM, en sa qualité de mandataire ad hoc désigné pour gérer le boni de liquidation. Cette saisie a été dénoncée à M. [W] [I] et à Mme [G] [B], les 25 et 26 avril 2019.

7. Le 17 mai 2019, la société BCM, ès qualités, a assigné la banque et les héritiers devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la saisie-attribution.

Par une ordonnance du 24 juin 2019, elle a été désignée en qualité de liquidateur amiable.

8. Un jugement du 25 juin 2019 a mis Mme [G] [B] et M. [W] [I] en redressement judiciaire et a désigné la société BCM en qualité d'administrateur judiciaire et la société MJA en qualité de mandataire judiciaire, lesquelles sont intervenues volontairement à la procédure pendante devant le juge de l'exécution.

9. Par un jugement du 8 octobre 2019, le juge de l'exécution, après avoir accueilli ces interventions, a ordonné la mainlevée de la saisie.

La banque a formé appel de cette décision et a intimé les héritiers et les sociétés BCM et MJA, ès qualités.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 631-12 du code de commerce et les articles 122 et 127 du code de procédure civile :

11. La mission d'assistance confiée à l'administrateur judiciaire en application du premier de ces textes ne vient pas priver le débiteur en redressement judiciaire de la faculté de conclure seul pour défendre à une action patrimoniale dirigée contre lui, pourvu que cette action ait également été dirigée contre son administrateur. Il n'en résulte, en cette hypothèse, aucun défaut de qualité du débiteur susceptible de se traduire par l'irrecevabilité de telles conclusions, ni aucune nullité de fond de ces mêmes conclusions.

12. Pour déclarer nulles, en raison d'un défaut de capacité constitutif d'une irrégularité de fond énoncée à l'article 117 du code de procédure civile, les premières conclusions déposées le 27 janvier 2020 par Mme [B] et M. [I], seuls, et irrecevables les conclusions postérieures, l'arrêt retient que les débiteurs ont été mis en redressement judiciaire par deux jugements du 25 juin 2019.

13. En statuant ainsi, alors que les conclusions d'intimés déposées le 27 janvier 2020 par Mme [B] et M. [I] n'étaient entachées ni d'une irrégularité de fond ni d'un défaut de qualité des débiteurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

14. La société BCM, ès qualités, la société MJA, ès qualités, et Mme [B] et M. [I] font grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution du 19 avril 2019, alors « qu'aux termes de l'article L. 662-1 du code de commerce, aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable ; que cette disposition reste applicable, après la décision prononçant la clôture d'une procédure de liquidation judiciaire pour extinction du passif, aux fonds issus de cette liquidation déposés à la Caisse par un mandataire ad hoc désigné pour gérer ces fonds dès lors que la société ne survit que pour les besoins de la liquidation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 662-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1844-7, 7°, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, 1844-8 du code civil, L. 641-9, II, et L. 662-1 du code de commerce :

15. Il résulte du premier de ces textes que la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant sa liquidation judiciaire ce qui, en application du deuxième, se traduit par sa dissolution sur laquelle le jugement de clôture pour extinction du passif est sans incidence, rendant ainsi nécessaire la désignation d'un liquidateur amiable pour en achever les opérations.

En application du dernier de ces textes, aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées par un liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable.

16. Pour valider la saisie-attribution, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 662-1 du code de commerce sont sans application dès lors que les opérations de liquidation amiable de la société HAH ne sont pas régies par les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives.

17. En statuant ainsi, alors que la clôture de la procédure collective de la société HAH pour extinction du passif était restée sans incidence sur la nécessité impérative d'achever les opérations tendant à la dissolution de cette société provoquée par sa mise en liquidation judiciaire, justifiant ainsi la désignation par le jugement de clôture d'un mandataire ad hoc puis ensuite d'un liquidateur ayant notamment pour mission de répartir les fonds déposés par le liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations où ils étaient insaisissables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 8 octobre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Article L. 631-12 du code de commerce.

Com., 18 janvier 2023, n° 21-21.748, (B), FRH

Rejet

Redressement judiciaire – Ouverture – Qualité du débiteur – Professionnel ayant cessé son activité – Délai d'un an pour assigner le débiteur – Point de départ – Détermination – Date de radiation

Le délai d'un an prévu à l'article L. 631-5, alinéa 2, 1°, du code de commerce pour qu'un créancier assigne son débiteur en ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la radiation du débiteur est mentionnée sur le registre du commerce et des sociétés.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [V] de ce qu'il reprend l'instance à l'égard de M. [M] et de la société [B] [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [V].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 10 mai 2021), par un acte du 24 septembre 2020, M. [M], se disant créancier de M. [V], l'a assigné en redressement judiciaire.

3. M. [V] s'est opposé à cette demande, en soutenant qu'elle devait être rejetée, en application de l'article L. 631-5 du code de commerce, dès lors qu'il avait cessé son activité depuis plus d'un an.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du jugement entrepris, de confirmer ce jugement en toutes ses dispositions et de rejeter sa demande d'indemnité procédurale, alors :

« 1°/ que le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en énonçant que « la radiation est intervenue en l'espèce le 5 août 2019 ainsi que le démontre l'extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats » quand il était mentionné dans cet extrait Kbis : « Radiation. Date de radiation : 05/08/2019. Mention n° 12881 du 05/08/2019 : radiation du RCS le 05/08/2019 avec effet au 11/03/2019. Date de cessation totale de l'activité : 11/03/2019 », la cour d'appel a dénaturé par omission l'extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats, mis à jour au 23 octobre 2020, et a violé le principe susvisé ;

2°/ que la procédure de redressement judiciaire peut être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de : 1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ; 2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ; 3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation ; que lorsque le commerçant, personne physique, demande sa radiation pour cessation totale d'activité en application des dispositions de l'article R. 123-51 du code de commerce et qu'il est procédé par le greffe du tribunal de commerce à cette radiation avec effet rétroactif à la date de cette cessation d'activité, cette dernière date constitue le point de départ du délai préfix d'un an ; qu'en énonçant que « la radiation étant intervenue le 5 août 2010, ainsi que le démontre l'extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats, l'action engagée par M. [M] le 15 juillet 2020 était recevable même si l'activité avait cessé depuis le 11 mars 2019 », la cour d'appel a violé l'article L. 631-5 du code de commerce ;

3°/ que tout commerçant immatriculé demande, dans le délai d'un mois avant la cessation totale de son activité commerciale dans le ressort d'un tribunal ou dans le délai d'un mois à compter de celle-ci, sa radiation en indiquant la date de cessation, sauf lorsqu'il est fait usage de la possibilité prévue au 5° de l'article R. 123-46 ; qu'en énonçant que « seule la date de la décision de radiation du registre du commerce et des sociétés doit être prise en compte s'agissant des commerçants, quelle que soit la date de cessation d'activité » quand la mesure de radiation effectuée par le greffe avec un effet rétroactif au 11 mars 2019, date de la cessation totale d'activité du déclarant, ne pouvait s'entendre d'une « décision » créatrice de droits qui ne produirait effet qu'à compter du 5 août 2019, la cour d'appel a violé l'article L. 123-51 du code de commerce, ensemble les articles R. 123-1 et R. 123-17 du code de commerce, et l'article L. 631-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Le délai d'un an prévu à l'article L. 631-5, alinéa 2, 1°, du code de commerce pour qu'un créancier assigne son débiteur en ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle la radiation du débiteur est mentionnée sur le registre du commerce et des sociétés.

6. La cour d'appel ayant constaté, sans dénaturer l'extrait Kbis invoqué par la première branche, d'un côté, que la radiation de M. [V] du registre du commerce et des sociétés était intervenue le 5 août 2009, date de sa mention sur le registre, de l'autre, que l'assignation en redressement judiciaire avait été délivrée à l'intéressé le 15 juillet 2020, elle en a exactement déduit que l'action de M. [M] était recevable, peu important que l'extrait Kbis mentionne une radiation « avec effet » au 11 mars 2019, cette précision étant sans incidence sur le point de départ du délai en cause à l'égard des tiers.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 631-5, alinéa 2, 1°, du code de commerce.

Com., 18 janvier 2023, n° 21-22.090, (B), FRH

Cassation partielle

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Prescription de l'action – Computation – Dies a quo – Détermination – Jour suivant la date du jugement prononçant la liquidation

Il résulte des articles L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce, 2228 et 2229 du code civil que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne peut être inclus dans la computation de ce délai, lequel expire trois ans après le jour suivant cette date.

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Prescription de l'action – Point de départ et délai – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juillet 2021), la société Antilope express, dirigée par M. [G], a été mise en liquidation judiciaire le 7 janvier 2016, la société BTSG, remplacée par la société Alliance, étant désignée liquidateur.

2. Le 7 janvier 2019, le liquidateur a assigné le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Alliance, ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite son action contre M. [G], alors « que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ; que le jour au cours duquel se produit l'événement qui fait courir le délai de prescription ne compte pas dans celui-ci ; qu'en faisant courir le délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif à la date du 7 janvier 2016, soit la date du jugement de liquidation judiciaire, et non à la date du 8 janvier 2016, au motif qu'en droit des procédures collectives, « l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif obéit à un régime juridique spécifique » en application duquel « le point de départ du délai de prescription est, par application de la règle dérogatoire du droit commun de l'article L. 651-2, alinéa 3, qui est d'ordre public, le jour du jugement de la liquidation judiciaire », quand le texte susvisé n'est nullement dérogatoire au droit commun des règles de computation des délais de prescription, de sorte que le jour du jugement de liquidation judiciaire, soit en l'occurrence le 7 janvier 2016, ne pouvait être retenu à titre de « dies a quo », la cour d'appel a violé les articles L. 652-1, alinéa 3, du code de commerce, 640 du code de procédure civile et 2228 et 2229 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce, et 2228 et 2229 du code civil :

4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

5. Aux termes du deuxième, la prescription se compte par jours, et non par heures.

6. Aux termes du troisième, elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

7. Il en résulte que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne peut être inclus dans la computation de ce délai, lequel expire trois ans après le jour suivant cette date.

8. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif introduite par la société Alliance, ès qualités, l'arrêt relève que le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Antilope express a été rendu le 7 janvier 2016 tandis que l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif a été délivrée à la demande du liquidateur à M. [G] le 7 janvier 2019 à 15h37. Rappelant que les règles de computation des délais de procédure des articles 641 et 642 du code de procédure civile sont sans application en matière de prescription et, qu'en droit commun, le jour au cours duquel se produit l'événement qui fait courir le délai ne compte pas dans celui-ci, l'arrêt retient qu'en droit des procédures collectives, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif a un régime juridique spécifique, et que le point de départ de son délai de prescription, dérogatoire au droit commun, fixé à l'article L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce qui est d'ordre public, est le jour du jugement de la liquidation judiciaire, de sorte que la prescription étant acquise le dernier jour du terme à minuit, l'action engagée après le 6 janvier 2019 à 24 heures était prescrite.

9. En statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, soit le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, le 7 janvier 2016, ne pouvait être inclus dans la computation de ce délai, de sorte que l'action engagée le 7 janvier 2019, dans le délai de trois ans de l'article L. 651-2, alinéa 3, n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : Me Bertrand ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 651-2, alinéa 3, du code de commerce ; articles 2228 et 2229 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, à rapprocher : Com., 8 avril 2015, pourvoi n° 13-28.512, Bull. 2015, IV, n° 66 (rejet).

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