Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

CONTRAT D'ENTREPRISE

3e Civ., 11 janvier 2023, n° 21-11.053, (B), FS

Rejet

Coût des travaux – Paiement – Retenue de garantie – Caution bancaire – Extinction – Expiration du délai d'un an après réception – Point de départ – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l'expiration duquel est libérée la caution qui se substitue à la retenue de garantie ne peut commencer à courir avant la date de la réception.

Une cour d'appel, qui constate que l'opposition à mainlevée a été notifiée à la caution par le maître de l'ouvrage moins d'un an après la date à laquelle a été fixée la réception judiciaire de l'ouvrage, en déduit exactement que, les conditions d'application de l'engagement de caution au bénéfice du maître de l'ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle statue, la demande en paiement est recevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 novembre 2020), à l'occasion d'un programme de construction de logements, la société civile de construction-vente Jean de Béthencourt (la SCCV) a confié à la société Chauffage plomberie électricité sanitaire (la société CPES) le lot plomberie sanitaire VMC désenfumage mécanique.

2. La société Banque du bâtiment et des travaux publics (la banque) a délivré à la société CPES un engagement de caution personnelle et solidaire au titre de la retenue de garantie de 5 % du marché de travaux, au bénéfice du maître de l'ouvrage.

3. Par jugement du 27 mars 2013, la société CPES a été mise en redressement judiciaire, la procédure ayant été convertie en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité par décision du 5 juin suivant.

4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juin 2013, la SCCV a notifié la résiliation du contrat la liant à la société CPES et convoqué le liquidateur judiciaire de celle-ci à un constat de l'état des travaux exécutés, les 10 et 14 juin 2013.

5. Des procès-verbaux de constat, établis à ces dates hors la présence du mandataire judiciaire, ont été notifiés à celui-ci.

6. Après avoir mis en demeure, le 29 novembre 2013, la banque de lui verser une certaine somme au titre de l'engagement de caution, la SCCV lui a notifié, le 6 juin 2014, son opposition à la libération de la caution.

7. Un arrêt irrévocable du 26 avril 2018 a fixé la réception judiciaire des travaux exécutés par la société CPES aux 10 et 14 juin 2013, avec les réserves mentionnées sur les procès-verbaux de constat établis aux mêmes dates.

8. Par acte du 19 mars 2015, la SCCV avait, entre temps, assigné la banque en paiement.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la SCCV et de la condamner à lui payer une certaine somme au titre de son engagement de caution, alors :

« 1°/ que la retenue de garantie de 5 %, à laquelle peut se substituer une caution personnelle et solidaire, a pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat ayant donné lieu à des réserves à la réception et ne peut donc être utilisée que s'il y a eu réception des travaux ; qu'en déclarant recevable l'action de la société Jean de Béthencourt, introduite le 19 mars 2015, quand il résulte de ses constatations qu'à cette date, aucune réception amiable contradictoire n'était intervenue et aucune réception judiciaire n'avait été fixée, la cour d'appel a violé l'article 1 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 ;

2°/ qu'aucune opposition à la libération de la caution remplaçant la retenue de garantie de 5 % ne peut régulièrement intervenir avant que les travaux n'aient fait l'objet d'une réception contradictoire amiable, ou qu'une réception judiciaire ait été fixée ; qu'en considérant que la régularité de l'opposition ne serait pas subordonnée à la justification d'une réception régulière, et que l'opposition de la société Jean de Béthencourt serait régulière, quand il résulte de ses constatations, qu'à la date à laquelle le maître de l'ouvrage aurait, par un courrier du 6 juin 2014, notifié une opposition à la libération de la caution, aucune réception contradictoire n'était intervenue, ni aucune réception judiciaire n'avait été fixée, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971. »

Réponse de la Cour

11. La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer, prévues à l'article 1 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, ont pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.836, Bull. 2016, III, n° 21).

12. Selon l'article 2 de cette loi, à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, la caution est libérée, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage ne lui a pas notifié, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur.

13. Il résulte de ce texte, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l'expiration duquel la caution est libérée ne peut commencer à courir avant la date de la réception.

14. La cour d'appel a constaté qu'un arrêt du 26 avril 2018 avait prononcé la réception judiciaire des travaux exécutés par la société CPES aux 10 et 14 juin 2013, avec des réserves, et que le maître de l'ouvrage avait mis en demeure la banque d'exécuter son engagement le 29 novembre 2013 et avait notifié à celle-ci une opposition à mainlevée le 6 juin 2014.

15. Elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que, les conditions d'application de l'engagement de caution au bénéfice du maître de l'ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle a statué, la demande en paiement de la SCCV était recevable et, après avoir constaté que le coût de la levée des réserves était supérieur au montant du cautionnement, qu'elle devait être accueillie.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull., 2004, III, n° 154 (cassation) ; 3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.836, Bull. 2016, III, n° 21 (cassation partielle).

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