Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 18 janvier 2023, n° 21-19.349, (B), FRH

Cassation partielle

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Contrat de sécurisation professionnelle – Adhésion du salarié – Moment – Signature du bulletin d'acceptation par le salarié – Portée

Il résulte de l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015, que l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle intervient au moment où le salarié signe le bulletin d'acceptation.

Doit en conséquence être cassé, l'arrêt qui, pour débouter un salarié de ses demandes au titre de l'absence de cause du licenciement, retient que l'information relative au motif économique de la rupture du contrat de travail lui a été donnée tant lors de l'entretien préalable que dans la lettre notifiée antérieurement à son adhésion complète au contrat de sécurisation professionnelle, alors que le salarié avait adhéré au dispositif, antérieurement à l'envoi de cette lettre, en adressant à son employeur le bulletin d'acceptation et qu'il ne résultait pas de ses constatations que l'employeur avait remis ou adressé personnellement au salarié un document écrit énonçant le motif économique de la rupture avant cette acceptation.

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Contrat de sécurisation professionnelle – Mention des motifs de la rupture – Enonciation dans un écrit – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020) et les productions, Mme [G] a été engagée le 2 mars 2005 en qualité de secrétaire dactylo par la caisse nationale des barreaux français.

2. Après avoir été convoquée le 21 octobre 2015 à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique, fixé au 29 octobre 2015, au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé, elle a adressé à son employeur, par lettre du 6 novembre 2015, le bulletin d'acceptation au dispositif.

3. Par lettre du 9 novembre 2015, l'employeur lui a notifié les motifs économiques de la rupture en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement.

4. Contestant les motifs de la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [G] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à constater l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et à condamner l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors :

« 1°/ que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en retenant, pour juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, que l'information relative à la cause économique du licenciement avait été donnée à Mme [G] lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement quand une telle information orale n'était pas de nature à porter valablement à la connaissance de la salariée le motif économique du licenciement afin de lui permettre d'accepter de manière éclairée un contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L. 1233-66, L. 1233-15, L. 1233-39 et L. 1233-67 du code du travail ;

2°/ que l'information relative au motif économique du licenciement doit être portée à la connaissance du salarié par tout document écrit au plus tard au moment de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle ; que le salarié manifeste sa volonté de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle en remettant à l'employeur le bulletin d'acceptation dûment complété et signé ; qu'il résulte des pièces du dossier que Mme [G] a complété, signé, et renvoyé à l'employeur le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 6 novembre 2015 et que l'information relative au motif économique du licenciement ne lui a été délivrée que par la lettre de licenciement, laquelle est datée du 9 novembre 2015 ; qu'en déboutant Mme [G] de sa demande tendant à voir constater que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse, en considérant qu'il convenait de tenir compte, pour se déterminer sur l'antériorité de l'information de l'employeur quant au motif économique du licenciement, de la date à laquelle le dossier complet d'adhésion du contrat de sécurisation professionnelle avait été envoyé, soit le 18 novembre 2015, et non pas de la date d'envoi à l'employeur du bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 5 et 6 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail ;

3°/ qu'en tout état de cause, à supposer que la cour d'appel ait entendu retenir que la salariée n'avait adressé le bulletin d'acceptation signé que le 18 novembre 2015, il résulte de la pièce d'appel n° 76 que le bulletin d'acceptation a été adressé le 6 novembre 2015 ; qu'en jugeant au contraire que la date de l'envoi de cette acceptation était du 18 novembre 2015, la cour d'appel a dénaturé la pièce n° 76 et a ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015 agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail :

7. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.

L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

8. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre de l'absence de cause du licenciement, l'arrêt retient que l'information relative au motif économique de la rupture du contrat de travail lui a été donnée tant lors de l'entretien préalable que dans la lettre de licenciement notifiée le 9 novembre, soit antérieurement à son adhésion complète au contrat de sécurisation professionnelle intervenue le 18 novembre 2015.

9. En statuant ainsi, alors que la salariée avait adhéré au contrat de sécurisation dès le 6 novembre 2015 en adressant à son employeur le bulletin d'acceptation et qu'il ne résultait pas de ses constatations que l'employeur avait remis ou adressé personnellement à la salariée un document écrit énonçant le motif économique de la rupture avant son acceptation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, tendant à la condamnation de la Caisse nationale des barreaux français à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 7 370,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 737,04 euros au titre des congés payés afférents, en ce qu'il la condamne aux dépens et rejette ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 ; articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de l'employeur d'énoncer dans un écrit le motif économique de la rupture avant l'adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle, à rapprocher : Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-16.218, Bull. 2015, V, n° 171 (1) (cassation partielle).

Soc., 18 janvier 2023, n° 21-20.311, (B), FRH

Rejet

Licenciement – Nullité – Cas – Atteinte au droit de grève – Effets – Allocation de chômage – Remboursement aux organismes concernés – Condamnation de l'employeur – Fondement – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 juin 2021), M. [N] a été engagé par la société Onyx le 3 novembre 1997 en qualité d'équipier de collecte. Son contrat a été transféré, en dernier lieu, le 1er juillet 2015, à la société Collectes valorisation énergie déchets (la société), qui a repris le marché auquel le salarié était affecté.

2. Du 8 au 20 juin 2017, un mouvement de grève s'est déroulé dans l'entreprise, dans le cadre d'un préavis déposé par le syndicat général des transports CFDT de Basse-Normandie (le syndicat).

3. Le salarié a été licencié pour faute lourde par lettre du 30 juin 2017 à raison de faits commis le 8 juin 2017 au cours de cette grève.

4. Il a saisi le 27 octobre 2017 la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement des indemnités de chômage versées au salarié entre la date de licenciement et le jugement dans la limite de trois mois, alors « qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ; qu'en l'espèce, après avoir prononcé la nullité du licenciement en application de l'article L. 2511-1 du code du travail, la cour d'appel a condamné l'employeur au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l‘article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

8. Selon l'article L. 1132-4 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

9. L'article L. 1132-2 du code du travail, figurant dans le même chapitre II « Principe de non-discrimination », prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

10. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail sont applicables en cas de nullité du licenciement en raison de l'exercice normal du droit de grève.

11. Dès lors, la cour d'appel qui, ayant retenu que le licenciement du salarié était nul comme consécutif à l'exercice par ce dernier de son droit de grève, sans qu'une faute lourde puisse lui être reprochée, a condamné la société à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage versées au salarié entre la date du licenciement et le jugement dans la limite de trois mois d'allocations, n'encourt pas le grief du moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1235-4, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 1132-4 dans sa version antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 et L. 1132-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le fondement de la condamnation de l'employeur fautif à rembourser les allocations de chômage au cas de nullité du licenciement, évolution par rapport à : Soc., 12 décembre 2001, pourvoi n° 99-44.167, Bull. 2001, V, n° 383 (cassation partielle sans renvoi).

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