Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

CONFLIT DE JURIDICTIONS

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 21-21.168, (B), FS

Rejet

Effets internationaux des jugements – Exequatur – Action en exequatur – Prescription

Si les règles de prescription de l'Etat d'origine sont susceptibles d'affecter le caractère exécutoire du jugement et, par conséquent, l'intérêt à agir du demandeur à l'exequatur et si celles de l'Etat requis sont susceptibles d'affecter l'exécution forcée du jugement déclaré exécutoire, en revanche, l'action en exequatur elle-même n'est soumise à aucune prescription.

Prescription civile – Loi applicable – Décision étrangère – Action en exequatur – Intérêt à agir – Droit de l'Etat d'origine – Action en exécution forcée – Droit de l'Etat requis

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (18 novembre 2020, pourvoi n° 19-12.857), Mme [S] a assigné M. [C] en exequatur d'un acte de défaut de biens délivré contre celui-ci le 14 novembre 2002 par l'Office des poursuites du district de Lausanne.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [C] fait grief à l'arrêt d'accorder l'exequatur à l'acte de défaut de biens, alors « que l'article 47 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale subordonne l'exequatur d'une décision à la production, par la partie qui l'invoque, d'un document de nature à établir que, selon la loi de l'État d'origine, la décision a été signifiée ; qu'en jugeant néanmoins que l'acte de défaut de biens délivré le 14 novembre 2002 par l'Office des poursuites du district de Lausanne pouvait être exequaturé en France, par la considération que la loi fédérale suisse prévoirait l'envoi d'une copie de l'acte de défaut de biens au débiteur et que monsieur [C] n'aurait pas contesté un tel envoi - ce qui était au demeurant inexact (cf. conclusions de monsieur [C], p. 18) - et que ce dernier aurait pu s'expliquer sur la créance revendiquée par Mme [S] dans des procédures judiciaires antérieures à la délivrance de l'acte de défaut de biens le 14 novembre 2002 par l'Office des poursuites du district de Lausanne (arrêt, p. 7, §§ 2 et s.), cependant que cette considération était impropre à valoir constatation de la production par Mme [S], demanderesse à l'exequatur, d'un document de nature à établir que, selon la loi de l'État d'origine, l'acte de défaut de biens aurait été signifié à M. [C], la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 47, alinéa 1, de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la partie qui demande l'exécution doit produire tout document de nature à établir que, selon la loi de l'Etat d'origine, la décision est exécutoire et a été signifiée.

5. Ayant retenu que la loi fédérale prévoyait l'envoi d'une copie de l'acte de défaut de biens au débiteur et que cette formalité avait été observée, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

6. M. [C] fait grief à l'arrêt d'accorder l'exequatur à l'acte de défaut de biens, alors « que l'exécution en France d'une décision étrangère est soumise à la loi française quant à la prescription ; qu'en retenant néanmoins, pour juger que pouvait être accueillie la demande d'exequatur, que le délai de prescription de la créance constatée par un acte de défaut de biens était, selon le droit suisse, de vingt ans à compter de la délivrance de l'acte de défaut de biens, la cour d'appel, qui a appliqué de manière erronée les règles du droit suisse relatives à la prescription et non celles du for, a violé l'article 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Si les règles de prescription de l'Etat d'origine sont susceptibles d'affecter le caractère exécutoire du jugement et, par conséquent, l'intérêt à agir du demandeur à l'exequatur et si celles de l'Etat requis sont susceptibles d'affecter l'exécution forcée du jugement déclaré exécutoire, en revanche, l'action en exequatur elle-même n'est soumise à aucune prescription.

8. La cour d'appel a constaté qu'elle était saisie, par Mme [S], d'une demande d'exequatur d'un acte de défaut de biens délivré contre M. [C] par l'Office des poursuites du district de Lausanne.

9. Il en résulte que cette action n'était soumise à aucune prescription.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 21-17.092, (B), FRH

Rejet

Effets internationaux des jugements – Reconnaissance ou exequatur – Exclusion – Décisions rendues en méconnaissance des compétences exclusives – Cas – Validité des inscriptions sur les registres publics – Applications diverses

Si, en vertu de l'article 45 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la reconnaissance est refusée aux décisions rendues en méconnaissance des compétences exclusives et si, selon l'article 24, § 3, sont exclusivement compétentes, en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus, cette règle ne concerne que le contentieux de la validité formelle des inscriptions, liée au droit de l'État détenteur du registre.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mars 2021), la société Barclay Pharmaceuticals a diligenté une saisie conservatoire de droits d'associés et de valeurs mobilières de la SCI Le Montfort, en vertu d'une ordonnance de la High Court of Justice du 22 juin 2018 désignant M. [B], son débiteur, comme le propriétaire réel de ces actifs, fictivement détenus par son épouse, Mme [E].

2. M. [B] et Mme [E] ont saisi le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance en contestation de cette saisie.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes en contestation de la saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquée le 1er février 2019 entre les mains de la société civile immobilière (SCI) Montfort, alors « qu'en application de l'article 45 du règlement (UE) du Parlement et du conseil n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, la reconnaissance d'une décision est refusée si elle méconnaît la compétence exclusive des juridictions d'un autre État membre ; que l'article 24, alinéa 1, du même règlement dispose que « sont seules compétentes les juridictions ci-après d'un État membre, sans considération de domicile des parties », [...] et l'alinéa 1, § 3, « en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus » ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris de ce que la titularité des parts d'une société civile faisant l'objet d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés, la juridiction anglaise était incompétente pour dire que M. [B] était le véritable propriétaire des parts de la SCI Le Monfort en dépit de la mention de Mme [E], épouse [B], comme propriétaire de ces parts, que la demande formulée devant le juge anglais n'a pas trait à la validité des inscriptions sur les registres publics tout en constatant que le jugement anglais du 22 juin 2018 avait pour effet de transférer la propriété des parts de la SCI Le Monfort de leur titulaire apparent, Mm [E], épouse [B], à M. [B], jugé être leur propriétaire réel, de sorte que le jugement mettait en cause la validité des mentions du registre du commerce et des sociétés français, la cour d'appel a violé les articles 45 et 24 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

5. Si, en vertu de l'article 45 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la reconnaissance est refusée aux décisions rendues en méconnaissance des compétences exclusives et si, selon l'article 24, § 3, sont exclusivement compétentes, en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus, cette règle ne concerne que le contentieux de la validité formelle des inscriptions, liée au droit de l'État détenteur du registre.

6. Ayant retenu que la décision du juge anglais, portant sur la propriété réelle des parts sociales détenues en apparence par Mme [B], ne concernait pas la validité des inscriptions au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 45 et 24, § 3, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012.

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