Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

CAUTIONNEMENT

Com., 25 janvier 2023, n° 21-12.220, (B), FS

Rejet

Extinction – Compensation – Créance personnelle opposée par la caution au créancier – Portée – Absence d'effet extinctif sur la dette principale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2020) et les productions, MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P] se sont rendus cautions solidaires d'une facilité de caisse consentie à la société [S] par la société Caisse de crédit mutuel du [Localité 3] (la banque). Un arrêt du 6 avril 2017, devenu irrévocable, a solidairement condamné MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P], en leur qualité de cautions, à payer à la banque la somme principale de 29 148,64 euros, a condamné la banque à payer à M. [Z] [S] et Mme [P] la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute de la banque pour avoir accepté le bénéfice de leurs cautionnements manifestement disproportionnés à leurs facultés de remboursement, et a ordonné la compensation des créances réciproques. Ces deux derniers ont, après compensation à hauteur de 23 000 euros, payé à la banque la somme de 6 887,25 euros au titre de leur engagement de caution.

2. Soutenant que M. [K] [S] restait lui devoir une certaine somme, la banque a fait pratiquer contre lui des mesures d'exécution, dont celui-ci, ainsi que M. [Z] [S] et Mme [P], ont demandé la mainlevée, en faisant valoir que ces deux derniers avaient déjà réglé l'intégralité de la créance de la banque, laquelle était par conséquent éteinte lorsque la banque avait engagé ses poursuites à l'encontre de M. [K] [S].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. [K] [S] de mainlevée de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation de quatre véhicules dont il était propriétaire et de la saisie-attribution de ses comptes ouverts dans les livres du Crédit du Nord ainsi que de paiement de dommages et intérêts, formées contre la banque, alors « que si la caution solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à son cofidéjusseur, elle peut se prévaloir de l'extinction totale ou partielle, par compensation, de la dette garantie ; qu'en jugeant du contraire pour débouter M. [K] [S] de ses demandes, la cour d'appel a violé l'article 1234 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 2288 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que la compensation opérée entre une créance de dommages et intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement et tendant à la réparation du préjudice que causerait à celle-ci l'exécution effective de cet engagement, et celle due par la caution, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de cette seule caution.

5. Dès lors, l'arrêt retient exactement que la compensation à concurrence de 23 000 euros opérée au bénéfice de M. [Z] [S] et Mme [P], montant des dommages et intérêts alloués à ces derniers en réparation du préjudice résultant de la faute de la banque lors de la souscription de leur engagement de caution, n'avait pas affecté l'obligation de paiement de M. [K] [S], dont il convenait seulement de déduire le paiement partiel effectué par M. [Z] [S] et Mme [P] à hauteur de 6 887,25 euros.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau (président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 6 juillet 2022, pourvoi n° 20-17.279, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 21-23.957, (B), FRH

Cassation

Proportionnalité de l'engagement – Etablissement de crédit – Responsabilité – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Mise en demeure – Défaut de réception effective – Indifférence

Il résulte de la combinaison de l'article 1139 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 2224 du même code que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité et que le point de départ de son action en responsabilité à l'encontre de la banque est fixé au jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 septembre 2021) et les productions, la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] (la banque) a consenti à la SCI FDM (l'emprunteur) deux prêts immobiliers, garantis par Mme [B] (la caution), qui s'est portée caution solidaire.

2. Après avoir prononcé la déchéance du terme et obtenu la vente forcée de l'immeuble de l'emprunteur par un jugement d'adjudication du 17 décembre 2010, la banque a signifié à la caution un commandement de saisie-vente le 15 juin 2015.

3. Le 2 décembre 2016, la caution a assigné la banque en caducité de ses engagements et en paiement de dommages-intérêts.

La banque a sollicité le paiement des sommes restant dues.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter le surplus des moyens de procédure soulevés et notamment le moyen tiré de la prescription des demandes formées à son encontre par la caution sur le fondement des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde ou défaut d'information exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; que la carence de la caution à réclamer le courrier recommandé contenant la mise en demeure n'a pas pour effet de différer le point de départ de la prescription à une date postérieure, ce d'autant plus lorsque ce courrier a été doublé d'une lettre simple ; qu'en énonçant que la banque, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de communiquer l'accusé de réception de la mise en demeure du 9 décembre 2009 signé par la caution, mais seulement le retour du document muni de la mention « Non réclamé - retour à l'envoyeur », échouait à établir que le délai de prescription des demandes au titre d'un manquement au devoir de mise en garde et à l'obligation d'information, ainsi qu'au titre d'un cautionnement manifestement disproportionné, avait pu valablement courir à compter de cette date, la réception du courrier simple par la caution n'étant pas davantage établi, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1139 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2224 du même code :

5. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

6. Il ressort du second que l'action en responsabilité de la caution contre la banque se prescrit par cinq ans à compter du jour où la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur défaillant a permis à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une disproportion de ses engagements ou de manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité et que le point de départ de son action en responsabilité à l'encontre de la banque est fixé, au jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.

8. Pour déclarer l'action en responsabilité initiée par la caution recevable, l'arrêt relève que la banque n'est pas en mesure de communiquer l'accusé de réception de la mise en demeure du 9 décembre 2009 signé par la caution, mais seulement le retour du document muni de la mention « Non réclamé - retour à l'envoyeur » et qu'elle succombe à établir que le délai de prescription des demandes a pu valablement courir à compter de cette date.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. La banque fait grief à l'arrêt de dire prescrites ses créances au titre des cautionnements consentis et de la déclarer irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la caution, alors « que l'interpellation faite au débiteur principal interrompt le délai de prescription contre la caution ; qu'en l'espèce, la caisse de Crédit mutuel d'[Localité 3] faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la procédure d'exécution forcée diligentée à l'égard de la SCI FDM, en sa qualité de débiteur principal, avait eu pour effet d'interrompre la prescription de son action en paiement à l'égard de Mme [O] [B], en sa qualité de caution ; qu'en énonçant qu'aucune interruption utile de la prescription n'était démontrée à l'égard de Mme [O] [B], en ce que les paiements opérés par cette dernière étaient postérieurs à l'expiration du délai de cinq ans ayant couru à compter du 9 décembre 2009, date de la déchéance du terme, sans rechercher si un tel effet interruptif de la prescription n'était pas acquis au regard de la procédure d'exécution forcée qui avait été diligentée antérieurement par la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] à l'encontre de la SCI FDM, ou du commandement de payer valant saisie-immobilière délivré antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2246, anciennement 2250, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2246 du code civil :

11. Selon l'alinéa 1 du premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

12. Selon le second, l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.

13. Pour déclarer la banque irrecevable en sa demande en paiement à l'égard de la caution, l'arrêt relève qu'il est établi que, si la caution a procédé à plusieurs règlements au titre des deux engagements litigieux, aucun n'est antérieur au 10 décembre 2014, date à laquelle la prescription des créances de la banque était acquise, et qu'aucune interruption utile de cette prescription n'est démontrée.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la procédure d'exécution forcée diligentée antérieurement par la banque à l'encontre de l'emprunteur n'avait pas eu un effet interruptif de la prescription, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 1139, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 2224 du code civil.

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