Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

APPEL CIVIL

3e Civ., 18 janvier 2023, n° 20-19.127, (B), FS

Cassation partielle

Appelant – Conclusions – Signification – Signification à l'intimé – Signification à l'intimé n'ayant pas constitué avocat – Relevé d'office – Obligation (non)

Si, en application de l'article 14 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de vérifier que la partie non comparante a été régulièrement appelée, elle n'est pas tenue de vérifier d'office si l'appelant a, dans le délai imparti par les articles 908 et 911 du code de procédure civile, signifié ses conclusions à l'intimé qui n'a pas constitué avocat.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Sergeant du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [K], la société Mutuelle des architectes français (la MAF), le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic la société Foncia Fox immobilier, la caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles du Nord Est (Groupama Nord Est) et la société ICP.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 juin 2017), la société Les Jardins de Vauban a fait réaliser un groupe d'immeubles à usage d'habitation, de bureaux et de garages, qui comprend la Résidence [Adresse 11], composée d'appartements, vendus en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.

3. Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 11] (le syndicat des copropriétaires), se plaignant de non-conformités et de malfaçons, a, après expertise, assigné M. [K], architecte, et son assureur, la MAF, la société Centre technique Apave Nord Picardie, devenue le GIE Ceten Apave international (le GIE), contrôleur technique, la société Sergeant, chargée des lots plomberie et VMC, la société Adelec services, en charge du lot électricité, la société FCB, venant aux droits de la société Bâti bois, ayant réalisé divers lots, la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), assureur de plusieurs participants aux opérations de construction, la société Les Jardins de Vauban, et la SMABTP, son assureur au titre de la garantie décennale.

4. La société Les Jardins de Vauban a appelé en garantie la société Centre technique Apave Nord-Picardie et son assureur, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12] (le Lloyd's de [Localité 12]), la société Sergeant, la SMABTP, la société Adelec services, la société FCB, laquelle a appelé en garantie la SMABTP.

5. Les instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, après avis de la deuxième chambre civile, pris en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile

Enoncé du moyen

6. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Adelec services, la société FCB et son assureur, la SMABTP, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], à garantir la société Les Jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, de la condamner à garantir le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12] des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 % et de la condamner à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge dans les proportions de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, alors « que, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant doit signifier ses conclusions aux parties qui n'ont pas constitué avocat avant l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, la société Les Jardins de Vauban a formé appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras le 29 septembre 2015, par déclaration au greffe du 9 octobre 2015 ; qu'elle n'a signifié ses premières conclusions, par lesquelles elle demandait la condamnation in solidum de M. [K], des sociétés Adelec Services, Sergeant, FCB, du GIE Ceten Apave International, de leurs assureurs respectifs et de son propre assureur, la société SMABTP, à la société Sergeant, n'ayant pas constitué avocat, que le 12 février 2016 ; que la cour d'appel a constaté que la société Sergeant n'avait pas constitué avocat ; qu'en affirmant cependant, pour prononcer à son encontre différentes condamnations, que « la société Sergeant a été régulièrement attraite à la procédure et s'est vu signifier les dernières écritures de certaines parties », sans vérifier que l'appelante avait signifié ses premières conclusions à la société Sergeant dans le délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 908 du code civil, dans sa version issue du décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 et l'article 911 du même code, dans sa version issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, également applicable au litige du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable en l'espèce, que le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel encourue en application des dispositions des articles 908 et 911 du même code, et que les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne faisant toutefois pas obstacle à ce que la cour d'appel relève d'office la caducité (2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-14.868, Bull. 2017, II, n° 93 et 2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-27.467, Bull. 2017, II, n° 93).

8. Cependant, l'intimé qui n'use pas de la faculté que lui confère l'article 914 du code de procédure civile de saisir le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à faire constater la caducité de l'appel pour tardiveté des conclusions des appelantes, n'est pas recevable à invoquer ce grief devant la Cour de cassation (2e Civ., 17 octobre 2013, pourvoi n° 12-21.242, Bull. 2013, II, n° 198), même dans le cas où l'intimé choisit de ne pas constituer avocat et n'est ni comparant ni représenté devant la cour d'appel.

9. Si, en application de l'article 14 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de vérifier que la partie non comparante a été régulièrement appelée, elle n'est pas tenue de vérifier d'office si l'appelant a, dans le délai imparti par les articles 908 et 911 du code de procédure civile, signifié ses conclusions à l'intimé qui n'a pas constitué avocat.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident de la société FCB et sur le moyen du pourvoi incident du GIE, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

11. Par son moyen, la société FCB fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec son assureur, la SMABTP, les sociétés Adelec services et Sergeant, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], à garantir la société Les jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, alors « que, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de la société Sergeant, demanderesse au pourvoi, doit profiter à la société FCB, condamnée in solidum à garantir la société Les jardins de Vauban et la SMABTP, son assureur, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires. »

12. Par leur moyen, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], font grief à l'arrêt de les condamner in solidum avec la société Sergeant, la société FCB et son assureur, la SMABTP, et la société Adelec services à garantir la société Les jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, alors « que, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de la société Sergeant, demanderesse au pourvoi, doit profiter à la société FCB (lire : au GIE Ceten Apave et à son assureur le Lloyd's de [Localité 12]), condamnés in solidum à garantir la société Les jardins de Vauban et la SMABTP, son assureur, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires. »

Réponse de la Cour

13. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Sergeant, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans objet.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

14. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, alors « que les codébiteurs, tenus in solidum, ne sont tenus que pour leur part et portion de la dette ; que celui qui a payé au-delà de sa part ne dispose d'un recours contre les autres qu'à proportion de leur propre part ; que la cour d'appel a évalué, en fonction du domaine d'intervention et de la gravité des fautes respectives, la part de responsabilité des constructeurs ou assimilés comme suit : 5 % à la charge de la société Adelec Services, 12 % à la charge de la société Sergeant, 15 % à la charge de la société FCB, 20 % à la charge du GIE Ceten Apave, 40 % à la charge de la maîtrise d'oeuvre, au sens large, à savoir M. [K] et la société APIA et 8 % à la charge de la société Les Jardins de Vauban pour son immixtion dans les travaux relatifs aux plafonds ; qu'en condamnant la société Sergeant à garantir le GIE Ceten Apave International et son assureur, les souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, la cour d'appel a violé l'article 1317 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les principes régissant l'obligation in solidum :

15. Aux termes de ce texte, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

16. Pour condamner la société Sergeant à garantir le GIE et son assureur des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, l'arrêt fixe la part de responsabilité de chacun des constructeurs et retient que les appels en garantie formés par la société FCB et le GIE seront accueillis dans les proportions ainsi déterminées étant précisé que la société FCB ne forme de recours que contre le GIE, qui forme un recours contre la société FCB et contre la société Sergeant.

17. En statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé la part de responsabilité de la société Sergeant à 12 %, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

18. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, dans les proportions de 85 % pour celles réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et à hauteur de 92 % pour celles réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, alors « que les codébiteurs tenus in solidum ne sont tenus que pour leur part et portion de la dette ; que celui qui a payé au-delà de sa part ne dispose d'un recours contre les autres qu'à proportion de leur propre part ; que la cour d'appel a évalué, en fonction du domaine d'intervention et de la gravité des fautes respectives, la part de responsabilité des constructeurs ou assimilés comme suit : 5 % à la charge de la société Adelec Services, 12 % à la charge de la société Sergeant, 15 % à la charge de la société FCB, 20 % à la charge du GIE Ceten Apave, 40 % à la charge de la maîtrise d'oeuvre, au sens large, à savoir M. [K] et la société APIA et 8 % à la charge de la société Les Jardins de Vauban pour son immixtion dans les travaux relatifs aux plafonds ; qu'en condamnant la société Sergeant à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, dans les proportions de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban à hauteur de 80 %, la cour d'appel a violé l'article 1317 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les principes régissant l'obligation in solidum :

19. Aux termes de ce texte, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

20. Pour condamner la société Sergeant à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, à hauteur de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et de 92 % pour celles payées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, l'arrêt, après avoir fixé la part de responsabilité incombant à chacun des constructeurs, retient que les appels en garantie seront accueillis dans les proportions ainsi déterminées.

21. En statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé la part de responsabilité incombant à la société Sergeant à 12 %, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés.

Mise hors de cause

22. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société FCB et la SMABTP dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sergeant à garantir le GIE Ceten Apave international et son assureur, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 % et condamne la société Sergeant à garantir la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics des sommes mises à sa charge à hauteur de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société FCB et la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Boullez ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP L. Poulet-Odent ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Articles 14, 908 et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 octobre 2013, pourvoi n° 12-21.242, Bull. 2013, II, n° 198 (rejet) ; 2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-14.868, Bull. 2017, II, n° 93 (rejet).

1re Civ., 11 janvier 2023, n° 21-21.590, (B), FS

Rejet

Demande nouvelle – Définition – Accessoire, conséquence ou complément nécessaire d'une demande soumise au premier juge (non) – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 juin 2021), suivant acte notarié du 18 août 2009, la société Banque CIC Est (la banque) a consenti à la SCI LMD (l'emprunteur) un prêt destiné au financement de l'acquisition d'un immeuble à usage locatif pour lequel M. [E] et Mme [R] (les cautions), associés de la SCI, se sont portés cautions solidaires.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt le 11 septembre 2011 et assigné les cautions en paiement les 26 et 30 janvier 2018.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de Mme [R], alors « qu'en présence d'une disposition expresse et non équivoque du contrat de prêt d'une somme d'argent excluant la nécessité de la délivrance d'une mise en demeure, en cas de défaillance de l'emprunteur, préalablement à la déchéance du terme, celle-ci intervient du seul fait d'une telle défaillance ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, l'article 16 du prêt immobilier du 18 août 2009 indiquait sous l'intitulé « exigibilité immédiate » que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt » ; qu'en retenant qu'une telle stipulation ne dispensait pas le CIC Est de l'obligation de délivrer à la SCI LMD une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que le contrat de prêt stipulait une clause d'exigibilité anticipée des sommes dues, ainsi rédigée : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier [...] - Si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts et accessoire du présent prêt [...] », la cour d'appel en a exactement déduit qu'une telle clause ne comportait aucune dispense expresse et non équivoque d'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur, de sorte que la créance de celle-ci au titre du capital du prêt n'était pas exigible.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande formulée à titre subsidiaire, pour la première fois en appel, tendant à la condamnation de Mme [R] au paiement des échéances impayées du prêt immobilier consenti le 18 août 2009, alors « que sont recevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge ; que la demande tendant au paiement des mensualités échues d'un prêt, en ce qu'elle est virtuellement comprise dans la demande tendant au paiement du capital de ce prêt, en constitue le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour déclarer irrecevable la demande du CIC Est formée à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, tendant au paiement des échéances impayées du prêt immobilier, qu'elle n'était ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de sa demande de remboursement du capital restant dû au titre de ce prêt par suite de sa résiliation, formulée en première instance, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle formée en première instance.

9. La cour d'appel a constaté qu'en cas de rejet, en raison du défaut d'exigibilité de la créance faute d'une mise en demeure préalable, de la demande en paiement du capital restant dû, formée à titre principal par la banque, celle-ci demandait la condamnation de Mme [R] à lui payer les échéances échues du prêt demeurées impayées.

10. Elle a retenu, à bon droit, qu'une telle demande subsidiaire ne constituait ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément nécessaire de la demande principale et en a exactement déduit que, formée pour la première fois en appel, elle était irrecevable.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 566 du code de procédure civile.

3e Civ., 18 janvier 2023, n° 21-16.666, (B), FS

Rejet

Demande nouvelle – Exclusion – Cas – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale – Applications diverses

Une demande d'indemnisation du préjudice résultant d'une éviction partielle, fondée sur les articles 1636 et 1637 du code civil, n'est pas nouvelle en appel, dès lors que les acquéreurs avaient formé, en première instance, des demandes fondées sur les articles 1625, 1626 et 1630, tendant à l'exercice du même droit.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [W] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Boix immobilier, la société civile professionnelle Tetu-Audran-Tost Vermogen, la société Allianz IARD et M. [O].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,11 mars 2021), le 6 juillet 2010, M. et Mme [J] (les acquéreurs) ont acquis de M. et Mme [W] (les vendeurs) une maison avec jardin moyennant le prix de 293 000 euros.

3. Le 5 janvier 2011, la direction départementale des territoires et de la mer leur a enjoint de libérer une bande de terrain de 28 m², le long du canal Saint-Joseph, appartenant au domaine public maritime, l'arrêté d'autorisation d'occupation étant expiré depuis le 11 juillet 2007.

4. Des constructions annexes à la maison avaient été édifiées par les vendeurs pour partie sur cette parcelle du domaine public maritime, sur laquelle empiétait également le mur de clôture.

5. Les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil, en remboursement des frais engagés sur l'immeuble depuis son acquisition, et en paiement de dommages-intérêts.

6. Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats et invité les acquéreurs, leur éviction portant sur partie de la chose vendue, à conclure au regard des dispositions des articles 1636 et 1637 du code civil ainsi que sur les conséquences découlant de l'option choisie quant à leurs demandes chiffrées.

7. Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, Mme [J], agissant à titre personnel et en qualité d'héritière de [S] [J], décédé, a renoncé à sa demande d'annulation de la vente et sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'éviction partielle du bien acquis le 6 juillet 2010.

8. Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir prise de la nouveauté des demandes en appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. Les vendeurs font grief à l'arrêt de déclarer l'acquéreur recevable en sa demande de règlement de la valeur de la partie évincée, alors « qu'en considérant que la demande nouvelle en cause d'appel, tendant à obtenir une indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur n'était pas irrecevable, quand les époux [J] demandaient l'annulation de la vente en première instance, peu important qu'ils aient, au soutien de cette demande d'annulation, invoqué les dispositions des articles 1625 et suivants du code civil, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que la demande présentée en première instance sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil tendait à l'indemnisation, par le vendeur, de l'éviction.

12. Ayant constaté qu'en exécution de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 2019, l'acquéreur sollicitait des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'éviction, comme les articles 1636 et 1637 du code civil lui en offraient la possibilité en cas d'éviction partielle, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que cette demande tendait à l'exercice, conformément aux dispositions applicables, du même droit qu'en première instance, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur, que la demande n'était pas nouvelle en appel.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

14. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à l'acquéreur la somme de 80 000 euros au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors :

« 4°/ qu'un bien faisant partie du domaine public est inaliénable, n'a donc pas de prix, et n'a donc pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil ; qu'en allouant à Mme [J] la somme de 80 000 euros, au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors que la parcelle dont elle était évincée faisait partie du domaine public, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil, la cour a violé ce texte par fausse application ;

5°/ que selon l'article 1637 du code civil si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ; qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 euros) et celle du bien resté en possession des époux [J] après l'éviction (220 000 euros), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont Mme [J] était évincée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. L'indemnité devant être appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction mais de sa désignation lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation proportionnelle au prix total de la vente, a souverainement fixé la valeur de la partie du fonds dont l'acquéreur a été évincé.

16. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 564 du code de procédure civile ; article 1637 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35 (cassation partielle), et les arrêts cités. 3e Civ., 7 juillet 2010, pourvoi n° 09-12.055, Bull. 2010, III, n° 140 (cassation partielle).

3e Civ., 25 janvier 2023, n° 21-21.943, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Effet dévolutif – Limites – Compétence limitée à celle du premier juge – Juge des loyers commerciaux

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2021), Mme [Z] et la société Les Motocycles [Z] et Cie (les bailleresses), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Pharmacie Dubo (la locataire) ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

2. La locataire a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que dans leurs écritures d'appel, Mme [Z] et la société Les motocyclettes [Z] avaient fait valoir que le transfert à la charge du locataire notamment de l'impôt foncier ne pouvait constituer une charge exorbitante dès lors qu'elle constituait une pratique unanime dans le voisinage et figurait dans tous les baux qui avaient été retenus comme éléments de comparaison par l'expert ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

5. La cour d'appel, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a, à bon droit, retenu que l'impôt foncier mis à la charge de la locataire par le bail constituait une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative qu'elle a souverainement estimée.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Les bailleresses font grief à l'arrêt de fixer le prix du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2015 à la somme annuelle de 29 500 euros et de fixer le montant du loyer du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes annuelles de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, alors « que le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure, dans les cas qu'il détermine, un étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ; que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir, d'autant que l'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer ; que dès lors, en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier, le juge des loyers commerciaux a violé l'article L. 145-34 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La locataire conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et droit.

9. Toutefois, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

10. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 145-34, dernier alinéa, et R. 145-23 du code de commerce :

11. Selon le premier texte, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce où s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

12. Selon le second, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les premières.

13. Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.

14. Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application.

15. Pour fixer le montant du bail renouvelé dû par la locataire aux sommes de 22 417, 43 euros à compter du 1er janvier 2015, de 24 659,17 euros à compter du 1er janvier 2016, de 27 125, 09 euros à compter du 1er janvier 2017 et de 29 500 euros à compter du 1er janvier 2018, l'arrêt retient que le loyer du bail renouvelé ne s'établira à ce dernier montant qu'à compter du 1er janvier 2018 en application du dernier alinéa de l'article L. 145-34.

16. En statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, elle ne pouvait statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Tel que suggéré par le mémoire en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. La cour d'appel n'en ayant pas le pouvoir, il n'y a pas lieu de fixer l'étalement de la hausse du loyer déplafonné.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, de la seule disposition fixant le montant du loyer du bail renouvelé dû par la société Pharmacie Dubo à compter du 1er janvier 2015 à la somme annuelle de 22 417, 43 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2016, à la somme annuelle de 24 659,17 euros hors taxes et hors charges ; à compter du 1er janvier 2017 à la somme annuelle de 27 125, 09 euros hors taxes et hors charges et à compter du 1er janvier 2018, à la somme annuelle de 29 500 hors taxes et hors charges, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Aldigé - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Articles L. 145-34 et R. 145-23 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 13 juillet 1999, pourvoi n° 97-22.326, Bull. 1999, III, n° 164 (cassation) ; 2e Civ., 12 février 2015, pourvoi n° 13-25.524, Bull. 2015, II, n° 32 (rejet) ; Avis de la Cour de cassation, 9 mars 2018, n° 17-70.040, Bull. 2018, Avis, n° 3 ; 3e Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-21.651, Bull., (cassation partielle).

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 20-16.800, (B), FRH

Rejet

Effet suspensif – Limites – Demande de sursis à exécution – Cas – Décision de mainlevée

Reprise d'instance

1. Par arrêt du 19 mai 2022 (2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 20-16.800), la Cour de cassation a constaté l'interruption de l'instance résultant du décès de [X] [Y], veuve [I], imparti aux parties un délai de quatre mois à compter de l'arrêt pour reprendre l'instance, dit qu'à défaut de l'accomplissement dans ce délai des diligences nécessaires, la radiation du pourvoi serait prononcée et dit que l'affaire serait à nouveau examinée à l'audience du 4 octobre 2022.

2. Il est justifié, par les productions, de la signification, par acte du 25 août 2022, du mémoire ampliatif à M. [L] [B], en qualité d'héritier de [X] [Y].

3. Il y a lieu de donner acte aux parties de la reprise d'instance.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 avril 2020), statuant sur renvoi après cassation, Mme [H] a été désignée, par ordonnance du 21 janvier 2010, en qualité de mandataire « successoral » à la succession d'[U] [I].

5. Sur des poursuites de saisie immobilière, un immeuble appartenant en indivision à Mme [Y], veuve d'[U] [I], propriétaire à hauteur d'un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit, et M. [C] [I], son beau-fils, propriétaire à hauteur des trois quarts en nue-propriété, a été adjugé à la société Strasbourg soixante (la société).

6. Le 24 juin 2016, la société a fait pratiquer, sur le fondement d'une ordonnance de référé ayant condamné Mme [Y] à lui verser des indemnités d'occupation, une saisie-attribution entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], séquestre du prix de vente.

7. Par jugement du 15 novembre 2016, un juge de l'exécution a ordonné la mainlevée de la saisie.

8. Par ordonnance du 18 mai 2017, un juge des référé a ordonné au séquestre de remettre le solde du prix d'adjudication à Mme [H], ès qualités.

9. Le jugement du 15 novembre 2016 a été confirmé par l'arrêt d'une cour d'appel, rendu le 11 janvier 2018, qui a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2019 (1re Civ., 15 mai 2019, pourvoi n° 18-12.779, publié au bulletin).

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à sa requête, le 24 juin 2016, entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] à l'encontre de Mme [Y], veuve [I], pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros mais de dire que cette saisie était privée de son effet attributif, alors « que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que si, en matière de mainlevée des mesures d'exécution forcée, l'appel n'a pas d'effet suspensif et si la décision emporte, dès sa notification suppression de tout effet d'indisponibilité, sauf sursis à exécution ordonné par le premier président de la cour d'appel, l'infirmation de la décision de main-levée fait retrouver à la saisie sa validité et autorise le débiteur à se voir remettre la chose objet de la saisie, le cas échéant, par le tiers saisi s'il l'a conservée, ou par le débiteur à qui elle a été remise si elle se retrouve ; que dès lors, l'infirmation de la décision de main-levée de la saisie pratiquée entre les mains du bâtonnier faisait retrouver à la saisie son effet attributif et autorisait la société Strasbourg soixante à se faire remettre les fonds saisis par le mandataire de la succession à qui le bâtonnier, tiers saisi, les avait remis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 561 du code de procédure civile, R. 121-18 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article R. 121-18 du code des procédures civiles d'exécution, la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification. Il en résulte que la saisie-attribution perd son effet attributif dès la notification d'une décision de mainlevée de celle-ci au créancier.

12. Si, en application de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet en question la chose jugée devant la cour d'appel, le délai d'appel et l'appel lui-même, conformément aux dispositions de l'article R. 121-18 du code des procédures civiles d'exécution, n'ont pas d'effet suspensif et il appartient à la cour d'appel de se prononcer en considération des circonstances de fait qui existent au jour où elle statue, le créancier pouvant, en application de l'article R. 121-22 de ce code, saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution de la décision de mainlevée.

13. Ayant exactement retenu qu'en l'absence de décision de sursis à exécution, l'effet d'indisponibilité et d'attribution de la saisie-attribution avait cessé et constaté que, le jugement ayant été notifié, le tiers saisi s'était, en conséquence, dessaisi des fonds, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la saisie était privée de son effet attributif.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R. 121-18 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ; article 561 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 décembre 1996, pourvoi n° 95-12.602, Bull. 1996, II, n° 305 (cassation sans renvoi).

Soc., 18 janvier 2023, n° 21-23.796, (B), FRH

Cassation partielle

Intimé – Intimé défaillant – Office du juge – Portée

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Ainsi, s'il appartient à l'employeur de justifier du respect de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, son absence de comparution devant la cour d'appel ne dispense pas cette juridiction d'examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de prévention.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), Mme [F] a été engagée par la société Global ambulances (la société) le 14 novembre 2013 en qualité d'ambulancière. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 7 janvier 2016. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 avril 2017 en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts en faisant valoir que son inaptitude était la conséquence de faits de harcèlement sexuel de la part de l'un de ses collègues et de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

2. Par jugement du 26 novembre 2018, le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par la société de son obligation de sécurité, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

3. La société, intimée, n'a pas constitué avocat devant la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, de déclarer nul le licenciement de la salariée, de la condamner à verser à la salariée certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de lui faire injonction de produire un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformément à l'arrêt, alors « que le juge d'appel ne peut, en l'absence de la partie intimée, infirmer le jugement sans réfuter la motivation des premiers juges ; qu'en jugeant que « l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier qu'il a pris une quelconque mesure nécessaire pour mettre un terme à la situation de harcèlement avérée subie par Mme [F]" sans réfuter les motifs du jugement qui avaient conduit le conseil de prud'hommes à juger que « les débats et les pièces versées démontrent que la SARL Global ambulances a cessé de faire rouler dans la même voiture Mme [F] et M. [V] dès qu'elle a été mise au courant de cette situation ; qu'elle a informé l'inspection du travail ; qu'elle a donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité », la cour d'appel a violé les articles 455, 542 et 472 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 472 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile :

5. Il résulte du premier de ces textes qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Aux termes du second, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

6. Ainsi, s'il appartient à l'employeur de justifier du respect de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, son absence de comparution devant la cour d'appel ne dispense pas cette juridiction d'examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de prévention.

7. Pour faire droit aux demandes de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier qu'il a pris une quelconque mesure nécessaire pour mettre un terme à la situation de harcèlement avérée subie par la salariée, alors qu'il en avait connaissance et que cette situation est à l'origine de la dégradation de l'état de santé de la salariée.

8. En statuant ainsi, sans examiner les motifs du jugement qui avait retenu que les débats et les pièces versées démontrent que la société a cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu'elle a été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée, qu'elle a informé l'inspection du travail et qu'elle a donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Global ambulances à verser à Mme [F] la somme de 1 668 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et confirme la condamnation de la société en première instance au paiement de la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 30 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 472 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge en cas d'absence de constitution par l'intimé ou en cas d'irrecevabilité des conclusions de l'intimé, à rapprocher : 2e Civ., 30 avril 2003, pourvoi n° 01-12.289, Bull. 2003, II, n° 122 (Cassation), et les arrêts cités ; 2e Civ., 10 janvier 2019, pourvoi n° 17-20.018, Bull., (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-13.780 (cassation partielle).

1re Civ., 18 janvier 2023, n° 21-13.369, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Appel incident – Appel formé par conclusions notifiées aux parties à l'instance – Articles 84 et 85 du code de procédure civile – Application (non)

Il résulte des dispositions combinées des articles 550, 551 et 68, alinéa 1, du code de procédure civile qu'une partie peut former appel incident, en intimant l'appelant principal d'un jugement qui a statué exclusivement sur la compétence, par conclusions notifiées aux parties à l'instance contre lesquelles il est dirigé, sans être tenu aux délai et formes prévus par les articles 84 et 85 du code précité, propres à l'appelant principal.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 janvier 2021), en octobre et novembre 2015, Mme [L] a consulté M. [Y], stomatologue, exerçant son activité en secteur public du centre hospitalier [3] (le centre hospitalier), pour un abcès dentaire, qui avait été antérieurement pris en charge par M. [G], chirurgien-dentiste exerçant son activité à titre libéral. Elle a présenté une cellulite diffusée qui a nécessité en urgence le 7 novembre 2015 un drainage de l'abcès avec une trachéotomie et un séjour en service de réanimation jusqu'au 12 novembre 2015.

2. Le 30 avril 2019, après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert médical, Mme [L] a assigné en responsabilité et indemnisation devant la juridiction judiciaire MM. [Y] et [G], ainsi que le centre hospitalier en soutenant que les complications subies étaient liées à des fautes dans sa prise en charge.

3. M. [Y] et le centre hospitalier ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

4. Par ordonnance du 10 septembre 2020, un juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes dirigées contre le centre hospitalier et a rejeté l'exception d'incompétence s'agissant des demandes dirigées contre M. [Y].

5. Ce dernier et le centre hospitalier ont formé appel. Mme [L] a, par voie de conclusions, sollicité l'infirmation partielle de l'ordonnance en ce qu'elle avait rejeté l'exception d'incompétence s'agissant des demandes dirigées contre le centre hospitalier. Celui-ci, ainsi que M. [Y], ont opposé l'irrecevabilité de cet appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats à l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme [G], greffier de chambre.

Enoncé du moyen

6. M. [Y] et le centre hospitalier font grief à l'arrêt de déclarer Mme [L] recevable en son appel incident, alors « que le recours contre un jugement qui s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, peut seulement s'exercer par un appel formé par voie de déclaration dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ; qu'en l'espèce, en déclarant recevable l'appel incident formé par Mme [I] [L], par voie de conclusions, au-delà du délai de quinze jours ayant couru à compter de la notification de l'ordonnance du 10 septembre 2020 par laquelle le juge de la mise en état s'était déclaré incompétent pour statuer sur la responsabilité du centre hospitalier de [3] et avait rejeté l'exception d'incompétence invoquée relativement à la mise en cause de la responsabilité de M. [Y], sans statuer sur le fond du litige, en ce que l'article 550 du code de procédure civile dispose que, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident peut être formé en tout état de cause alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal, la cour d'appel a violé les articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 84 du code de procédure civile, le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.

8. Il résulte de l'article 85 du même code qu'outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

9. L'article 550, alinéa 1, du code précité énonce que, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.

10. L'article 551 du même code prévoit que l'appel incident ou l'appel provoqué est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes.

Selon l'article 68, alinéa 1, les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense.

11. Il résulte des dispositions combinées des articles 550, 551 et 68, alinéa 1, qu'une partie peut faire appel incident en intimant l'appelant principal d'un jugement qui a statué exclusivement sur la compétence, par conclusions notifiées aux parties à l'instance contre lesquelles il est dirigé, sans être tenu au délai et aux formes prévus par les articles 84 et 85 du code précité propres à l'appelant principal.

12. Ayant relevé que Mme [L] avait formé appel incident par conclusions à l'encontre de M. [Y] et du centre hospitalier, c'est à bon droit que l'arrêt retient que M. [Y] et le centre hospitalier ne peuvent opposer à Mme [L] le fait qu'elle n'a pas formé son appel incident dans le délai de quinze jours prévu par l'article 84 du code de procédure civile.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. M. [Y] et le centre hospitalier font grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative s'agissant des demandes dirigées contre M. [Y], alors « que la responsabilité personnelle d'un agent du service public n'est susceptible d'être engagée devant le juge judiciaire qu'en présence d'une faute détachable de ses fonctions ; que seul le manquement volontaire, c'est-à-dire commis avec une intention incompatible avec la finalité du service, et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel et déontologique, est constitutif d'une faute détachable des fonctions de l'agent public ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour retenir la compétence du juge judiciaire, que les fautes relevées à l'encontre de M. [Y], dans le rapport d'expertise, étaient suffisamment graves pour caractériser une faute personnelle dépourvue de tout lien avec le service public, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser un manquement volontaire et inexcusable de sa part à des obligations d'ordre professionnel ou déontologiques et a violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

15. Il résulte de ces textes qu'un agent public n'engage sa responsabilité personnelle devant la juridiction judiciaire que dans le cas d'une faute personnelle détachable du service, caractérisée par un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel et déontologique.

16. Pour écarter l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, l'arrêt retient, en se fondant sur le rapport d'expertise, que M. [Y] n'a pas pris en charge Mme [L] conformément aux bonnes pratiques, qu'en dépit de l'examen pratiqué et des douleurs et malaises rapportés, il n'a ni proposé d'hospitalisation ni fait procéder à un scanner en urgence, que le traitement prescrit était inadapté et insuffisant au vu du tableau clinique et qu'il a ainsi laissé une cellulite évoluer vers une forme diffusée qui aurait pu engager le pronostic vital de Mme [L] et que ces manquements, ne constituant pas de simples retard, négligence ou désinvolture, caractérisent en raison de leur gravité une faute personnelle dépourvue de tout lien avec le service public.

17. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un manquement volontaire et inexcusable de M. [Y] à ses obligations professionnelles et déontologiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Les manquements invoqués à l'encontre de M. [Y], dont le caractère volontaire n'est pas établi, ne caractérisent pas une faute personnelle détachable du service public.

21. Il y a donc lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative pour statuer sur la responsabilité de M. [Y], l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur ce point ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des demandes dirigées contre M. [Y] ;

Renvoie, sur ce point, les parties à mieux se pourvoir.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 68, alinéa 1, 84, 85, 550 et 551 du code de procédure civile ; loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 janvier 2004, pourvoi n° 01-15.357, Bull. 2004, I, n° 7 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 20-20.941, (B), FRH

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Délai – Interruption – Décision ordonnant une médiation

Il résulte de l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.

Justifie sa décision, une cour d'appel, qui ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin à une certaine date, retient que ce terme marque la reprise de l'instance et que l'appelant ajoute au texte de l'article 910-2 du code précité lorsqu' il soutient que l'instance n'a pas repris au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 juin 2019), Mme [T] a interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant à M. [U].

2. Par une ordonnance du 13 juin 2016, un conseiller de la mise en état a ordonné une médiation, précisé que la mission du médiateur prendra fin à l'expiration d'un délai initial de trois mois commençant à courir à compter de la première réunion et sursis à statuer sur toutes les demandes des parties, les délais prescrits étant interrompus.

Par ordonnance du 13 décembre 2016, le conseiller de la mise en état a accordé au médiateur un délai supplémentaire jusqu'au 20 février 2017 pour mener à bien sa mission.

3. Le 26 décembre 2017, l'appelante a déposé des conclusions aux fins de reprise d'instance après médiation.

4. Saisi de conclusions d'incident par l'intimé, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel par ordonnance du 17 octobre 2018 que l'appelante a déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que la décision d'ordonner une médiation interrompt le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe à compter de la déclaration d'appel prévu à l'article 908 du code de procédure civile ; que la date de l'expiration de la mission du médiateur est celle où l'affaire a été rappelée à une audience à laquelle les parties ont été convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en décidant néanmoins que le délai de trois imparti à Mme [T] pour conclure avait commencé à courir le 20 février 2017, date de la fin de la mission du médiateur fixé par l'ordonnance du 13 décembre 2016, alors que l'affaire n'avait pas été préalablement rappelée à une audience, la cour d'appel a violé les articles 131-10, 908 et 910-2 du code de procédure civile ;

2°/ à titre subsidiaire, que la décision d'ordonner une médiation interrompt le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe à compter de la déclaration d'appel ; que lorsque la médiation continue après la date de fin de mission fixée par l'ordonnance, le délai de trois mois ne recommence à courir qu'à la fin effective de la médiation ; qu'en décidant que les pourparlers qui s'étaient poursuivis après la date de fin de la mission fixée par le juge, n'étaient pas de nature à interrompre le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 908 et 910-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code.

L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.

7. Ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin le 20 février 2017, c'est à bon droit que l'arrêt retient, en substance, que ce terme marque la reprise de l'instance, que doit être décompté à partir de cette date le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure et que l'appelante ajoute au texte de l'article 910-2 du code précité lorsqu'elle soutient que l'instance n'a pas repris au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état.

8. L'arrêt ajoute enfin que les pourparlers poursuivis de façon informelle ne sont pas de nature à interrompre les délais pour conclure.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 910-2, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-13.912, Bull. (rejet).

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 21-18.762, (B), FRH

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Applications diverses – Application à la cour d'appel de renvoi

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 avril 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 8 janvier 2020, pourvoi n° 18-20.438) et les productions, M. [F], engagé par la société Daw France (la société) à compter du 2 janvier 2001 en qualité de directeur technique international grand public et de directeur technique de Caparol France au statut de cadre dirigeant, est parti à la retraite à effet au 1er janvier 2015.

2. Le 19 juin 2016, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de dire que son départ à la retraite, imputable à l'employeur, s'analysait en un licenciement nul et a réclamé le paiement de diverses sommes au titre de cette rupture du contrat de travail ainsi qu'au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

3. Par jugement du 6 décembre 2016, un conseil de prud'hommes a condamné la société à lui payer une certaine somme au titre de l'indemnité de départ à la retraite ainsi qu'à lui remettre les documents y afférents et l'a débouté de ses autres demandes.

4. Sur l'appel de M. [F], une cour d'appel a, par arrêt du 6 juin 2018, infirmé le jugement en toute ses dispositions et a condamné la société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité contractuelle, de dommages-intérêts pour licenciement nul ainsi qu'au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés y afférents.

5. Par arrêt du 8 janvier 2020 (Soc., 8 janvier 2020, pourvoi n° 18-20.438), la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Daw France à payer à M. [F] la somme de 244 810 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la somme de 24 481 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 6 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens.

6. La cour d'appel saisie sur renvoi a déclaré la saisine recevable et, dans les limites de la cassation, a confirmé le jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

7. M. [F] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu en formation de départage par le conseil des prud'hommes d'Amiens le 6 décembre 2016 section encadrement qui avait rejeté la demande relative à la condamnation de la société Daw France au paiement de la somme de 161 953,75 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence due au 31 mars 2016, et chaque mois à compter de cette date à la somme de 11 047,75 euros, outre les congés payés afférents soit la somme de 1 104,75 euros, alors que :

« 1°/ la cour d'appel de renvoi doit statuer sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que si dans ses premières conclusions en date du 5 juin 2020, M. [F] avait sollicité voir : « Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,

- Donner acte à Monsieur [F] de ce qu'il accepte que les appointements mensuels à prendre en compte correspondent à son salaire de base, soit, la somme mensuelle brute de 10 165 euros - En conséquence, dire que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui lui est due, est d'un montant brut de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit 16 263,99 euros », il avait complété celles-ci par des conclusions n° 2, sur renvoi après cassation, notifiées par RPVA du 27 novembre 2020, et avait demandé à la cour de renvoi de : « Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,

- Donner acte à Monsieur [F] de ce qu'il accepte que les appointements mensuels à prendre en compte correspondent à son salaire de base, soit, la somme mensuelle brute de 10 165 euros.

- En conséquence, dire que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui lui est due, est d'un montant brut de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit 16 263,99 euros.

- Condamner par voie de conséquences la société DAW France à payer à Monsieur [F] la somme de 162 639,99 euros, outre les congés payés y afférents, soit la somme de 16 263,99 euros » ; qu'en refusant de statuer au vu des dernières conclusions du 27 novembre 2020 sollicitant la condamnation de la société Daw France à payer M. [F] une somme au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, aux motifs que le salarié s'était borné dans le dispositif de ses premières conclusions à conclure à la réformation de la décision sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu le 6 décembre 2016 par le conseil des prud'hommes d'Amiens, de sorte que la cour n'était pas saisie de prétentions relatives à ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

2°/ l'article 910-4 du code de procédure civile, qui dispose qu'« à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond », ne renvoie pas aux conclusions visées par l'article 1037-1 du même code concernant la procédure de renvoi après cassation ; qu'en conséquence, le demandeur peut, devant la cour d'appel de renvoi, compléter ses premières conclusions et formuler de nouvelles demandes ou prétentions dans des conclusions postérieures ; qu'en affirmant que « l'article 954 du code de procédure civile fait désormais obligation aux parties de récapituler leurs prétentions sous forme de dispositif dans les conclusions, la cour ne statuant que sur les prétentions visées dans le dispositif, lesquelles auront par ailleurs été toutes présentées, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, dès le premier jeu de conclusions notifiées devant la cour » et en décidant que l'obligation de concentration des prétentions dès les premières conclusions d'appel était applicable aux conclusions déposées devant la cour d'appel de renvoi, de sorte que les conclusions initiales de M. [F] ne formulant pas de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Amiens le 6 décembre 2016, il n'y avait pas lieu de tenir compte des demandes formulées à l'encontre de la société Daw France dans des conclusions ultérieures, la cour d'appel a violé les articles 910-4, 954 et 1037-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 910-4 et 954, alinéa 3 et 1037-1 du code de procédure civile :

8. Il résulte du premier de ces textes qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, et du second, que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

9. Il résulte du dernier de ces textes que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

10. Ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure, et la cour d'appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d'appel initialement saisie.

11. Il s'ensuit que le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

12. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des premières conclusions remises devant elle par l'appelant ne comporte aucune demande à l'encontre de la société et que c'est dans les conclusions déposées dans un second temps qu'une demande en ce sens a été formulée. Il ajoute que M. [F] se borne, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à la réformation de la décision sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans le jugement rendu le 6 décembre 2016 par le conseil des prud'hommes d'Amiens.

13. En statuant ainsi, en prenant en compte, non le dispositif des premières conclusions de l'appelant remises à la cour d'appel dont la décision a été cassée, mais celui des premières conclusions de l'appelant devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 905-2, 908, 909, 910, 910-4, 954 alinéa 3 et 1037-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 12 janvier 2023, n° 21-16.804, (B), FS

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique – Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 – Application dans le temps

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel sont immédiatement applicables aux instances d'appel en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

Toutefois, l'instance devant une cour d'appel, introduite par une déclaration d'appel, prend fin avec l'arrêt que rend cette juridiction. Elle ne se poursuit pas devant la Cour de cassation, devant laquelle est introduite une instance distincte.

Il en résulte que le décret du 25 février 2022 n'est pas applicable aux instances de cassation en cours.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2021) et les productions, Mme [W] a contesté devant un conseil de prud'hommes son licenciement par la société Kontron Modular Computers (la société).

2. La société a fait appel du jugement ayant retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse et l'ayant condamnée au paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, de constater l'absence d'appel incident dans le délai de l'appel principal, de dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal et en l'absence d'appel incident recevable, alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que selon l'article 3 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, en vigueur du 31 mars 2011 au 22 mai 2020, « Pour les appels formés à compter du 1er septembre 2011, les envois et remises des déclarations d'appel et des actes de constitution ainsi que des pièces qui leur sont associées doivent être effectués par voie électronique », l'article 6 du même arrêté prévoyant expressément que « Lorsqu'un document doit être joint à un acte, le document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données.

Le fichier contenant le document joint accompagnant l'acte est un fichier au format PDF » ; qu'il en résulte que les chefs du jugement critiqués peuvent être listés dans une pièce jointe annexée à la déclaration d'appel faisant corps avec elle, comme l'admet la circulaire du ministère de la Justice du 4 août 2017 et comme le prévoit désormais expressément l'article 8 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel ; qu'en l'espèce, l'appel a été interjeté le 26 septembre 2019 par voie électronique, en précisant dans le champ « Objet/Portée de l'appel : appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués exposés dans la pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel », la pièce effectivement jointe désignant les chefs attaqués précisant expressément, elle aussi, qu'elle faisait corps avec la déclaration d'appel limité, ce conformément à la trame diffusée par le Conseil national des barreaux le 7 novembre 2017 ; qu'en jugeant que la déclaration d'appel était privée d'effet dévolutif faute de mention des chefs de jugement critiqués « dans la déclaration elle-même » sans que « l'appelante ne démontre avoir été dans l'impossibilité de faire figurer ces mentions dans la déclaration elle-même », et en affirmant que le document joint à la déclaration d'appel n'aurait « aucune valeur procédurale », et ne ferait « pas partie intégrale de cette déclaration au sens de l'article 10 de l'arrêté technique du 30 mars 2011 », la cour d'appel a violé l'article 962 du code de procédure civile, l'article 901 du même code dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2020, et l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel tel qu'il était en vigueur le 26 septembre 2019 ;

2°/ qu'en tout état de cause, caractérise une violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge ; que constitue une telle atteinte le fait de nier l'effet dévolutif d'un appel au seul prétexte que les chefs de dispositif du jugement critiqués ont été précisés dans une annexe, pourtant expressément désignée comme faisant corps avec la déclaration d'appel ; que cette atteinte est d'autant plus disproportionnée que l'absence d'effet dévolutif est relevée d'office par la juridiction d'appel postérieurement à la clôture des débats, privant ainsi l'appelant de toute possibilité de régularisation, laquelle est admise seulement dans le délai accordé pour conclure ; qu'en l'espèce, il ressort de la décision attaquée que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2019 et qu'à l'audience postérieure du 15 décembre 2020, les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations « quant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel au vu de la déclaration d'appel qui ne contient aucun chef de jugement critiqué, lesquels sont repris dans une annexe ainsi que sur la recevabilité de l'appel incident » ; que la cour d'appel a refusé tout effet dévolutif à la déclaration d'appel, dont elle a constaté qu'elle était accompagnée d'un « document intitulé « pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel » précisant que les chefs de jugement critiqués », en affirmant que « l'appelante ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de faire figurer ces mentions dans la déclaration elle-même » et « que le document joint à la déclaration d'appel n'a aucune valeur procédurale et ne fait pas partie intégrale de cette déclaration, au sens de l'article 10 de l'arrêté technique du 30 mars 2011 » ; que la cour d'appel a en outre souligné l'impossibilité de régularisation en l'espèce puisqu'elle n'était possible que « par une nouvelle déclaration d'appel intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément aux dispositions de l'article 910-4 al.1 du code de procédure civile » ; qu'en portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de l'appelante, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.»

Réponse de la Cour

4. Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022, invoqué par la demanderesse au pourvoi, a modifié l'article 901, 4°, du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « comportant le cas échéant une annexe ».

L'article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours.

La demanderesse au pourvoi soutient que ces dispositions sont applicables au présent litige.

5. Par avis du 8 juillet 2022 (n° 22-70.005) la Cour de cassation a notamment dit que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

6. Pour autant, l'instance devant une cour d'appel, introduite par une déclaration d'appel, prend fin avec l'arrêt que rend cette juridiction. Elle ne se poursuit pas devant la Cour de cassation, devant laquelle est introduite une instance distincte.

7. Il en résulte que le décret du 25 février 2022 n'est pas applicable au présent litige.

8. La Cour de cassation a jugé le 13 janvier 2022 (2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.516, publié au Bulletin) qu'il résulte de la combinaison des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ainsi que des articles 748-1 et 930-1 du même code, que la déclaration d'appel, dans laquelle doit figurer l'énonciation des chefs critiqués du jugement, est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; que, cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

9. Pour constater l'absence d'effet dévolutif, l'arrêt retient que la déclaration d'appel de la société ne précise pas les chefs de jugement critiqués mais procède par renvoi à une annexe transmise le même jour par RPVA les mentionnant, ce dernier document n'ayant aucune valeur procédurale et ne faisant pas partie intégrante de cette déclaration.

10. Il relève en outre que l'appelante ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de faire figurer ces mentions dans la déclaration elle-même, laquelle pouvait parfaitement contenir l'intégralité des chefs de jugement critiqués.

11. Par ces énonciations et constatations, la cour d'appel a fait une exacte application des textes précités, sans porter d'atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Richard -

Textes visés :

Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ; arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, Bull.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.