Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2023

AIDE SOCIALE

2e Civ., 26 janvier 2023, n° 21-18.653, (B), FRH

Cassation

Personnes handicapées – Prestations – Action en récupération de l'aide sociale – Exclusion – Condition – Prise en charge effective et constante de la personne handicapée par son héritier – Preuve

Selon l'article L. 344-5, 2°, du code de l'action sociale et des familles, il n'y a lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque l'héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée.

La charge effective et constante au sens de ce texte s'entend d'un engagement régulier et personnel de l'héritier auprès de la personne handicapée, placée en établissement, tant d'ordre matériel qu'affectif et moral.

Dès lors que l'héritier établit avoir assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée, le département ne peut exercer à son encontre l'action en récupération des sommes versées au titre de l'aide sociale à l'hébergement de la personne handicapée sur sa part dans la succession de cette dernière.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 février 2021), [T] [L] (la bénéficiaire), handicapée à la suite d'un accident de la circulation, a été hébergée dans un foyer d'accueil médicalisé du 1er juillet 2009 jusqu'à son décès, survenu le 22 septembre 2014.

Le 19 mai 2017, le président du conseil départemental du Nord (le département) a notifié à sa soeur, Mme [C] [L] (l'héritière), en sa qualité d'héritière de la bénéficiaire, sa décision de récupérer sur la succession de cette dernière la somme de 270 654,47 euros, au titre de l'aide sociale versée pour la prise en charge de ses frais de séjour et d'hébergement en établissement.

2. L'héritière a saisi d'un recours la juridiction d'aide sociale, alors compétente.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. L'héritière fait grief à l'arrêt de rejeter partiellement son recours et de dire que la prise en charge et l'accompagnement de la bénéficiaire se justifient à hauteur de 90 000 euros à déduire des sommes récupérées par le département sur l'actif successoral, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 344-5, 2° du code de l'action sociale et des familles, il n'y a lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque l'héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté, par motifs adoptés, que « la commission de recours amiable a considéré que la prise en charge et l'accompagnement se justifiait à la somme de 90 000 euros à déduire des sommes récupérées par le département sur l'actif successoral reconnaissant ainsi que l'appelante avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée » et par motifs propres, que « la cour observe encore que tant l'héritière [...] ont été présents de façon régulière pour soutenir affectivement et au plan pratique la bénéficiaire », ce dont il résultait que tant l'héritière, que les proches parents de la bénéficiaire, avaient assumé de façon effective et constante sa charge, la cour d'appel a violé l'article L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles ;

2°/ que selon l'article L. 344-5, 2° du code de l'action sociale et des familles, il n'y a lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque l'héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que « l'appelante avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée » et que « la cour observe encore que tant l'héritière [...] ont été présents de façon régulière pour soutenir affectivement et au plan pratique la bénéficiaire », au motif inopérant que « pour autant cette assistance, qui relève de l'attachement familial et de la loyauté entre membres d'une même famille, ne peut avoir pour conséquence de dispenser totalement l'héritier de la personne handicapée et placée, de faire échec à l'action en récupération exercée par le Conseil Départemental », la cour d'appel a violé l'article L. 344-5 de l'action sociale et des familles. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-8 et L. 344-5, 2°, du code de l'action sociale et des familles :

4. Selon le premier de ces textes, le département qui a engagé des dépenses d'aide sociale au titre des frais d'hébergement et d'entretien d'une personne handicapée accueillie dans un établissement mentionné au 7° de l'article L. 312-1 du même code, dispose d'un recours en recouvrement sur l'actif de la succession du bénéficiaire.

5. Selon le second, il n'y a lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque l'héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée.

6. La charge effective et constante au sens de ce dernier texte s'entend d'un engagement régulier et personnel de l'héritier auprès de la personne handicapée, placée en établissement, tant d'ordre matériel qu'affectif et moral.

7. Pour rejeter le recours de l'héritière, l'arrêt constate qu'elle produit aux débats de très nombreuses attestations de membres de la famille et de tiers (personnel de l'établissement d'accueil et collègues de travail) établissant qu'elle s'est beaucoup occupée de sa soeur pendant les 25 années qui ont suivies l'accident de la voie publique à l'origine du handicap de celle-ci. Il observe que la commission départementale d'aide sociale a considéré que la prise en charge et l'accompagnement se justifiaient à hauteur de la somme de 90 000 euros à déduire des sommes récupérées par le département sur l'actif successoral, reconnaissant ainsi que l'héritière avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée. Il observe encore que tant l'héritière que ses proches parents ont été présents de façon régulière pour soutenir affectivement et au plan pratique la bénéficiaire. Il retient que pour autant, cette assistance, qui relève de l'attachement familial et de la loyauté entre membres d'une même famille, ne peut avoir pour conséquence de faire échec à l'action en récupération exercée par le département dont le financement est assuré par les impôts versés par la collectivité nationale.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'héritière établissait avoir assumé, de façon effective et constante, la charge de la bénéficiaire, de sorte que le département ne pouvait exercer à son encontre l'action en récupération des sommes versées au titre de l'aide sociale à l'hébergement, sur sa part dans la succession de la bénéficiaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Article L. 344-5, 2°, du code de l'action sociale et des familles.

2e Civ., 5 janvier 2023, n° 21-15.702, (B), FRH

Rejet

Personnes handicapées – Prestations – Prestation de compensation du handicap – Prestation de compensation du handicap liée à un besoin d'aides humaines – Aidant familial – Définition

Selon l'article R. 245-7, alinéa 1er, du code de l'action sociale et des familles, est considéré comme un aidant familial, pour l'application de l'article L. 245-12 du même code, relatif aux modalités d'emploi de la compensation des besoins d'aides humaines prévue au titre de la prestation de compensation du handicap, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle la personne handicapée a conclu un pacte civil de solidarité, l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de la personne handicapée, ou l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple qui apporte l'aide humaine définie en application des dispositions de l'article L. 245-3 du même code et qui n'est pas salarié pour cette aide.

Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui, ayant relevé que la personne pour laquelle la qualité d'aidant familial était demandée, n'était ni conjoint, ni concubin, ni personne avec laquelle l'intéressée avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'intéressée, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple, en déduit que cette personne ne pouvait être reconnue comme aidant familial.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2021), Mme [N] (l'intéressée) bénéficie depuis 2011 de la prestation de compensation du handicap, au titre de ses besoins en aides humaines, sa mère et son beau-père, M. et Mme [K], étant ses aidants familiaux et également, ses curateurs.

2. Le président du conseil départemental de l'Hérault ayant rejeté la demande de dédommagement de Mme [L], mère de M. [K], comme troisième aidant familial, l'intéressée et ses curateurs ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de l'aide sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'intéressée et ses curateurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à reconnaître Mme [L] comme aidant familial, alors « que l'aidant familial est, au sens de la loi n° 2015-1776 relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 et de la charte européenne de l'aidant familial, la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ; que cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes, notamment : nursing, soins, accompagnement à l'éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques ; qu'en refusant de reconnaître à Mme [L] la qualité d'aidant familial au motif qu'elle n'était ni la conjointe, ni la concubine, ni la personne avec laquelle l'intéressée avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendante, ni descendante ou collatérale jusqu'au quatrième degré de cette dernière, ni ascendante, descendante collatérale jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple cependant que la qualité d'aidant familial ne se limite pas au seul lien de parenté mais est entendue largement et peut concerner la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, la cour d'appel a violé l'article R. 245-7 du code de l'action sociale et des familles. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles que les personnes handicapées remplissant certaines conditions tenant à leur âge et à leur handicap ont droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.

6. Aux termes de l'article L. 245-3, 1°, du même code, la prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret à des charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux.

7. Selon l'article L. 245-12 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-3 peut être employé, selon le choix de la personne handicapée, à rémunérer directement un ou plusieurs salariés, notamment un membre de la famille dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ce texte ou à rémunérer un service prestataire d'aide à domicile ainsi qu'à dédommager un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne handicapée au sens du chapitre 1er du titre II du livre 1er du code du travail.

Le dédommagement de l'aidant familial est pris en compte pour la détermination de l'assiette de la contribution définie à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale au titre des revenus.

8. Selon l'article R. 245-7, alinéa 1er, du code de l'action sociale et des familles, est considéré comme un aidant familial, pour l'application de l'article L. 245-12 du même code, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle la personne handicapée a conclu un pacte civil de solidarité, l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de la personne handicapée, ou l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple qui apporte l'aide humaine définie en application des dispositions de l'article L. 245-3 du même code et qui n'est pas salarié pour cette aide.

9. Ayant relevé que Mme [L], mère de M. [K], nouvel époux de la mère de l'intéressée, n'était ni conjoint, ni concubin, ni personne avec laquelle l'intéressée avait conclu un pacte civil de solidarité, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'intéressée, ni ascendant, ni descendant ou collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme [L] ne pouvait être reconnue comme aidant familial au sens de l'article R. 245-7 du code de l'action sociale et des familles.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles R. 245-7 et R. 245-12 du code de l'action sociale et des familles.

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