Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 26 janvier 2022, n° 20-13.266, (B) (R), FS

Rejet

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Dépassement du forfait annuel – Indemnisation – Rémunération des sujétions imposées – Montant – Détermination – Renonciation sur accord écrit à des jours de repos – Renonciation en contrepartie d'une majoration de salaire – Défaut – Portée

Lorsque le salarié, soumis à un régime de forfait en jours, accomplit des jours de travail en dépassement de ce forfait malgré l'absence de conclusion de l'accord écrit relatif à la renonciation des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Dépassement du forfait annuel – Indemnisation – Rémunération des sujétions imposées – Montant – Détermination – Majoration de salaire au moins égale à 10 % – Respect – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2019), M. [F] a été engagé le 5 juillet 2006, en qualité de responsable administratif et financier, par la société [V] exerçant une activité d'ingénierie et d'études techniques, aux droits de laquelle vient la société Suez international.

2. Licencié, par lettre du 6 octobre 2010, et estimant ne pas avoir été payé des jours de travail effectués au-delà de la durée prévue par la convention de forfait en jours qui lui était applicable, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir des rappels de salaires notamment au titre de la majoration de 25 % de la rémunération des jours litigieux.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal du salarié et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de dépassement de la convention de forfait en jours, outre les congés payés afférents, alors :

« 1° / que selon l'article L. 212-15-3, devenu l'article L. 3121-49, du code du travail, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours de repos égal à ce dépassement ; que ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris ; qu'en faisant droit à la demande de rappel de majoration sollicitée par le salarié quand les dépassements de la durée prévue par la convention individuelle de forfait en jours sur l'année antérieurs au 22 août 2008 n'ouvraient pas droit à majoration de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 212-15-3, devenu l'article L. 3121-49, du code du travail, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

2°/ que l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise -qui prévoit à titre transitoire une majoration de salaire de 10 % pour les journées ou demi-journées travaillées du fait de la renonciation par le salarié, auquel est applicable une convention de forfait en jours, à des jours de repos- n'est applicable qu'à compter du 1er avril 2005 et jusqu'au 31 décembre 2008, aux seules entreprises dont l'effectif est au plus égal à vingt et dans le seul cas où le salarié a renoncé à des jours de congé, avec l'accord de l'employeur ; qu'en accordant dès lors au salarié la majoration demandée pour la période antérieure au 22 août 2008, sans constater qu'il travaillait dans une entreprise ayant un effectif maximal de 20 salariés et avait effectivement renoncé à des jours de repos, et ce, en accord avec l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3°/ qu' en accordant au salarié une majoration de 25 % pour chaque journée travaillée au-delà de la durée prévue par la convention de forfait au cours de la période courant du 1er janvier 2006 au 21 août 2008, quand l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 prévoyait uniquement, pour les sommes à caractère salarial exigibles du 1er avril 2005 au 31 décembre 2008, une majoration de 10 %, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 212-15-3 III, devenu L. 3121-49, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord collectif de travail, le salarié bénéficie, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement.

6. Selon l'article L. 212-15-3 III, devenu L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec l'employeur, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.

La convention ou l'accord collectif de travail détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix.

7. En l'absence d'accord sur le taux de majoration de la rémunération des jours de repos auxquels le salarié a renoncé, le juge fixe le montant de la majoration applicable au salaire dû en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

8. Après avoir constaté que le salarié avait accompli des jours de travail en dépassement du forfait de 215 jours et que ceux-ci avaient été payés par l'employeur, de sorte que les jours de repos équivalent n'avaient pas été pris, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée, relative à l'application des dispositions transitoires de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005, a fixé le montant de la majoration due au salarié.

9. Le moyen, irrecevable en sa troisième branche, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre dernières branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ que l'article L. 3121-45 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 -applicable aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur, soit le 22 août 2008-, subordonne le droit à majoration de rémunération du salarié soumis à une convention individuelle de forfait en jours sur l'année à sa renonciation préalable, avec l'accord de l'employeur, à une partie de ses jours de repos ; qu'en accordant dès lors au salarié la majoration demandée, au titre partiellement de journées de travail excédentaires accomplies postérieurement au 21 août 2008, sans constater au préalable qu'il avait effectivement renoncé à des jours de repos au cours de cette période, et ce, en accord avec l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

5°/ qu'en application de l'article L. 3121-45 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 -applicable aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur, soit le 22 août 2008-, le salarié a droit, en cas de dépassement de la durée prévue par la convention individuelle de forfait en jours sur l'année, à la rémunération afférente aux journées de travail excédentaires, ainsi qu'à une majoration de salaire, fixée par avenant à la convention de forfait, qui ne peut être inférieure à 10 % ; qu'en l'absence d'avenant précisant un taux de majoration supérieur au taux légal de 10 %, le salarié a uniquement droit à celui-ci ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut d'un taux supérieur au taux minimum légal de 10 % de rapporter la preuve d'un accord des parties sur ce taux particulier supérieur ; que, concernant les journées excédentaires postérieures au 22 août 2008, la cour d'appel a retenu, pour accorder au salarié une majoration de 25 % pour chaque journée travaillée au-delà de la durée maximale du forfait, que ‘‘l'employeur ne réplique pas sur le taux de majoration de 25 % demandé par le salarié, taux qui sera donc appliqué'' ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le salarié rapportait la preuve d'un accord des parties sur une majoration de 25 %, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve contraire sur l'employeur, violant l'article 1315 du code civil en sa rédaction applicable au litige, ensemble le texte susvisé ;

6°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas reconnaissance de celui-ci ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel -qui a considéré que le silence gardé par l'employeur valait reconnaissance de l'existence d'un accord des parties sur une majoration de 25 %- a violé l'article 1315 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

7°/ qu'en s'abstenant de constater, pour les journées excédentaires postérieures au 22 août 2008, un accord des parties sur un tel taux de 25 %, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-45 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article L. 3121-45 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.

L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit.

Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.

12. En l'absence de conclusion d'un tel accord, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

13. Après avoir constaté l'absence d'accord écrit relatif à la renonciation des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire et que l'employeur, qui en avait connaissance, avait payé les jours accomplis au-delà du forfait, de sorte que les parties étaient convenues de la renonciation aux jours de repos correspondants, la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, a estimé le montant des sommes restant dues au salarié en contrepartie des jours travaillés en dépassement du forfait de 215 jours fixés par la convention individuelle de forfait en jours.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents, alors « qu'en l'absence de stipulation contraire, la modification de la rémunération du salarié n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en l'espèce, le courrier du 11 décembre 2008 de Mme [X] adressé au salarié mentionnait : ‘‘nous avons le plaisir de vous informer qu'à compter de janvier 2009 votre rémunération annuelle de base sera portée à 66.126 euros'' ; qu'en se fondant sur cette augmentation de salaire, pour allouer à l'intéressé un rappel de salaire pour soixante jours de week-end travaillés, quand elle constatait que le salarié n'avait réalisé que 23 jours au-delà de son forfait annuel en 2009, ce dont il résultait qu'une fraction de l'indemnité versée par l'employeur pour les soixante jours de week-end travaillés correspondait à des journées de travail antérieures au 1er janvier 2009, auxquelles l'augmentation de salaire accordée au salarié à compter de cette date n'était pas applicable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

16. Appréciant la portée et la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé le montant du rappel de salaire dû au salarié.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article L. 212-15-3, III, devenu L. 3121-49, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 22 août 2008.

Rapprochement(s) :

Sur un autre cas de dépassement de la convention de forfait en jours sur l'année : Soc., 7 décembre 2010, pourvoi n° 09-42.626, Bull. 2010, V, n° 281 (cassation partielle).

Soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636, (B), FS

Cassation partielle

Durée maximale – Dépassement – Effets – Droit à réparation – Conditions – Preuve d'un préjudice – Exclusion – Portée

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

Durée maximale – Dépassement – Effets – Droit à réparation – Office du juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 mars 2019), M. [S] a été engagé, le 19 juin 2015, en qualité de chauffeur livreur par la société Ludo express.

2. La période d'essai a été rompue par l'employeur, le 19 août 2015, en raison d'une insuffisance de résultats.

3. L'employeur a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en remboursement de salaire trop-perçu et en paiement de dommages-intérêts.

L'union départementale des syndicats Force ouvrière d'Indre-et-Loire est intervenue à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail, alors « que le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de réparer, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, par l'octroi soit de temps de repos supplémentaire soit de dommages-intérêts ; qu'en considérant, après avoir constaté un dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, que ce manquement n'avait été la source d'aucun préjudice pour le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ensemble l'article L. 3125-35 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-35, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :

5. Aux termes du texte susvisé, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54).

La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

7. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait travaillé 50,45 heures durant la semaine du 6 au 11 juillet 2015, retient que celui-ci doit démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice et, qu'en l'état des éléments soumis, ce préjudice n'est pas suffisamment démontré.

8. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : Me Haas ; Me Soltner -

Textes visés :

Article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 6b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres cas d'indemnisation d'un préjudice nécessairement causé au salarié par l'inobservation d'obligations légales ou procédurales, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités. Sur l'absence de nécessité de rechercher l'existence d'un préjudice en cas de dépassement de la durée maximale de travail, cf : CJUE, arrêt du 14 octobre 2010, Fuss, C-243/09.

Soc., 26 janvier 2022, n° 20-11.861, (B), FS

Cassation partielle

Heures supplémentaires – Repos compensateur – Repos compensateur de remplacement – Nature – Distinction avec les jours de réduction du temps de travail – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 novembre 2019), M. [X] a été engagé le 15 mars 1983 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Haute-vienne, devenue caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest.

2. Ayant fait valoir ses droits à la retraite, le 31 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des repos compensateurs de remplacement non pris, alors :

« 1°/ que l'accord collectif n° 45 relatif au règlement des dépassements d'horaires et de travail exceptionnel au sein de la CRCO conclu le 25 juillet 2002 définit les principes et les modalités de règlement des dépassements d'horaires générés par différentes situations ; que quelles que soient les hypothèses de dépassement d'horaires au-delà de 39 heures visées par l'accord (dépassements ponctuels, situations exceptionnelles de travail en dehors des jours habituellement travaillés, travail de nuit et temps de déplacement et d'intervention pendant les périodes d'astreintes), celui-ci prévoit la récupération des heures effectuées au-delà de 39 heures sous la forme d'un repos systématiquement qualifié de « repos compensateur de remplacement » ; que son article 5 intitulé « Suivi et contrôle des dépassements d'horaires » dispose que « Chaque fin d'année : Il s'agit de vérifier que le plafond de 1599 heures sur l'année n'est pas dépassé. Ce décompte est superflu dans la mesure où la CRCO exige de ses salariés que tous les jours de repos RTT soient effectivement pris et soldés au 31 décembre de chaque année », ce dont il résulte que les « jours de repos RTT » renvoient nécessairement aux « repos compensateurs de remplacement », lesquels devaient être soldés avant la fin de l'année civile en cours ; qu'en jugeant qu'aucune disposition de cet accord ne prévoit un délai maximum pour prendre ces repos compensateurs de remplacement au prétexte que l'article 5 vise « les jours de repos RTT » et non les « repos compensateurs de remplacement », la cour d'appel a violé l'accord susvisé ;

2°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [X] avait un accès permanent à l'application informatique mise en place au sein de la CRCO relative au temps de travail par laquelle les salariés disposent des informations concernant leurs soldes de congés (autres jours de congés et congés annuels), leur compte épargne temps, leurs compteurs (repos compensateurs de remplacement et de repos compensateur légal), dont il produisait deux copies d'écran mentionnant que ses repos compensateurs de remplacement s'élevaient à 5h55 à la date du 31 décembre 2012, et que le même solde figurait à la date du 31 décembre 2013 ; qu'en affirmant que ces 5h55 avaient été reportées d'une année sur l'autre de sorte que l'employeur devait lui verser le montant correspondant aux 5h55 dans le cadre de son solde de tout compte le 31 mars 2016, sans cependant caractériser que ces 5h55 figuraient encore à la date de son départ de l'entreprise le 31 mars 2016 à son crédit sur le logiciel mis en place par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de l'accord n° 45 relatif au règlement des dépassements d'horaires et de travail exceptionnel au sein de la CRCO du 25 juillet 2002. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 3121-24 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, un accord collectif peut prévoir le remplacement en tout ou en partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par des repos compensateurs équivalents.

6. L'accord collectif d'entreprise n° 45 du 25 juillet 2002 relatif au règlement des dépassements d'horaires et de travail exceptionnel au sein de la CRCO énonce en son article 2 que la mise en oeuvre des 35 heures s'effectuant par l'attribution de jours de repos sur l'année, les heures effectuées entre 35 heures et 39 heures ne sont pas des heures supplémentaires.

7. L'accord prévoit en son article 3 intitulé « Le principe : la récupération » que le principe est de remplacer le paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos équivalent en distinguant la situation d'un dépassement d'horaires au-delà de 39 heures par semaine, dans les cas où le salarié ne peut pas récupérer les dépassements dans la semaine considérée qui sont reportés à la ou les semaines suivantes (au maximum dans le mois en agence) et dans les cas de dépassements d'horaires ponctuels, dûment justifiés et exécutés à la demande écrite d'un responsable, pour lesquels un repos compensateur de remplacement majoré est appliqué.

8. Aux termes de l'article 5 intitulé « Suivi et contrôle des dépassements d'horaires » du même accord, chaque semaine, la vérification de la durée hebdomadaire du travail de 39 heures (38 heures 45 effectivement travaillées) est assurée au moyen de la fiche de relevé des écarts (Agence) et des compteurs (Siège). Chaque fin d'année, il s'agit de vérifier que le plafond de 1 599 heures sur l'année n'est pas dépassé. Ce décompte est superflu dans la mesure où la CRCO exige de ses salariés que tous les jours de repos RTT soient effectivement pris et soldés au 31 décembre de chaque année.

Les heures dont le paiement est remplacé par un repos compensateur ne s'imputent pas sur le contingent annuel de 90 heures mais ouvrent droit au repos compensateur légal.

9. Il résulte de ces textes que les repos compensateurs de remplacement, qui ont pour objet de compenser les heures de travail accomplies au-delà de 39 heures par semaine, ne peuvent être confondus avec les jours de repos sur l'année accordés en contrepartie d'heures de travail accomplies entre 35 et 39 heures, ces jours de repos, au titre de la réduction du temps de travail, étant les seuls visés par l'accord collectif, en ce qu'il impose que les jours de repos RTT soient soldés avant le 31 décembre de l'année.

10. Ayant retenu, d'une part, qu'il résultait de l'accord n° 45 du 25 juillet 2002 qu'aucune disposition ne prévoyait les modalités de prise et d'information du repos compensateur de remplacement en ce que l'article 5, qui exige que tous les jours de repos RTT soient effectivement pris et soldés au 31 décembre de chaque année, ne mentionnait pas les repos compensateurs de remplacement et, d'autre part, que le salarié avait effectué des heures supplémentaires dont il n'avait pas obtenu le paiement, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur était tenu au paiement de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs de remplacement non pris.

11. Le moyen, qui en sa seconde branche est inopérant, n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés, alors « que les primes dont le montant est lié au temps de travail effectif accompli par le salarié n'ont pas pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés confondues et sont nécessairement affectées par la prise de congés du salarié, de sorte qu'elles doivent être prises en compte dans l'assiette de calcul des congés payés, peu important qu'elles soient allouées pour une année entière ; qu'il résulte de l'accord n° 69 du 28 janvier 2011 que toutes les primes de la rémunération extra-conventionnelle rétribuent la contribution effective aux performances commerciales de l'entreprise et sont donc calculées en fonction du temps réellement passé à cette contribution ; qu'en affirmant que l'ensemble des primes REC fixe, compensatoire et variable serait versé globalement sur l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, et en excluant ces primes de l'assiette des congés payés, la cour d'appel a violé l'accord n° 69 du 28 janvier 2011. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'accord n° 69 du 28 janvier 2011 relatif à la rémunération extra-conventionnelle à la CRCO :

13. Selon le premier de ces textes, le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié au cours de l'année de référence.

14. Selon le second, les primes constitutives de la rémunération extra-conventionnelle (REC) sont la prime de performance d'entreprise, qui rétribue l'atteinte collective des objectifs de l'entreprise, la prime de performance d'unité, qui rétribue l'atteinte des objectifs de l'unité, et la prime de performance individuelle, qui rétribue la contribution individuelle à l'atteinte des objectifs de l'unité.

15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt retient qu'au regard des bulletins de paie de l'intéressé, le salaire versé mensuellement comprend la rémunération de classification (RCE), la rémunération complémentaire individuelle (RCI), la rémunération conventionnelle complémentaire, les ex-points fusions garantis auxquels s'ajoutent les primes suivantes : 13e mois versé au mois de décembre, rémunération extra-conventionnelle (REC) fixe versée tous les mois, rémunération extra-conventionnelle compensatoire de 21,55 euros versée au mois de février de chaque année, rémunération extra-conventionnelle variable versée en mars de chaque année.

16. Il ajoute qu'à la lecture des bulletins de paie du salarié ainsi que de l'accord n° 69 du 28 janvier 2011 et des notes relatifs à la rémunération extra-conventionnelle, il y a lieu de constater que l'ensemble de ces primes est versé globalement sur l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, en excluant par conséquent ces primes de l'assiette de calcul des congés payés.

17. En statuant ainsi, alors que la rémunération extra-conventionnelle versée correspondait, peu important son paiement annuel, au moins en partie à l'activité individuelle déployée par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive et à tout le moins déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur les précédents moyens de cassation, relatifs à de multiples manquements de l'employeur, emportera la cassation par voie de conséquence du présent chef de dispositif en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

19. La cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif relatif aux dommages-intérêts pour exécution fautive et à tout le moins déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Et sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

20. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre de solde d'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, alors « que lorsque l'indemnité de départ à la retraite est calculée sur la base de la moyenne des salaires que l'intéressé a perçus au cours des trois derniers mois, toute prime ou autre élément de salaire annuel ou exceptionnel qui aurait été versé au salarié pendant cette période est pris en compte à due proportion ; que la cour d'appel a en l'espèce pris pour base de calcul de l'indemnité de départ à la retraite, la rémunération perçue par M. [X] au cours des trois derniers mois de janvier à mars 2016 inclus ; qu'en prenant en compte " la rémunération variable au titre de l'année 2015 » versée à M. [X] au mois de mars 2016 pour son montant total de 1 566,39 euros, sans la proratiser, la cour d'appel a violé l'article 39 de la convention collective du Crédit agricole ensemble l'article D. 1237-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 39 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 et l'article D. 1237-2 du code du travail :

21. Selon le premier de ces textes, le salaire à prendre en considération pour calculer l'indemnité de départ à la retraite est égal au douzième du salaire des douze derniers mois ou, selon le plus favorable, au tiers des trois derniers mois. Dans ce dernier cas, en l'absence de dérogation expresse de la convention collective, toute prime ou autre élément de salaire annuel ou exceptionnel, qui aurait été versé au salarié pendant cette période, est pris en compte à due proportion, conformément au second de ces textes.

22. Pour condamner l'employeur à payer une certaine somme à titre de solde d'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, l'arrêt retient qu'en l'absence de précision dans l'article 39 de la convention collective applicable, il y a lieu de prendre en compte les douze derniers mois, à savoir des mois d'avril 2015 à mars 2016. Il ajoute que toutefois, la paie du mois de mars intégrant des soldes de primes ou des éléments liés à la fin du contrat de travail, il convient de retenir au titre du mois de mars 2016 les éléments de salaire que le salarié aurait perçus pour un mois de travail sans tenir compte des sommes versées dans le cadre d'un solde de tout compte soit, notamment, la rémunération variable au titre de l'année 2015 : 1 566,39 euros. Il retient encore que la moyenne des trois derniers mois étant plus favorable que la moyenne des douze derniers mois, il convient de prendre en compte le montant de 3 846,28 euros soit 384,62 euros correspondant à 1/10e de mois de salaire pour calculer l'indemnité de départ à la retraite, en tenant compte des années d'ancienneté et du temps de travail.

23. En se déterminant ainsi, sans préciser si la rémunération variable au titre de l'année 2015 était prise en compte, à due proportion, dans la moyenne des trois derniers mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Ouest à payer à M. [X] la somme de 389,12 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, et en ce qu'il déboute M. [X] de ses demandes au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés et de dommages-intérêts pour exécution fautive et à tout le moins déloyale du contrat de travail, et en ce qu'il le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 3121-24 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; articles 2, 3 et 5 de l'accord collectif d'entreprise n° 45 du 25 juillet 2002 relatif au règlement des dépassements d'horaires et de travail exceptionnel au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest (CRCO).

Soc., 26 janvier 2022, n° 19-24.257, n° 19-24.259, (B), FS

Rejet

Travail à temps partiel – Modification de la répartition de la durée du travail – Délai de prévenance – Délai de prévenance inférieur à sept jours – Modification du planning individuel du salarié – Conditions – Cas prévus par l'accord collectif applicable

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-24.257 et 19-24.259 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Toulouse, 11 septembre 2019), Mme [O] et M. [V], engagés respectivement les 9 septembre 2010 et 27 juillet 2010 par contrats à temps partiel modulé en qualité de distributeurs de journaux par la société Adrexo, ont saisi la juridiction prud'homale, le 16 janvier 2014, de diverses demandes.

3. Le 5 décembre 2014, Mme [O] a démissionné de ses fonctions.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de prononcer la requalification du contrat de travail le liant à chaque salarié en contrat de travail à temps plein, de le condamner à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la base du temps plein et au titre de la prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents et les intérêts légaux, ainsi que de lui ordonner la délivrance de bulletins de paie rectifiés, alors :

« 1°/ que le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise ne justifie pas en soi la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en retenant, pour requalifier le contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, que la durée de travail effective des salariés avait varié au-delà du tiers de la durée du travail stipulée au contrat de travail certains mois et que « dès lors, il y a lieu de retenir que le salarié, du fait du non-respect des délais de prévenance relatifs aux plannings individuels indicatifs annuels et du non-respect de l'horaire de modulation était placée dans une situation d'incertitude rendant impossible de prévoir son rythme de travail », a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et de l'article 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 ;

2°/ que le juge ne saurait modifier l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exposées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein, la cour d'appel a retenu d'office que la durée de travail effective des salariés avait varié au-delà du tiers de la durée du travail stipulée au contrat de travail certains mois ; qu'en se déterminant ainsi, tandis que les salariés n'avaient pas allégué le dépassement du tiers de la durée de référence, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein, la cour d'appel a retenu d'office que la durée de travail effective des salariés avait varié au-delà du tiers de la durée du travail stipulée au contrat de travail certains mois ; qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s'en expliquer en méconnaissance du principe du contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'en matière de contrat à temps partiel modulé, en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et/ou des délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, en affirmant que le renversement de la présomption de temps complet par l'employeur impliquait qu'il rapporte la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, la cour d'appel n'ayant pas requalifié les contrats de travail à temps partiel modulé en contrats de travail à temps complet au motif que l'employeur n'avait pas respecté la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise, le moyen pris en ses trois premières branches est inopérant.

6. Ensuite, la cour d'appel n'ayant pas retenu que l'employeur échouait à renverser la présomption simple de contrat de travail à temps complet au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de la durée exacte convenue, le moyen en sa quatrième branche critique des motifs erronés mais surabondants.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief aux arrêts, alors :

« 5°/ que si dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé conclu dans le secteur de la distribution directe l'employeur doit respecter un délai de prévenance d'au moins sept jours, qui peut être réduit à trois jours en cas de circonstances exceptionnelles, lorsqu'il notifie au distributeur des horaires qu'il a unilatéralement fixés, sous peine de voir le contrat présumé à temps complet, un tel délai de prévenance ne s'impose pas en revanche lorsque les horaires sont fixés d'un commun accord par les parties ; que la cour d'appel, pour requalifier en contrat à temps complet le contrat à temps partiel modulé conclu entre les parties, a retenu, que « l'examen [des] feuilles de routes fait également apparaître très fréquemment une date d'édition du document 4 jours avant la date de la tournée de distribution » et que « dès lors, il y a lieu de retenir que le(a) salarié(e), du fait du non-respect des délais de prévenance relatifs aux plannings individuels indicatifs annuels et du non-respect de l'horaire de modulation était placée dans une situation d'incertitude rendant impossible de prévoir son rythme de travail » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le salarié avait accepté les feuilles de route sur la base desquelles il a effectué des distributions, traduisant ainsi son accord sur la fixation de ses horaires et le délai de prévenance appliqué, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

6°/ qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en requalifiant en l'espèce le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein, au motif que « l'examen [des] feuilles de routes fait également apparaître très fréquemment une date d'édition du document 4 jours avant la date de la tournée de distribution » et que « dès lors, il y a lieu de retenir que le (la) salarié(e), du fait du non-respect des délais de prévenance relatifs aux plannings individuels indicatifs annuels et du non-respect de l'horaire de modulation était placé(e) dans une situation d'incertitude rendant impossible de prévoir son rythme de travail », la cour d'appel a à tort déduit l'absence de renversement par l'employeur de la présomption de temps complet, d'éléments inférant seulement une présomption simple de temps complet, ce qui revenait à rendre irréfragable ladite présomption et à déduire automatiquement la requalification en temps complet d'éléments justifiant uniquement une présomption simple en ce sens ; qu'elle a, ce faisant, violé l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, la convention ou l'accord collectif prévoit notamment : 7° les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ; 8° les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement.

10. L'article 1.2 du chapitre IV « Statuts particuliers » de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 prévoit que, sous réserve d'un délai de prévenance de sept jours ouvrés, délai pouvant être exceptionnellement réduit à trois jours ouvrés en cas d'accord d'entreprise prévoyant une contrepartie pour les salariés, les entreprises ou les établissements peuvent modifier la durée de l'horaire de travail ainsi que ses modalités de répartition initiales. Pour faire face à des situations imprévues ou des contraintes exceptionnelles, ce délai peut être réduit avec l'accord du salarié dans les cas suivants : surcroît temporaire d'activité ; travaux urgents à accomplir dans un délai limité ; absence d'un ou de plusieurs salariés.

11. Selon l'article 2.1 de l'accord d'entreprise de la société Adrexo du 11 mai 2005, le distributeur bénéficie d'une garantie de travail minimale par jour, semaine et mois travaillés, conforme à celles prévues par la convention collective de branche, soit au moins 2 heures par jour, 6 heures hebdomadaires et 26 heures par mois, qui seront respectées pour l'établissement du planning indicatif individuel. Ce planning individuel sera révisable à tout moment par l'employeur, moyennant une information donnée au salarié au moins sept jours à l'avance, ou au moins trois jours à l'avance en cas de travaux urgents ou surcroît d'activité, moyennant, en contrepartie, aménagement de l'horaire de prise des documents si le salarié le souhaite, ou avec un délai inférieur avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route notamment en cas de nécessité impérative de service ou de surcroît exceptionnel d'activité ou de remplacement d'un salarié absent.

12. Il résulte de ces textes que la révision du planning individuel moyennant une information donnée au salarié dans un délai inférieur à sept jours nécessite que la modification intervienne dans les cas déterminés par les dispositions de l'accord collectif applicable.

13. Ayant constaté que l'employeur avait modifié le planning des salariés dans un délai inférieur à sept jours sans qu'il justifie de l'existence de travaux urgents ou d'un surcroît de travail, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'avait pas respecté les délais de prévenance.

14. Le moyen, qui, sous le couvert du grief de violation de la loi, ne tend en sa sixième branche qu'à remettre en cause l'appréciation par les juges du fond de la valeur et de la portée des pièces produites dont ils ont déduit que l'employeur échouait à renverser la présomption de travail à temps complet en ne rapportant pas la preuve que les salariés, auxquels les plannings n'avaient pas été communiqués dans les délais conventionnels, n'étaient pas placés dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu'ils n'avaient pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; article 1.2 du chapitre IV « Statuts particuliers » de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 ; article 2.1 de l'accord d'entreprise de la société Adrexo du 11 mai 2005.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions d'application du délai de prévenance : Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-19.401, Bull. 2016, V, n° 215 (rejet).

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