Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

SYNDICAT PROFESSIONNEL

Soc., 5 janvier 2022, n° 20-15.005, (B), FRH

Rejet

Activité syndicale – Communications syndicales – Publications et tracts – Diffusion – Modalités – Observation – Cas – Communication au sein de l'entreprise – Communication aux heures d'entrée et de sortie du travail

Aux termes de l'article L. 2142-4 du code du travail, les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail.

La cour d'appel qui a constaté qu'une distribution de tracts avait été effectuée par un délégué syndical, au niveau du portique d'accès au bâtiment, pendant la plage d'horaires variables prévue dans l'accord d'entreprise sur l'organisation et le temps de travail et que le directeur d'établissement et des ressources humaines de la société avait apostrophé ce délégué syndical en lui disant que normalement la distribution se faisait dehors, que l'employeur ne démontrait pas avoir adressé à un autre syndicat la même demande de retirer des panneaux d'affichage syndicaux les pochettes de tracts à disposition des salariés, enfin que le reproche fait par l'employeur d'avoir distribué des informations confidentielles devait être écarté, celles-ci ayant été précédemment diffusées tant par un autre syndicat que par une information du service des ressources humaines, a pu déduire de l'ensemble de ses constatations l'existence d'une discrimination syndicale.

Délégué syndical – Discrimination – Caractérisation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 février 2020), le syndicat CFDT de la métallurgie horlogerie de Besançon et du Haut Doubs (le syndicat) a, le 6 juin 2017, fait assigner devant le tribunal de grande instance la société Parkeon, désormais dénommée Flowbird (la société), aux fins de dire que les heures d'entrée et de sortie dans la société sont celles mentionnées dans l'accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail et que la société a exercé à son encontre des moyens de pression discriminatoires, demandant sa condamnation au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de la déclarer coupable de discrimination à l'encontre du syndicat et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors :

« 1°/ que si l'article L. 2142-4 du code du travail dispose que les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci, il précise également que cette diffusion s'effectue aux heures d'entrée et de sortie du travail ; que lorsqu'est mis en place un système d'horaires variables avec, comme en l'espèce, une plage d'horaires variables allant de 11 h 30 à 14 h 00, la distribution de tracts ne peut être effectuée pendant cette plage variable, qui correspond à la pause déjeuner et non aux heures d'entrée et de sortie du travail ; que partant, en retenant que « la distribution de tracts litigieuse du 21 mars 2017 a été effectuée par M. [V], délégué syndical CFDT, au niveau du portique d'accès au bâtiment A, à 12 h 15, ce qui correspond à la plage d'horaires variables allant de 11 h 30 à 14 h 00 prévue dans l'accord d'entreprise sur l'organisation et le temps de travail rédigé et signé par la société, plage variable dans les limites de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d'arrivée et de départ », pour considérer que le fait que le délégué syndical ait été empêché de poursuivre sa distribution de tracts s'avérait discriminatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en outre, en considérant que le fait que le délégué syndical CFDT ait été empêché de poursuivre sa distribution de tracts s'avérait discriminatoire, sans constater que les autres syndicats pouvaient diffuser des tracts pendant la plage d'horaires variables allant de 11 h 30 à 14 h 00, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'une mesure discriminatoire, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-7 du code du travail ;

3°/ qu'au surplus, après avoir constaté que la société Flowbird soutenait que le syndicat CFDT se comparait inutilement avec les syndicats CFTC et CGC qui, contrairement à lui respectaient les règles de diffusion des tracts, les pochettes mises sous leurs panneaux d'affichage mettant seulement à disposition des salariés des bulletins d'adhésion, la cour d'appel a considéré que « cependant, ce faisant, la société Flowbird procède seulement par voie d'affirmation et est, en l'occurrence, contredite par les photographies et les six attestations produites par le syndicat » ; qu'en se déterminant de la sorte, sans analyser, même de façon sommaire les attestations produites par la CFDT, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile violant ainsi ledit article ;

4°/ que selon l'article L. 2141-7 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qui définit le délit de discrimination syndicale, il est interdit à l'employeur ou à ses représentants d'employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale ; qu'il s'ensuit, en l'espèce, en considérant que les reproches adressés par la société Flowbird au syndicat CFDT, quant à la diffusion d'informations confidentielles, apparaissaient discriminatoires, sans préciser en quoi ces reproches constituaient un moyen de pression sur ce syndicat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2142-4 du code du travail, les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail.

4. L'arrêt constate que la distribution de tracts litigieuse du 21 mars 2017 a été effectuée par le délégué syndical CFDT, au niveau du portique d'accès au bâtiment A, à 12 heures 15, ce qui correspond à la plage d'horaires variables allant de 11 heures 30 à 14 heures prévue dans l'accord d'entreprise sur l'organisation et le temps de travail, plage variable dans les limites de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d'arrivée et de départ, et que, par ailleurs, le directeur d'établissement et des ressources humaines de la société a apostrophé ce délégué syndical en lui disant : « normalement, la distribution se fait dehors ».

5. En deuxième lieu, l'arrêt constate que l'employeur ne démontre pas avoir adressé au syndicat CFE-CGC la même demande de retirer des panneaux d'affichage syndicaux les pochettes de tracts à disposition des salariés que celle faite au syndicat CFDT.

6. En troisième lieu, l'arrêt retient, en ce qui concerne le reproche fait par l'employeur au syndicat CFDT, objet d'une sommation signifiée le 26 octobre 2017, d'avoir, le 19 octobre 2017, distribué un tract contenant des informations confidentielles extraites du rapport du cabinet comptable Syndex, que les informations relatives à la prime « take off » contenues dans le tract du syndicat du 19 octobre 2017 ne peuvent être retenues comme étant confidentielles, car les informations communiquées dans ce tract avaient déjà été diffusées en 2016 par le syndicat CFTC Parkeon au moyen d'une synthèse du comité d'entreprise du 28 avril 2016, antérieurement à la remise du rapport Syndex, le procès-verbal de cette séance ayant également été diffusé aux salariés en juillet 2016 par une information du service des ressources humaines.

7. La cour d'appel a pu déduire de l'ensemble de ses constatations l'existence d'une discrimination à l'encontre du syndicat CFDT.

8. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2142-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité de distribuer des tracts aux salariés exclusivement aux heures d'entrée et de sortie du travail : Soc., 31 mars 1998, pourvoi n° 96-41.876, Bull. 1998, V, n° 192 (cassation).

Soc., 5 janvier 2022, n° 21-13.141, (B), FRH

Rejet

Représentativité – Durée – Appréciation – Cycle électoral – Détermination – Cas – Modification du périmètre de l'entreprise – Portée

En application des articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2143-5 et 2314-2 du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l'entreprise.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Pau, 1er mars 2021), lors de l'organisation des élections des membres du comité social et économique, qui se sont déroulées au sein des différents établissements de janvier à décembre 2019, la Société générale comportait deux directions de l'exploitation commerciale (DEC) dans le département des Pyrénées-Atlantiques, la DEC de Pau et la DEC de Bayonne, qui disposaient chacune d'un comité social et économique (CSE) d'établissement.

2. Le 17 février 2020, la DEC de Bayonne a été absorbée par la DEC de Pau et de cette fusion est issue, à compter du mois de juin 2020, la direction commerciale régionale (DCR) de Pau.

3. Par lettre du 17 septembre 2020, la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT (le syndicat CGT) a désigné M. [W] en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement DCR de Pau et Mme [M] en qualité de représentant syndical au CSE de ce même établissement.

4. La chambre sociale de la Cour de cassation, par arrêt du 16 juin 2021 (Soc., 16 juin 2021, pourvoi n° 21-13.141), a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par les demandeurs au pourvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le syndicat CGT, M. [W] et Mme [M] font grief au jugement d'annuler la désignation de M. [W] en qualité de délégué syndical auprès de l'établissement DCR de Pau et d'annuler la désignation de Mme [M] en qualité de représentant syndical au comité social et économique d'établissement DCR de Pau, alors « que les exposants ont posé par mémoire distinct une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail, tels qu'interprétés par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, pour le cas où la Cour de cassation déciderait que la décision du tribunal judiciaire qui a refusé qu'une organisation syndicale reconnue représentative dans un établissement puisse, lorsque cet établissement est absorbé par un autre, désigner un délégué syndical et un représentant délégué syndical dans cet autre établissement, au seul motif qu'elle n'a pas été déclarée représentative dans l'établissement absorbant aux dernières élections, serait conforme à sa jurisprudence constante selon laquelle la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral ; que par voie de conséquence de la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel après renvoi par la Cour de cassation, le jugement attaqué devra être annulé pour perte de fondement juridique. »

Réponse de la Cour

6. Le moyen est devenu sans portée par suite de la décision de la Cour de cassation du 16 juin 2021 ayant dit n'y avoir lieu à renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité incidente portant sur les articles du code du travail précités.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le syndicat CGT, M. [W] et Mme [M] font le même grief au jugement, alors :

« 1°/ que lorsqu'un établissement est absorbé par un autre au sein d'une même entreprise, une organisation syndicale qui a fait la preuve de sa représentativité au sein de l'établissement absorbé aux dernières élections doit pouvoir désigner un délégué syndical au sein de l'établissement issu de l'absorption et un représentant syndical au comité social et économique d'établissement de ce dernier afin que les salariés de l'établissement absorbé soient représentés jusqu'aux prochaines élections par l'organisation syndicale qu'ils ont élue ; qu'en l'espèce, en exigeant de la Fédération CGT, pour qu'elle puisse désigner un délégué syndical et un représentant au comité social et économique de l'établissement de Pau, avec lequel l'établissement de Bayonne avait fusionné, qu'elle rapporte la preuve de sa représentativité dans l'établissement de Pau, quand il n'était pas contesté que cette organisation syndicale avait obtenu 64 % des suffrages aux dernières élections des membres titulaires du comité social et économique de l'établissement de Bayonne, de sorte qu'elle était en droit de désigner un délégué syndical et un représentant syndical au comité social et économique d'établissement au sein de l'établissement de Pau afin qu'ils représentent la collectivité des salariés venant de l'établissement de Bayonne, le tribunal judiciaire a violé les dispositions des articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail tels qu'interprétés à la lumière des alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946 ;

2°/ en toute hypothèse, que le fait que la représentativité des organisations syndicales soit établie pour toute la durée du cycle électoral même si le périmètre de l'entreprise se trouve modifié ne fait pas obstacle à ce qu'une organisation syndicale désignée représentative dans un établissement puisse se prévaloir durant tout le cycle électoral de cette représentativité quand bien même cet établissement serait absorbé par un autre ; qu'en retenant, pour refuser à la Fédération CGT le droit de désigner un délégué syndical et un représentant au comité social et économique de l'établissement de Pau, avec lequel l'établissement de Bayonne avait fusionné, que la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral quand bien même le périmètre de l'entreprise se trouve modifié, quand la Fédération CGT se prévalait précisément de la représentativité qu'elle avait acquise en début de cycle électoral au sein de l'établissement de Bayonne, afin de désigner des représentants syndicaux au sein de l'établissement de Pau dans l'attente des prochaines élections, le tribunal judiciaire a violé les dispositions des articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail tels qu'interprétés à la lumière des alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

8. En application des articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2143-5 et L. 2314-2 du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l'entreprise.

9. Ayant constaté que le syndicat CGT n'avait pas présenté de candidats dans l'établissement de Pau lors des dernières élections professionnelles, le tribunal en a exactement déduit que, n'étant pas représentatif au sein de cet établissement, il ne pouvait procéder à la désignation d'un délégué syndical et d'un représentant syndical au CSE auprès de cet établissement, peu important que l'établissement de Pau ait absorbé celui de Bayonne où ce syndicat avait été reconnu représentatif.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2143-5 et L. 2314-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral : Soc., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.981, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.