Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-18.155, (B), FRH

Cassation

Adjudication – Mesures de publicité – Irrégularité – Portée

Les actes de publicité préalable à l'adjudication prévues à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution constituent une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 janvier 2020), sur des poursuites à fin de saisie immobilière engagées par le Crédit immobilier de France développement (la banque) sur le fondement d'un commandement de payer du 10 février 2016, un juge de l'exécution a, par un jugement d'orientation du 14 décembre 2017, dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du commandement et du cahier des conditions de vente déposé au greffe le 6 juin 2016, dit n'y avoir lieu à constater la caducité du commandement et autorisé la vente amiable du bien immobilier.

2. Par jugement du 5 juillet 2018, la reprise de la procédure sur vente forcée a été ordonnée et la date de l'adjudication fixée au 6 décembre 2018.

3. Par ordonnance sur requête du 21 novembre 2018, un huissier de justice a été autorisé à pénétrer dans le bien immobilier pour actualiser le procès-verbal descriptif.

4. M. [Y] et Mme [F] ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de nullité des annonces légales et affiches publiées à l'initiative du créancier poursuivant et ont ensuite assigné la banque en rétractation de l'ordonnance sur requête du 21 novembre 2018.

Les procédures ont été jointes. M. [V], l'adjudicataire, est intervenu volontairement à l'instance devant la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [Y] et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à prononcer la nullité de l'annonce légale et de l'affiche apposée au greffe et de rejeter subséquemment leur demande tendant à prononcer la caducité du commandement de payer valant saisie, alors « que le non-respect des conditions de publicité préalable à l'adjudication sur saisie immobilière est une cause de nullité lorsqu'il a causé un grief à celui qui s'en prévaut ; qu'en opposant que les formalités des articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d'exécution n'étaient pas prescrites à peine de nullité, la cour d'appel a violé les articles R. 311-10, R. 311-11, R. 322-30 et R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 311-10, R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution et 114 du code de procédure civile :

6. Conformément à l'article R. 311-10 du code des procédures civiles d'exécution, la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière est régie par les articles 112 à 116 du code de procédure civile, figurant à la section IV du chapitre II du titre V du livre premier du code de procédure civile.

7. Selon l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, relatif à la publicité de droit commun en matière d'adjudication, il incombe au créancier poursuivant, un ou deux mois avant l'audience d'adjudication, d'annoncer la vente forcée. Il rédige un avis, en assure le dépôt au greffe du juge de l'exécution pour qu'il soit affiché sans délai dans les locaux de la juridiction, à un emplacement aisément accessible au public, et fait procéder à sa publication dans un des journaux d'annonces légales diffusé dans l'arrondissement de l'immeuble saisi.

8. Selon l'article R. 322-30 du code des procédures civiles d'exécution, cette publicité a pour objet de permettre l'information du plus grand nombre d'enchérisseurs possible.

9. Il en résulte que les actes de publicité préalable à l'adjudication constituent une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

10. Pour débouter M. [Y] et Mme [F] de leur demande de nullité de l'annonce légale et de l'affiche apposée au greffe et de leur demande subséquente de caducité du commandement, l'arrêt, après avoir constaté que les dispositions des articles R. 322-31 à R. 322-36 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas prescrites à peine de nullité et que la formalité contestée n'est pas une formalité substantielle, retient qu'aucune nullité des actes de publicité ne peut prospérer.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

12. M. [Y] et Mme [F] font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que le non-respect des conditions de publicité préalable à adjudication sur saisie immobilière est une cause de nullité lorsqu'il a causé un grief à celui qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Y] faisaient valoir que les actes de publicité de la saisie visaient des dépendances qui n'existaient pas, des entrées situées à des adresses inexistantes, et des parcelles non comprises dans le périmètre de la saisie ; qu'ils expliquaient que ces erreurs étaient source de confusion pour les enchérisseurs, qu'elles avaient pu dissuader nombre de candidats à l'adjudication, et qu'elles avaient abouti à vendre le bien très en dessous de son prix de marché ; qu'en opposant que les règles de publicité préalable à l'adjudication sur saisie immobilière ne constituaient pas une formalité substantielle, sans rechercher si les irrégularités que dénonçaient M. et Mme [Y] ne leur avaient pas causé un grief, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 311-10, R. 311-11, R. 322-30 et R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, et 114 du code de procédure civile ;

3°/ que le non-respect des conditions de publicité préalable à adjudication sur saisie immobilière est une cause de nullité lorsqu'il a causé un grief à celui qui s'en prévaut ; qu'il importe peu à cet égard que l'erreur de désignation des biens saisis dans les actes de publicité fût la même que celle figurant dans les autres actes de la procédure de saisie ; qu'en ajoutant en l'espèce que la désignation des biens figurant dans les actes de publicité était identique à celle figurant dans le commandement valant saisie et dans le cahier des conditions de vente, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles R. 311-10, R. 311-11, R. 322-30 et R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, et 114 du code de procédure civile ;

4°/ que les actes de publicité préalable à l'adjudication sur saisie immobilière doivent comporter une désignation exacte de l'immeuble saisi ; qu'en relevant encore que les actes de publicité contenaient une description sommaire conforme à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette description correspondait à la situation réelle des biens objet de la saisie, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles R. 311-10, R. 311-11, R. 322-30 et R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution, et 114 du code de procédure civile. »

Réponse au moyen

Vu les articles R. 322-31 du code de procédures civiles d'exécution et 114 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, les actes de publicité préalable à l'adjudication doivent notamment mentionner la désignation de l'immeuble saisi et une description sommaire indiquant sa nature, son occupation éventuelle et tous éléments connus relatifs à sa superficie ainsi que, le cas échéant, les dates et heures de visite une description sommaire du bien.

14. La désignation et la description du bien doivent être exemptes d'erreurs et correspondre à la réalité au bien saisi.

15. Pour débouter M. [Y] et Mme [F] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'annonce légale et de l'affiche apposée au greffe et rejeter subséquemment leur demande tendant à voir prononcer la caducité du commandement de payer valant saisie, l'arrêt retient encore que les actes de publicité sont identiques à la désignation des biens saisis tels que figurant dans le commandement et le cahier des conditions de vente et contiennent une description sommaire conforme à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la description du bien dans les actes de publicité correspondait à sa description réelle et non à celle figurant dans le commandement valant saisie et dans le cahier des conditions de vente et, le cas échéant, de rechercher si une telle erreur de description du bien avait causé un grief à M. [Y] et à Mme [F], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Marc Lévis ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-11.081, (B) (R), FS

Rejet

Commandement – Caducité – Effets – Etendue – Détermination – Portée

Le prononcé de la caducité ne fait pas perdre son fondement juridique à la disposition d'un jugement, rendu à l'occasion d'une saisie immobilière, qui a statué sur une contestation ou une demande portant sur le fond du droit, disposition revêtue de l'autorité de la chose jugée. Dès lors que l'arrêt attaqué a fixé le montant de la créance du poursuivant, le pourvoi contre celui-ci conserve son objet et est recevable, en tant qu'il attaque ce chef de dispositif et ceux qui lui sont directement liés.

Commandement – Caducité – Effets – Disposition d'un jugement ayant statué sur une contestation ou une demande portant sur le fond du droit – Perte de fondement juridique (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2019), sur des poursuites de saisie immobilière diligentées contre la société Eurise, tiers détenteur, par l'agent comptable du service des impôts de [Localité 10] (le Trésor public), celui-ci lui a délivré un commandement de payer ou de délaisser après avoir délivré un commandement de payer à M. [E], débiteur.

2. Par jugement d'orientation du 11 décembre 2008, un juge de l'exécution a notamment validé la procédure de saisie immobilière, ordonné la vente forcée et fixé la date d'adjudication. M. [E] et la société Eurise ont relevé appel de ce jugement. Celui-ci a été confirmé par l'arrêt du 21 novembre 2019, sauf en ce qui concerne le montant de la créance qu'elle a réduit.

Recevabilité, contestée par la défense, et objet du pourvoi

3. Le prononcé de la caducité ne fait pas perdre son fondement juridique à la disposition d'un jugement, rendu à l'occasion d'une saisie immobilière, qui a statué sur une contestation ou une demande portant sur le fond du droit, disposition revêtue de l'autorité de la chose jugée.

4. La cour d'appel ayant fixé le montant de la créance du poursuivant, le pourvoi conserve son objet et est recevable, en tant qu'il attaque ce chef de dispositif, et ceux ayant déclaré irrecevables les conclusions de M. [E] et les contestations et demandes de la société Eurise.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [E] et la société Eurise font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les conclusions prises au nom de M. [E] et, en conséquence, de confirmer le jugement d'orientation entrepris ayant ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 7], sauf à réduire à la somme de 391 439,57 euros le montant de la créance de l'administration poursuivante, alors :

« 1°/ que les conclusions d'une partie ayant mentionné un domicile inexact sont recevables dès que l'indication du domicile réel a été fournie ; qu'ayant relevé que si M. [E] avait d'abord communiqué une adresse postale ne correspondant pas à son domicile, il avait ultérieurement indiqué son domicile réel, correspondant à celui mentionné sur son passeport, la cour d'appel ne pouvait exiger en outre, pour déclarer néanmoins irrecevables ses conclusions, qu'il justifie davantage encore de l'effectivité de ce domicile, quand il incombait à l'administration fiscale, qui entendait se prévaloir de l'irrecevabilité desdites écritures, de justifier le cas échéant que le domicile ainsi indiqué était inexact ou fictif ; que l'arrêt a donc été rendu au prix d'une violation des articles 961 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;

2°/ que les conclusions d'une partie ayant mentionné un domicile inexact sont recevables dès que l'indication du domicile réel a été fournie ; qu'en se bornant à relever que la production par M. [E] d'une copie de la première page de son passeport délivré en 2014 mentionnant comme domicile la nouvelle adresse qu'il avait indiquée était insuffisante à établir l'effectivité de ce domicile, sans pour autant constater son inexactitude ou son caractère fictif, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 961 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 961 du code de procédure civile, les conclusions des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, indiquer, pour les personnes physiques, leur domicile réel.

7. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

8. Il en résulte que, si la charge de la preuve de la fictivité du domicile pèse sur celui qui se prévaut de cette irrégularité, il appartient à celui qui prétend la régulariser de prouver que la nouvelle adresse indiquée constitue son domicile réel.

9. Ayant souverainement retenu que, dans sa déclaration d'appel et ses écritures, M. [E] se disait domicilié à [Localité 8], Floride, Etats-Unis d'Amérique, mais qu'il résultait des pièces produites par le créancier poursuivant qu'il s'agissait d'une propriété vacante, que M. [E] ne contestait pas ne pas résider à cette adresse et que dans ses dernières écritures, il se disait être domicilié à [Adresse 6] au Panama, sans justifier de l'effectivité de ce domicile, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré ses conclusions irrecevables.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. [E] et la société Eurise font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les contestations et demandes incidentes présentées par la société Eurise et, en conséquence, de confirmer le jugement d'orientation entrepris ayant ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 7], sauf à réduire à la somme de 391 439,57 euros le montant de la créance de l'administration poursuivante, alors « que même si la saisie immobilière est diligentée contre le tiers détenteur de l'immeuble sur lequel le créancier poursuivant dispose d'un droit de suite, le droit à un procès équitable, en ce qu'il postule le respect des droits de la défense et l'exigence d'un procès à armes égales, implique que le débiteur principal soit régulièrement assigné à l'audience d'orientation, aux côtés du tiers détenteur, à l'effet de lui permettre de contester utilement l'existence, l'étendue ou encore l'exigibilité de la créance qui fonde les poursuites et de se prémunir par la même du recours ultérieur dont dispose à son encontre le tiers détenteur ; que dès lors, en considérant qu'il était indifférent que l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation délivrée à M. [E] fût entachée de nullité, motif pris qu'aucune disposition légale n'exige que le débiteur soit assigné à l'audience d'orientation quand la saisie immobilière est poursuivie contre le tiers détenteur, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article R. 321-19 du code des procédures civiles d'exécution, la signification du commandement de payer valant saisie au tiers détenteur, produit à l'égard de celui-ci les effets attachés à la signification au débiteur du commandement de payer valant saisie. A défaut pour le tiers détenteur de satisfaire à la sommation qui lui est faite, la saisie immobilière et la vente sont poursuivies à l'encontre de celui-ci, selon les modalités prévues par le livre III de ce code.

12. Il ne résulte ni de l'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, ni d'aucun autre texte qu'en cas de saisie immobilière entre les mains d'un tiers détenteur, le débiteur des causes de la saisie doive être assigné à l'audience d'orientation.

13. Par ailleurs, le débiteur est recevable à former tierce opposition contre le jugement d'orientation, et est, préalablement à la procédure judiciaire, destinataire, en application de l'article R. 321-5 du même code, d'un commandement de payer mentionnant la délivrance du commandement valant saisie au tiers détenteur.

14. Il est mis en mesure de faire valoir ses droits et c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE le pourvoi irrecevable sauf en ce qu'il attaque le chef de dispositif ayant fixé le montant de la créance du comptable du service des impôts des particuliers de [Localité 10] agglomération, et ceux ayant déclaré irrecevables les conclusions de M. [E] et les contestations et demandes de la société Eurise ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 961 du code de procédure civile.

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